ma 10.06.14

Paris.
la pluie, la pluie, la pluie…

déplacer l'enjeu de la réalisation de soi égocentrée vers la réalisation de soi tournée vers le soin, l'attention aux autres (et cela peut aussi passer par la littérature).
(trop centré sur soi peut être une source de souffrance).
poétique de la relation.

et puis pour ce qui est de ma réussite perso ça viendra, ça reviendra lorsqu'à nouveau un livre, un disque, un spectacle sera sorti du fond, du fond de grande sincérité sans leurre, sans illusion. car les ressources comme la pulsion sont là, intactes, inaliénables.

me retrouver un grand projet… mais je l’ai déjà en fait, ce grand projet : disque + world poetry tour

 

je 12.06.14
Paris.
beau, soleil.

après discussion avec Fabrice Caravaca, je comprend mieux, bien mieux la réception de parl#. c’est-à-dire que tout ce que je pressentais, percevais, est formalisé, verbalisé… la « morphologie » par exemple de « notre » public : le fait que, à gros traits, le grand public était très réceptif à cette forme (celle du trio, mise en musique et en scène, je ne parle pas ici des solos), et que par contre une bonne partie du public « d’initiés », celui de la poésie contemporaine, n’y adhérait que bien moins car « théâtralisée », « surjouée » même selon leur perception (la mienne de perception étant évidemment toute autre car nous avons travaillé je crois avec une très grande honnêteté, et plusieurs fois avec une certaine justesse).
en définitive : 1- cela m’explique la partition du public, dans une réception non-dite tout du moins pour ceux qui appréciaient guère mais que je ressentais (alors que les autres ont l’espace pour dire quand cela leur plait) ; 2- cela me confirme dans mon souhait, mon désir dans le prochain disque d’aller vers du sobre, de l’épuré, ainsi que vers une forme vocale/sonore/musicale plus que vers une forme théâtrale, et qui, quoique très travaillée, devra être tout à fait simple et dépouillée, tout en restant largement accessible, lisible, audible.

 

ve 13.06.14
Paris.

Refonder : c’est l’histoire du cheminement… du cheminement de l'homme dans le temps, dans ce laps qui lui est imparti par des forces qui lui sont supérieures. dans cet intervalle et de temps et d’espace où il reçoit d’être et devenir, et où il peut aussi dans une mesure certainement relative et probablement modeste agir… avec ces quelques pourcentages de conscience que le cerveau lui attribue sur sa part d’activité globale très majoritairement dissimulée mais bouillonnante et terriblement efficiente.

 

sa 14.06.14
Paris.
l’espèce de grande gentiane jaune a repoussé cette année, à une autre place, d’elle-même, extraordinairement vivace. elle a pris presque 10 à 15 cm par jour, et atteint en ce moment les 1 m 20 à 1 m 30. elle débute sa floraison aujourd’hui.

comme toujours beaucoup de rencontres ces jours-ci, et des nouvelles, en cette période du marché de la poésie.
parmi d’autres, cette personne touchante qui me dit son attachement et ce « n'arrêtez pas… » à propos du journal, car elle y sentait à certains moments que la difficulté, l'essoufflement étaient là.

dos cadenassé, sans doute le poids des derniers mois qui se porte là, en un nœud, un point.

premier contact sérieux de travail.

 

di 15.06.14
Paris.

départ en grimpe d’arbres.

Tout travail revient à déplacer de la matière et la littérature ne fait pas exception.

Pierre Bergounioux, La cécité d’Homère

réfléchir mieux encore l’articulation travail rémunérateur - écriture – valorisation de la fin de ma précédente activité – famille.

