17.01.12
ce qu'il faut probablement trouver ce n'est pas tellement continuer à malaxer la matière-lang, que de trouver le nouveau point de vue (cf analyse de Bergounioux sur l'avancée de Faulkner).
ce n'est peut-être pas tant la lang qu'il faut décaler, décoller par le dessous, que le point de vue, le point de conscience.
on écrit toujours comme si l'on avait la langue devant soi, alors qu'elle est en nous.
ce n'est pas un outil que nous avons en bout de bras, comme une extension, mais bien plus un organe (propre à l'homme, mais aussi dans une certaine mesure présent chez l'animal, et le végétal, à l'état d'éléments simples de communication, de signaux, aux articulations et emboîtements certes à peine syntaxiques. un organe à fonctionnement non-automatique qui nécessite un environnement favorable à son apprentissage, comme l'est la marche.)
nous ne sommes jamais en position de recul par rapport au langage. bouillonnant, il nous emplit, nous inonde, nous dépasse… et bien qu'il soit en deçà, toujours, de la capacité à dire le réel pleinement, il le constitue. il est dedans. et sans doute est-ce parce qu'il en est une constituante qu'il ne peut le dire pleinement ce réel : il ne peut le "surplomber", le voir largement et globalement. il ne peut s'extraire pour en avoir une position et vision reculées.
la langue ne sait dire, et nous dire, que par bribes et lambeaux, brisures parcellaires. elle ne peut qu'échouer, et c'est ce déséquilibre qui lui donne son mouvement et son développement (comme la marche, tiens, encore). en émission, elle est babil, luttant avec la vanité de son objectif, et, dans sa réception, nous avons le plus grand mal à écouter véritablement. qui pourrait vraiment écouter pleinement l'autre ? ce serait parvenir à réduire le trou de langue, sa distance au réel…

pas facile tous les jours d'être clair, je le vois bien ici. là, aujourd'hui, au fond de la mine, la lumière de la frontale est bien vacillante.

mais reste cette intuition d'un retournement, d'un décalage du point de vue (ou en tout cas de ce que j'appelle encore imparfaitement "point de vue"), nécessaire, mais aussi possible.
si cela est encore bien flou, une bascule me paraît pourtant plausible et envisageable.
intuition qui était celle aussi expliquée dans la note "parler et se taire".

bon je cafouille là. ce pourrait être intéressant peut-être de laisser ici ces traces de cafouillages. voir la pensée peiner, galérer. la pensée tenter de se dénouer, se dérouler, avec son appareillage de vocables issus d'une lignée de mots forgés pour la réflexion, la considération… pas de ces mêmes mots exactement, et pas de ces mêmes syntaxes, tournures, articulations de langue, que ceux utiles pour la rue.

déboîter donc, décaler… longtemps que cela me trotte. mais il n'est pas donné d'un coup de cuillère à pot d'avoir l'angle de vision neuf, donc la vision neuve. mais peut-être en est-on en bordure…