sa 24.05.14

Paris.
pluie, soleil, soleil, pluie…

Je ne dis jamais ce qu'il faut faire ni comment le faire. J'essaie de redessiner la carte du pensable afin de lever les impossibles et les interdits qui se logent souvent au cœur même des pensées qui se veulent subversives.
(…)
Mais la condition pour que la poésie existe comme technique absolue, c'est que la poésie, par ailleurs, existe, latente en tout.

Jacques Rancière, Et tant pis pour les gens fatigués. Entretiens.

J'ai toujours essayé de dire qu'un être supposé fixé à une place était toujours en réalité participant à plusieurs mondes, ce qui était une position polémique contre cette théorie asphyxiante des disciplines, mais aussi une position théorique plus globale contre toutes les formes de théories identitaires. Il s'agissait de dire que ce qui définit les possibles pour les individus et les groupes, ce n'est jamais le rapport entre une culture propre, une identité propre et les formes d'identification du pouvoir qui est en question, mais le fait qu'une identité se construit à partir d'une multitude d'identités liée à la multitude des places que les individus peuvent occuper, la multiplicité de leurs appartenances, des formes d'expérience possibles.

Jacques Rancière, La méthode de l'égalité (p 113)
Entretien avec Laurent Jeanpierre et Dork Zabunyan

 

lâcher, lâcher… fini de tergiverser maintenant, remettre les watts…

qu’est-ce qui s’est passé pour que ce soit aussi calme ? pas sorti de trucs depuis un bon moment : Refonder en attente, bref écrit à l’ombre et pas montré en public, disque en cours d’écriture…

 

di 25.05.14
Paris.
m’en fous de la météo.
départ en grimpe d’arbres, mais avant tenter d’écrire un peu, quoique…

évidemment je ne le vis pas très bien de devoir retourner à un boulot salarié, de perdre une partie de ma liberté peut-être, mais peut-être y a-t-il aussi cet avantage de m’alléger d’une partie des responsabilités que j’ai toujours portées…
la période où tout réussissait, les retours quotidiens, est passée… mais c’est le cas de beaucoup autour de moi, et puis c’est aussi qu’il y a longtemps que je n’ai pas « sorti » de truc… j’ai en fait beaucoup bossé à l’ombre ces temps-ci, accumulé aussi donc pour plus tard…

encore, aujourd’hui, plusieurs amis ou collègues me font part de leurs difficultés professionnelles, pourtant dans des secteurs bien différents (littérature, musique, sport, armée…)… et puis ces si tristes, si désespérantes, si écœurantes élections de ce soir.
il sera dur de se lever demain pour se bagarrer encore.
et pourtant, pourtant, nous le ferons !

évidemment, à suivre ce cheminement-là je n’ai jamais imaginé qu’il serait aisé.

 

lu 26.05.14
Paris.
pluie fine une bonne partie de la journée. lumière très faible.

malgré la bagarre, la fatigue parfois, continuer ici à témoigner de ce que c’est que de vivre… effort vain ou effort qui, pour l’humain, ne peut constituer que l’un des seuls sens possibles ?

au soir, après une longue, rébarbative et ingrate journée de boulot (mais la tâche assignée à ce jour-ci a été accompli) visionner Les feux de la rampe avec Chaplin et Keaton…

la vie n’est peut-être pas tant histoire de sens que de désir.

sinistrose, finie. plus de ça.

 

me 28.05.14
Paris.
pour la seconde année consécutive le printemps est froid, pluvieux, sans lumière.
11 degrés ce matin par exemple, pas plus. lumière de novembre..

suite aux élections que nous avons vécues dimanche :

Les victimes sont ceux qui ont renoncé à l’avenir.

Russel Banks, De beaux lendemains
(cité par Pierre Ménard)

et le « ils nous ont volés les mots »

de Mélenchon

mais, à baisser les bras, en plus de ceux qui renoncent à l’avenir, c’est nous tous qui risquons d’être victimes.

 

ve 30.05.14
Paris.

oui avancer à fond et en parallèle écriture/job.
là qu'est ma place, mon axe.
mais avancer posément. ne pas s'y épuiser. aller lentement à rythme de marche lent mais sûr.

ne pas se positionner dans la demande mais plutôt dans la proposition.

 

sa 31.05.14
Paris.

les pensées obsessionnelles :

  • leur fonctionnement (cycles fermés, boucles, répétition, récurrence, etc…)
  • la façon de les désamorcer, les ouvrir ?
  • leurs avantages (en terme de puissance de travail), leurs inconvénients

 

di 01.06.14
Paris.

bien difficile ces temps-ci de revenir à la pensée lente, posée, qui puisse « déplier » un peu ce que l’on comprend, saisit du monde. c’est que, pour ce type de commerce l’on ne peut être uniquement dans l’action, il y faut l’occasion d’un léger retrait dont je n’ai que trop peu les possibilités et conditions dans les circonstances actuelles.

le temps est un assassin… terme connu.

envois et valse de refus d’éditeurs en série… ça aussi ne m’était pas arrivé depuis quelques temps…

il y a le charisme naturel, augmenté également parfois par la confiance, mais il y aussi le supplément de charisme offert, aux yeux des autres, par la notoriété humblement assumée.

reméditer.
mieux.

