07.11.12
Paris.
gris. air frais.

retour très tôt au matin bien pété. sommeil difficile et brassé.
lever tard.
méditation devant la fenêtre ouverte et le jardin, comme chaque jour. aujourd'hui : moment clair, fluide.
le calme revenu. sensation pleine de paix avec le corps. longue marche en soirée.


constat : le manuscrit bloc s'appelle donc bref depuis quelques jours.
c'est comme s'il s'était nommé lui-même.

le clown :
a la langue mal
adroite
maigre, épuisée
primitive mais d'une redoutable puissance

bref, le clown bref.
dans le clownesque, c'est le dérisoire de l'homme qui m'intéresse grandement, sa misère. bref le clown : ça pourrait bien aller par là. on ne sait décidément jamais lorsque l'on démarre où vont nous mener ces petits bricolages.
en tout cas content que ce manus parte dans une direction si différente des précédents, de book 0, de UUuU… c'est qu'on ne parvient que rarement à prendre des chemins nouveaux, à déboîter.



08.11.12
Paris.

ce qui se joue lorsque les actions, les travaux d'un homme commencent peu à peu à être connus, qu'il focalise alors une empathie, qu'elle soit politique, poétique ou quelque "ique" que ce soit : alors l'exercice d'admiration réalisé par les autres se cristallise non plus vers son seul ouvrage mais se déplace peu à peu vers le bonhomme : il commence à constituer, à représenter le corps symbolique de ce que les autres ressentent.


encore retour nocturne beurré après très bon concert hier soir à l'atelier du plateau du trio le maigre feu de la nonne en hiver (Groleau, Leté, Lemoine). bons moments d'échange ensuite, de bienveillante convivialité.



09.11.12
Paris.

après le sommeil, journée à travailler et lecture.



10.11.12
Paris. Lyon.

départ pour lecture en librairie, puis quelques jours au vert.
ciel bas, ras la terre en Bourgogne. les collines, même basses, baignées de nuages. terre trempée. lumière très faible.

rencontres ou re-rencontres avec Undriener, Dupuy, Liron… et un bout de nuit passée avec eux.



11.11.12
Isère.

Les gens sérieux ont une petite odeur de charogne.

Francis Picabia - Ecrit


certains savent évidemment que la poésie n'est pas forcément à comprendre, mais le fait de ne pas la piger du tout, ça pose tout de même un problème à un moment, non ?



12.11.12
Isère.

ne presque rien faire. lire. discuter. écriture très peu.

l'horizon noir de campagne. 2, 3 feux seulement.

Une grande partie du génie réside dans la capacité de tirer profit, pour soi et sa science, de tous les incidents de la vie.
(…)
Se demander sérieusement tous les soirs ce que le jour nous a fait apprendre de neuf.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 470 - J 1547 et p 472 - J 1621, trad. Charles Le Blanc)



13.11.12
Isère.

longue méditation dans le pré. l'humidité, le brouillard du matin.
ça pince un peu : 5, 6 degrés. le bruit des engins agricoles au loin.

plusieurs longues discussions de fond, d'importance, avec les proches.



14.11.12
Paris.
ciel gris.

temps bouffé par la gestion. quel est le temps de gestion de nos vies pour pouvoir vivre ? si l'on enlève ce temps-là, quel temps de vie indemne, dégagée, "pour soi", reste-il ? à quel moment se demande-t-on : cela vaut-il le coup ? le temps de ces questions n'est-il souci que pour des personnes ayant déjà un certain confort de vie ?


retour tard, après soirée avec Manon et Caravaca.



15.11.12
Paris.

rien.
pas écrire.
pas nécessaire de.
toujours la même histoire.
qui n'intéresse que.

pas grand monde.
que toi.


difficulté à sortir, s'extraire des tâches quotidiennes pour retourner au travail de fond. contrarié de ça. vers 17h, y parvenir enfin.
mais presque perdu, ou peur de perdre, ce ton de voix, de timbre qui coulait durant les jours permettant la réflexion de fond.

Des mots pour vivre ont donc traversé l’abject dans la mémoire des hommes. On se surprend alors à jurer de ne plus écrire soi aussi que dans l’inouï de cette survivance. Seulement pour cela, qui est à peine croyable : qu’il se peut que les paroles de quelqu’un deviennent pour un autre celles qu’il avait besoin de retrouver.

Marc Dugardin - Serment
Quelqu'un a déjà creusé le puits (éd. Rougerie)


Ce qui reste le plus souvent étranger à un critique, mais si présent presque toujours à l'auteur : la notion de
dépense vitale impliquée dans une œuvre, et son évaluation.

Julien Gracq - En lisant, en écrivant
(éd. Corti, p 166)



UUuU, version livre papier : l'ai envoyé à quelques éditeurs. mais la mûrir peut-être encore. la retravailler éventuellement.


quelle est cette entreprise du journal ? même si je ne me suis pas donné comme contrainte d'écrire tous les jours, que signifie-t-elle les jours creux, les jours de rien ? une réflexion sur le rien ? et ces jours où l'on mènerait une réflexion sur le rien, comment pourrait-elle être de valeur alors que le jour est creux, donc plein d'une parole faible ?
peut-on moudre-penser aussi maigre farine ?

mais même dans les creux, les creux créatifs, ou quand rien ne se passe, n'y a-t-il pas encore à écouter, à entendre, à apprendre ?

il y a possibilité aussi d'encore se détacher plus.

Le corps parle, quelque soit la manière dont on veut le faire taire.

Yvonne Rainer (danseuse)
Une femme qui… écrits, entretiens, critiques (Les presses du réel / Ringier, 2008)


je ne sais pas si à force de bosser, creuser au même endroit, ça finit par créer un type, un style. ce qui est sûr c'est qu'il y a une ligne qui, par réductions, éliminations progressives, con-centration des forces, centration des moyens, finit par se dégager.



16.11.12
Paris.
le presque froid installé depuis quelques jours.

J’ai cette impression, parfois, tant ce qui sort de mes mains me déçoit. Ce que je tentais d’atteindre se trouve ailleurs et reste « intouché ». Mieux taire (…)

Armand Dupuy, entretien avec Mathieu Brosseau, remue.net


Les vaches fabriquent du paysage lents dans leurs bouches.

Armand Dupuy - Mieux taire
(éd. Æncrage & Co, p 31)


L’animalité comme puissance de contact, ce qui touche la terre au plus près.

Mathieu Brosseau, entretien avec Fabrice Thumerel, libr-critique


pouvoir être intéressé par (un écrit par exemple), le rejoindre, s'y reconnaître en partie, et pourtant attendre et chercher autre chose… quelque chose que justement l'on ne connaît pas…

Je donnerais volontiers quelque chose afin de savoir pour qui furent vraiment commis ces actes dont on dit publiquement qu'ils furent accomplis pour la Patrie.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 518 - K 292, trad. Charles Le Blanc)



23h : décide qu'il vaut mieux aller au bar habituel plutôt que d'essayer toujours d'avancer ce qui est infinissable, et qui ni n'avancera ni ne sera fini ce soir…



17.11.12
Paris.

matinée idées sombres. sensation de seul, sans en avoir le souhait.

novembre, le mois noir en breton (Miz Du).

de la nécessité parfois de se débarrasser au plus vite de quelques pages faibles (elles sont là, comme un fait. elles constituent aussi le cours de la recherche sans doute). ce que je fais en publiant en ligne rapidement les dernières pages du journal des jours précédents.