sa 25.10.14

Paris.

seul à la maison la majeure partie de la journée.
disque-album : j’ai une idée de plus en plus précise de ce que je veux. pour les copains musiciens et la vidéo : proposer idées et atmosphère sonores, visuelles, directions possibles que requiert à mon sens le texte, pour le web et graphisme ce sera de la commande, de l’assistance en fait plus que de la création pure.

marcher le soir et partir à une fête donnée par l’ami Charolles.
vs marcher le soir, voir les gens sortir, partir, et n'avoir personne à voir.

 

di 26.10.14
Paris.

j’ai de nouveau soif d’avancer, mais beaucoup de choses, trop de choses sont en ce moment dépendantes des autres.

(...) en l’absence d’encouragement trop d’excellents auteurs se taisent et abandonnent avant même d’avoir commencé à devenir un tant soit peu excellents, mais cela se produit généralement avant que leur premier manuscrit ne parvienne à la maison d’édition. Ils intériorisent les règles formelles qui les excluent avant même d’avoir eu l’idée d’en dénoncer l’imposture et laissent dans leur tiroir ce qui n’est encore qu’une expérimentation informe. Je pense que c’est à ce niveau que les avant-gardes échouent présentement : ce n’est pas dans les médias ni dans la critique que ça bloque, c’est au niveau des individus, et ce, pour la même raison, parce que tout le monde se montre intolérant pour les expérimentations informes.

Mathieu Arsenault
La relève et l’effondrement
Spirale,  n° 209, 2006, p. 4-5.
in http://poemesale.com/about/


lu 27.10.14

Paris.
ciel dégagé à peine légèrement voilé.

Un homme n’est qu’un poste d’observation perdu dans l’étrangeté.

Paul Valéry, Tel quel, Analecta XLV
(folio essais, p. 403)

 

ma 28.10.14
Paris. Fontainebleau.

départ, encore, en escalade dans la froidure du matin.
verre le soir avec F de M, éditrice à la Table Ronde, belle personne.

 

me 29.10.14
Paris.
belle et longue méditation devant le jardin, dans le frais matinal, longues respirations.

enfin savoir un peu mieux vivre au jour le jour, et moins dans l’anticipation.

 

je 30.10.14
Paris.

encadrement grimpe d’arbres, puis départ pour Lyon.

 

ve 31.10.14
Lyon.
méditation au soleil, il fait même trop chaud, je me déplace à l’ombre.

 

sa 01.11.14
Lyon.
méditation dans la rosée.

la nuit dehors bonnet à travailler sur la table.

 

di 02.11.14
Lyon.
brève méditation dans la rosée.

je bosse sur mes recherches d’emploi. m’efforce sur une lettre de motivation qui m’importe.

 

lu 03.11.14
Paris.

 

ma 04.11.14
Paris.

journée rien, écriture : rien.
demain sera un autre jour.

 

me 05.11.14
Paris.
Levé et au travail largement avant le jour.
L’aube arrive froide sur un ciel dégagé de nuages. 5 degrés.
La journée sera belle.

Aucune chose de ce que je veux en ce moment n’est accessible pour l’instant. Lassant. Savoir être sage, non impatient.
Ce que cela signifie de s’efforcer, d’avoir des points à atteindre, des réalisations à mener, d’être empli de désirs qui ne soient pas strictement vitaux mais tout de même tout à fait nécessaires à un équilibre. Cela semble à quelques exceptions près strictement humain. Alors même que ne rien attendre, ne rien désirer, serait peut-être l’un des accès à la sérénité.

Tenter de revenir à cette pensée lente, de fond, portée dans le journal, qui n’a été que faible, n’a ces dernières semaines à peine pénétré plus loin que la surface.

Nous ne goûtons en autrui que la somme d’à-peu-près et de songes dont nous le constituons, n’étant nous-mêmes que la somme de nos illusions, pour ne pas dire des erreurs dont nous tirons un masque, une figure sociale.

Richard Millet
Sibelius, les Cygnes et le silence, Gallimard, 2014, p. 22

Je démarre la première relecture pour édition des 1 500 à 1 600 pages de Refonder, que j’ai déjà porté dans indesign au fur et à mesure de son écriture. C’est un peu monstrueux.

Liberté :

À se dégager de la finalité, nos gestes se libèrent et échappent au pouvoir.

