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 du seul s'enfoncer
 
paris _ mère
jour _ fin journée _ nuit _ fin nuit
soleil puis pluie
avec ma mère aujourd'hui dans les rues grouillantes de paris ma mère qui parle qui parle dans le volume d'images tout à fait taré qui nous arrive dans la tête quand nous fendons la foule fendons le flot milliards d'image-secondes de trucs de tronches de looks de flashs en fendant la foule le flot l'inondation marée humaine de la rue st denis un samedi après-midi de soleil et de vent froid mars 2002 dans la foule la rue la foirade la noyade les tendances tendances dans le fluide le flux emporte tout tout emporte et nous fendons la foule en sens inverse avec ma mère qui parle qui parle et regarde tout et me suit sous le soleil vent frais ce 25 mars 2002 paris
on descend vers la seine les quais transit dans les rues les ruelles flâne marche sans savoir où sans savoir où aller sans savoir où on va aller
au bord de la seine le floc floc drisses cliquètent contre les mâts rappellent foule de bateaux port de plaisance quand la brise

le ciel le ciel là on voit le ciel depuis la seine le ciel enfin le ciel en face grand plaisir de voir enfin le ciel ainsi devant soi sans avoir à lever le pif le ciel ainsi la grande ouverture du ciel devant soi
de gros nuages bourgeonnent en face de gros nuages noirs gris foncés clairs l’orage l’orage arrive au dessus la seine
l’orage s'accumule et s'avance un orage noir violet arrive un orage devance la tour eiffel et les nuages engloutissent et le ciel et la tour eiffel les nuages se développent bourgeonnent s'amoncellent le ciel le ciel ne bouge pas et les nuages roulent grossissent
les nuages avancent courent avancent le vent se lève les gouttes soudain claquent éclatent les taches sur le bitume éclatent le bitume chaud l'odeur de grésil l'odeur de chaud l'odeur de terre l'odeur de ville éclate
le ciel le ciel avance nous fond dessus on veut résister braver le vent et la pluie mais ça nous fond dessus violent froid trempé et tout d’un coup tout le monde se met à courir déguerpir filer se barrer on court sur le pont traverse le pont traverse la seine on va se planquer sous une porte ça tombe ça tombe ça éclabousse nos pieds ça trempe nos pantalons on frissonne on regarde tout ça passer ça trouble l’eau du fleuve ça efface les péniches ça efface les façades en face les arbres secoués comme des bêtes on grelotte on commence à se cailler la pluie pénètre horizontale dans notre abri la ville est noire grise d’un beau noir d’un beau gris les parapluies on regarde le pont en bois qui doit être bien glissant maintenant et puis soudain très vite le vent se calme un peu tombe les gouttes éclatent un peu moins violemment les gouttes s’espacent les gouttes se fatiguent le vent tombe peu à peu quelques gouttes puis quelques gouttes une ou deux gouttes encore les façades en face se rallument reviennent les péniches réapparaissent les arbres s’égouttent les feuilles gouttent la ville lessivée trempée
le ciel le ciel avance puis le soleil
le retour du soleil le soleil peu à peu première lumière jaune trois rayons se glissent entre les nuages les nuages glissent partent lentement filent le vent le front de nuages part doucement vers l’est on ressort de sous notre porte de notre abri les passants sortent ça s’anime à nouveau les parapluies se referment les cafés rouvrent leurs portes et les laissent ouvertes

oui mais quoi aujourd'hui soleil sur dans quoi la foule trottoirs aujourd'hui inondés inondés
les fesses oui monde beaucoup des têtes des têtes crêtes vaguelettes comme milliers de fleurs d'écume oui crêtes vaguelettes des têtes des têtes des milliers sur le trottoir sous le le soleil aujourd'hui
des milliers flottantes vaguelantes tanguantes des fesses oui aujourd'hui

je suis dans ce flot c'est la vie la foule qui passe brute mouvante un brouhaha un croisement des voix des pensées des visages autant de visages
métro les voix et les voix oui et les voix
je suis dans ce flot moi aussi je pense moi aussi je pense tout le temps c'est peut-être une vraie manie une vraie manie de penser de voir de sentir de travailler moi aussi je pense et les pensées des gens laissent comme des traces des effluves de leur passage à la sortie des effluves de leurs pensées à la sortie du wagon de métro
des pensées qui retournent qui avancent qui s'installent qui hésitent se mettent en doute qui font que ces corps finalement qui font que leurs yeux finalement qui font une palpitation une présence une effluve dans les couloirs du métro dans les wagons du métro dans leurs yeux finalement
moi aussi je pense

