ma 03.09.13

Paris.

boulot, fatigue.

 

me 04.09.13
Paris.

boulot, exténué, des coups de barre, de faiblesse assez violents. je paie les excès de la semaine précédente, mais peu à peu, extrêmement lentement, je me recale dans un rythme horaire moins usant.

 

je 05.09.13
Paris.

Grimper sur la montagne pour voir le monde, pas pour que le monde vous voit.

David McCullough, prof d’anglais

 

courir dans le boulot, la quantité de projets, la fatigue, la récupération très lente.

 

ve 06.09.13
Paris.
après la très grande lourdeur de la chaleur hier, ça craque ce matin en orages. la fraîcheur arrive, et pénètre le jardin. la sensation de légèreté est bienfaisante. mais à 11 h il fait extraordinairement sombre.

voilà plus d’une semaine que je saisis dans l’ordi les corrections de bref portées sur le papier. travail laborieux, lassant souvent, mais fini aujourd’hui. c’est un étape de plus, il en faudra encore plusieurs, beaucoup…
répétitions seul pour les lectures à venir.

 

sa 07.09.13
Paris.
beau temps frais.

je reprends peu à peu le journal, c’est-à-dire que la disponibilité, quelques jours sans trop lourdes charges de travail, permettent à la pensée de se dégager.

travail sur le site, refonte de la page d’accueil, travail graphique et de typo, de styles, et leurs traductions en code…
répétitions seul pour les lectures à venir, comme depuis quelques jours.

 

C’est parce qu’on n’y comprend rien qu’on cause. Si on comprenait on serait trop content de se taire.

Robert Pinget – Quelqu’un
éd. de Minuit, p. 29


au lit, à lire. cette grande « félicité », oui pas d’autre mot convient, j’ai beau chercher, de se détendre, sans n’avoir plus rien « à faire », de se laisser aller : s’étendre… dans les sens concret, dit « propre », comme dans le sens figuré où la pensée, dé-contrainte, s’ouvre, légère, lente, vagabonde…

 

di 08.09.13
Paris.
beau, frais.
départ pour la Normandie, quelques jours, avec S, ensemble.

de nuit sur la plage, la marée qui remonte, puissante, et nous surprend par sa rapidité. nous l'observons longuement grimper sur la plage, elle progresse quasiment à la vitesse d'un mètre par minute, dévorante, impressionnante.
je n’avais vu cela qu’une fois, lorsqu’enfant à Saint-Malo elle nous poursuivait à la vitesse d’un marcheur…

 

lu 09.09.13
Normandie.
vent grains, éclaircies, mer un tout petit peu formée…
surplomber Omaha beach. visiter le très large cimetière américain, plusieurs batteries allemandes, la pointe du Hoc… puis descendre sur la plage, vaste, le beige clair du sable, le vert-bleu de l'océan en marée descendante en fin d'après-midi, des petites mares d’eau qui subsistent à la marée descendante comme des oasis et se vidangent ensuite en de petits ruisseaux rayant le sable… le ciel immense... je plonge dans l'eau, très peu fraîche en fait, au moment-même où une éclaircie perce entre les très gros nuages d'un gris intensément profond... penser évidemment à ce qui s'est joué là de destins individuels, cloués sur cette plage, et du virage historique pour un continent, plusieurs même, en partie amorcé là, et pour les peuples qui se libéraient du puant joug brun.

 

ma 10.09.13
Normandie. Ouistreham, Caen… et retour.

 

me 11.09.13
Paris.
ciel gris, fraîcheur. les premiers coups de pattes de l’automne…

boulot toute la journée.
le journal est un peu en panne, c’est que je suis occupé par quantité d’autres tâches, menus soucis, sautes d’humeur rugueux et enjeux qui me compliquent la vie… difficile donc de s’enfoncer un tant soit peu dans la narration des jours, le constat de l’écoulement du temps, la poursuite d’une pensée.
peu le temps de lire également, tout juste un peu de Pinget, de Rousseau, quelques articles sur le net… des lectures aussi à préparer…

 

je 12.09.13
Paris.
gris encore, et fraîcheur, 14 degrés à 11 h.
départ pour les Pyrénées demain.

le but du journal, du carnet de notes, si je lui en sais un, n’est pas en soi d’accumuler un savoir, une quantité, même de mots, mais des éléments, des capacités de compréhension.
éléments : fait de mots, oui, évidemment, par eux, avec eux, mais ne se grisant pas d’eux-mêmes.
capacités de compréhension : et donc de voir, d’admettre, d’accepter, parfois de refuser.
tenter de « perce-voir » : comment l’on vit, comment ça se déroule, comment ça roule, coule…

tenir cette vigilance-là, mener cela continûment, c’est un fil ténu à ne pas casser.

 

ve 13.09.13
Paris. Pau.
gris, fraîcheur toujours. fine pluie en brume.

départ pour Pau. lecture ce soir de cabane d’hiver, puis le lendemain de parl#, les deux en solo au festival Poésie dans les chais.
train. brume sur les champs. répéter, faire des coupes, lire, écrire.
ensuite, écouter de la musique, dont le puissant Gill Scott-Heron.
nous passons à Bordeaux, puis les landes et leur terre sablonneuse, les tapis de bruyères en fleur, de genêts.

