29.10.12
Paris.

à travailler sans cesse.
d'où me vient cette affection ?

qu'est-ce que ça signifie d'être ainsi en travail sans cesse ? le fruit comportemental d'une structure profonde d'hyper-action, et de passion ? sans doute en grande partie, peu à peu centré dans un axe, une ligne d'ouvrage.

Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.

Albert Londres
Terre d’ébène (La Traite des Noirs), éd. Albin Michel, 1929


Votre critique est seulement expérimentale ; vous admirez ce que vous avez entendu admirer.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 354 - G 129, trad. Charles Le Blanc)




30.10.12
Paris.
ciel frais gris. comme si souvent ici. mais l'air léger aujourd'hui.

à travailler sans cesse. et certains jours où ça n'est pas couronné de succès. où il n'y a pas de réaction, ou bien négatives, à ce que vous avez la prétention d'émettre. c'est ainsi. c'est le risque pris, celui de l'exposition.
à apprendre alors peu à peu le retrait de ce qui est dit et reçu de votre travail, en défavorable tout comme en positif. et garder sa ligne.


voir autrement et concision : deux choses qui m'importent.
sur le fait de parvenir à appréhender les choses sous d'autres angles de vision, ce qui apporte et ouverture et tolérance et approches nouvelles, voire découvertes : une illustration qui se passe de long commentaire chez Lichtenberg, encore lui, qui décidément n'en loupe pas une : "L'Américain qui découvrit le premier Christophe Colomb fit une méchante découverte." (p. 359 - G 183).
concernant la concision : Lichtenberg : "Dire beaucoup en peu de mots ne signifie pas écrire d'abord un article et en réduire ensuite les périodes, mais plutôt réfléchir auparavant à ce que l'on veut dire (…) en fait, cela signifie donner à reconnaître en peu de mots l'abondance de la réflexion." (p. 361 - G 215). pas grand chose à rajouter, c'est clair. je vais bientôt laisser à ce monsieur Lichtenberg le soin d'écrire pour moi.


tout leur noir est mon howl.
(pour plusieurs raisons : thématiques, rythmiques, formelles).



31.10.12
Paris.
ciel clair.

l'humour. pour y atteindre il faut être arrivé à un certain détachement, c'est-à-dire avoir éprouvé au préalable pleinement la situation, même la plus triste. il faut avoir cerné, avoir pris dans la gueule même peut-être, et dépassé, le sérieux, le grave.
avoir reconnu le tragique comme non dramatique. juste la vie. l'acceptation de ce fait.


bloc : pour la première fois je crois que je commence à voir où il se dirige.
comme une sente qui commence à se tracer à force de piétinement, de passages.
peut-être alors va-t-il trouver son nom. un nom bref.
je n'y plonge que toutes les deux ou trois semaines dans ce chantier encore boueux, mais à chaque fois c'est un travail dans un temps très ramassé, serré, mais massif. après je suis foutu comme une brute.
de l'humour, entre autre, apparaît, ça enlève des tonnes de kilos.


Syrie : serons-nous amenés en définitive, comme pour les camps nazis, à rester inactifs ?



01.11.12
Paris.

journée colère. à peine pu trouver du temps pour mes petits bricolages. sans doute pour cela cette colère.
à peine quelques mots jetés, comme ici.
la maison envahie par trop de monde, ne comprenant pas l'impact d'emplir ainsi ma tanière d'ours.
et surtout n'ai pas réussi à aller chercher le calme, en moi. pire, je n'y ai même pas pensé…



02.11.12
Paris.
pluie, vent et froid.

nuit passée dans la colère. lever forcément épuisé.

notre incapacité constitutive, irréductible, à sortir de nous-même. incapacité de véritablement connaître ce qui est hors nous, s'immiscer dans les objets extérieurs, de ressentir comme autrui, de se mettre à la place d'autrui. c'est un fait. tout au plus pouvons-nous éprouver une certaine mesure d'empathie, mais impossible de savoir, de connaître vraiment hors nous.
nous ne pouvons sentir et produire sans être incessamment en nous. impossible de voir, de percevoir hors ce nous, sans partir de nous. nous ne pouvons sortir de nos traits.


retrait et exposition publique : cette espèce de sauvagerie, qui va peut-être bien s'aggravant, de faire l'ours dans sa grotte, de mener ses incessantes petites bidouilles d'écriture à l'abri, à l'ombre, au frais. et de grogner quand dérangé (foutu caractère). et puis, contradictoire peut-être, ce besoin aussi, cyclique, d'exposition publique, de faire entendre.
sans doute est-ce pour concilier ces deux mouvements qui semblent antinomiques, que je recherche un retrait, effacement de l'auteur, de son ego, du point de cristallisation que peut constituer sa personne, mais tout en gardant sa voix, là, en avant. une bouche, juste une bouche, le reste dans l'ombre (Not I). une bouche qui raconte. sache que dire. ne que dire. seulement dire. dire quoi.
ce n'est pas moi que je cherche à faire connaître, à faire entendre, mais une voix. peut-être même n'y a-t-il d'écriture véritable que dans cet effacement-là : une inscription, une trace, une voix, une lecture sur le monde ne prenant sens, autonomie de signification, ampleur au-delà du sujet producteur, que dans son dégagement du sujet qui l'a formée.


la tentative, l'essai de compréhension de l'homme : d'essayer de comprendre nos fonctionnements, non individuels, mais ceux de l'espèce. les grands mouvements, les grandes pulsions, les grands élans archétypaux qui président notre genre, ses comportements, manières, attitudes, agissements d'anthropoïde sapiens.



