26.12.12
Lyon, Isère.
grand beau mais on perd une dizaine de degrés.
méditation dehors, peu de temps après le soleil levant, le chat posé à mes côtés. la lumière orange sur les pans de murs.

la lumière orange sur les pans de murs.

causer écriture avec mon paternel. le besoin qu’il ressent de raconter, laisser trace de certains éléments de sa vie, mouvementée, qui ont aussi une portée excédant l’intimée d’une narration de son parcours pour ses seuls proches : paysannerie, ancrage à la terre, ouvrier, guerre à 20 ans, déchirures, choix de vie obtenus à l’arrachée… de la difficulté d’une telle entreprise, qui devient forcément littéraire, de la difficulté de trouver la structure devant une telle abondance de matière, et dont de nombreux éléments pourraient être paraboles.
et puis comment gérer les souvenirs qui remontent crus, trop crus parfois pour pouvoir encore aujourd’hui être dicibles… ceux de l’Algérie par exemple, et ce qui ne peut être dit, n’a jamais été dit, de ce qu’il a vu, vécu là-bas, il y a 50 ans. certains sortent, aujourd’hui, parfois dans les larmes, d’autres encore cruellement verrouillés.


s’il me fallait mourir aujourd’hui j’aurais la sensation d’avoir accompli déjà une bonne part de la tâche qui m’importe, en tout cas d’être sur le chemin qui me convient ; et d’accompagner mes proches du mieux qu’il m’est possible de le faire, c’est-à-dire pas tout à fait parfaitement.
je sais ces phrases possiblement niaises, gênantes, mais il importe de dire ce que l’on sent.


lune énorme au bout de l’horizon, flottante. encore une fois, se sentir habiter sur une boule, la pente de la terre, sa courbure descendant devant moi, la lune au bout, au-devant, à un jet de pierre. de la difficulté de dire cette impression, cette conscience concrète, physique, claire, de se sentir habiter là, parmi.



27.12.12
Isère.
méditation dehors dans le vent froid, entre potager et prés d’herbes.
balade sur la crête, avec mon père qui marche un peu moins bien, dans le vent fort et la pluie.

.../ pour ce qui est d'une notice biographique, je n'y arrive pas — je ne peux t'expliquer pourquoi — ou bien quel problème ça me pose exactement — mais je n'y arrive pas, ou plus — quand je cherche sur le net des choses que j'ai pu faire et/ou qui parlent de moi je ne me reconnais pas — c'est à la fois moi, et pas moi, ou juste un bout de moi, ou des fois encore pas du tout — mais c'est peut-être ce qu'il faudrait juste que je dise de moi — que je n'y arrive pas — il faudrait peut-être seulement ajouter que, le langage — tous les langages dans ce qu'ils tendent de mains vers d'autres mains — me préoccupent — me questionnent — me portent vers des horizons inconnus de moi — ce geste-là, je veux dire le langage comme geste, me fait traverser tant de territoires, qu'il n'est pas utile de nommer ici — peut-être juste ajouter ça et ça irait, non ?

Manuel Daull



ça me revient : écriture est une image de la parole.

à lire de front L’homme penché de Thierry Metz, le Journal de Kafka, le Journal d’Annie Ernaux, l’Ethique de Spinoza…



28.12.12
Isère.
méditation dehors sous une petite pluie fine. le soleil blanc à travers les nuages translucides qui le diffuse comme un papier calque.
l’averse claque légèrement sur mes genoux, devient sonore sur les feuilles… au bout des quelques dizaines de minutes, le chéneau se met à couler, les arbres à dégoutter, le bassin à se remplir, les herbes à se couvrir de perles de pluie comme disait l’autre.



29.12.12
Isère, Belledonne, montagne.
journée de grand beau en altitude.
étonnement peu froid malgré le vent violent sur les pentes, créant des tourbillons de neige, dégringolant, glissant dans les combes, ou arrachés comme cheveux d’anges, fouettant le visage, un fin grésil, et montant dans le soleil en panaches de poudre arrachée aux crêtes.

terrible accident sur la route, une voiture ayant sauté quelques 100 mètres de ravins. arrivés sur les lieux, on trouve la conductrice quasi indemne, son véhicule pourtant réduit de moitié en hauteur. images prégnantes, qui restent sur la rétine, mais que je ne veux pas trop imprimer, pas trop nourrir, car ce genre d’images m’a déjà trop marqué par le passé, lors de cette étrange année où à différentes reprises j’ai ramassé plusieurs blessés et un homme mort, sur la route ou en montagne. donc ne pas trop s’appesantir sur cette vision dure (qui parfois impacte, remue, traumatise plusieurs années après). avancer. s’en détacher, ne pas l’alimenter : bizarre et concret exercice de lâcher prise, de méditation.

après la journée dans la neige, écrire un peu le soir.



