09.09.12
Paris.

I love the sensation of elevated vigilance that comes from not having any notion of what he might do next.

Adorno - Mininima Moralia (Réflexions sur la vie mutilée)
153 petits « essays » et aphorismes


et c'est probablement ce que j'aime dans le "work in progress", réalisé à vue.


dimanche à travailler, comme souvent. de 13h à 2h du mat.
juste prendre l'air en milieu d'aprem, dehors, allongé, le cul dans la pelouse.

ouais je suis sur la bonne voix probablement, mais infinissable…
un truc qu'est là, vissé au fond du bide. indéviable. un lieu où n'ont plus cours les questions de réussite ou d'échec, mais celles d'avancée/avancer. un lieu où la critique et la confrontation n'affectent pas, mais nourrissent.



10.09.12
Paris.
ciel gris mais clair.

fatigué. sans doute à cause des fumeries des derniers jours et des moitiés de nuits passées debout.

boulot de gestion de l'escalade, courses alimentaires, puis je prépare mes lectures d'octobre, en montagne dans le Jura, que je ferai aux côtés de Caravaca.

se piquer entre tenanciers de journal, des sources, des points d'appuis, des citations. ici à Florence Trocmé et son flotoir :

Lorsque quelqu’un déploie une véritable acuité intellectuelle, cela s’accompagne toujours d’un exil. Et cet exil peut être purement psychologique, ça peut être d’une langue à l’autre, ça peut être d’un domaine de la connaissance à l’autre, c’est “l’inter”. Or cette acuité intellectuelle, comme toute acuité avec son tranchant, c’est la critique ; elle met en crise toutes les convictions tout simplement garanties par une tradition, une autorité. Et quand je dis “acuité intellectuelle”, j’entends par là une forme de fonctionnement de l’esprit qui n’a pas pour finalité de reconduire une forme de sédentarisation. Ça reste en suspense et ça n’existe que dans le temps dans lequel s‘inscrit ce mouvement critique ou herméneutique qui fait que les choses ne sont pas simplement ce qu’elles semblent être, en vertu de ce qu’on s’est mis d’accord pour penser qu’elles soient. Parce que le consensus virorum doctorum, parmi d’autres consensus, est ce qu’il a de plus suspect du point de vue de l’acuité intellectuelle. Or l’acuité intellectuelle, qui est le propre de l’exilé, suscite invariablement la méfiance des sédentaires, qui refusent de se dessaisir de leurs certitudes immédiates. Ils sont des « enracinés » qui se contentent, comme une plante, de l’immobilité absolue dans laquelle ils trouvent leur satisfaction.

Heinz Wismann
Entre les langues (pp. 43 et 44)


sans jouer une posture, et je ne sais pas si j'ai une quelconque "acuité", mais je n'ai jamais senti avoir d'autre position, naturelle, que celle décrite ici par Heinz Wismann.
c'est ainsi, né avec ça.


relu la note noter et écrire (5), quelque chose de pivot là.



11.09.12
Paris.
petite pluie quasi continue depuis hier au soir, après la tombée de la nuit. c'est une pluie gentille, légère, fraîche, mais tenace.

je commence à prévoir mon hiver : du travail avant tout, que je vais mener dans une alternance de lieux (bords de mer, cabane sur causses, différentes villes et montagnes…). cela, sans doute, permettra d'avancer mieux, par l'isolement d'abord, et puis par le renouvellement des environnements, des airs, des rythmes, des activités qu'ils induisent.


Refonder : tenter ici le plus souvent possible de poser les réflexions, les notes dans une perspective de portée générale. je ne cherche pas à y porter l'anecdotique, le trop dépendant d'une période, ou d'une actualité temporelle ou strictement personnelle. dézoomer.
même les indications "météorologiques", qui pourraient sembler être le comble de l'anecdotique, constituent en fait le marquage du tempo, du temps qui va… et puis c'est aussi la marque d'une connexion au dehors, et à ce qui tourne autour de nous… (tout comme pour les agriculteurs, les bergers, les astronomes, comme pour nos ancêtres…)

Georg Christoph Lichtenberg
Aphorismes (titre original : Sudelbuch) :

Je ne sais d’où cela vient, mais le mot ironique exprime pour moi infiniment plus de choses qu’il n’y en a dans le dictionnaire.

Cet homme travaillait à un système d’histoire naturelle dans lequel il étudiait les animaux d’après la forme de leurs excréments. Il distinguait trois classes : les cylindriques, les sphériques et ceux en forme de tourte.

Aphorismes, cahier 1 (1764-1771)

Un sérieux affecté qui aboutit en fin de compte à une paralysie morale des muscles de la face.

Aphorismes, cahier 2 (1772-1775)

Pour trouver quelque chose, beaucoup d’hommes – la plupart peut-être – ont besoin de savoir que ce quelque chose existe.

Il faut faire du nouveau pour voir quelque chose de nouveau.

