17.12.12
Paris.
épuisé : les couchers trop tardifs, plusieurs jours à 3 ou 4h du mat, font leur effet, travaillent.

cité par l’ami Manon :

Je ne vois pas de différence de principe entre une poignée de main et un poème.

Paul Celan - lettre à Hans Bender




18.12.12
Paris.
ciel gris, clair. peu froid.

perdu une bonne partie de la journée dans des tâches administratives, et la rédaction de projets et arguments artistiques très divers, trop variés, avec bien du mal à y trouver parfois la conjonction propice avec ce que je veux véritablement mener. une grande difficulté, le soir arrivé, à y voir encore clair.
revenir au carnet, au journal est alors un moment précieux, isolé, où l’on se sent retourner au travail de fond, à celui qui fait le plus sens, au « véritable » chantier. même si, le cerveau embrumé, on n’est pas au plus efficace.

l’occasion du coup de faire un petit point de la décision de passer son hiver à écrire : sans doute j’arrive à lire (littérature, poésie, journaux d’écrivains, méditation…), à me documenter (espace), à assister à des lectures, rencontres ou spectacles plus que d’habitude (et donc d’y rencontrer des formes nouvelles, et nombre de gens ayant des goûts et recherches comparables), et que j’apprends beaucoup par là ; qu’une écriture de fond se mène, avec régularité, mais avec tout de même une assez grande difficulté à s’isoler d’avantage des tâches et sollicitations du trivial quotidien, mais probablement est-ce un leurre de croire pouvoir s’en affranchir plus…
le travail de journal, celui donc de mener une pensée, est sans doute ce qui bénéficie le plus pour l’instant de ce temps « libre ». les poèmes, très peu sont sortis, le projet de bref est trop frais pour avancer amplement, la fin de l’écriture de UUuU sans doute trop proche encore…


les citations, leurs places dans le journal, dans le travail, la façon dont elles nourrissent : elles sont là pour être retenues, mêmes si leur accumulation les rend paradoxalement moins mémorisables. le journal est alors comme une vaste base de données de la recherche, où l’on peut assez facilement retrouver trace des éléments collectés, analysés, utilisés, des moments, des phases, des périodes. le vaste corpus textuel qu’il constitue devient alors, une fois passé dans les couches, les stratifications, empilements, accumulations des notes passées, à nouveau explorable dans son épaisseur par une recherche par mots-clés.
et cela va permettre de s’y re-trouver, va permettre quand nécessaire, plus tard, le suivi des préoccupations, des durées, des mouvements progressifs-régressifs, de la recherche, de l'écriture… de sa genèse…
l'épaisseur d'un corpus sert alors aussi de matière pour le poursuivre.

et c’est là que l’on sait bien que l’on recycle tout de ce que l’on a lu, pour avancer dans sa propre écriture, et que sans doute l’on n’écrit que comme ça : réutilisation, redite toujours, autrement…

23h : pas mangé, l’impression que l’on est encore la fin d’après-midi, tellement j’ai été enfoui dans des quadratures à gérer, et qu’en ressort l’impression de n’avoir rien éclairci, rien dégagé, rien extrait de tout ça.



19.12.12
Paname.
flotte.
autre journée écrasante.
l’épaule droite en feu
celle côté souris
après 10 heures de boulot
passées à l’ordi.
fumé des dizaine de clopes.
besoin sauvage de…
sais pas quoi
de sortir un poème sale.
de siphonner l’ciboulot ainsi.
ça y est c’est démarré
c’est fait
c’est déjà fait
c’est parti
sur la pente savonneuse
de de quoi
sais plus
l’cerveau farci
comme l’oignon d’une dinde de noël.
arrive plus à quitter c’foutu écran
bosser
écrire encore
mais aller
aller marcher aussi
dehors voir s’il pleut vente ou nuit
aller marcher respirer l’oxygène froid
de notre petite atmosphère
terrestre
qu’elle me rentre dans la cervelle
et la siphonne jusqu’au dernier neurone
et que la marche use
mes dernières pensées
jusqu’au calme
pour recommencer.

et puis
dehors
il pleut
sais pas ce qui me touche dans la pluie
m’imprime me marque
il pleut

bosser comme un fou
quel sens
la destinée est la destination
l’important
d’être libre.

Le seul pouvoir que vous ayez est de décider maintenant ce que sera votre vie. A cette minute, à cet instant. Le pouvoir n'est ni dans le passé, ni dans l'avenir. C'est aujourd'hui.

