sa 16.08.14

Lyon.

ce lieu très particulier qu'est le journal, particulier car s'y déroule une pensée, un type de pensée et en qualité et en « timbre »… un timbre venu comme d'en-dessous de la vie vécue, des faits enchaînés, des actions déroulées, des paroles que l'on sait dire, parvient maladroitement à exprimer dans la réalité sociale, discursive, et qui ne se joue nulle part ailleurs. une pensée d'en-deçà, née d'une zone intime, calme, reculée, où ne parviennent les bruits du monde qu'assourdit, une zone où, je crois, l'on pense mieux, et où l'on ne peut penser posément, un peu clairement que depuis là.

le ventre de S. continue de s’arrondir.
elle a perdu aussi aujourd’hui un oncle. il est parti après 7 mois de maladie, puis quelques heures de coma, accompagné par les proches, dans le calme… et l’acceptation, qui dans la famille était déjà en cours, sera sans doute l’un des « soins » important, principal, du deuil.

l’organisation, la préparation sont une rassurance certes, mais aussi un moyen d’aller plus loin.
il ne faut juste pas que l’organisation devienne envahissante auquel cas elle devient frein, et empêche le lâcher prise nécessaire in fine pour aller un tout petit plus loin encore que ce qui a été pré-paré.

diète, plus de sport, arrêt de la clope. il faudrait.

 

di 17.08.14
Lyon.

littérature, musique, et maintenant explorer plus le théâtre avec ce nouveau métier qui se profile…

la lucidité, sur soi tout d'abord, sur nos fonctionnements intimes, nos forces, nos travers.

nous allons voir ma grand-mère, et mon oncle, avec qui nous causons entre autre du journal de Stendhal, « vert », acide en certains endroits, et parfois même d’un érotisme cru à peine dissimulé.

avec le temps libre, l'oisiveté, la diminution de l'activité ces jours-ci, reviennent la lecture, l'écriture.

la famille pour S. : ce lieu d'abri, de sécurité, de fondement, d'assise… là où pour moi, pendant des années, dès l'adolescence puis encore bien 15 ou 20 ans ensuite, elle fut un « lieu » plus compliqué.

avec des enfants, trouver des temps où s'appartenir.

je lis et écris, dans le soleil, sans avoir besoin de chercher l’ombre. été frais.

au retour de notre visite, on longe des jardins ouvriers. un père et son fils se transmettent des gestes, muets… désherbent, penchés, les coudes en appuis sur les genoux… l’odeur de terre retournée, bêchée…

chez ma mère, le coucher de soleil béant chaque soir sur le grand balcon.

réfléchir à quelques stratégies pour les projets à venir…

 

lu 18.08.14
Lyon.

descendre dans le vieux Lyon où j’ai beaucoup vécu, et quelques années charnières. avec S., retrouver le vieux pote F.

la gestion de la colère, de la frustration, de la tristesse, de l’affection… fatigué de ça. je crois, je suis convaincu que l’on peut améliorer cela, atténuer le drâma affectif avec ceux que l’on aime. fatigué de ces densités affectives dans ces moments où elles s’expriment comme dans une rage, comme dans un verrouillage. je suis convaincu aujourd’hui qu’elles n’ont pas forcément d’utilité, « d’expurge » en particulier, comme on peut le penser parfois. qu’il y a des voies possibles, plus paisibles, plus pleines.

en finir là, ce journal et le reste ?
et pourtant toujours ce moteur, humain, profond : vouloir saisir, comprendre, tracer… qui sommes-nous, comment sommes-nous ? et je n’entends pas là que l’homme mais toutes choses tournant avec nous.

 

ma 19.08.14
Lyon.

Ici, un homme debout est déjà un relief.

Gaston Chaissac (à propos de son pays, la Vendée)

bref : le bredouillement, le remâchage de la première partie est peut-être trop long, trop redondant, trop dense, dans la densité d’ensemble déjà touffue, abondante…

 

je 21.08.14
Isère.
grand ciel. quelques traces, minces archipels de nuages.

nomade, boulot à distance.

méditation. l’extraordinaire vélocité, vagabondage de la pensée : il faut souvent guère plus de 3 ou 4 respirations avant qu’elle ne dévie déjà d’un axe que l’on a pu lui donner, ou bien qu’elle ne se refixe après que l’on ait tenté de lui lâcher bride.

