lu 16.03.15

Paris.
à mon retour, le prunier en fleurs.

pour le reste, humeur mélancolique.

 

ma 17.03.15
Paris.
le prunier, et son rejet quelques mètres derrière, majestueux en fleurs, comme en neige.

encore un ami proche, plein de ressources, de compétences, d’expériences importantes et de créativité débordante qui non seulement recherche du boulot mais également un nouveau rapport au boulot.
nous devons en ce moment nous créer une économie du rapport au travail : c’est-à-dire à la fois avoir de l’imagination sur le moyen ou long terme, et l’obligation de vivre au jour le jour ce qui vient.

 

ve 20.03.15
Paris.
au matin éclipse de soleil à 80%, mais un plafond nuageux homogène nous empêche de la voir, si ce n’est cette baisse de luminosité caractéristique, uniformément laiteuse… la température par contre varie peu.

folles journées auxquelles se rajoutent panne d'électricité puis fuite de chauffe-eau, difficile à remplacer. la fatigue, les tensions générées, la colère. de ce genre de colères que je me promet de ne plus avoir, entre autre pour mon fils.
pas de temps pour quelques instants de calme, de recul avant aujourd'hui, peut-être.
plus tard… enfin du temps, un tout petit peu de temps, à peine un petit peu de temps, pour poser, un peu de recul.

 

sa 21.03.15
Paris.
équinoxe.

je suis un peu perdu en ce moment…
je gère mal la pression lorsque je n’ai ni mon espace ni mon temps, et me mets alors de la surpression, de l’énervement, de la fatigue en plus.
côté boulot, je me suis peu à peu marginalisé, par l’habitude de l’indépendance, mais aussi en voulant progressivement bosser moins pour ce qui faisait moins sens pour moi, en bossant moins pour du purement alimentaire.
cela m’a même amené parfois à un relatif mépris du boulot des autres, aigri. alors que chaque boulot a une valeur intrinsèque.
je fais aussi beaucoup trop de boulot de projections, de réflexion, de préparation, de notes, inutiles…
aller vers des fonctionnements autres, plus bienveillants… retourner un peu vers le social. j’en ai besoin comme les autres en ont besoin, tout comme notre fonctionnement sociétal en a besoin.
voilà le constat, assez triste mais qui a l’avantage de la lucidité.

 

di 22.03.15
Paris.

le prunier : le vert gagne progressivement par les branches basses, mais le haut, le houppier est encore blanc et on le dirait comme couvert, souligné de neige.

je n’arrive plus à tenir le rythme de publication du journal…

 

lu 23.03.15
Paris.

seul avec mon fils, pendant que S est parti à un festival de théâtre jusqu’à demain. être pleinement, tout à l’écoute, d’avantage même que lorsque je ne suis pas seul avec lui, se mobiliser pour être à son rythme, l’accompagner… écrire un petit peu pendant son sommeil.
sa grande sœur est parti tôt au matin, poursuivre son stage de journaliste qui la passionne… deux périodes, deux âges qui se côtoient.
le prunier poursuit son dégradé vers le vert, ses pétales blancs chutent et saupoudrent le sol. à la moindre brise, c’est une sensation de neige qui traversent le jardin en flottant.

plus tard, terrasse soleil pendant que le petit Tom roupille dans son carrosse… alors que je suis de garde 2 jours pendant que sa maman « festivale » j’ai abandonné toute velléité d’autres travaux… juste un peu du texte, de la voix, d’écoute des compositions musicales de l’album dans les petits moments que je parviens à avoir.

se tenir au journal peut-être, quand même, car il me tient. et peut-être plus que je ne le tiens.

je suis bien fatigué au soir, les bras presque courbaturés de l’avoir porté notre petit bout un bonne partie du jour.

 

au soir, album.
test voix : parler/dire normal. simple.
et ensuite voir si je sais encore dire.
voir ce qui reste. bosser avec.
pas d’intention, le texte lui les contient et les apportera de lui-même en étant dit, tout simplement.

