ma 20.08.13

Paris. seul.
ciel clair, frais. lune pleine.

ok. vais pas me morfondre hein.
trouver le calme, aller le chercher puisque j’en parle depuis si longtemps. c’est l’occasion ce temps seul d’apprendre un peu mieux à aller la chercher cette paix en soi, puisque je ne l’ai pas trouvée et sais pouvoir l’atteindre un tout petit peu plus.
au réveil méditation, mélancolique, puis je lève la tête et regarde enfin la journée comme riante, la journée belle, le soleil, le prunier en feuilles.

je me suis mis à relire bref depuis 4, 5 jours, chaque matin, quelques heures avant tout autre travail. j’y trouve des faiblesses terribles parfois, qu’il va être probablement bien difficile de résoudre alors qu’elles ont été inscrites, imprégnées dans le premier jet… à d’autres moments, même fragile, ça semble tenir à peu près l’équilibre sur le fil, en tremblant… c’est ce tremblé aussi qu’il faudrait dire, tenter de dire…
cela en disant simple, en disant cru aussi.

ensuite reprise du travail de gestion, laissé depuis 3 semaines presque. puis marche et bricolage, ce qui me délassent considérablement.

au soir : une petite bière, écrire, écouter de la musique.
calme, les petits médocs qui depuis hier soir de nouveau font leur effet léger mais suffisamment important pour m’amener à pouvoir jouir des petites choses, plutôt qu’à ruminer et à se creuser l’os du crâne…

 

aller chercher cette paix, qu’est-ce que cela signifie véritablement ?
j’ai tout ce qu’il me faut : à manger à ma faim, un toit (qui me plait qui plus est), quelques sous, une belle amie aimante, des filles qui me sont tellement proches, de très vieux amis attentionnés, une famille où le dialogue est ouvert, un axe fort d’ouvrage dans ma vie… alors ?
quelle est cette inquiétude qui est là si souvent ? quelle est la chose que je n’ai pas intégrée, que je ne comprends pas, que je ne sens pas, ne saisis pas ? cette faculté, peut-être, de vivre au présent chaque chose comme « donnée », comme miraculeuse ? suis-je donc à fonctionner comme un enfant gâté ?
l’un des problèmes majeurs, c’est le désir. celui tout du moins qui nous fait vouloir sans cesse autre chose que ce que nous avons déjà…

je dis tout cela fort mal, mais c’est là qu’il me faut aller…

 

me 21.08.13
Paris. seul.
fraîcheur au matin.

ici : juste le témoignage d’un homme qui cherche.

en lisant Valéry :
regarder sa main : cette étrange sensation de conscience d’être dedans et d’en être extérieur, tout à la fois. de même pour la pensée : être dedans toujours, et à la fois se voir penser/pensant. être soumis, par essence, à notre condition et, en même temps, par cette même essence se savoir être soumis. de cette ambivalence devrait être marquée toute réflexion sur nous-même.

 

oui, vivre sans le désir sans cesse d’avoir ce que l’on n’a pas, et qui serait supérieur à ce que l’on a.
c’est sous doute l’un des secrets d’un bonheur simple, quotidien… savoir le pratiquer est une longue histoire sans fin, et tout en sachant conserver les grands élans porteurs, ceux qui nous mènent en avant, devenant.

 

entendre, étymo : du lat. class. intendere « étendre, tendre (quelque chose) vers », mais aussi « se tourner vers, se diriger vers ».

au parc, allongé, à regarder les nuages… un fragment d'arc-en-ciel, très haut dans des cirrus, il est horizontal, je n'avais jamais vu ça... et puis les pommes du cèdre, tendres, vertes, les corbeaux dedans...

 

L'homme pense en dehors du besoin.

Paul Valéry, Tel quel
folio essais, p. 87

 

je 22.08.13
Paris. seul.

le temps se dilate.
je travaille à l’alimentaire au bureau, puis je continue et achève la relecture-écriture de bref. comme à chaque fois, il est extrêmement difficile de soutenir, de porter, plusieurs heures, sans pause, la concentration, la tension d’énergie, de sentiments, que requiert ce travail…
il aura fallu 8 jours de relecture.

le boulot de journal représente une somme de labeur considérable, parfois pénible : non dans son écriture, mais dans sa relecture, sa mise au propre, et sa publication régulière, lourdes…

très longue discussion de nuit au téléphone avec S. et cela apprend à aimer mieux. encore.

 

ve 23.08.13
Paris. sables de Fontainebleau.
chaleur irradiante sur la silice et le grès en forêt.

L'ennui est une non-existence sensible.

Valéry

 

ce que je découvre ces jours-ci par rapport au présent et au désir, je le savais depuis fort longtemps, mais je parviens tout juste à le vivre, à le faire rentrer dans les « gestes » depuis quelques jours seulement…
vivre heureux ça se crée donc aussi.
pas de médoc depuis lundi.