 

lu 16.06.14
aller-retour Strasbourg.
ciel clair, limpide.

déménager ma fille

ces temps-ci presque un fait, une tâche, un événement chaque jour demandant une dépense énergétique ou affective forte...
aujourd'hui par exemple déplacement loin pour une négociation difficile, tendue, surréaliste avec le logeur de ma fille (et il est toujours étonnant comme certains individus par leur façon d'être imposent un mode relationnel, la personnalité évidemment toujours créant la relation mais certains ont tout de même un quasi don pour produire de la complication, de la défiance, de la méfiance, du nœud, du poids là où une légèreté serait possible… faut-il les plaindre alors ou seulement les combattre, tenir pied à pied en face d’eux une résistance acharnée ?) ; demain échographie ; après-demain grosse prestation en escalade, etc…

 

ma 17.06.14
Paris.

différence homme/animal : différence de degré ou de nature ?

si peu le temps ces temps-ci d’écouter, donc d’écrire…
d’observer, de regarder, de chercher à comprendre…
de penser lentement…
tout passe, vite, bien vite, défile comme un paysage derrière les vitres d’un train ou d’une voiture, à la très grande différence près que je ne regarde pas immobile mais cours dans ce flux, ce flux du temps toujours, et du vivant, mais tout de même bien effréné ces derniers temps.
alors peut-être ces jours-ci faut-il vivre, juste vivre ?

inventer un nouveau « modèle » commun. pas d’autre choix. nous en sommes bien là en cette période du début du XXIème. il est à espérer alors que cette crise puisse être transformée en chance, en tout état de cause à nous de nous efforcer d’en faire désormais un atout, l’occasion d’une refondation.

 

je 19.06.14
Fontainebleau.

longue, rude journée de raid et de grimpe avec mal de dos et grosse crève pour des clients qui plus est que je n’ai su que peu intéresser, peu intéressants, ayant à peine regardé, remarqué dans quel cadre étonnant, environnement rare, ils étaient…
après la double journée en une d’hier (grimpe en forêt de Meudon suivie d’une seconde journée de gestion), les jours s’enchaînent donc, la fatigue s’accumule… mais le moral est là.

rien de passionnant dans ce journal depuis pas mal de semaines maintenant… cette impossibilité d’être dans l’agir déjà accompagnée d’une réflexion de fond toute mobilisée, et d’être à la fois dans la pensée lente qui serait ici nécessaire. c’est ainsi. pourtant je continue, malgré tout, à essayer d’en porter trace en ce lieu, d’en rendre compte, en n’étant néanmoins pas bien sûr en ce moment de son intérêt profond.
n’est-ce alors que de la graphomanie, ou de l’exposition de soi (que je pourrais pourtant pratiquer par devers moi) ? il me semble qu’il y a, désormais, un autre aspect qui s’est fait jour depuis quelques années : celui de noter, au-delà de soi, une vie. une vie commune, qui cherche, qui trouve parfois, qui se pose questions, qui avance parfois, à l’image de toute vie… que ce volume, désormais, par le simple fait de son volume, de son accumulation possède une autre « qualité » : celle justement de son accumulation dans le temps, qui porte alors témoignage et qui par sa durée deviendrait alors peu à peu « représentatif ».
par le travail de langue (comme on pourrait dire le travail du bois), n’est-ce pas rien d’autre que ce que l’on nomme « littérature », elle qui s’interroge sans cesse sur sa nature et notre nature ?

 

ve 20.06.14
Paris.

entretien boulot : une rencontre, peut-être, est en train de se faire.

fondamentaux pour un nouveau travail :
- il me faudra investir une énergie posée, calme. et mesurée.
- être en conséquence encore plus lucide.
- il devra me servir d'outil aussi pour le développement de mon propre projet artistique personnel

poursuivre maintenant tout de même mes recherches.

maintenant expirer, me reposer.

 

sa 21.06.14
Paris.
solstice. dans quelques jours donc la durée des jours, déjà, va baisser.

tentative de repos. de lâcher lentement. récupération, dé-compression avant encore une grosse semaine
comme à chaque week-end que j’ai de libre, je mesure l’ampleur de la fatigue, de la dépense de ces derniers mois.

centrer et orienter énergie de la façon la plus lucide et judicieuse, possible :
- porter mon projet artistique
- servir professionnellement un autre projet artistique
et ne plus désormais porter deux projets, seul, et qui plus est très différents (artistique + entreprise non artistique).

être plus lucide, plus simple, plus clair.