Giorgio Agambe, Moyens sans fin
cité par Julien Boutonnier

Je retrouve ça :

D’écrire. Une occupation tragique, c’est-à-dire relative au courant de la vie. Je suis dedans sans effort.

Duras, C’est tout

Plus tard des trains de nuages défilent, venant de l’ouest comme presque toujours.

Soudain, plusieurs entretiens de boulot me sont proposés en l’espace de deux heures, dont un qui tardait pour embauche proposée dès lundi. Mais il me faut quelques jours tout de même pour rencontrer tout le monde avant de commencer, et, peut-être, pouvoir choisir.
Après journée de merde, vide, hier, être tombé du lit aujourd'hui après une nuit où j’ai un peu travaillé du ciboulot, m'être levé à 6 h 30 pour écrire et relancer… et soudain ces nouvelles, à l’instant… Décidément demain est toujours un autre jour… À méditer…

Retrouvé ça :
(…) Quant aux pensées politiques délétères qui courent, je crois qu'en plus de ne point se taire, de faire face sans cesse, de faire contre, il y a aussi une action simple quotidienne, celle de faire avec, qui est juste l'attention aux autres, au-delà de la défiance... Je ne me fais pas d'illusion quant aux capacités de ce genre d'attitude d'opérer un changement radical, et pourtant il n'y en pas d'autres qui construisent un « tissu » humain (…)
et
(…) Que serions-nous sans l'autre, et ses interpellations ? (…)

Soirée avec Sylvain Coher.

 

je 06.11.14
Paris.

Je prépare les trois entretiens à venir.

 

ve 07.11.14
Paris.
La fraîcheur d’automne bien installée depuis plusieurs semaines. Une large partie des arbres a déjà perdu de la verdure, du feuillage.

Le comique de Tarkos ressemble à celui de Karl Valentin décrit par Bertold Brecht : lorsqu’il s’avançait, « mortellement sérieux », dans le vacarme d’une brasserie, « on avait immédiatement le sentiment aigu que cet homme ne venait pas faire des plaisanteries. Il est lui-même une plaisanterie vivante. Une plaisanterie tout à fait compliquée, avec laquelle on ne plaisante pas. Il est d’un comique entièrement sec, intérieur, au spectacle duquel on peut continuer à boire et à fumer, et qui nous secoue perpétuellement d’un rire intérieur, lequel n’a rien de particulièrement débonnaire ».

http://www.sitaudis.fr/Parutions/l-enregistre-de-christophe-tarkos.php

La pluie passée, le ciel s’ouvre.

Entretien d’embauche, le troisième consécutif avec la même personne.
Tout s’accélère et se densifie. respirer. penser lent. prendre ce temps.

2 h 15 du mat, encore là, devant l’ordi.
Avant, ai bricolé tard ce soir, le plaisir profond du travail des mains.

 

sa 08.11.14
Paris.

Parvenir parfois à regarder nos petites excitations de loin.

marcher dans la rue.
passer aux magasins.

Nous déchargerons tous nos biens, bibliothèques, objets, écrans, jouets, DVD dans les rues des villes du monde, nous ouvrirons les arrières cours au scalpel et les feront avancer jusqu'aux trottoirs, nous viderons nos cœurs et nos tiroirs de peurs dans les avenues, nous installerons nos vieux sur des bancs très longs et nous leur poserons des nourrissons sur les genoux, nous chanterons des chants minimaux méchants et rebondissants, nous apprendrons l'Internationale en japonais, nous ne nous esquiverons plus en répétant "YAPASDSOUCIS" à tout bout de champ, nous nous regarderons droits dans les yeux jusqu'au sang, comme sait le faire Charles Pennequin, nous mettrons à plat nos savoirs faire et nous mettrons au travail joyeusement, nous retrousserons nos manches qu'il vente qu'il neige, nous nous regarderons avec une curiosité trempée, et nous raserons la gueule à tous les intermédiaires qui ont fait de nos vies des systèmes à violences sourdes superposées,
Nous n'aurons plus peur d'être nombreux, et je n'aurais plus peur d'être abandonné, devant un parc, à chercher des yeux les enfants, les vieux, les araignées des villes et les aiguiseurs de couteaux.

Fantazio
5 novembre


 

pourquoi l’ego a-t-il toujours si faim, est-il si vorace ?