 

ma 24.03.15
Paris.

chanter en méditant, le petit sur les genoux devant les chutes de pétales du prunier

 

me 25.03.15
Paris.
le prunier n'a plus que quelques plumets de pétales blancs. 
départ aux aurores pour Fontainebleau. fraîcheur.

oui véritablement vivre au jour le jour, l'instant, ne pas toujours être en réalité dans le vécu présent dans des moments toujours projetés vers l'avant, vers d'autres moments possibles. cette manière de projection est non seulement une conséquence inquiète d'être mais également l'une des sources de l'inquiétude.

l’avion A380 qui s’est crashé il y a quelques jours a fini sa course dans un lieu (sources du Galèbre au pied du Puy de la Seiche) que je connais bien pour y avoir marché et bivouaqué quelques jours il y a 2 ans, juste sur la crête au-dessus. c’est un très bel endroit, fort, sauvage, paumé, avec légèrement plus bas un minuscule bourg abandonné avec chapelle… où l’on trouve de ces nombreuses pentes de terres noires, concassées, qui sont sculptées, drainées par les eaux, en cônes enchâssés : les roubines.
cette émotion aussi médiatisée, donc nourrie, « épidémisée » à outrance, comme dans nombre d’événements et d’avantage depuis quelques années : conséquence d’un état technologique actuel de l’information et des réseaux, mais fait politique aussi semble-t-il, volonté d’attirer l’attention là sur l’événement plus que sur les graves questions de fond…

 

je 26.03.15
Paris.
froid, très humide. pluies intermittentes. 8 degrés dans l’appentis.

 

ve 27.03.15
Paris.
le grand à-plat bleu est enfin de retour, mais passagèrement car traversé de gros cumulus brillants blancs à leurs sommets et sur leurs flancs, sombres et gris à leurs bases.
en contre-jour, quelques abeilles visitent les fleurs du prunier.

 

sa 28.03.15
Paris.

ma fougue, mon énergie, tout aussi bien négatives que positives, constructives tout autant que sombres…

au jour le jour. instant par instant, moment par moment.

 

di 29.03.15
Paris.
vent, pluie.

 

lu 30.03.15
Paris.

coup de mou, sentiment d’un grand poids, de larges freins pour réussir ce que j’entreprends, et d’une réception difficile. alors me mettre plus à fond encore dans le boulot de l’album, là que ça fait sens pour moi, là que cela peut m’aider à émerger de la période, là que je respire.

 

ma 31.03.15
Paris.
vent fort toute la nuit, et encore le matin quoique s’essoufflant.

travail sur l’album, ça avance, enfin, la mise en voix prend forme, enfin.

 

me 01.04.15
Paris.

trop de choses foirent depuis 3 ans… une majeure partie des gros projets, des grosses constructions. encore ce matin des obstacles importants, contre toute attente !
difficultés pros qui usent, brisent les pattes. quelle hallucinante série !
du mal alors à garder le cœur haut…
je ne peux donc être pleinement épanoui si mes réalisations ne peuvent déboucher… je lutte contre des ombres, plus même que contre des adversités concrètes, tangibles.
heureusement il y a mon fils, la famille. pour le reste, je n’ai que le recours de vivre au jour le jour, prendre les moments au fur et à mesure de leurs venues.

je ne peux être heureux là-dedans, freiné, ou alors c'est que je me suis peu à peu pleinement désadapté. mais je vais rugir.
à force, je vais avoir un enthousiasme cannibale, sauvage, enragé, révolté.

Ces notes que j'accumule depuis trente ans dans le silence et dans l'ombre la plus intime et auxquelles je n'accordais, au début, aucune importance, sont devenues pour moi comme un inestimable trésor - le témoignage de la continuité et de la vie de ma pensée. Grâce à elles, que je peux à tout moment relire, je m'assure, revenant en arrière, que pendant tout ce temps je ne suis pas resté absolument en marge et inactif, que j'ai participé à la vie, gardé un contact sensible avec les êtres et les choses.

Reverdy, Livre de mon bord

 

je 02.04.15
Paris.
ça flotte.

mon fils et S partent quelques jours. je reste ici pour me centrer, me mobiliser, me préparer, travailler, et démarrer samedi les répétitions de l’album.
chanter.
exigence, détails.
écouter écouter écouter les autres

quelque chose où l’on peut rentrer dedans avec aisance, élan, mais aussi novateur, qui dérape, décale un peu ?
diriger, bien orienter vers ce que je veux

achat et renouvellement d’une partie du matos escalade.

fatigue.

 

ve 03.04.15
Paris.
le jardin est passé largement au vert, dans des nuances claires, fraîches…
pluie.

en fin d’après-midi, je recâble le micro.
bosse.
voix et réécris.

 

sa 04.04.15
Paris.
méditation fenêtre ouverte.

première séance avec zique (voix, guitare, batterie).
je reprends le crachoir. après un très long silence.
je me rends compte alors à quel point il fut réellement long.