 

di 22.06.14
Paris.

méditer, s’occuper du jardin, de soi… prendre soin de petites choses.

avec boulot plein temps : il me faudra donc écrire le matin très tôt, et le soir au retour.

 

ma 24.06.14
Paris.

énergie liquéfiée par mal de dos et sinusite sévère.

 

me 25.06.14
Paris.

après une journée de grimpe, passage entre les mains de l’ostéo pendant 1 heure et quart qui m’ôte une grande partie du poids, de la tension portée, du coup de rein donné ces derniers temps… j’en avais plein le dos, je portais une ceinture de plomb depuis un mois, béni soit-il de me redonner ainsi une légèreté et qui de bien loin n’est pas seulement physique.
reste à soigner à partir de demain la sinusite corsée qui elle aussi épuise.

 

je 26.06.14
Paris.

la lucidité c’est le fait de se dire des choses que l’on sait déjà le plus souvent, de les faire monter de la pré-conscience.

quelques annulations plus la détente d’hier procurée par les soins me font enfin pouvoir revenir un peu l’écriture, y plonger à nouveau : je passe la matinée à bosser sur le disque.
quelque chose s’est dénoué depuis hier… et c’est un grand soulagement !
la « pensée lente » et la « sensation lente » se rouvrent alors aussitôt…

la question de la cadence de nos systèmes, donc de nos vies.

 

ve 27.06.14
Paris.

je ne veux plus de ses cadences qui ont perdu tout sens, celles de nos systèmes (sociaux : nos méga-structures, nos sur-organismes sociétaux et urbains ; technologiques : nous leurs demandons gain de temps et de productivité, ce qui nous amène à aller plus vite, nous leurs demandons alors plus de vitesse encore, et l’on se mord la queue… ; financières : leurs pernicieuse emprise) et qui induisent celles de nos vies. bien sûr on peut avoir personnellement des prédispositions au speed, mais elles sont aussi largement générées ou bien nourries, favorisées par nos cadences compétitives, de productivité ou d’exposition de soi.
cette nouvelle organisation de vie qui arrive doit être alors l’occasion de penser et de vivre ces vitesses très différemment, fondamentalement.
je tente d’être lucide, aussi difficile que cela puisse être de « s’avouer » tout ce que l’on ne peut que confusément pressentir, car je sais bien que vivre avec une vitesse et une énergie calme, mesurée, alors que je vais très certainement reprendre un boulot à plein temps (même si je serai dégagé de la responsabilité directe que je pouvais avoir lorsque je tenais ma propre boîte) et que j’attend l’arrivée d’un enfant, sera une gageure.
mais c’est maintenant qu’il me faut penser lentement à tout cela. m’y préparer. savoir ce que je veux, ce que je ne veux plus. comprendre comment le vivre… être un tout petit peu plus sage peut-être, peut-être… J

mais (pour être lucide, tout à fait) je n'aurai que très très peu de temps libre conséquent, et en tout cas bien moins qu'aujourd'hui, alors c'est pour cela que dans ce qui sera une activité, un rythme d'action, une sollicitation quasi permanente, il faut que je sache me trouver une économie de l'énergie, de la vitesse ou plutôt de la lenteur comme garantes d'abord d'un bonheur personnel mais aussi d'une efficacité de pensée, d'une lucidité plutôt, et d'un gain dans l'action également si posément menée...

« le temps c’est la vie, et non de l’argent » - Kharmac Tchitim, ministre du Bonheur national brut du royaume du Bhoutan.

« prendre le temps » : étonnante expression, ce « prendre » surtout. comprendre mieux son origine, sa raison.

« en bosse » (on va vers l’autre avec nos productions personnelles), ou « en creux » (on laisse l’autre venir vers nos productions personnelles).