L’animal compliqué. Il met l’amour sur un piédestal. La mort sur un autre. Sur le plus haut, il met ce qu’il ne sait pas et ne peut savoir, et qui n’a pas de sens.
C’est ajouter un monde à l’autre. Nous sommes par nature condamnés à vivre dans l’imaginaire, et dans ce qui ne peut être complété.
Et c’est vivre.

Paul Valéry, Tel quel, Analecta LXIV
(folio essais, p. 414)

 

di 09.11.14
Paris.
longue promenade dans des quartiers que je n’ignorais pas mais ne connaissais pas.

un employeur me met quelque peu la pression pour m’embaucher immédiatement après m’avoir fait attendre plusieurs mois. il est en dans l’urgence, certes, mais moi je suis libre.
autre entretien à venir… que l’on me propose avec R M : cette rencontre il me faut la créer, ce poste il me le faut.

grande hâte de passer enfin à une autre période.
qui de toute façon ne va pas tarder vue la taille du gros bidon rond de S.

 

lu 10.11.14
Paris.

encore un entretien cette après-midi : il y aurait tout à construire alors peut-être autant construire pour moi. hâte de voir cette période finir, aller vers une autre.

 

ma 11.11.14
Paris.

au réveil, lors de la méditation matinale, un hélicoptère survolant un quelconque défilé me rappelle ces gars jetés dans la grande boucherie-charcuterie mondiale… dont un certain Frédéric Griot, mon grand-oncle, 20 ans, mouliné en chair à saucisse en 1917 dans la terre froide, gluante, trempée du nord.
Mon arrière-grand-père, réchappé lui, en plus de ses poumons brûlés au gaz, a ramené une cynique décoration qu’il nommait « hochet de fortune »…

c’est le moment de faire la bascule.
posément.
de façon réfléchie mais très décidée.
de passer au caps qui sera durable, centré.

prépa dernier entretien, bricolage en après-midi, re-boulot.
l'appentis dans la cour dont je me sers comme espace de stockage des cordes, du matériel de bricolage, des surplus de nos maisons, est pour moi comme l'ancien atelier où je passais des heures gosse : il est rustique, il est dehors, il y fait souvent froid, mais j'y suis bien… cela me connecte à mes premières sensations comme à mes racines. c’est un espace qui m'est nécessaire.

 

me 12.11.14
Paris.
ciel clair, peu froid, 10 degrés à 8 h, en ville. air léger pour méditer.

entretien. maintenant quelque soit l’issue il faut que ça ouvre, fuse.

 

ve 14.11.14
Isère.
méditation brève, sur une bâche protégeant de la rosée abondante.

enlever les freins maintenant.

 

sa 15.11.14
Isère.
pluie. il a tonné une partie de la nuit. et c’est assez inhabituel pour un mois de novembre.
méditation dedans.
hier, il y a eu au coucher un ciel à plans multiples : de très rapides nuages sombres, stratus chargés de grains chassant à basse altitude, des sortes de lenticulaires blancs-jaunes rasés par le soleil disparaissant, des nimbostratus probablement, gris, des cirrostratus bleu acier sur un autre plan encore, le tout dans une diffusion de la lumière, vers l’ouest, large, vaporeuse sur certaines zones alors jaunes, pointées, ciblées, rayons dardés sur d’autres, plus blanches. et, à l’est, un double arc-en-ciel.

En art, il n’y a pas d’intérieur et d’extérieur. L’art, c’est la présence visible de la pure intériorité.

Ludwig Hohl
Notes ou De la réconciliation non prématurée, traduit de l’allemand par Etienne Barilier, Bibliothèque l’Age d’homme, p. 154.

savoir attendre : savoir que je sais si peu, et pourtant c'est ces temps-ci ce qu'il me faut savoir pratiquer.
attendre d'abord, regarder ce qui vient… tant d'énergie constructive progressivement accumulée et qui ne peut, encore, s'exprimer… est contrainte… mais s'exprimera je le pense, je le sens, bientôt.

fête des 18 ans d’un des neveux. je redécouvre les pentes festives de la Croix-Rousse, où j’écumais il y a bien 25 ans maintenant les bars de nuit.

 

di 16.11.14
Lyon. Paris
méditation dehors, sous une petite pluie de feuilles mortes d’érable.

j’ai rendez-vous avec Houdaer et F.
puis 6 h de présence dans le centre de Lyon, de balade, d’attente, longtemps que je n’y avais traîné mes guêtres, mais la renaissance des souvenirs ne réexcite pas tout ici.

