je 01.01.15

Paris.
grande belle journée froide et largement ensoleillée.
marcher, longtemps, dans la ville.
le soleil passe bien vite ces temps-ci, il ne dépasse qu’à peine et pour quelques rares heures la ligne des toits.

 

ve 02.01.15
Paris.
5 degrés, temps humide, départ au boulot en vélo.

 

sa 03.01.15
Paris.
méditation devant la fenêtre, où la bruine, le vent, des paquets de pluie, la lumière filtrée par l’épaisse couche nuageuse comme par un calque épais, dépoli, jouent.

enfin, à nouveau, je ressens la ligne intérieure.

spectacle, musique, voix : avoir beaucoup regardé, écouté…

 

lu 05.01.15
Paris.
pleine lune.

cela arrive donc. est en train d’arriver.
nous y sommes donc.
une partie des eaux perdues aux aurores… le travail devrait commencer lentement…

à la maternité, une lettre de S qui m'est dédiée. touchante, très touchante.


premier jour depuis 7, 8 ans que je ne médite pas le matin. je la pratique, plus tard, dans la chambre de la maternité.

 

ma 06.01.15
Paris.
0 degrés à 6 h 30.
la poche des eaux n’ayant été que fissurée hier matin, c’est un lent pré-travail qui s’est mis en place, et ils doivent déclencher ce matin à 8 h.
je pars…
nous sommes prêts à l’accueillir ce petit d’homme.

plus tard.
un petit d’homme est né ce jour. il est là, venu. Tom.
venu, enfin, à 22 h 26. en plein forme, grand et pesant. un visage très beau. il paraît être très calme, posé… regarde, écoute extrêmement, apaisé par nos voix.
c’est une rencontre qui débute.
tout juste 20 ans après A et C, mes filles jumelles, ses sœurs. (« nées dans notre deux », disais-je lorsqu’elles sont nées)

avoir veillé, accompagné S, pendant le long travail, pendant deux jours et deux nuits blanches. être là, juste, pendant les longs moments où elle souffrait comme une damnée.

ce même jour, exécution politique, Charlie hebdo.
tirez sur les hommes, ça ne fera pas de mal à leurs idées.
et pendant ce temps d’autres naissent…
et porteront peut-être eux aussi l’idée ouverte, libre.

je rentre tard, dans la nuit.

 

je 08.01.15
Paris.

le petit Tom.

Ce sont d'ordinaire les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains. Ils ressemblent à ce Vieux de la Montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait.

Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Fanatisme »

 

ve 09.01.15
Paris.
lente et longue méditation.
reprise du boulot.

oui on essaiera de donner ça à ce petit d'homme : l'esprit de liberté, ainsi qu'une assise et à lui ensuite, peu à peu, avec ça, de se trouver une direction...

fusillades aujourd’hui. presque pourrait-on dire, d’aujourd’hui.

et pour ce que l’on nomme « actualités » : recul et sang froid dans ces moments, au-delà de l’émotion débordante, peuvent être judicieux, sages.
un travail social, de fond, de fraternité, a été sans doute négligé depuis bien trop longtemps, et c’est celui-ci qu’il faudra mener, bien au-delà de la vague de l’émoi qui passera assez vite.

 

sa 10.01.15
Paris.
air doux, tiède.

la fatigue évidemment.

arrivée du petit d’homme à la maison.
étonnant d'entendre une voix nouvelle dans la maisonnée.

dans mon appentis-cabane pendant que la petite famille dort. journée extrêmement tiède. retour calme au foyer. Tom semble confirmer qu'il est un enfant calme.

 

di 11.01.15
Paris.
grand beau.
5 à 6 heures de sommeil max cette nuit.

notre petit bout ne mange pas assez, dort trop, nous réglons le rythme mieux. il est beau, attendrissant, touchant, craquant.

 

lu 12.01.15
Paris.

s’attendrir devant ce petit d’homme si touchant.

boulot journée, plus soir au théâtre.
une femme pleure dans le métro, juste lui mettre la main sur l'épaule en sortant.

23 h 30, à la maison. regarder mon fils, câliner sa mère.

je fume dehors. regarde le ciel de nuit. respire. cela apaise, calme la fatigue, comme si elle coulait, s'évacuait lentement…

 

ma 13.01.15
Paris.

le matin, le soir, le visage de mon fils.

boulot, puis le midi ou le soir le plaisir de manger avec la famille ou les amis, d’avoir des relations légères, joyeuses après les tristes relations avec une partie des collègues.

 

je 15.01.15
Paris.

rentrer le soir, voir mon fils, mes filles, ma douce… après avoir donné une grande partie de ma disponibilité cérébrale au boulot, où, je crois bien je fane et ne peux exprimer qu’un maigre pourcentage de mes potentialités (mais je ne m’en rendrai compte, avec recul, que plus tard, pour l’instant je ne suis que dans la souffrance confuse de cela).

dans ma cabane-appentis, se poser un peu. et puis regarder le ciel, le temps.