 

di 05.04.15
Paris.
fatigue, sale nuit.

deuxième séance avec zique.
parler normal. il y aura toujours assez d’effets qui remonteront par la suite.

dessaisir l’auteur.
long travail de désaffection.
ce difficile glissement du statut d’auteur à celui d’interprète. ce glissement d’une lecture affectée, que l’on retient en soi de l’intérieur, à une interprétation lâchée, où l’on redécouvre le texte, comme entièrement nouveau, de l’extérieur.
se dessaisir du texte pour le ressaisir mais depuis la place, nouvelle, de l'interprète et non plus celle de l'auteur. c'est tout d'abord un travail « négatif » : c'est se déshabiller, se déposséder, se départir des abris, des refuges qui se nichent dans des tics, des effets personnels de voix, et cela est narcissiquement assez violent, pour, une fois nu, désaffecté de la paternité du texte, de l'empreinte de l'auteur que l'on est, réappréhender nouvellement le texte, en tant que personne extérieure, interprète cette fois. on atteint alors une parole normale, simple, qui ne peut être que le départ du véritable travail de voix positif.

 

ma 07.04.15
Paris.

hier : suite du travail de trois jours avec Eric et Dan sur la musique, les choix de composition dans le studio de répète.
et ce matin, je continue à travailler seul, avec les pistes playback… je revois la conduite, l’ordre des morceaux qui cloche encore en certains endroits ; affine le texte, le rythme plus précisément ; la distribution des morceaux selon les textes. je prends des risques considérables avec cet album, d’autant que je ne suis ni musicien ni chanteur, mais j’ai mon idée, et j’y tiens.

en poésie, faut-il avoir peur du succès populaire ?

trouver les ressources en soi-même d’un élan nouveau, tout simple, dans les petits présents du présent.

 

je 09.04.15
Paris.
levé très tôt, grande belle journée du point de vue du ciel.

matinée de gestion difficile, puis je prends le relais et vais me promener avec notre petit d’homme, sous le grand soleil, prendre un café en terrasse, il dort, j’écris, puis traversée du cimetière Montparnasse, avant que sa mère de nouveau ne prenne le relais, et que, seul à la maison, je puisse enregistrer quelques voix sur les playbacks enregistrés ce week-end.

Le bonheur est là, sous mes yeux, et c’est à peine si je l’aurai vu, éprouvé, à cause de cette humeur inquiète, funeste qui toujours m’arrache à l’instant réel, au présent, pour me jeter dans l’avenir plein de soucis et de craintes ou le passé encombré de douleurs, de deuils et d’incompréhensions.

 Pierre Bergounioux, Carnet de notes, 1980-1990
éd. Verdier

 

sa 11.04.15
Paris. forêt de Jouy.

grimpe dans de beaux grands hêtres.

album : je l’entends enfin mieux, beaucoup mieux, parce que nous avons créé maintenant nos propres premiers sons.

 

di 12.04.15
Paris.
les tulipes rouges sont désormais bien présentes dans le jardin.

45 ans ce samedi qui vient, j'ai peine à y croire. la moitié d'une vie moyenne. l'on se sait évidemment finissable depuis bien longtemps mais l'on n'y croit que modérément, et puis là soudain on se dit que l'on a peut-être atteint comme un col, que c'est la redescente derrière, l'autre versant...
au mieux donc, il en reste autant devant que derrière.

 

lu 13.04.15
Paris.

les difficultés pros n’ont que cet avantage d’apprendre à savoir se concentrer sur le bon, l’agréable, le véritablement important, et de savoir vivre ces moments-là pleinement au jour le jour… chose dont je me vois m’imprégner peu à peu avec quasi étonnement.

travail sur les morceaux, les sons, la voix par des enregistrements témoins. ça prend des formes.

la tiédeur est là : 19 degrés à 22 h 30 dans l’appentis.

la fatigue s’accumule, notre tendre petit homme fait des nuits agitées.

 

ma 14.04.15
Paris.
étonnante tiédeur, premier jour où nous avons eu chaud.

boulot, puis enregistrement d’essais voix sur les playbacks, enfin au jardin avec mon fils à désherber d’une main, lui au creux de mon autre main. je lui montre des fleurs, leurs couleurs vives semblent lui plaire.

 

me 15.04.15
Paris.
chaleur.

seul avec petit homme. nous passons toute la journée tous les deux, voyons quelques amis… le soir il s’endort dans mes bras, fatigué, je le câline fort.
depuis quelques jours il s’intéresse aux autres enfants, les regarde jouer, le petit frère de ses sœurs (qui n’est pas son frère) le fait rire.