 

sa 28.06.14
Paris.

insomnies depuis deux nuits. je travaille de tête au lieu de dormir.
les processus d’excitations cérébrales : pourquoi elles arrivent, comment elles surviennent, comment elles se développent, comment elles redescendent (ait assisté ces deux dernières nuits à tout le processus, quasi électrique, la difficulté de s’en extraire même avec l’expérience de la pratique méditative, la très lente redescente de l’effervescence neuronale qui mènera quand même, très tard, à l’orée du lâché, de l’endormissement).

grimpe d’arbre sous la pluie dans les petits bois entre cités de Noisy-le-Grand. le public d’ici : capacités cognitives, capacités d’écoute, volume sonore général, tout est bien brouillon, chaotique.

 

expirer.
prendre le temps… (drôle d’expression tout de même…)

Religion is for people who are afraid of going to hell.
Spiritually is for those who have already been there.

Vine Deloria, Sioux

Le pardon est certainement l'une des plus grandes facultés humaines et peut-être la plus audacieuse des actions, dans la mesure où elle tente l'impossible — à savoir défaire ce qui a été — et réussit à inaugurer un nouveau commencement là où tout semblait avoir pris fin.

Hannah Arendt

reprendre ici :
L'humanité n'est pas encore assez éduquée pour qu'un homme puisse livrer toute sa pensée.
Tout la pensée, dans sa profondeur et dans sa légèreté. Les deux choquent.
Peu d'hommes, même, consentent à leur pensée réelle. Ils la subissent, font semblant de ne pas en voir la crudité, la vanité, l'irrégularité.
On ne retient que ce qui sert, ou qui excite.

Paul Valéry, Cahier 96 « S »
(BNF - Cahiers originaux. CCLXXXIV-CCCVIII
Série siglée de « A » à « Z ». CCCII)

reprendre aussi encore, pour se le rappeler encore :

désormais l'avancée profonde ne se fera plus par l'avidité, l'accumulation, la faim, la quête sans cesse. mais bien plus dans le désamorçage progressif de ce speed, dans l'abandon de la frénésie, dans la réduction.
le bagage est déjà plein de savoirs, d’expériences par accumulation, il s’agit de connaître ceux par dépouillement.
cela va ouvrir toute grande une place énorme... dégager un espace, une respiration à ce qui était lieu engoncé.

in Refonder - grand temps - je 12.12.13

 

di 29.06.14
Paris.
après la pluie, quelques flaques de ciel clair, de soleil, passent sur le jardin.

le parlhange (patois du Bas-Poitou-Vendée) : quel beau mot.

récupérer.

juste fumer dehors, sur les marches du jardin
et ne rien faire.
regarder le soir venir.
sentir la terre tourner. tourner avec.
et entrer lentement dans la nuit.

 

lu 30.06.14
Paris.

très folle journée, mais enfin ! tout va dans le bon sens… s’articule en substance de façon cohérente… après cette longue année et demie difficile, tortueuse, voire torturante parfois….

les pistes de recherches, des réponses de boulot s’affinent, se confirment, peu à peu, dans la direction voulue, et cela selon des axes qui font sens pour moi…

de ces mélanges, en nous, à la fois, mêlées, d’agitation et de pensée calme, d’excitation et de vision apaisée, sûre.
de la difficulté, en tant qu’homme, de ne pas être uniquement soumis à ce ballottage, à cette gîte, ce branloir, tangage, cette alternance continue…

 

ma 01.07.14
Paris.

speed, excitation cérébrale + sinusite : mélange explosif.
après de longs mois de tension soutenue, je suis comme un arc électrique, qui tente de se décharger…

ver 18 h mon corps enfin lâche, et je m’écroule dans une sieste profonde, obscure, insondable…. cela achève un peu plus de deux mois fous qui auront sans doute constitué l’amorçage de la relance, de la remontée.

je retrouve alors peu à peu, lentement, progressivement, mais cela s’intensifie ces temps-ci, cette qualité très particulière de la sensation de savoir ce que l’on fait, où l’on va, qu’il ne pourra y avoir d’autre chemin…
cette qualité très particulière de la sensation d’enfin retrouver sa ligne, après qu’elle ait tremblée…

mais cette force je ne la veux plus nourrie d’exaltation, de fièvre, grisée de sa propre ivresse, mais plus calme, plus posée, plus encore doucement sûre d’elle.

il nous reste toujours encore un peu à apprendre…