 

ve 17.01.15
Paris.

cloper dans le froid après les mille choses faites dans la journée.
avoir, hier, bien causé joyeusement avec les amis de l'organisation pour l'album en construction : compo, répètes, studio, mixage, films, planning…

lire, lire enfin quelques minutes, après des semaines…

la souffrance au travail, dont tant ces temps-ci me témoignent de leur expérience… en quoi est-elle si courante, si répétitive, si narcissiquement affectante, en quoi le jeux des relations peut-il être si blessant ?
besoin de respirer. se mettre une deadline peut-être…

 

lu 19.01.15
Paris.

je n’arrive pas à méditer : je m’endors ou je rumine ; je n’arrive pas à écrire : je rumine.

démission en train d'être posée. penser posément, calmement à la suite, la reconstruction.
libre à nouveau enfin bientôt. mais ma place n'était vraiment pas là-bas…
se retrouver. soi. plus en conflit avec soi.
j’ai appris à nouveau, et un peu plus sans doute, ce qui n’était pas à mon image, ce qui était contre-nature, en opposition à soi.

je suis un insoumis. c’est ainsi.
libre. ai repris ma liberté.

respirer à nouveau. écrire à nouveau.

 

ma 20.01.15
Paris.
je démissionne.

je revis…
bien comprendre et tirer les leçons lucides de cet échec…
je ne tiens rigueur à personne, et surtout pas à mon boss, qui a fait ce qu’il a pu… mais j'aurais appris, encore une fois, que la liberté m'est viscérale, que le contrôle comme l'hypocrisie au travail (d’une partie pourtant seulement de l’équipe) me sont non seulement toxiques (que je suis d’une sensibilité exacerbée là-dessus), mais aussi rédhibitoires, et que je ne veux pas composer avec ces modes relationnels-là.
j'y serai sans doute dans ma vie à nouveau confronté, alors peut-être faudra-t-il entrer dans la bagarre, la confrontation, et ça ne sera jamais par goût car une certaine naïveté, peut-être, donnant confiance par a priori, et le constat triste du manque existant parfois de bienveillance chez certains toujours me sidèrent, m’abattent, et je préfère alors quitter le champ idiot, vain du conflit, ne pas me faire absorber, et tourner mon énergie ailleurs.
et je suis libre de ça.
une victoire de la bêtise est toujours une défaite.

ne jamais oublier ce que j'ai vécu là, et qu'en indépendant ça n'a jamais été pire que ça, même si ça ne sera pas toujours rose.

un bref moment de redescente puis la gouache, la gnaque, qui est là, va ressortir.
maintenant je vais en tirer les leçons et repartir avec une combativité, un mordant plus grand et plus précis, une énergie encore plus décidée…

maintenant aussi me consacrer plus à mon petit d'homme tout juste né, ma douce, mes filles, les proches qui m'ont été si précieux ces temps-ci.

ce soir dans ma cabane froide, écrire, avec clope et bière en main, dans la nuit…
je réécris enfin.

 

me 21.01.15
Paris.

restructurer, relancer, rebooster, développer mes activités.

job… après deux mois longs, durs… je repars plus fort peut-être, avec une gnaque en tout cas, et mille idées en tête.

poser.

 

je 22.01.15
Paris.

j’ai repris donc mon sac à dos, et ma besace de cigale…
et le petit Tom sur les épaules…

pour l’instant, tous les éléments vont dans le bon sens : structuration ainsi que réseau et compétences comme assises pour mes activités que je ré-imagine.
reste des trous, des manques financiers à combler : étudier, trouver, inventer

 

ve 23.01.15
Paris.
grand beau, froid.

l'excitation va passer, lucide, va falloir gérer concrètement.

laisser reposer…

ma clope du soir dans le 0 degré de la nuit.
je reprend possession sauvagement de moi-même.

 

sa 24.01.15
Paris.
10h30.
les nuages passent. il fait beau.
mon enfant dort. il est propre, il sent bon.
je médite.
je suis libre dans la mesure de ma condition… riche peut-être que de ça. et je réfléchis à construire l’avenir.

heureux de m’être retrouvé. le plus dur sera peut-être de s’en souvenir.

 

di 25.01.15
Paris.

mon petit d’homme aura 19 jours ce soir… depuis 2 semaines il découvre les lumières, les sons, les odeurs… interpellé toujours, d’une sensibilité exacerbée, d’une acuité animale… tout à l’heure nous regardions le ciel, pourtant voilé, mais d’une très grande luminosité pour lui.

je pense, réfléchis à la refondation, restructuration de mes activités et projets… peut-être selon des schémas alternatifs, puisque les systèmes anciens sont essoufflés.

 

lu 26.01.15
Paris.
ciel bouché, terre trempée.

avancer lentement vite.
festina lente.

mais folle journée… vers 18 h parvenir à m’isoler quelques instants et travailler dans l’appentis (la remise, la cabane, la yourte, le garage…)… quelques instants de silence, car notre petit homme est assez agité en journée depuis hier.

le fait de ne pas stopper la boîte de grimpe, est-ce un biais pour ne pas me couper de mes besoins terriens ?

des intuitions, les écouter, mais je n’y vois pas clair, je ne peux y voir clair, en ce moment, et en si peu de temps… laisser le temps, il est grandement nécessaire.
restructurer, fédérer, développer.

23 h 30 : dans mon appentis, à bosser debout, ordi sur l’établi… dans le délicat confort du froid… doudoune sur le dos, bonnet parfois.
à réfléchir… et se détendre dans le seul et le silence.

00 h 30 : dernière cigarette dans la cuisine, fenêtre ouverte, la maisonnée semble s’endormir.