Nul ne peut écrire s’il n’est assez dépris de soi – et ceci vaut pour les parties considérées comme les plus humbles, les moins créatrices de la littérature : la critique par exemple. Pas plus qu’ils ne peuvent être bons, les gens trop encombrés d’eux-mêmes ne peuvent être clairvoyants. Narcisse ne peut se voir tel qu’il est, ni connaître les autres. Son reflet fait écran entre le monde et lui, entre lui et lui. 

Claude-Edmonde Magny, Du pouvoir d’écrire (p. 42) 

à force de se fouiller, comprend-on mieux ou bien crée-t-on un écran supplémentaire ? un écran supplémentaire d'ego entre soi et le monde, entre l'appréhension de notre être (intime) et la saisie claire du monde que nous pourrions avoir par l'exploration, depuis l'exploration de notre être ?

Montaigne : « Mes pages d'allongeailles ».
« Je n'ai pas plus fait mon livre qu'il ne m'a fait. » oh oui...

Selon Cicéron « philosopher c'est apprendre à mourir », mais, dit Montaigne : « c'est une hâblerie, une piperie : sans doute pouvons-nous par usage et par expérience fortifier contre les douleurs, la honte, l'indigence, et tels autres accidents : mais quant à la mort, nous ne la pouvons essayer qu'une fois : nous y sommes tous apprentis quand nous y venons. »

le petit récit ici mené…
ce n'est que le petit récit du passage… passage incertain quant à son contenu, très certain quant à son terme.

 

ve 22.08.14
Isère.

combien de gens agissent autant qu’ils parlent ?

marche avec mon père, dans les prés, les bois… on joue à reconnaître les végétaux, les arbres.

 

sa 23.08.14
Isère.
insomnie. méditation à l'aube, dans le jardin.

lucidité :
c'est voir clair, juste, donc savoir désaffecter aussi un peu, juste ce qu’il faut, ne pas jouer à investir dramaturgiquement les faits, les situations, les relations, plus que de mesure comme nous aimons si souvent le faire, comme nous y sommes si souvent attachés.

 

di 24.08.14
Isère.

la nuit tombe désormais vers 20h30. nous n’aurons presque pas vu l’été cette année.

retrouver souffle. inspiration large, expire lâche.
asthme, clope. arrêter. je n’ai plus envie.

 

lu 25.08.14
Lyon.

boulot à distance.

 

ma 26.08.14
Lyon.
temps très lourd, tiède, humide, fatigant.

enterrement.
cette image : l'urne, les cendres, les œillets rouges jetés dans le fleuve, le Rhône, descendant, s'en allant… nous quittant lentement.
le fleuve poursuivant P. G. …

puis, échographie.
je - nous pouvons désormais dire « mon fils ». il est en parfaite santé, désespérante de banalité selon le doc’.
sur les images, il a le poing levé.

aux deux bouts de la vie, du vivant. aujourd’hui.
au soir, exténué, picoler un peu, le beau-père sort du très bon blanc, fêter ça, avec la famille.

 

me 27.08.14
Lyon.
méditation dans le soleil intermittent… quotidienne depuis 7 ou 8 ans…

 

27-30.08.14
Gard.

boulot à distance, sur le balcon, face à la plaine de la Cèze, les Cévennes.

 

di 31.08.14
Gard. Lyon.

tôt le matin, la remontée de la vallée du Rhône, de sa longue veine autoroutière, et de sa circulation folle, dense, toute prête de coaguler.
poursuite des zigzags, des allers-retours nord-sud que j’ai pourtant cherché à optimiser au maximum : mais dès mercredi je redescends encore, dans le Vaucluse pour une prestation d’escalade pour un très gros groupe de clients, puis remontée à Paris, enfin descente à nouveau à Privas le 20 pour un speech sur Chauvet.

reprendre le boulot pleinement dès demain.
tenter aussi de reprendre le boulot d’écriture, m’y atteler à nouveau, car j’étais toutes ces dernières semaines soit dans le mouvement soit dans une torpeur qui m’empêchaient d’y travailler, de labourer ce sillon activement. cette « activité » d’écriture qui accapare tant et que l’on ne peut peut-être mener sans s’y absorber pleinement.
je relis ces jours-ci Le grand Meaulnes.

lorsque la personne aimée est loin, elle nous manque ; mais quand elle est là, souvent nous trouvons tout ce qui lui manquerait encore pour un bonheur plus parfait, de façon insensée.