TGV tard le soir. retour.
discut avec chauffeur taxi sénégalais sur l’honteux discours « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès » saillie de l’autre Sarko, puis nous discutons de la domination intériorisée, à contrario, et de Bourdieu enfin.

ce journal m’emmerde, là.

 

lu 17.11.14
Paris.

ce journal (est) vide, mais il tient quelque chose…

il me faut reprendre mon axe, mon sort en main. cela est peut-être risible mais nous avons tous, je le pense, en certaines périodes, ce besoin de ne pas être seulement jouet.
ce sont des nécessités intérieures inexplicables, des énergies non répréhensibles, issues de quelque source profonde qui fait la personnalité, quelques faits de vie antérieurs souvent bien lointains. ce sont des mouvements immanquablement récurrents, têtus, comme tectoniques…

je connais ces périodes troubles, où l’on pressent ce qui va se jouer, ce qui est en train de se jouer, dont on peut même parfois prendre note, ce qui ferait croire à une connaissance tout à fait consciente, mais l’on ne fait en définitive que pressentir, non pas encore sentir, cela n’a pas encore émergé pleinement ni à la conscience ni dans la réalité des faits, donc à la compréhension d’ensemble de ce qui se passe car cela n’est qu’en train de se passer.

reprendre la main.
la vocation est là, il me faut aller la rechercher. personne, jamais, ne le fera pour vous.

ici en attente donc encore des réponses boulot, et de ceux à qui j’ai proposé de m’accompagner sur mes propres projets artistiques… c'est lourd, c’est long… 
le foyer de la locomotive est chaud, mais le frein à main bien bloqué.
je regarde un film sur Havel et sais bien que d'autres ont eu des périodes de latence, de gel, bien plus longues parfois, mais que l'énergie constructrice ne peut se retenir en définitive bien longtemps.
envie donc de reprendre la main au plus vite.

le journal n’est qu’une trace. d’escargot ou de limace.
(l’écrit peut-être même.)

je lis quelque part, chez un poète, l’expression « le silence des mots ». les trouvez-vous vraiment silencieux ? pas plutôt pleins de brouhaha, de fureur et de cacophonie, non ? même si pleins de trous ?

l’urgent c’est d’attendre en ce moment... mais à la fin de la semaine au plus tard j’enlève le frein.

 

ma 18.11.14
Paris.

il me faut à nouveau trouver ces trésors de recul que je ne sais que si peu prendre.
ce ne sont pas à vrai dire des trésors, plutôt juste une place mentale à prendre et où s’installer.

 

me 19.11.14
Paris.

toujours se souvenir de donner la juste place aux choses.

journée difficile hier, et encore une fois chaque jour est un autre jour…

je n’aurai donc pas le job qui avait ma préférence… mais en définitive un CDI en diffusion pour du théâtre, qui a belle programmation, et cela est tout à fait bon à prendre.
je signe donc demain un contrat comme je n’en ai pas signé depuis 20 ans, et après 15 ans en professionnel indépendant.
un changement et de place et de statut et de rythme et de port de responsabilités qui sera donc conséquent, mais cette orientation je l’ai choisie, mûrie.

et puis surtout enjeu principal pour moi, entre boulot et le petit bonhomme qui arrive : garder espace et temps pour les constructions perso, pour le jus qui passe là…
finie donc cette période où je pouvais ne faire qu’écrire, où je décidais de mes temps, quasiment.

poser tout ça.

le projet de ce théâtre. son fondamental.

la bagarre fut rude, abrasive…
le choix de cette orientation je crois est bonne, reste à préserver cette absolue nécessité pour moi de l'espace, de la grotte seule, de l'écritoire, de la voix, de la construction…
mais, enfin, enfin, quelque chose avance.

à fumer à l'atelier : je regarde le matos de grimpe, les mousquetons et appareils divers, les 2 km de cordes pendues en lovons… la tronçonneuse même.

je suis dans le temps de réaliser.
de réalisation aussi peut-être.

respirer. arrêter fumée.

 

quelle masse ici.
folle ?

 

aérer.

ce fut aussi une bagarre avec soi là où un apaisement était d’abord recherché. bagarre pour plus tard.

 

et puis parler parler encore. encore.
parce qu’on ne peut tant se taire.

 

ce qu’est la vie : ces basses eaux, ces étiages, et ces crues…
alors même que je vois ces jours-ci des amis rentrer dans des phases sombres.

je me mets un coup de large ivresse au soir.

fin de séquence.