Il y a deux façons de dire : parler et se taire.

Fernando Pessoa – A. de Campos, Une autre note au petit bonheur



9.8.11

dix jours de boulot déjà passés à n'avoir eu qu'écrire à faire... une semaine encore devant, plus seul encore. plus dans le silence...
vraiment là qu'est mon rythme. là que je sens ma place. profondément.

seul. grand silence.
rythme de fond. immergé. jusqu'à des 6h du mat.
à travailler sur UUuU, à explorer l'art pariétal, rupestre, les alphabets et signes anciens, et même l'essentielle archéo-astronomie…

in projet d'écriture UUuU :
Et cela amène, plus largement, à une réflexion de fond : sur ce que nous choisissons de laisser comme trace, sur le type de signes-symboles qui feraient sens au mieux pour dire ce que nous sommes, sur quel langage nouveau travailler pour inscrire cela, sur quelle liberté poétique tabler pour s'inscrire dans une création qui soit révélante et partageable…


mais temps maintenant de prendre un peu de recul, pour voir mieux…


10.8.11

aller toujours à l'invention d'une lang adéquate à cet énorme bruit du silence, qui est notre impossible dire.
in Refonder | book 0 - fin (10.11.09)

cet éreintement de notre pensée. comment elle se noie en elle-même. comment elle n'est et ne peut être qu'en elle-même. dans son bruit. toujours.
c'est le trou entre les mots qui importe, obsède. cet enfoncement de silence. cet épuisement de nos industries. cette fin pour nous. infinissable.
in Refonder | ce trou (6.11.09)



reprendre toute liberté.
en particulier : sur ce que je dis ci-dessus, cela est sans doute vrai, mais c'est quand même une vision, si ce n'est périmée, en tout cas relativement rabâchée. évidemment 1- le silence est notre "trou noir" d'origine, et 2- nous ne pouvons réduire la distance du réel, toujours ressenti, au langage qui le dit… mais n'y aurait-il pas une autre vision, approche possible ? laquelle ?
c'est sans doute là le début d'une intuition nouvelle, importante, majeure.
(cette distance du réel à ce que nous en percevons : on pourrait la comparer à la "matière noire", pour reprendre encore le terme des astronomes, qui nous est invisible, et remplit 72% de l'espace, c'est-à-dire l'immense partie des interstices entre les objets que nous connaissons et pouvons voir. le langage est ainsi, en grande partie aveugle. le langage est, comme tout moyen d'appréhension du cerveau, à notre échelle strictement et ne peut nous dépasser, ne peut nous dire entièrement).
toute tentative de concevoir la velléité de langage se réduirait-elle au silence, à l'énergie et mouvement qui l'a fait naître, et à sa tentative d'échouer moins ? ou bien peut-on découvrir autre chose comme axe, base, fondement à son émergence et flux ?

poursuivre cela : dans les notes (Refonder va alors peut-être de nouveau bien porter son nom). parallèlement à UUuU.
c'est là sans doute un chantier de fond, sans fond, qui s'ouvre là. une remise en cause, ou tout de moins le fait de ne pas prendre pour acquis ce qui semblerait l'être. se dégager du discours "commun", qui me semble valide, sensé, fruit d'une longue expérience de langue certes, pour le re-valider éventuellement… mais avant tout le re-mettre en cause, se dégager du communément accepté (peut-être parce que le simple fait qu'il soit "communément" accepté par un large auditoire dans un élan vif me semble un peu louche, en tout cas c'est sans doute preuve que l'on peut aller plus loin).
l'exercice là aussi de ma liberté. sans doute même une reprise de liberté.

alors quoi ?
rien d'autre que cet échouage toujours, que ce silence comme matrice ?


28.8.11

après m'être efforcé de rejoindre les milieux de personnes ayant même souci de langue et pratiquants plus ou moins les mêmes œuvres, je me laisse en définitive un peu en marge de ces réseaux de la littérature et de la poésie, qui, comme tout réseaux, ont tendance à pouvoir ne dialoguer qu'entre eux, et à regarder concentriquement vers eux-mêmes… pas que ce soit un trait particulier à ces "familles" et cercles-là mais bien plus une caractéristique sociétale commune… c'est mon vieux côté indèp, d'une liberté d'appartenance radicale, d'une volonté (ceci dit est-ce bien là quelque chose de choisi ?) de se démarquer non pas par snobisme, défiance, ou orgueil, mais par goût ancré je crois du recul, par constitution intime innée de regarder au-delà du mouvement majoritaire et le plus large… une façon d'être ainsi : comme nous regardant du haut d'une falaise, et nous en bas (c'est-à-dire moi compris), jouant, si petits, bien grands qu'à notre échelle…
lorsqu'une foule court, qu'elle sache ou pas où elle va, je la regarde d'abord courir. c'est ainsi : je suis totalement dépourvu d'instinct grégaire…
mais je ne crois pas non plus aller vers une douce misanthropie rousseauiste, bien que mon goût pour la nature, silencieuse du bruit des hommes, pourrait m'en rapprocher. en fait j'oscille sans cesse entre la recherche de l'isolement et le goût de la rencontre et de l'exposition publique… mais je cherche surtout et j'attends de la forme inouïe, du nouveau, je cherche et j'attends du décalé, du à part, je cherche et j'attends du point de vue original…
peut-être y reviendrai-je bientôt un peu à ces réseaux, y serai-je à nouveau plus actif… car il faut bien dire que, dans ce retrait non stratégique, mais qui pourrait être pris pour tel comme une mise en aplomb de soi-même sur les autres, reste tout de même la nécessité première de ne pas s'isoler complètement, pour dialoguer, pour avoir vie d'échange, pour y trouver confrontation positive, et même le désir plus trivial d'être lu, d'être entendu si ce n'est écouté, d'être sollicité, et même parfois d'espérer manger un peu par cette drôle d'activité intime d'écrire.

Ma position à l'égard du monde actuel ne changera plus beaucoup. Je ne crois pas à notre science, ni à notre politique, ni à notre façon de penser, de croire, de nous divertir, je ne partage aucun des idéaux de notre temps. Mais je ne suis pas pour autant un homme sans foi. Je crois aux lois de l'humanité, vieilles de plusieurs millénaires, et je crois qu'elles survivront à tous les troubles de notre époque.
Hermann Hesse. 4 mai 1931.
lettre à A Monsieur R. B. - Ausgewählte Briefe



je lis dans le livre d'un ami "Cette survie dépend de la manière dont nous nous conformons à ce qui nous est demandé par ceux qui réduisent nos existences à l’état de formulaires."
certes. mais nous avons, chacun, une responsabilité, et individuelle et collective, dans cette construction "d'une existence de formulaires" : celle de l'accepter servilement, ou non. là se joue volonté, nécessité, constitution intime (que l'on a, ou pas) d'indépendance et liberté.