29.03.13
Paris.
bref avance. les agencements, les articulations se font. content que cela progresse. sans doute ce rythme très matinal qui y mène. mais je sais aussi que j’ai probablement les parties les plus difficiles devant moi, celles où j’ai le moins d’éléments en stock, et surtout le moins de facilité pour ce que je veux y dire.



30.03.13
Paris.
trop peu de temps pour moi, c’est-à-dire pour travailler mes petits bricolages, trop peu de plages où s’y engouffrer, et cela finit toujours pas m’excéder au bout d’un moment.
fatigué.



31.03.13
Paris.
content : bref avance. sans doute le fait d’avoir, en amont, laissé mûrir, lentement, longuement, et d’avoir su très peu de temps après que de s’engager tout à fait — si ce n’est déjà être dans l’engagement — ce que je souhaitais y dire, très précisément, fermement : deux, trois grands axes cardinaux, suffisants.
après-midi au Louvre en famille.
soirée à écrire et à travailler la maquette de cabane d’hiver.
fatigué encore.



01.04.13
Paris.
grand beau, et froid (entre 0 et 5), comme depuis une bonne semaine.
épuisé. sans doute est-ce dû au fait, contre nature chez moi, de me lever très tôt pour plusieurs heures d’écriture, avant de faire sa journée de travail « habituel », trivial. les nuits n’épongent plus la fatigue depuis plusieurs jours, et cela me devient toxique lorsque ça se prolonge : renforcement paradoxal de la difficulté à savoir s’arrêter, difficulté à penser posément, énervements, atteinte du moral… toutes les caractéristiques de l’engrainement maniaque, vétilleux.

longue marche dans Paris, plusieurs heures, sous un soleil large, clair.
j’espère que la marche me lavera des petites tensions que je n’arrive pas à essorer à cause de la trop grande fatigue. et puis, il me faut être frais pour demain, c’est que je passe la journée sur les toits dominant le jardin du Luxembourg pour une descente en rappel.

un mail me fait part d’une belle réaction à mes travaux, portée dans le journal d’une auteure il y a plusieurs années. un petit frétillement évidemment de l'ego bien content.  mais surtout il est agréable de savoir que ce que l'on essaie de saisir, de ce qui nous paraît important, diffuse, discrètement, sans que l'on ne le sache forcément.



02.04.13
Paris.
grand beau, ciel immaculé, frais. 2 degrés à 7 h 30.
écrire quelques heures avant de partir (chaque matin sur bref ces temps-ci). mes énormes sacs, pleins de cordes, sont prêts.
journée sur les toits sous un beau soleil.
au retour, premier arrosage du jardin. les tulipes et narcisses peinent, et la neige les avait couchées.



03.04.13
Paris.
toujours le grand beau. frais. que j’aime.
matinée : écriture.
beaucoup bossé mais à peine progressé dans bref, n’ai pas dépassé les pages où je m’étais arrêté, mais les ai précisées, et en ai dégagé une séquence. et puis la structure, en avançant dedans, se dégage, se découvre un peu plus. même si je sais où je souhaite aller, et c’est bien rare pour moi dans ce genre d’exercice, ce n’est qu’en progressant dans ce taillis que je discerne ce qui se trame, se joue ici, peu à peu.

après-midi : boulot alimentaire et gestion classique, que je mène toujours au pas de charge pour dégager du temps. sport.
soir : revenir à écrire, et lire, jusqu’au coucher…

peut-être moins à dire, plus elliptique, dans ce journal ces jours-ci parce que ça passe dans le manuscrit en cours, que je nourris ailleurs ? il y a comme un transfert d'énergie entre le journal et le livre, autre, en cours…

Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles.

Michel Leiris

Ils parlaient tous à la fois, et leurs voix insistantes, contradictoires, impatientes, rendaient l'irréel possible, puis probable, puis indubitable, comme font les gens quand leurs désirs sont devenus des mots.

Faulkner




04.04.13
Paris.
les journées se ressemblent en ce moment, avec leur rythme relativement équilibré.
matin : bref. un puzzle géant, à mille pièces, où je n’en ai que quelques unes, les autres, manquantes, à inventer. mais je travaille, enfin, une forme, et non plus l’idée d’une forme, éventuelle, possible.

après-midi : gestion habituelle. de la boîte, de la vie courante.

j’écris peu dans ce journal. j'en oublie même la météo. légère pluie en milieu d'après-midi.

soir : plusieurs lectures diverses, dont la prose superbe, violente, et l’intelligence non moins, de Grisélidis Réal.

Le vaste monde : un grain de poussière dans l'espace.
Toute la science des hommes : des mots.
Les peuples, les bêtes et les fleurs des sept climats : des ombres.
Le résultat de ta méditation perpétuelle : rien.

Omar Kayyam
Rubayat XXVI



trouver le subtil équilibre entre le tout émotionnel, le diktat de la pulsion, et le réfléchi, le tout contrôlé. beaucoup sont dans l’un ou l’autre, sans tempérance. trouver le point se nourrissant, avec mesure, des deux est une longue affaire.



