me 03.07.13

Paris.
ciel voilé, proche de la pluie.

bref : après 1 an de murissage et notes, 60 matins continus d'écriture, 2 mois à laisser reposer, je reprends le manuscrit...
presque impressionné de rentrer à nouveau là-dedans. presque à éviter. presque peur de ce que je vais y trouver. j’y remets le nez précautionneusement, et très brièvement.

retour de fatigue.

Ariane Mayer vient avec un compagnon filmer à la maison un entretien portant sur la littérature, le numérique, pour un colloque à San Francisco et qui nourrira sa thèse qu’elle mène sous la direction de Stiegler. je tente de cerner le sujet par quelques grand traits clairs. nous passons ensuite un peu de temps à discuter agréablement.

sans chercher à paraphraser Louis XIV, écrire c’est moi… ce que je souhaite dire ici c’est que ça n’est pas une activité extérieure, mais constitutive.

 

je 04.07.13
Paris.

de cette grande difficulté, terrible en réalité, de tenter, chaque jour, de s’exprimer, de mener un ouvrage de pensée aussi peu indigent que possible, et cela au travers et malgré les jours d’énergie basse trouant ceux de dynamisme haut, au travers et malgré les heures sombres pesant sur celles de clarté, de légèreté et de limpidité.

se sentir parfois si soumis à notre condition humaine ; fragile, acharnée.

soumis à la viande aussi, et là-dedans en particulier à la chimie physiologique influant sur le psychique, sur lesquels nous ne pouvons qu’en si petite part agir, et pourtant… nous avons en nous, probablement, les ressources, les moyens, les possibilités de sérénité. reste à nous de les chercher, de les trouver, par une pratique de vivre, une respiration, une attention précise, accrue, profonde à ce qui est.

 

ve 05.07.13
Rambouillet.
grimpe dans les arbres. tenter de faire découvrir, par ces moyens-là, à une équipe extrêmement brouillonne, les avantages de l’écoute quand il s’agit d’être et de faire ensemble.

 

sa 06.07.13
Paris.
chaud, soleil, quoique le ciel comme presque chaque jour de cette saison se charge vite en cumulus.
repos. une après-midi pour soi, seul.
je crois finir les modifications sur la maquette de cabane d’hiver.

soirée avec Steph : comme toujours, grandes, belles discussions avec lui…

 

di 07.07.13
Seine Saint-Denis.
départ pour une journée de grimpe d’arbres. comme toute saison, ça devient dur, rude de se lever, lorsque les réveils aux aurores se multiplient, se répètent, suivis de journées longues, physiques, de 12, 13 heures.
chaud aujourd’hui, c’est monté jusqu’à 29. heureusement nous étions sous l’ombrage de la forêt.

fatigué, cuit. incapable d’écrire quoi que ce soit au retour le soir.

 

lu 08.07.13
Hauts-de-Seine.
grimpe d’arbres.
grand beau, chaud.

cuit de fatigue, « carbonisé ».
presque vide pour écrire.

je reviens sur ces chiffres : 7 milliards de vivants... 106 milliards de morts (estimation de -10 000 à 1940, et y'a eu avant... et après...)

je reviens à ces mots :
- écrire et dire
- ce que nous sommes, ce qu'est le monde
- simplement, clairement
- librement

 

ma 09.07.13
Paris.
dormi 12 heures. j’étais épuisé.
boulot au bureau, à la table.
préparation de sacs.
écriture, ou plutôt corrections, encore, infinissables.

seul.
écouter la ville.
regarder la vie passer, en terrasse.

 

deux modèles, incompatibles semble-t-il :
- société de possession, de profit (donc de concurrence)
- société de partage (donc de complémentarité, d’échange, de mutualisation des compétences)

 

me 10.07.13
Paris.
le beau, le chaud, l’ensoleillé toujours là.
matin : gestion, écriture.
après-midi : grimpe.

après les journées de grimpe, seul depuis plusieurs jours à la maison, je n’en finis pas de finir la maquette de cabane d’hiver, je l’écris encore et même relis entièrement le texte, une énième fois, l’aère, précise encore quelques tournures, phrases, pensées…
mais ce soir j’en ai fini avec l’écriture (dont la maquette fait pour moi partie) 7 mois après être parti là-bas, sur le Causse…
comme une petite tristesse, mais j’attendais aussi cette fin pour avancer les autres projets en cours, avoir le temps, l’esprit centré, disponible pour eux.

rémanent : c’est-à-dire ce qui subsiste après disparition de sa cause.