 

me 04.06.14
Paris. forêt de Rambouillet

journée de grimpe d’arbre sous la pluie battante une bonne partie du temps. trempés. froid. je chausse polaire, gore-tex et bonnet, en plein mois de juin !

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La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.

Antonio Gramsci -  Cahiers de prison – 1930
Éditions Gallimard, Cahier 3, §34, p. 283

 

le journal, la réflexion si pauvre ici ces temps-ci, toute accaparée par la réorganisation professionnelle et la maigre saison grimpe, intense mais très, trop ramassée, cependant tout de même en cours…

 

je 05.06.14
Paris.

boulot : prendre du recul, y penser calmement.

au soir, après les folles journées de boulot, revenir un peu, un tout petit peu à l’écrire.
en juillet sera zones, temps plus larges…

 

ve 06.06.14
Paris.
le grand beau, la chaleur enfin là…

déjeuner avec l’amie Laurence Vielle…

exténué, épuisé, c’est que depuis deux mois le coup de rein, la poussée d’énergie ont été conséquentes.

au soir lectures des amis Manon, Tholomé, Jantar…

 

sa 07.06.14
Paris.

ai enfin pu dormir presque tout mon soûl. mais il reste encore de la fatigue à ressuyer, accumulée au fil des deux derniers mois.
la sensation d’exténuation s’est atténuée aujourd’hui, je compte sur ce we prolongé pour la diminuer encore, avant de replonger dans le tunnel de saison.

ces mois derniers, oui, ont été bien étonnants, et sont peut-être le début d’une remontée : après un an d’énergie mise dans des choses qui ne voulaient qu’être usées, pesantes, échouées, il a donc fallu envisager une refondation, une évolution profonde… je ne sais rien encore, ou peu en tout cas, de ce que cela va devenir, car je suis actuellement justement en plein dans cette évolution, ce mouvement.

avec le repos, reprendre la pensée lente.

il est de plus en plus évident que notre schéma et social et techno-économique, tout comme notre modèle d'inscription dans la chaîne écologique du vivant et de la matière, est en fin de vie, en fin de cycle, dans l'achèvement d'une période, qu'une séquence nouvelle cherche à et doit s'ouvrir, que les troubles, dans le temps de cette charnière, peuvent être nombreux et sont en tout cas menaçants...
ma génération qui n’avait pas encore connue de bascule majeure (et je préfère ici ce terme à celui de « crise » exprimant un ressenti certes abrasif, rugueux mais au sens, en même temps, tellement galvaudé par une utilisation intensive, abusive, à toutes les sauces, depuis plusieurs décennies qu’il en devient presque dépecé, dépouillé) serait-elle en train de la connaître ?
Concernant les périodes de trouble, mais toutes proportions gardées évidemment et pour mémoire, je suis le premier homme dans ma famille comme dans beaucoup d’autres qui, depuis 4 générations au moins (1870 - 1914 - 1939 - Algérie), ne soit pas allé à la guerre…

 

di 08.06.14
Paris.
quatrième jour de chaleur… mais ça n’est que le quatrième alors que nous sommes déjà tout proches du solstice, que les jours, déjà, sont bien longs.
dans la nuit, un énorme cumulus naviguera au large, sans nous atteindre, chargé d’une électricité phénoménale, craquant d’éclairs plusieurs fois par seconde, continûment, longuement, alors qu’il dérive lentement vers le nord, comme un gigantesque vaisseau fantôme, caressé sous le ventre par la lumière de la ville, déchiré des flashs de la foudre. plus tard, vers une heure du matin, soit qu’il ce soit développé, soit que la direction du vent ait changé, il nous atteint, abattant violemment son orage sur nous. la grêle tout d’abord éclate furieusement sur les toits de zinc, de tuile, on croit tout d’abord à un énorme incendie qui crépite et craque, l’allée se gorge et déborde. les oiseaux à tire-d’aile traversent le ciel, filent se planquer, très seuls, fuient, en oblique. les fenêtres des appartements s’allument, nous sommes plusieurs à s’inquiéter des dégâts possibles, vérifier les écoutilles, les fenêtres.
au matin, le jardin n’est en définitive que peu abîmé, les grosses feuilles les plus tendres seulement sont perforées, déchirées…

balade aux puces de Saint-Ouen.
puis sieste longue, lourde. les heures de sommeil qui me tombent dessus ce week-end comme un large poids sur les épaules tentent d’éponger l’énorme flaque de fatigue dans laquelle j’étais.