Il faut croire que le monde n’est pas encore très vieux, puisque les hommes ne peuvent pas encore voler.

Il existe des gens qui n’entendent pas, jusqu’à ce qu’on leur coupe les oreilles.

Ce livre avait l’effet qu’ont habituellement presque tous les bons livres : il rendait les niais plus niais encore, les gens intelligents, plus intelligents, et les milliers d’autres restaient inchangés.

Il pleuvait si fort que tous les porcs devinrent propres et tous les hommes crottés.

Il était là, aussi triste que la mangeoire d’un oiseau crevé.

Aphorismes, cahier 3 (1775-1779)

L’ivresse, comme la peinture, comporte une partie mécanique et une partie poétique ; l’amour aussi d’ailleurs.

Aphorismes, cahier 4 (1789-1793)

Il avait un petit commerce d’éclipses.

Potence pourvue d’un paratonnerre.

Aphorismes, cahier 5 (1793-1799)

L'Astronomie est peut-être la science où le plus petit nombre de découvertes est dû au hasard ; la science où l'esprit humain apparaît dans toute sa grandeur et par laquelle l'homme peut le mieux s'instruire de son néant.

Le Miroir de l’âme




12.09.12
Paris.
gris. frais.

scène, tchatche publique :
intenses, immensément longues et souvent insoupçonnables préparations préalables (ou alors, plus rarement, très brève répète ; ou rien), puis, lors de la présentation, lâché, abandon complet à l'énergie qui se joue là.


avoir une voix est déjà considérable. savoir s'y renouveler, donc savoir avoir suffisamment de recul, de temps en temps, pour se foutre un coup de pied au cul, tout en gardant son axe, quelque chose d'encore moins aisé.
pour parler, mais surtout écrire avec ma propre langue, il m'a fallu combien de temps, si tant est que j'y sois parvenu ? se renouveler est-ce que je sais le faire ? parfois, probablement, mais là aujourd'hui, c'est ma compagne qui me l'a mis le coup de pied au cul.

ne pas confondre également se renouveler avec se diversifier. il ne s'agit pas ici de rajouter des branches à l'arbre, mais de lui faire pousser des fruits neufs. et si possible d'une autre variété, d'opérer de temps en temps des greffes… et là c'est une autre paire de manche !
on sait que l'on écrit toute sa vie le même livre, que l'on est à peu près toujours travaillé par les mêmes "thèmes" obsessifs qui constituent l'originalité d'une voix, mais, s'il s'agit toujours d'invention des formes (c'est l'enjeu de la poésie), il s'agit aussi ici de renouveler ses sujets propres.
se renouveler est peu loin de décaler, c'est-à-dire de renouveler l'angle de vue, qui est pour moi l'enjeu de bloc, en tout cas lors de son démarrage. il commence d'ailleurs là-dessus.
ceci dit, là-dedans j'y parle encore une fois de langue d'abord, de ce décalage recherché dans la langue, mais ne serait-il pas possible que l'écriture poétique puisse s'oublier tout à fait et ne parler que d'autre chose que d'elle-même ?
(en lien avec cette note)



13.09.12
l'autre boulot : tyrolienne et rappels sur clocher.



15.09.12
Paris.
beau temps. ciel clair. quelques tout petits nuages parsemés.

le bonhomme lui est moins clair : un moral de levé du pied gauche (et je me rappelle alors que "gauche" se disait autrefois "senestre", qui a même origine que "sinistre").
dans un mutisme donc, et je préfère cela.


je ne sais pas si ma position d'indépendant est viable, mais je ne sais en adopter d'autre… si elle prend peut-être le risque de m'isoler, je crois par contre qu'elle m'évite nombre de mouvements vers le courant dominant, de mouvements de suivi seulement. sans doute me garantit-elle aussi des relations librement choisies avec les autres, comme l'on dit "être dans une relation libre avec quelqu'un". pas de mariage strictement d'intérêt, mais des liens à garder vifs sans cesse sans contrat de profit, sans se nouer à l'autre par pulsion d'appartenance, pulsion grégaire, adhésion ovine.
mais l'on doit alors, en conséquence, construire et son travail et sa pensée par soi-même, inventer sa ligne propre, sans pour autant se dispenser des influences ni se couper des affections et des fraternités.
cette indépendance est peut-être un risque pris en terme de situation dans ce qui n'est pas un métier, mais une recherche. mais il me semble qu'ainsi, si l'œuvre tient un tout petit peu la rampe, elle tiendra aussi plus longtemps. elle n'aura pas été construite par simple mouvement dans le courant .



17.09.12
Paris.
grand beau. c'est une expression, car j'aime aussi la pluie, qui peut être belle. et le temps mauvais parfois.

le moment des notes est un moment d'abri. à soi. d'isolement des tâches, des autres, de ce qui détourne, du bruit ; en soi, centré ; mais entièrement connecté, pleinement tourné, profondément attentif à tout ce qui nous entoure, hors soi.