 

je 11.07.13
Paris.
l’air est frais, pur, léger au matin. le ciel très légèrement voilé.
écriture, avant de filer encadrer en escalade à Fontainebleau.
sur les sables très blancs, très fins, le soleil. mais un peu de brise, qui nous évite la cagne…

le soir, le boulot sur le terrain passé, ce besoin d’ivresse pour me détendre, alors que j’entame plusieurs jours de travail à la maison, au calme normalement.

 

ve 12.07.13
Paris.
soleil.
jusqu’à 16 h à de la gestion, puis je m’accorde une fin d’après-midi, au calme, devant le jardin. un besoin profond de cela.

au vu de la multiplication des réactions, Refonder semble toucher à ce qui est commun à beaucoup d'entre nous autres.
et pourtant l’énorme champ là-dedans, majoritaire, de ce qui n’est pas dit.

 

la quantité considérable de changements en cours cette année, et cela dans tout domaine quasiment.
je m’étonne toujours de cet aspect si cyclique, de ces phases, de cette périodicité de 6, 7 ans que je retrouve dans ma vie depuis presque toujours. et en amont même de ce que j’avais jusqu’à aujourd’hui identifié : vers 8, 9 ans la séparation de mes parents, l’écartèlement, vers 15, 16 ans les premières pertes de conscience.
perdre conscience : quelle étrange affection…

pour ce qui est de cette période-ci, actuelle, je comprends ce qui en cours de changement. je la vois se faire, passer… à la grande différence des périodes précédentes, où je subissais purement les faits m’impactant alors. je ne sais toujours pas influer entièrement sur leur cours, mais par cette conscience je peux agir encore, et non pas seulement réagir, comme avant, à corps perdu, comme un animal pris.
il s'agit aussi de ne pas résister à ce qui change, à ce qui coule, car à cette lutte nous serions toujours submergés. l'on peut préparer, anticiper certains changements, mais il s'agit surtout de s'abonner à ces charnières, ne pas s'accrocher aux fonctionnements usés, devenus inadaptés. il s'agit aussi de s'abandonner à l'étendue du temps, accepter l’évolution.

se constatant être dans cette période, un peu sombre actuellement… il y a quelques temps, je savais que se déroulait un moment de bonheur simple, et qu’il allait changer.

nous allons avancer, résoudre cela.

 

revenir à essayer de chantonner-murmurer-parler.

 

sa 13.07.13
Paris.

du lourd, du pesant me tombe à nouveau sur la tête, affectif et également professionnel, dès le réveil…. s’abandonner d’abord à la tristesse, atterré. puis faire un effort violent pour garder calme, recul, clairvoyance, pour ne pas trop s’arcbouter, et laisser glisser. mais il y a trop de changements, de précarité, de rugosité dans cette triste année pour que cela n’impacte pas soi-même mais aussi l’intimité et la relation aux proches. l’affection pour eux alors trop souvent ne parvient à s’exprimer qu’au travers d’une colère ou d’une mélancolie, marquant là l’amertume, la déception de ne pas voir cet attachement réussir dans ces moments-là à se vivre avec douceur.
des envies de se réfugier dans le sommeil. incapable de bosser.

un moment après, je parviens à goûter à nouveau aux petites choses quotidiennes : le soleil aujourd’hui, S, mes filles, qui sont ici. mais incapable de reprendre le boulot, je ressens ce que doit être la procrastination, ce léger serrement que l’on repousse, que je ne connais habituellement jamais.

nous sortons boire un verre et manger, très agréablement, mais, même là je reste triste, affecté par toutes ses dépenses d’énergies sentimentales qui trouvent peu leurs buts.
plus tard, progressivement, par une discussion longue, essentielle, nous nous retrouvons enfin, au soir, tard, complices. nous nous endormons apaisés à 4 h passées.

 

mener sa propre construction, conduire son boulot : cela me fait l’effet d’être un facteur Cheval rajoutant, chaque jour, à l’édifice, un petit caillou glané.

 

ne pas se faire d’illusion : nous sommes en train de mourir.
ça n’est ni désolant ni joyeux, c’est.

 

Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber : j'ai voulu savoir ce que c'était. C'était une pierre d'achoppement de forme si bizarre que je l'ai mise dans ma poche pour l'admirer à mon aise.
Le lendemain, je suis repassé au même endroit ; j'en ai encore retrouvé de plus belles. Je me suis dit : puisque la nature veut faire la sculpture, je ferai la maçonnerie et l'architecture.

Facteur Cheval