Dan Fante




20.12.12
Paris.
flotte.
mes filles ont dix-huit ans. déjà, pourrait-on dire.

Refonder - journal : dans son tempo quotidien c’est un ouvrage sur le temps, avec le temps, soumis au temps.
l’apparition quotidienne de la note, mais aussi sa parution tout les dix jours grosso modo donnent un rythme, puis c’est une disparition graduelle dans les couches. cela constitue juste alors un instant, un petit instant, un affleurement de pensée, l’effleurement d’un moment de pensée.


reprendre et essayer de préciser, rassembler les idées concernant bref, quitte à se répéter :
couv_capt.jpgmanuscrit débuté en mai 2012.
composition : ce n'est pas un agencement, un recueil de poèmes séparés distincts, mais un long poème continu, un monologue, continuum quasi narratif, rythmiquement séquencé. le tempo, la pulsation, la cadence d'ensemble sont constitués par les espaces entre les poèmes, le saut de page. à l'intérieur de cela, dans le texte, la phrase frissonnante pianote les variations-divisions rythmiques, le phrasé déroule les modulations.
le sujet, la forme, l’axe et la matière se dégagent peu à peu en ce moment : dire notre indigence, notre dérisoire, mais sans les dire par explicitations.
parler de l'homme. avec peu de moyens. peu de choses à dire. mais dire pleinement. dire ce qui importe. la vie la mort pas beaucoup d'autres choses. rien de grave. le commun. la nature. la modestie de notre place. le dérisoire, l'humour ontologique. dire tout. tout cru.
montrer cette indigence, dire notre drame sans qu'ils soient l'objet d'une gravité mais d'un humour. je voudrais que ce soit un homme pauvre qui parle, tente de parler, essaie encore, un pauvre homme, modeste, humain. qui échoue. qui échoue toujours. principe du clown. et cet échouage quelque part est drôle. tragi-comique.



21.12.12
Paris, Lyon.
solstice. changement d’ère, selon les croyances des mayas, cristallisant les phantasmes les plus basiques et activant les dires les plus débiles, infondés, excités, ne se référant même pas aux sources. ce qui est sûr c’est qu’il ne serait pas mauvais d’en finir avec quelques uns de nos fonctionnements actuels, et d’opérer des changements profonds, comme les mayas justement s’en imposaient lors de ces périodes de bascule.
ciel blanc.
départ, break.

gros concert amplifié hier autour de La face cachée de la lune, donné par des amis. je le sais depuis bien longtemps, mais quand je lis, vois, entend quelque chose de fort, à chaque fois je sens, à nouveau, que « ma vie est là » (la formule est à la fois niaise et pleine d’un sens profond), dans le travail de ces matières, dans les façons de vivre induites par le fait de suivre une vocation et une motivation, cette injonction de travail qui ne peut être que passionnant et prenant que l’on se lance à soi-même, nécessitant d’être à la fois plus ouvert que la plupart me semble-t-il, et plus centré.


poursuivre sa route, sa trace, en délaissant l’avis, la perception, l’attente de signes d’autrui. pas que ma ligne soit influencée ou subordonnée à l’opinion des autres, mais l’on reste souvent encore trop dépendant affectivement des signaux de réception de son travail. or d’une part, l’axe de recherche n’est pas modifié par cela, et il n’en a pas besoin, mais, s’il n’est pas mis en doute, c’est l’ego qui est alors encore parfois fébrilisé. ceci dit je peux laisser, abandonner cela un peu plus, et mon axe, dans ce cas, sera alors sans doute encore plus profondément sûr, paisiblement sûr.



22.12.12
Lyon.
ciel bleu, blanc.

soir :
Belledonne, Alpes.
flotte sur la route difficile, et neige qui fond.

une inaptitude profonde au psychodrame des fêtes.



23.12.12
Belledonne.
levé tôt après nuit très courte.
grand beau. grand bleu sur les crêtes de neiges blanches liserées jaune sur la face est par le soleil levant.
bouffe de famille dans la salle des fêtes du village.



24.12.12
Belledonne, Lyon.

Marcher, toujours, sans s’éloigner. Être celui qui est là, qui vient et qui revient, qui n’arrive nulle part. Maigre et las. Comme si tout l’attendait, les êtres et les choses, pour passer. Jusqu’à la mort.

Thierry Metz – L’homme qui penche
11 - nouvelle édition, pleine page éditeur


s’en servir pour bref. l’axe est là. notre ontologie.


l’enchaînement des repas de famille. après une demi-journée d’énervement parvenir enfin à vivre cela calme.
arriver même à écrire-lire au milieu de tout ça.
la fatigue des digestions.



25.12.12
Lyon.
température étonnement douce.
très longue méditation dehors.
écrire aussi, dehors, au calme, dans la petite brise.

balade en forêt. ruisseau, coucher de soleil, nuages roses. l’odeur du chêne fraîchement coupé, une odeur légèrement fumée.
ramener cela dans le carnets, quelques sensations, faits, comme les petits trésors (cailloux, bouts de bois, fleurs, coquillages…) que ramènent les gosses.
à 17h30 la nuit tombée. solstice : nous avons passé la ligne de partage. nous allons vers l’été. après un léger plateau, les jours vont rallonger.