sa 26.04.14

Paris.
seul.

je viens donc de connaître ces derniers jours deux changements majeurs de vie comme l'on n’en connaît généralement guère plus d'une dizaine dans une existence…
le plus remarquable est peut-être que je prenne cela calmement. et que je me sente soulagé, alors même que les lendemains n’ont aucun traits définis.
lorsque tout change ainsi, l’équation de l’avenir devient complexe et à multiples inconnues… et je m’y attelle.
il est à voir aussi le niveau de risque que l’on peut prendre, que l’on veut prendre.

une fine pluie froide sur les feuilles sonne dans le silence de la maison.

la distance dans la version imprimée du journal, par rapport à celle beaucoup plus immédiate publiée sur le site, permet d'y porter, d'y laisser des événements qui alors, avec cette distance, deviennent moins intimes que s'ils étaient publiés « en direct » sur le site. d'ailleurs ces événements-là je ne les porte pas sur la toile, le blog.

 

di 27.04.14
Paris.
longue médiation dans le bain de soleil timide.
seul.

il y a donc de grands cycles de vie, ascension-récession, sans doute est-ce le propre du vivant…
le propos n’est donc pas de les éviter, mais de les vivre au mieux, posément, sereinement…

jardinage, j’enlève des oignons, sème d’autres fleurs. je suis rattrapé par la pluie. comme elle s’intensifie, après avoir insisté un peu, je la laisse finalement passer, et y reviens plus tard, travailler la terre trempée, grasse, qui colle aux mains, aux pieds…

Donner de la valeur à celui qu’on est, tel qu’on est, quel qu’il soit.

Paul Valéry, Tel quel, Cahier B 1910
(folio essais, p. 188)

aujourd’hui ai fait ce que je voulais faire. et c’est une grande paix.
où est passé l’angoisse du dernier mois ?

je ne sais encore bien où je vais, mais quelques lignes se dessinent, et j’irai là.

Je ne crois pas à la valeur des existences séparées. Aucun de nous n’est complet en lui seul.

Virginia Woolf - Bernard, dans Les Vagues

 

lu 28.04.14
Paris.
grand frais : le thermomètre affiche 10 degrés.
seul.

boulot. fastidieux.

réinventer un autre fonctionnement ? non faire évoluer.

respirer / expirer.

 

ma 29.04.14
Paris.

en ce moment je prend cool, ou je prends pas.
cette période trouble, de remaniement très profond, peut aussi être l’occasion de continuer à fonctionner autrement, mieux, plus posément. de poursuivre cette voie, centrale, de respiration.

passage du cap Horn, ou plutôt celui de Bonne espérance, dit l’ami.

on peut parler d'autre chose que de soi, mais on ne peut parler autrement que par soi.

 

me 30.04.14
Paris.
le temps frais.

 

je 01.05.14
Paris.
je me lève tard. méditation devant la pluie qui s’abat furieuse, sature en quelques minutes le jardin, les rigoles, inonde…

depuis plusieurs semaines je suis attelé au projet de disque. j’écris, travaille le 4ème morceau, avec la musique, sur la musique. comme je ne sais composer, j’ai dû trouver des astuces, et je me sers de sources sonores issues de ma discothèque (lignes mélodiques, harmonies, timbres, rythmes, tempos qui m’intéressent), qui serviront aussi d’indications aux musiciens pour construire en s’inspirant de ces « illustrations ». je crois que c’est vraiment l’une des première fois que j’écris concomitamment à la musique, et non en amont.

de la périodicité du vivant, de ces grands cycles, boucles :

  • les séquences de journée tout d’abord (diurne/nocturne)
  • les séquences de 2 à 3 jours : très souvent les journées se ressemblent, par paires souvent (chez moi en tout cas)
  • les séquences de 10 jours (grosso merdo) auquel j’ai soumis ce journal et le publie en ligne, sans en savoir bien la raison qui, au-delà du format, de la longueur encore lisible sur le web, du rythme impulsé, doit avoir une autre cause que je suppute mais ne connais pas pleinement
  • les séquences saisonnières, plus facilement compréhensibles
  • enfin, les séquences, les cycles, pour moi très marqués de 6 à 7 ans (et qui, pour ce qui est du journal tenu depuis 25 ans, se manifestent, souvent inconsciemment d’ailleurs, par le chapitrage en gros titres)

une fois ce constat fait. qu’est-ce que ça dit ça, ces périodicités ?

 

sa 03.05.14
Paris.
méditation baigné par le soleil, dans le fraîcheur restante des pluies des jours précédents.

je peux aller évidemment plus loin, plus fort, plus précis, avec plus d’acuité dans ce journal. mais pour mener une pensée continûment il faut comme le temps d’avoir le temps.

 

di 04.05.14
Paris.

écriture.
et pose ces derniers jours des nouveaux axes de boulot, nouvelle organisation de vie.

Un écrivain est profond lorsque son discours une fois traduit du langage en pensée non équivoque, m’oblige à une réflexion de durée utile sensible.
Mais la condition soulignée est essentielle. Un habile fabricateur, comme il y en a beaucoup — et même un homme habitué à faire profond — peut toujours simuler la profondeur par un arrangement et une incohérence de mots qui donne le change. On croit réfléchir au sens, tandis qu’on se borne à le chercher. Il vous fait restituer bien plus que ce qu’il a donnée. Il fait prendre un certain égarement qu’il communique, pour la difficulté de le suivre.
La plus véritable profondeur est limpide.