 

lu 01.09.14
Lyon.

beau mais grand vent de nord et fraîcheur prononcée. je travaille au matin sur le balcon. rude redémarrage, furieuse journée : prestations escalade importantes à préparer, changements conséquents des configurations prévues, demandes pour des rappels sur immeubles de 200 m de haut… bref, que du gros, tout cela commence à me peser, et devient lourd à tenir… et je crois bien que désormais ce n’est plus là que je veux porter mon effort, mais bel et bien le rassembler dans « l’artistique », où très probablement je peux aller plus loin.

qu’est-ce que l’on nomme la destinée, la destination ? le fait de sentir un chemin à suivre, d’éprouver une volonté dans ce sens ? une volonté en très grande part sans doute née, induite par les expériences, les formes, les « pressions » de vie que l’on a éprouvées, tout autant celles bénéfiques que celles néfastes ? la capacité de tirer, extraire de ces « pressions » un axe, une ligne, une direction et cohérents et constructifs ?
évidemment, je le sais, cela amène, requiert d’être centré, au risque d’être exclusif…

savoir être plus calme dans la pression… se souvenir d’expirer dans la tension.

furieuse journée. le cerveau, la conscience comme obscurcis par la tension, mais qui s'ouvrent, au soir, peu à peu, lentement, avec une petite balade à pied, dehors, dans le quartier, les allées résidentielles, rangées, de cette banlieue lyonnaise…
je regarde un film dédié à Kofi Annan.

soleil du soir, rasant, puissant, en face des yeux, et la grande lueur du couchant, bleue jusqu’à l’orange, puis bleue à nouveau jusqu’au noir, glissa, disparue alors lentement, continûment, à l’ouest, derrière l’horizon des monts du Lyonnais, à la vitesse de 1 100 km/h, qui est approximativement celle de la terre à notre latitude, et nous sommes entrés paisiblement dans la nuit, alors que j’achevais la relecture du Grand Meaulnes.

lapsus : « ils leurs arrivaient souvent de se discuter ».

Agis dans ton lieu, pense avec le monde.

Edouard Glissant

lucidité, lucidité toujours.
tentative de lucidité en particulier sur notre intelligence propre en différents domaines.
si notre intelligence est de nature, et l’est aussi en degré, et n’est pas en conséquence infinie… et ce n’est que cette lucidité sur ses propres limites qui peut, au-delà de la nature peut-être, encore un peu, les repousser.

 

ma 02.09.14
Lyon.
toujours ce vent, assez fort, froid, du nord.

bientôt un mois que je suis parti, l’envie de rentrer émerge, se précise. le stress des journées escalade à venir, à organiser, à porter, devient pesant.

 

me-je 04-05.09.14
Lyon. Vaucluse. Paris.

encore, redescente vers le sud, train, musique dans les oreilles, à partir de Valence la ligne d’entrée dans les garrigues, les calcaires, les chaleurs…

repérage de la falaise. nuit à Gigondas chez le copain guide…

plus tard… après la journée escalade à Cavaillon que j’ai coordonné pour 80 personnes avec dix moniteurs et guides, attendre le train puis rayer encore toute la France, depuis le soir calme du sud, de la Provence, la gare, tard, silencieuse, une seul cigale, et de temps en temps, trouant la nuit qui tombe, les annonces de la dame SNCF…

je suis prêt désormais à prendre davantage de risques dans le domaine artistique que dans le domaine de la grimpe, par exemple… probablement (et entre autre) pour la raison que j’ai souvent joué avec le risque réel, vital, en grimpe, celui pris dans le domaine artistique me paraît du coup moindre, de moindre tragique conséquence, tout autant « engagé » mais moins « exposé » si l’on reprend les termes de montagne.
je suis prêt donc à aller plus loin et à transférer cette énergie spécifique, pour cette raison-là, et pour celle que j’ai davantage soif depuis des années dans ce domaine de la création, que j’y ai également sans doute une plus large marge de progression, de potentiel, un plus large espace d’expression possible… là, maintenant.