à travailler, acharné, toujours. c’est ainsi.
n’ai jamais lâché depuis 35 ans. c’est un fait.

à relire quelques extraits de mes livres anciens. qu’ai-je écrit depuis de nouveau, de mieux ? presque rien je crois.
à constater ces périodes, qui ont été différentes, du travail de matière : de la pâte narrative que l’on cherche fluide, écoulante ; de l’émergence radicale, violente des mots en leur pâte physique, que l’on bouscule, malaxe, mâche ; à maintenant, la parole claire.

 

sa 24.08.13
Paris. seul.
le temps tourne et se charge de pluie à venir.

fatigué d’avoir veillé si tard les précédentes nuits, je n’ai pas éteint avant 3 h 30 aucun de ces jours derniers.
après 3, 4 h de boulot, je me mets en repos pour la fin d’après-midi, exténué.

promenade de nuit, l’air frais, la brise aérienne. seul, regardant les gens, ensemble, fêtant le samedi soir.
la pluie commence dans la nuit.

 

di 25.08.13
Paris.
la pluie n’a pas cessé depuis hier soir, tenace, continue, froide. en milieu de journée, la température ne dépasse pas les 15 degrés.

après-midi avec Lucie Taïeb, Sarah Cillaire, et en soirée avec Christophe Manon.

l’une des différences entre la poésie et le roman ou récit, et qui est sans doute de l’ordre de leur essence, c’est un rapport au temps : comment la temporalité travaille la parole et pensée, comment la voix dedans qui parle travaille la temporalité.
la poésie relève et révèle de l’instant, là où le roman et récit sont travaillés par l’écoulement.

malade toute la nuit.

 

lu 26.08.13
Paris. forêt de Montmorency.
malade, presque pas dormi cette nuit, une seul heure, bronchite et asthme violent, rester assis plusieurs heures à tenter de trouver respiration…
puis aller bosser quand même, aux aurores, au sommet des arbres.

au soir : je reçois cabane d’hiver. cette joie toujours de voir un livre sortir…

 

ma 27.08.13
Paris. forêt de Montmorency.

 

me 28.08.13
Paris. fête et arbres à Rosny.

prochain livre : ça ?

 

je 29.08.13
Paris.

escalade et gros boulots de fond tous ces derniers jours.
ça avance bien et de façon conséquente dans les différentes projets. ça ne fait pas de mal.

 

Ignorer que nous vivons
Remplit assez notre vie.
(…)
La meilleure des vies est celle
Qui dure sans que nous la mesurions.

(…)
Le Monde ne s’est pas fait pour que nous pensions à lui
(penser c’est avoir mal aux yeux)
mais pour que nous le regardions avec un sentiment d’accord.
(Alberto Caeiro)

Fernando Pessoa

disserter là-dessus
savoir que l’on vit
cf in « l’inquiétude » : sentir sa tête, accéder à cette conscience de se voir pensant, avec ce siège haut, au-dessus du reste de notre corps qui paraît être son prolongement, son outil et son moyen.

 

ve 30.08.13
Paris.
beau.

fatigué, épuisé, à se coucher beaucoup trop tard chaque nuit, plus la bronchite qui traîne et assomme un peu.
saisie des corrections de bref. piscine. sieste. reboulot. lire Pinget. ai arrêté finalement les saisies de bref, je l’écris…

 

sa 31.08.13
Paris.
fête le soir.

 

di 01.09.13
Paris.

au bout de la fatigue : très gros boulot depuis dix jours, nuits de 4 h, bronchite asthmatiforme, alcool et stupéfiants, médocs… grand temps de trouver à reposer la viande, largement faisandée depuis plusieurs jours. gueule de gros bois, lessivé… le corps commence à avoir mal, violemment courbaturés.
je dors en rentrant de 14 à 18 h.

 

pour mon enterrement : un cortège d’amis, marchant, en montagne, peut-être, mais avec des musiciens devant.

 

lu 02.09.13
Paris.
beau

S est rentrée. c’est une joie.

un épuisement mais un épuisement heureux, quoique la frénésie soit, déjà, encore, là…
plus qu’étrange semaine : malade, sommeils de 4 heures par nuit, journées de grimpe, avancées en boulot, fêtes dessus… les jambes me font mal, la fatigue est descendue dans les mollets… signes de quand elle est grande…
maintenant poser, reposer… laisser aller… regarder faire…
regarder, écouter, respirer…

 

grande difficulté à s’endormir, étant dans un grand décalage horaire.

voir l’activité de son cerveau, ses pics d’activités, de pensées rapides, fusantes, ou ses moments de latence. en avoir conscience, le « voir faire » j’allais dire, me permet sans doute, dans une certaine mesure de moins subir ses humeurs, ses accélérations maniaques, ses descentes sombres, et, non pas de les contenir, mais de les laisser passer, se dérouler sans les alimenter d’autant.