03.11.12
Paris.
quelques éclaircies.

la colère passée.

du fait, par l'écriture, de pouvoir éveiller, exprimer, poser, clarifier des pensées dont nous n'avions qu'une conscience vaporeuse, imprécise, floue, mais pourtant déjà en nous. de la capacité par l'écrit alors à lever le voile de brume.
de là aussi, à l'inverse, qu'une pensée toute fraîchement éclose à l'écrit est parfois peu évidente à exprimer et à expliciter à l'oral. qu'il lui faut un temps pour être pleinement réintégrée en conscience, sans le support posé, lent, arrêté de l'écrit.


numérique : alors que c'est une réflexion générale intense en cette période, je passe peu de temps désormais à le penser comme j'ai pu le faire auparavant.
ce qui est sûr, et ce qui reste, est l'importance de s'emparer du code, qui est une part de notre nouvelle écriture. c'est la nouvelle plume. et celle-là il ne faut pas la laisser aux bons soins de l'industrie. je ne parle pas tant ici du code comme œuvre que comme outil, bras armé.



04.11.12
Paris.
beaux rayons de soleil dardant presque horizontaux dans les axes des rues.

levé très tôt. méditation. petit dèj avec la famille. écriture. balade au cimetière montparnasse. écriture. menuiserie. lecture. écriture. pause. lecture. coucher.


une très minuscule araignée, corps d'1 à 2 mm de long, pas plus grasse qu'un puceron, des pattes fines comme du fil à coudre, tente de remonter le carrelage, tombe une vingtaine de fois, et à chaque fois reprend sa route selon une diagonale toujours identique, allant vers le haut à droite (nord-est/à 2 heures). qu'est-ce qui lui fait ainsi (main)tenir son cap ?


comment est-on parvenu à l'idée de liberté ? était-elle là, dès les débuts ? à partir de quel moment le cerveau a-t-il pu faire germer ce désir-là ? à quel moment est-il apparu comme un droit ? l'animal qui se défie de l'enfermement, de la contrainte, ressent-il ce besoin comme une nécessité de liberté, ou cela relève-t-il pour lui juste de la peur d'être coincé ? pour l'hominine (qu'il soit australopithèque, habilis, erectus, néandertal ou sapiens…), cela procède-t-il d'une pulsion plus fine que la peur d'être acculé ? quand est-ce que cela est devenu une idée ?



05.11.12
Paris.
pluie par intermittence.

5 jours seul devant moi.

de ces journées où l'ont ne sait plus ce que l'on a fait, et où même si l'on a fait l'on est pas sûr d'avoir fait grand chose.
et pourtant aujourd'hui un oui d'éditeur et quatre personnes m'écrivant, touchées par ce que je produit là. voilà pour le petit compte inutile.
volets clos très tôt. comme une sorte de tristesse, de navrance aujourd'hui. pourtant il doit être possible d'essayer de trouver le calme, le silence. et de mettre à profit ce temps où j'ai le temps.


comme l'affection (quelle soit amicale ou amoureuse) peut parfois être la source d'une usure, de points de friction, de frottement, dans ce que l'on met de ce que l'on voudrait que soit l'autre. de la grande difficulté de ne pas exiger envers l'autre pour qui on a de l'affection, au bout de quelques années de cheminement commun, qu'il soit à répondre toujours à l'image idéale de ce que l'on voudrait qu'il fut. il faudrait garder une affection dégagée de cela, respectueuse toujours de ce qu'est l'autre, sans nos propres projections.
il ne s'agit pas non plus de recoller à l'affection des débuts d'une rencontre, qui n'est pas plus désaffectée des projections, mais simplement les projections collaient alors pleinement avec l'élan des débuts, le constituait même en fait.
il s'agit alors de rentrer dans une affection "seconde" où l'on garde la dynamique et la vitalité de l'échange, du lien, donc du désir, avec ce que l'autre est et non avec ce qu'il pourrait être.


depuis quelques semaines à essayer de comprendre un tout petit peu ce que nous raconte la mécanique quantique, en particulier l'étonnante "intrication". pour comprendre un tout petit peu l'univers où nous baignons.


"retourner à la misère primitive des mots", dit Giambattista Vico (1668 - 1744). à leur pauvreté fruste, maladroite, forcément maladroite, peu dégrossie, mal polie.



06.11.12
Paris.
soleil.

qu'est-ce qui se passe là ? le déroulé des petites pensées. qui tombent. débordent du bord du crâne. échouent. les petites pensées qui ne s'arrêtent pas. ne s'arrêtent jamais. ne cessent. c'est la pauvre tête de l'homme. qui dodeline ses petites vues. la pauvre tête.


l'équilibre trouvé dans la phrase courte. concise. le point comme seule ponctuation. souffle. respiration. rythmique. battement. assise.