 

lecture de cabane d’hiver :
casser du bois… puis trouver le tempo, lent, le timbre, bas, et les tenir, tout du long.
se tenir en écoute de celui écoutant.
jamais lâcher, ou au contraire lâcher, ouvrir pleinement…
les gens écoutaient… dehors, dans la fraîcheur de la nuit descendue.
et ce tempo, pour la zique en particulier, large, plus large, des jours passant, et avançant…

le kif des voyages en hôtel… là, trois étoiles, minibar extrêmement bien fourni. rentrer le soir après lecture, verres nombreux avec les vignerons… écrire un peu, clope, fenêtre ouverte… éteindre très tard.
du plaisir de rencontrer Didier Bourda, Nicolas Vargas, de retrouver Edith Azam, et les autres rencontres, dont les gars des chais…

 

sa 14.09.13
Pau.
un peu cuit tout de même au réveil, après la longue longue soirée de poésie vinicole.
cave, repas… puis je dois donner une autre dicture dans un chais parmi les tonneaux, des « demi-muids » de Jurançon.

autre texte donc, dans la cave du chais Lapeyre, en marchant au milieu des travées de tonneaux, parfois rythmant dessus de la main, faisant porter la voix dans cette résonance…

soir : nous devons en être, je crois, à peu près à la 5 ou 6ème cave depuis hier, et une quinzaine de lectures en 2 jours… fatigué, mais sacré bel accueil des gens ici, d’ici, du Béarnais…

 

di 15.09.13
Pau. Paris.
retour, traversée encore une fois de la France en train, d’oc en oïl…

en rentrant, de ces passages de relais : au courrier, deux plis, deux lettres, l’une de Pierre Bergounioux, d’une infinie gentillesse, en retour du livre que je lui ai fait parvenir ; l’autre de Stéphane Sangral, que je ne connais pas, mais qui m’envoie généreusement l’un de ses livres pour avoir lu les miens…

Comment prendre le temps de prendre le temps, quand, vorace, le temps prend jusqu’au souffle…

Stéphane Sangral, Méandres et Néant
éd. Galilée, p. 21

le fait du passage… 
nos petites traces comme marques de cette grande affaire qu'est le temps...

la pluralité, la densité des vies en cours, et pourtant leurs quasi insignifiances, de fait… alors que nous sommes tous persuadés d'avoir une destinée unique, particulière, ce qui est peut-être vrai, mais aussi pleine d'importance, centrale, alors que cela n'est vrai bien souvent que considéré depuis soi-même à propos de soi-même.

 

lu 16.09.13
Paris.

du fait qu’en tant qu’êtres vivants nous ne soyons que par les autres.

lucidité.
comprendre, un peu.

 

me 17.09.13
Paris.

essayer de travailler, dans la fatigue.
la lettre que m’envoie une amie écrite lors de la mort de sa mère, si forte.

je reprends mon ancienne note :
« oui, vivre sans le désir sans cesse d’avoir ce que l’on n’a pas, et qui serait supérieur à ce que l’on a.
c’est sous doute l’un des secrets d’un bonheur simple, quotidien… savoir le pratiquer est une longue histoire sans fin, et tout en sachant conserver les grands élans porteurs, ceux qui nous mènent en avant, devenant. »
l’aurais-je déjà oublié ?

 

me 18.09.13
Paris.
temps toujours gris, venté, pluvieux, frais, comme depuis plusieurs jours sur la région… ce début d’arrière saison n’est pas meilleur que le printemps.

retravail dans l’urgence de la maquette de cabane d’hiver, pour sa réédition, le premier tirage, modeste, étant épuisé, en pré-commande, avant sa sortie officielle.
continuation dans la tentative de partage de deux trois trucs que l'on sent, que l'on sait parfois.

derniers préparatifs d’une des plus grosses journées de l’année, demain : orientation et escalade pour 120 personnes, 13 guides, à Fontainebleau. le soir au lit, à relire le déroulé, traquer les failles dans le « scénario » afin que ce soit fluide et simple, mais aussi afin de dégager une marge de sécu (en homme, en temps, en moyen), si nécessaire, en cas de pépin.

 

je 19.09.13
Paris. Fontainebleau.
5 h : départ dans la nuit noire, une énorme lune pleine, éblouissante, glisse derrière les nuages, flotte au-dessus de notre horizon terrestre. nous la retrouverons au retour de notre longue journée d’escalade vers 22 h.
4 h d’installation avec notre bande de grimpeurs, dans l’aube qui pointe, la forêt encore humide, le rocher encore un peu glissant des pluies de la veille, les bruyères sur la fin de leurs floraisons…
ensuite tout se déroule, malgré quelques blessures bénignes (brûlures sur cordes, cheville) mais qu’il faut gérer dans le feu de l’action, et c’est une tension usante à tenir dans le calme.

 

ve 20.09.13
Paris.

bref le réduire, maigre, le radicaliser peut-être. simple, cru.
travailler mieux aussi les sauts de lignes, donc les espaces blanches, les silences, les respirations.

difficile ces jours-ci de garder, de mener le fil de pensée dans le pic d’activité. il faut donc bien, on le sait, pour développer, suivre, poursuivre cela, du temps, de l’esprit « loisible ».
dès qu’un espace de temps s’entrouvre, la pensée alors s’y dilate, libre, comme un gaz.