Paul Valéry, Tel quel, Cahier B 1910
(folio essais, p. 200)

et cette citation tombe à point nommé, alors que je souhaite revenir à ce souci, ce thème de la parole claire.
et creuser, étendre, réaliser mieux.
il m’a toujours semblé que la réelle acuité pouvait s’accompagner de la concision et de la clarté de l'expression… et que quand bien même elle procédait d’une grande complexité, elle pouvait au final, après travail, « l’horrible travail » presque toujours, prendre une forme et limpide et simple, sembler toucher à l’évidence et en prendre les traits. de cette simplicité, sobriété, netteté qui baignent certains textes, certains propos et qui sont le signe non d’une naïveté mais d’une sûre, posée, sobre et dépouillée profondeur.
ce que l’ancienne langue nommait perspicuité.
et si les qualités de transparence, comme de légèreté ou d’évidence, ont toujours eu ce double sens : celui de la bêtise, de la vacuité, comme celui de la pertinence, de la lucidité, de la clairvoyance, ce sont bien pourtant elles, ces qualités, qui à mon sens donnent à une œuvre, une pensée, son poids.
évidemment avant de parler clairement, il s’agit de voir clairement, et la tâche est infinissable.

je ne connaissais pas cette expression américaine, qui me plaît infiniment, et est pour moi pleine d’actualité : « today is the first day of the rest of my life ».

 

lu 05.05.14
Paris.
beau. chaud.

levé tôt. grosse journée de travail. après plus d’une semaine entièrement décalé, à se coucher à 3 ou 4 du mat, se lever à 12 ou 13h, je suis enfin recalé…

demain, à nouveau se lever tôt, et avant toute chose passer du temps sur le journal, le disque… ensuite entamer la journée de travail trivial et continuer de préparer la nouvelle vie professionnelle, maintenant que les axes sont pensés, posés.

 

dire l’humain, la conscience, ce qui fait nos universaux mais aussi nos formes et systèmes individuels de représentations personnelles. la façon dont notre vision, notre pensée, comme nos cerveaux, sont le produit individué, singulier de notre culture individuelle.

je ne prétends nullement à être philosophe, mais cette phrase de Bernard Feltz, professeur de philosophie à l’université de Louvain, m’interpelle. il pose « qu’un être libre est un poseur de significations »… et, en conséquence, quelqu’un qui articule son comportement selon les significations qu’il attribue au monde, au sien donc.
car il y a plusieurs mondes possibles, plusieurs images et représentations possibles du monde possible, construits selon les significations que chacun lui octroie, que chacun donne et trouve à son existence. et réciproquement, selon les modes où chacun articule et adapte son existence à ce système de significations tel qu’il le pose.
et ce chacun dit l’autre, par définition. cet autre qui est l’un des constituants majeurs sans doute de ce système de représentation.

et si l’on est responsable de ce que l’on fait (et l’on considère que l’homme l’est, le plus souvent et dans la plupart des cultures), à défaut de la responsabilité pleine, entière de ce que l’on est, cela signifie que l’on pourrait faire autrement, et que par là nous sommes libres… dans l’exacte mesure des possibilités et contingences qui nous sont intérieures comme extérieures.
les méditants disent que la liberté c’est être affranchi de ses émotions… et cela est sans doute vrai, et constitue vraisemblablement l’une de nos contingences majeures. l’on s’éloigne alors ici d’une conception de la liberté de l’acte, pour une conception de la liberté de l’être. nous aurions donc responsabilité, ce qui ne veut pas dire devoir, nous aurions donc charge de ce que nous sommes… il y aurait donc possibilité, pouvoir de modeler, de se modeler. donc de modeler ce qui apparaît comme monde dans notre perception individuelle. en se modelant de changer donc notre vision, notre préhension, notre aperception des choses, et donc en grande partie l’effet qu’elles produisent sur nous.

 

comme disait Mozart de la musique : la poésie est entre les mots.
un discours sans blanc, sans « trou », serait d’ailleurs incompréhensible.

 

ma 06.05.14
Paris.
temps clair, température douce.
seul toujours à la maison.

longue méditation.
boulot.
puis je vais au parc, courir. et ensuite je m'allonge dans l'herbe pieds nus et je regarde juste les nuages, et les oiseaux voler, sans rien faire, sans rien dire…

vie familiale ok, vie artistique ok, et ce sont des chances... que vie professionnelle à réorganiser entièrement... rien de grave je pense, juste rester à bosser à la maison, et seul, porter charge ainsi, depuis des années, me pèse.

 

me 07.05.14
Paris.
temps clair, température douce, à nouveau.

boulot, dur de s’y coller, de donner la grosse dose nécessaire aujourd’hui.

Les radis ne se posent pas des questions de petit pois

Le jour
est tellement plus large
que nos épaules

certains matins
on ne sait pas quoi faire
de vivre

ça tombe bien
Savoir
n'y changerait rien

Thomas Vinau

 

je 08.05.14
Paris.
grand frais, pluie, pas de lumière.

une des pistes principales de travail, pour transférer ma société de grimpe, ne donnera donc pas de résultat… peut-être n’est-ce pas sans hasard, que c’est bien ailleurs qu’il faut que je cherche ?
selon les axes que j’ai définis, il me faut donc rassembler toutes mes recherches et activités et énergie dans le domaine artistique (prod/prog/comm).

 

ve 09.05.14
Paris.
grand beau.

bossé jusqu’à 3 h du mat. au matin je suis épuisé et ça fuse dans tous les sens. tout est à faire en même temps.
savoir rester calme, je l’ai nettement appris depuis quelques temps, mais il me reste encore quelques progrès à faire…

dans le règne de l’animal je ne sais pas si l’homme est au sommet de l’intelligence. si l’intelligence signifie sagesse alors j’en doute parfois, par contre il est très certainement au sommet de l’inventivité, dans le vice tout particulièrement.

 

sa 10.05.14
Paris.
grand frais, pluie, pas de lumière.