di 09.02.14

Paris.
soleil et cumulus, assez fortes rafales.

Refonder : je ne sais pas si je comprends encore ce titre (à l’époque je parlais je crois de refonder une langue qui me soit plus adéquate), mais en définitive je ne sais pas si je comprends tout de ce titre… tout raconter, re-dire, n’est-ce pas aussi re-fonder une réalité ?

 

lu 10.02.14
Paris.
ciel bleu-blanc à l’instant où j’écris. plafond peu épais, le bleu transparait à travers le blanc.

pas réussi à écrire ce matin, trop speed, trop de choses à faire, de sollicitations qui arrivent en même temps.
une fois cela fini, en fin de journée, se prendre un moment, un moment à soi, un moment de calme, d’isolement bref, pour le journal.

comment l'on est soumis à sa nature : qu'il n'y a d'évolution intime personnelle possible que par une identification et reconnaissance de celle-ci, suivie d'une acceptation, préalable à tout changement profond en soi ; et non par une résistance, une lutte contre ce qui est nous, en nous, et nous convient le moins.

pas être moi, mais être soi.
un peu plus.

vivre aujourd’hui c’est donc vivre à la charnière de deux millénaires. je sais que ce ne sont que des chiffres, mais cela constituera-t-il un repère, plus tard, comme l’a été l’an mil ?

L’assurance que l’on a quelque chose à dire et surtout que quelque chose peut être dit, m’abandonne.

Camus (cité par Juliet)
Carnets de Panelier, vers Chambon sur Lignon
mi-août 1942-45

est-ce parce qu’il y a ce doute que quelque chose puisse être dit, que l'on écrit ?

nuit, grand ciel très pure, lune au premier quartier qui éclaire mon bureau, quelques étoiles très nettes, isolées, blanches, brillantes.

verre le soir avec Thomas Deschamps, belle discussion d’image, de photographie, de texte, avec l’ami.

 

ma 11.02.14
Paris.
ciel blanc, bise.

le voyage en Russie se confirme.
boulot, gestion.
j’essaie de travailler sur bref, et cela me demande, à chaque fois, une concentration de damné. mais contre toute attente j’avance plus que je ne le pensais.
je retravaille une couche, encore, l’intégralité. le texte presque propre. ça sent la fin. bientôt deux ans…
à 16 h c’est presque la fin. laisser reposer encore un peu. quelques retouches minuscules encore à reprendre plus tard… je suis soulagé, un poids s’enlève… mais je pense déjà au projet suivant, ça ne s’arrête jamais, alors…

entre ce que nous sommes, montrons, disons, agissons dans le monde visible, social, extérieur, et le monde intérieur, il a presque toujours une grande différence, même pour les plus « honnêtes » avec eux-mêmes. l’écriture, même si elle s’adresse à l’extérieur me semble du côté de ce monde intérieur.

Le soleil n'est qu'une étoile du matin.

Thoreau, dernière phrase de Walden ou la vie dans les bois

 

me 12.02.14
Paris.
grand beau, grand bleu. puis le vent, les averses plus tard dans la journée.

comment tout en restant dans ses lignes, ses axes (saurait-on en sortir de toute façon ?) renouveler, faire évoluer les formes produites, alors même que l’identité de la voix resterait reconnaissable ?
l’on sait que l’on écrit qu’un seul livre, mais beaucoup produisent tout de même sans cesse des textes qui me semblent trop ressemblant, et cela bien qu’il aient été produits à des périodes différentes, comme si, une fois le ton trouvé, il n’y avait plus d’évolution, de précision, d’affinement, voir d’aggravation, de la voix…

à commencer à écrire le disque que je souhaite, que je commence à entendre…

 

je 13.02.14
Paris.
ciel blanc, plafond bas homogène. des averses. le prunier que j’ai élagué présente déjà ses bourgeons au bout des tires-sèves que j’ai laissés.
ça sent la grêle, puis le plafond se déchire, et le bleu, le soleil apparaissent, qui viennent taper sur le sol du bureau.

entendu lire Juliet ce soir, beau timbre grave, légèrement fêlé… l'un de ceux pour qui j'ai, sans admiration préalable, de l'estime. vu sa recherche, je suis étonné qu’il n’ait a priori pas croisé les grands textes de méditation, des tibétains par exemple.