30.12.12
Belledonne.
journée en montagne.

je n’ai pas lu l’ouvrage, mais appelle à commentaires brutes, phrases qui tombent, que l’on écrit avec le soupçon d’une pertinence et celui, à la fois, de quelque chose qui vous échappe.
« qui vous échappe » : échappe en partie à votre entendement, et échappe de soi, par l’écrit, dans ce que vous dîtes.
les citations sont de chez Florence Trocmé, échos de journal à journal :

Bernard Noël (Livre de l’Oubli) :
« Que l’oubli soit en expansion signifie qu’à tout moment il est fini et à tout moment en train de progresser vers l’infini. » (59)
analogie avec la cosmologie : l’univers.
à rapprocher de la phrase de Schrödinger : « le présent est la seule chose qui n’ait pas de fin ».
il y a du fini car le présent est infini. le présent ne peut être infini qu’en créant le fini.
le présent, l’infini progressif, crée le temps (l’épaisseur de durée) en se nourrissant de lui-même, se dévorant, et rejetant derrière lui des petites choses finies.

« La langue contient sa propre histoire depuis ses origines mais son emploi courant n’utilise que son présent. » (63)
la langues est pleine de son « bagage », de son passé, mais ne peut exister qu’actualisée, sur l’extrême front du présent.

« Les choses de langue naissent de la décomposition des choses du monde. » (63)
la langue elle aussi se nourrit de la dévoration du présent, rejeté ensuite en petits tas de choses décomposées, finies…

« quand elle obéit à la mémoire, l’écriture reproduit ; quand elle est tournée vers l’oubli, elle invente. » (67)
le travail du temps c’est le travail par l’effacement ; le travail de temps, à l’œuvre dans le journal, c’est inventer, devant, sur la ligne de taille du présent, la vaine tentative de le mesurer en le regardant passer.




31.12.12
Belledonne, montagne.
grand beau, froid.
ski encore. cuit pour les dernières pentes.



01.01.13
Belledonne, montagne. Lyon.
méditation sur le balcon face aux sommets qui se couvrent. peu froid, le plafond descend, ça sent la neige, mais il pleut en–dessous de 1100/1200m.
dix jours quasi continus de fêtes : trop grande fatigue.

arrivée à Lyon. exténué. cuit, barbouillé.
quelques minutes de sommeil éclair (j’avais écrit « quelques minutes de soleil éclair ») puis, un peu mieux, revenir écrire la note du 30 sur le temps qui n’était que brouillon, Schrödinger, etc… en poursuivant la pensée aujourd’hui, écrite à avant-hier.

gardant l’habitude : écrire dehors, sur le balcon, fumer… assis en tailleur, avec la doudoune, l’ordi sur une table basse. il doit faire 5, 6 degrés.



02.01.13
Lyon. Paris.
méditation sur le balcon.

puis retour à la maison.
la note du 30 court encore, 3 jours après…



03.01.13
Paris.
temps gris, humide.

boulot.

vient d’écrire un bref de bref.
version ultra brève de bref, déjà pas bien gras. une collection de 4, 5 éléments, sans doute la colonne. sais pas où ça va.
vraiment pas.
sais pas bien ce que je fais, mais un truc sans doute important, pour moi…
un personnage puis deux se sont ramenés il y a quelques temps. passeront fugitivement. ou pas. dépouillés. parleront ou pas. parlera dans sa tête, l’un, le premier. lui qui dit. ou plutôt qui se fait dire.

aussi, une grand difficulté à voir l’ensemble. d’abord sur l’ordi, mais aussi sur le papier. une vue d’ensemble. l’impression d’être chaussé d’un télescope et de ne pouvoir voir que partie après partie, jamais le tout synoptique du volume, de son enjeu.


fatigué. j’aimerai arriver reposé dans le Larzac, dans la yourte, ne pas d’abord avoir cette fatigue à écluser.

lu Journal du dehors d’Ernaux, Nouvelles du front de la fièvre de Jean Marc Flahaut, toujours dans le Journal de kafka.



04.01.13
Paris.
ciel très gris comme si souvent ici, plafond uniforme.

journée rien. des tâches menées, sans intérêt, que l’on oublie dans la foulée.
ai tout de même travaillé au dossier pour une résidence à la Villa Yourcenar, un peu travaillé à bref, ai fini À quoi bon encore des poètes ? de Prigent, et regardé des films de clowns…
écouté Patti Smith aussi.