circulation des voix des voix et des visages et des têtes circulation des flots des courants des passages à gare du nord sous terre des flots qui se croisent sortent soudain d'un tunnel sortent se croisent c'est un passage c'est-à-dire ne fait que passer ne s'y attarde pas l'image semblable d'un corps au microscope de ses fourmillances scintillements passages passages de vie d'éléments cellules molécules atomes ou vitesse image système cosmique stellaire sanguine
à gare du nord on se croise on ne peut plus se regarder on ne peut plus ce sont des éléments des éléments des individus pourtant on ne peut plus on marche on marche on court on rattrape le temps on rattrape le train on rattrape la vie on court on vit

la mouche frotte ses petites pattes l'une contre l'autre

la maison au retour est calme le bureau j'y suis tout le temps c'est sans doute le meuble principal la pièce la maison est calme au fond de la cour quelques fleurs à côté de la fenêtre le bureau quelque chose ici quelque chose qui procure ce calme qui fait que l'on peut rester plusieurs jours ici à travailler sans presque sortir sans presque mais de temps en temps tout de même pour s'aérer voir du monde prendre un verre pour bouger aussi
cette petite pièce unique tout de suite on sent qu'elle a quelque chose quelque chose qui est posé là qui touche finalement presque tous ceux qui y arrivent
calme pour écrire

la mouche est encore là je la chassais encore tout à l'heure j'ai arrêté elle revient elle revient sur le bord de l'écran à chaque fois je ne sais pas ce qu'elle y trouve je ne comprend pas je ne sais pas ce qui peut lui plaire à elle peut-être la lumière le scintillement de l'écran la page peut-être je ne sais pas on n'y croit pas à ça c'est de la compagnie qu'elle cherche pourtant non vue de ma position je ne crois pas qu'elle cherche quoi que ce soit mais ma compagnie peut-être lui plait lui plait sans la chercher pour autant
j'écris il est toujours possible d'écrire j'écris sur cette mouche c'était il y a une semaine qu'elle était là elle a passé toute la journée sur le bord de mon écran et puis tout d'un coup je ne l'ai plus vue je ne me souviens pas quand elle est partie à quel moment si c'est quand je me suis couché pendant mon sommeil si c'était avant qu'elle s'est lassée qu'elle a trouvé autre chose ou que simplement quelque chose quoi le hasard peut-être qu'est-ce qui se passe en elle le hasard de ses atterrissages quoi le hasard ailleurs le hasard dans son cerveau de mouche sa vie de mouche vivre mouche être mouche là posée au hasard ou alors des raisons obscures quoi d'être posée à cet endroit là précisément là sur le bord de mon écran à frotter ses petites pattes noires
aujourd'hui j'écris sur la mouche et sur l'orage sur la seine qui est arrivé il y a trois jours et sur le métro sur la piste d'envol aérogare de la gare du nord sur la mouche sur les gens qui se croisent qui courent qui frottent leurs petites pattes qui ont eux des raisons on dirait d'aller là où ils vont
aujourd'hui j'ai fait ça et puis j'ai fait d'autres choses
j'ai fait ça et puis je suis allé travailler c'est bien ça me sort de travailler ça me bouge c'est manuel et intellectuel à la fois c'est exactement ce qu'il me faut
Lo va arriver je l'attend je sais que quand elle sera là ça ne sera plus pareil pour écrire je serais moins dedans mais j'ai envie de la voir aussi je sais que je ne pourrais plus écrire comme tout à l'heure à moins qu'après quand elle sera couchée qu'elle dormira je me remette au bureau à écrire je ne dors plus ces temps-ci que quelques heures un peu la nuit je ne dors plus je n'arrête pas des idées plein la tête plein d'idées de choses à faire à imaginer à créer à lancer à construire des choses qui me viennent des pistes
d'où je tire cette énergie cette excitation cet énervement cette excitation une excitation au fond une tension tendu vers je n'arrête pas et pourtant je suis calme extrêmement calme posé étrangement sûr sûr de mon fait aller plus vite plus fort plus intense net précis concis
de petits flèches tendues précises
sinon ennui mort fane étiole
et pourtant je sais bien que bientôt plus tard ce sera peut-être plus fade plus terne quand je serais fatigué complètement complètement à bout que le corps lui sera crevé que moins de choses arriveront moins de choses me traverseront que le corps réclamera que la tête voudra
la mouche n'est plus là Lo est arrivée

nuit encore une fois toutes les nuits en ce moment c’est comme ça nuit
plus tard cinq heure du matin j'éteinsmachineordi crevé exténué

parler sur la nuit marcher s'enfoncer