 

ve 14.02.14
Paris.
gris, humide. les troncs du prunier sont luisants et noirs.

recherche de soi. existence. ce que l’on nomme le savoir-être est probablement ce que nous cherchons tous confusément, mais les niveaux de conscience diffèrent.
l’on prône d’être soi-même, et l’on entend souvent là un état sans conflit ni douleur, alors qu’être n’est jamais sans remous. l’on devrait plutôt parler alors, pour être plus précis, d’être centré, d’être en accord avec soi-même, ce qui implique, aussi, les restes de conflits mais réduits, ramenés en un axe qui fasse sens intimement et ne soit plus divergent de ce que l’on est véritablement, de ce que l’on sent comme bénéfique pour soi-même… encore faut-il pour cela s’être assez longuement interrogé sur ce qui est soi, sur le lieu, l’appui profond où le soi puisse s’unifier, et sur ce qu’être signifie.
pour beaucoup cette démarche est survenue, apparue alors que l’on n’avait plus d’autre choix, vital, que de se comprendre, de s’homogénéiser, et de s’apaiser.

j’imprime bref, pour le lire à voix haute, rapide, pour sentir ce qui ne passe pas, les endroits faibles, les accidents de souffle, les obstacles à la fluidité respiratoire, sonore, et choisir, corriger, polir en conséquence.

journal : je crois que le problème de l’exposition de soi est en partie résolu (et c’est celui-là également que l’on retrouve dans la décision de publier ses propres écrits ou travaux quels qu’ils soient), et prend alors un peu de sens, si le fait de se servir ainsi de soi comme matière première permet qu’un autre s’y reconnaisse, soit touché, qu’un peu de particulier devienne commun, et partageable. n’est-ce pas là d’ailleurs le principe-même de tout échange, de tout dialogue, entre individus ?

sentir le temps couler, physiquement, là, alors, que je suis assis dans le canapé, le sentir s’écouler, s’égrener, dans le silence.

accepter ses peurs, et, de là, les dépasser, les transformer…

 

sa 15.02.14
Paris.
le soleil comme une pastille blanche derrière le calque translucide du plafond nuageux.
cet hiver ici est décidément bien doux. aujourd’hui de minuscules feuilles vertes sont sorties des bourgeons du prunier. les rosiers grimpants ont mis quelques fleurs. le fusain ses boules rouges. les jonquilles poussent leurs feuilles… et nous ne sommes que mi-février.

regarder sa nature être. mais sans oublier de vivre parfois oublieux du recul, de l’observation, de l’analyse, abandonné.

 

di 16.02.14
Paris.
le soleil perce largement au travers des cumulus qui passent depuis l’ouest. lorsqu’il tape sur le thermomètre la température monte à 21, quand un nuage fait écran elle descend soudainement à 11 degrés. je médite en prenant le soleil.
le prunier a sorti ses toutes première fleurs, trois, quatre, guère plus. l’année dernière c’est le 5 mars qu’il a commencé à être en fleur.

le fait que l'on aime avec admiration ou déteste avec agressivité ce que quelqu’un peut écrire, produire, a évidemment plus à voir avec ce que l’on y projette de soi, avec ce que l’écriture de l’auteur provoque en soi, qu'avec ce que l’auteur a proposé véritablement comme écriture, avant le lecteur.

belle aprem, café avec Dani et Maud, puis je rentre à la maison où quelqu'un m'attend, en lisant paisiblement dans le métro.
je repense alors à ce que sont certains dimanches lorsque l'on est esseulé, isolé : du temps mort, du temps qui mord même en fait, pétri d'angoisse comme une pâte, avec, au fond, un goût de creux, un goût d'ennui, de vide amère, de trou. et l’on redoute alors ces jours de rien où d’autres ont l’air d’avoir tant d’insouciance qu’ils parviennent à prendre plaisir à flâner, à ne rien faire, entre amis.

travailler dans ce qui fait le plus sens pour soi avec persévérance, chercher à montrer ce que l’on fait certes, mais ne plus chercher à tout prix à le diffuser et à forcer l’attention. cela se fera de soi-même, et alors plus naturellement, plus sainement, et moins soumis aux aléas des temps et des modes. ou pas.

 

lu 17.02.14
Paris.
temps qui met du temps à se lever le matin, brumes, puis le soleil sort un peu en après-midi.

10 h d’élagage et d’abattage (3 chênes malades démontés puis abattus, 4 élagués), avec seulement 25 minutes de pause au milieu. cuits, lessivés le soir avec J, le collègue. claqué mais fatigue saine.

La liberté finalement c’est peut-être le choix… de pouvoir choisir. choisir son itinéraire.

Stéphane Brosse
triple champion du monde de ski alpinisme

 

ma 18.02.14
Paris.
ciel blanc, presque toute la journée je crois.

boulot, gestion. puis mécanique tronçonneuse, devant le garage, dans le plaisir de bosser dehors, avec ses mains.

 

me 19.02.14
Paris.

pas un jour sans note n’est pas mon but.
fatigue.

je repère un chantier d’élagage, bosse encore un peu, puis je glande, longuement, moi qui d’habitude sais si peu ne rien faire.
lecture, musique en fin de journée.

s’éprouver centré, unifié…

 

je 20.02.14
Paris.
pluie, vent. les troncs sombres, le jardin noir, trempé.

boulot, gestion. puis bosser à écrire ce projet de disque : textes, courbe d’intensité, intention et sources musicales, définition d’un « orchestre » type… quelque chose de très musical, mélodique.