05.04.13
Paris.
bref : une grande difficulté la majeure partie de la matinée, et puis tout d’un coup quatre, cinq pages. mais encore bien brutes. et les pièces, le puzzle, gagne sensiblement en agencement. le chemin se trace un peu plus, encore.

me suis rendu à une soirée poésie avec pas mal d’auteurs que je ne connaissais pas, espérant un peu faire quelques découvertes, mais finalement que Chiara Mulas, Serge Pey, que je connais bien, et Bas, l’allemand, dans une moindre mesure et que je découvre, qui ont été bons ce soir.

spectacles, comédiens, poètes : ce sont toujours les plus mauvais les plus longs.

au soir, relecture de Pessoa, de Khayyam…



06.04.13
Paris.
beau temps, assez frais au matin (5 degrés).
épuisé encore. et je n’arrive pas à gagner sur la fatigue des heures de repos.

journée au sommet des arbres.



07.04.13
Paris.
grand beau, mais toujours très frais.

L'homme a besoin de cette demeure étroite, à condition qu’elle soit perméable à l'étendue.

Jaccottet - en ses Taches de soleil, ou d’ombre (21)  


la peur dans cette petite ville de banlieue bourgeoise, comme dans beaucoup d’autres, lisible à leur police municipale aux allures de pays totalitaires : à pied, en voiture, en vélo, montée sur des chevaux noirs, ou encore en segway customisés et écussonnés (si l’on se renseigne un peu on constate même que l’un des arguments de vente de ces appareils auprès de la police est, je cite, « position debout et en hauteur pour dominer son interlocuteur »), et enfin flash-balls et autres fanfreluches minables à la ceinture… quelle dégoût, quelle tristesse. c’est que sans doute ils ont du bien à défendre, et leur petit confort inquiet, étroit, cloîtré…

seconde journée dans les arbres. une immense fatigue, ravagé même. avoir tellement parlé, que je n’ai plus qu’une grande envie, celle de la fermer.
retrouver enfin le soir l’écritoire. et un petit whisky…



08.04.13
Paris.
ai un peu récupéré. suis arrivé à travailler dans le calme, le complet silence ce matin.
bref : j’ai fini de poser toute la première partie, brute. et puis ai attaqué de suite, dans la foulée, la composition de la partie 2 dont les éléments premiers, élémentaires, d’ossature sont, en fin de matinée, déposés. encore une fois c’est un matin de grosse avancée, structurelle.
je referme le fichier, et ensuite, le reste de la journée, je n’y touche plus.

mes primevères crevaient de soif. je les regarde : ils leurs faut à peu près quatre à cinq heures pour se redresser. et m’en foutre plein les yeux.

de l’intérêt de ce journal ces temps-ci, alors même qu’une grand partie de ce que j’ai « à dire » passe dans le manuscrit en cours ? je ne sais pas trop, mais ne jamais trop oublier de se la poser cette question…


Yourcenar : « une des premières choses nécessaire pour l’écrivain : l’attention (…) et puis être clair (…) ce que l’on fait n’est pas si important. » (entretien filmé Le paradoxe de l'écrivain, 1981)… tiens, tiens… j’aime entendre dire ça.



09.04.13
Paris.
gros temps gris. des averses de pluie, de grêle.
le matin encore une fois sur bref. il n’y a qu’à ce moment-là semble-t-il que j’ai assez d’énergie, de fraîcheur pour saisir l’ensemble, les enjeux et les contours, et parvenir, peu à peu, pas à pas, à avancer.


dans ce si peu
qu'est devenu le journal ces jours-ci
pourquoi tenir encore ?
c'est que c'est le temps
et qu'il est aussi parfois
là ainsi.



10.04.13
Paris.
à 6 h 30 du matin sur bref, avant de partir bosser dans les arbres. j’avais mis le réveil à 5 h, mais n’ayant pas réussi à m’endormir hier soir, il a été vraiment trop rude, avec moins de 4 h de sommeil, de se lever aussi tôt. mais j’ai tout de même réussi ainsi à glaner quelques heures d’écriture avant de partir bosser.

ce volume, bref, écrit effectivement avec ce qui reste, subsiste des images, des impressions rétiniennes, des ambiances, des sensations affectives, ancrées, fournies par des lieux, des moments, qui nourrissent alors le livre. modelé avec les traces qui demeurent et marquent dans la souvenance profonde, et non avec l’actualité des faits. bel et bien une écriture d’après, comme je le soupçonnais.

Il ne faut pas s'astreindre à une œuvre, il faut seulement dire quelque chose qui puisse se murmurer à l'oreille d'un ivrogne ou d'un mourant.

Emil Michel Cioran
De l'inconvénient d'être né, in Œuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1272




11.04.13
Paris.
longue méditation fenêtre ouverte.
matinée : sur le manuscrit. toute la partie 2 posée, non plus seulement dans sa structure, mais maintenant dans une grande partie de sa « chair ». le manuscrit atteint 220 pages.
après-midi : gestion courante et boulot alimentaire.
soirée : écrire encore un peu, lecture…
ce rythme devient récurrent. sans doute j’y trouve un équilibre.
l’intérêt d’en rendre compte ici, avec ces données brutes, sans analyse, sans conclusion, sans méditation particulière ? sans doute que cela témoigne encore de ce que c’est que de vivre… car il s’agit de ça, essentiellement.

à commencer à penser à ce que peut être une lecture publique de cabane d’hiver, accompagnée d’une improvisation musicale : quelque chose de calme, sobre, épurée, avec beaucoup de silence derrière les mots.