20.10.12
Paris.
la pluie. le jardin luisant, trempé, les troncs noirs, la terre sombre, les feuilles en décomposition au sol : les grands cycles.



21.10.12
Paris.
ciel bleu. ah !

allé voir expo Soutine : le tableau colline à Céret particulièrement, un point de bascule.



22.10.12
Paris.
grand ciel bleu-blanc. la terre évapore depuis deux jours. mais sèche à peine.

fatigue difficile à éponger. de ces moments où l'on a dépassé le seuil pour pouvoir se reposer calmement. il faut alors une légère dépense physique pour revenir à une fatigue saine, permettant un sommeil apaisé.


aller au-delà des contextes particuliers pour voir plus large, pratiquer un très léger retrait, pour voir mieux. lever le nez du guidon. de même, partir de l'écriture quotidienne pour aller vers une vision plus ample, étendue, généreuse aussi peut-être : ouverte. ouverture qui me semble être l'une des choses les moins bien partagée dans notre humanité.
parler donc du fondamental. de ce qui importe. en élargissant son point de vue. creuser là ce qui importe.
voir comme du dessus, mais être aussi dans le ras la terre, l'hyper concret au plancher, le détail. cette nécessité d'avoir les deux points de vue.

cela, travailler dans ce fondamental, est comme une découverte, et comme toute évidence, alors que ça a toujours été là sous le nez, soudain surgit et s'impose : par cela, d'être au point de calme certitude et de silence que je cherchais depuis longtemps. que l'émotion poétique aussi, de toute façon et au-delà des formes, ne peut que se jouer là. dans ce fondamental, cet essentiel, cet élémentaire. commun.
on peut travailler dans le peu, le maigre, le sobre, et dire l'essentiel.
travailler au concret. à nos pas. nos va-et-vients. nos espoirs, nos attentes, notre tension de vivre et mourir.
et voir autrement.

mais que reste-il à dire quand ça fait plus de trente ans que l'on écrit ? dire mieux, plus concis, dire avec encore plus de peu ?
peut-être. pas sûr.
peut-être ne reste-il plus à dire que cet étonnement d'avoir toujours à dire, dire ce peu, ce plus en plus peu. et que c'est ce qui nous fait hommes, cet inlassable bavardage, sujets pleurant, riant, interrogeant, parlant.
même lorsque qu'il n'y a presque plus rien, plus rien à dire.



23.10.12
Paris.
gris puis soleil.

après deux mois de tension continue, la fatigue ne s'éponge que difficilement.
boulot de diffusion pour le trio parl#. les jours passent, mais il me faudrait encore concevoir le projet général de langue (écriture, voix) de façon plus large, encore plus audacieuse.



24.10.12
Paris.
le jeu des oiseaux dans le jardin, mésanges charbonnières têtes en bas.

rien à dire ici dans ce journal. alors pourquoi y venir quand même ?
c'est que, même quand rien ne s'y porte, il reste un point de calme, d'abri, d'isolement paisible.

Quand il le veut, l'homme peut acquérir des vertus ou devenir des bêtes. Dieu crée les bêtes, l'homme se crée lui-même.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 301 - F 433, trad. Charles Le Blanc)

cela signifie que pour être homme, c'est-à-dire être au moins aussi bons que les bêtes, et à cela ajouté une certaine ampleur d'esprit, de pensée et de compassion pour son voisin, cela lui demande effort, effort sur, avec lui-même.



25.10.12
Fontainebleau.

retour sacs chargés. fin de la saison d'escalade. et d'une série d'interventions autour de mes travaux d'écriture.
devant moi plusieurs mois que je vais pouvoir consacrer à écrire. chance, qui signifie aussi des revenus plus que maigres, mais signe surtout le fruit d'une orientation depuis des années de ma vie professionnelle, de mes projets professionnels, pour aller vers ces zones, ces moments où il n'y a non pas plus qu'écrire à faire, car il y a tant à faire par ailleurs, mais où il peut n'y avoir plus qu'écrire à faire si le besoin s'en fait ressentir avec une nécessité impérieuse…
à moi, maintenant, d'en faire quelque chose de ce temps. de mener cela intelligemment, pleinement, avec densité.
poursuivre, intensifier le travail de fond : la réflexion continuum de Refonder, et le mûrissage de bloc, bien que pour ce dernier je ne sache encore pas du tout où je vais, si tant est que je le sache un jour.
redévelopper un projet d'envergure, ou pour être plus exact, préciser encore, toujours, le projet. l'intensifier, non en largeur, mais en profondeur de pénétration.
bosser dur aussi à la diffusion du trio parl#.
et puis dans quelques mois la retraite sur le Larzac, sous ma yourte, seul (situation qui ressemble fort d'ailleurs à celle de la plui) : à écrire, méditer, marcher dans la lande, casser mon bois, casser la glace dans le bassin, tenir mon café sur le feu, écrire sur la vieille table à toile cirée, se laver dans l'eau glacée d'une ancienne bassine, vivre avec peu, vivre au rythme du dehors et de la lumière… et ce sera soit un rythme serein, de fond, soit une difficulté à s'être isolé ainsi, mais plus sûrement un mélange des deux, en tout cas le temps de trouver, peu à peu, ce rythme.

une retraite, nécessaire, pour comprendre, poser, mûrir. besoin de ça depuis un moment, pour aller plus loin, creuser plus, dans le calme.

du silence, du seul.



26.10.12
Paris.
le ciel est une nappe grise.

première matinée d'une période pour moi, et que je n'ai pas eu pendant deux mois.
essayer comme chaque jour, après un temps de méditation puis d'écriture, de se débarrasser de la gestion, de l'administratif, et de revenir au plus vite à l'écriture et à ce qui y est lié.

Excuser certaines faiblesses comme faisant partie de la nature humaine est, si on y songe bien, le premier devoir de tout écrivain envers lui-même.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 306 - F 558, trad. Charles Le Blanc)

et pourtant l'on se paralyse souvent de trop d'exigence, d'une exigence a priori de résultats (faire aussi bien que l'une des nombreuses références que l'on a en tête) qui va immobiliser la main. alors qu'il y a mieux à laisser couler, qu'il "suffit" de faire, juste faire, de lâcher… et il y aura un poème mauvais, un deuxième mauvais, un troisième mauvais, et puis dans le lot un qui, soudain, ressortira un peu, aura touché…
je crois que c'est depuis que j'ai abandonné cette exigence de résultat que mes petites constructions ont commencé à donner quelque chose. que c'est lorsque j'ai su que l'on pouvait (se) construire sur l'abandon, que les choses ont commencé à s'établir avec une force que je n'allais plus provoquer. que ça a commencé à s'écrire comme sans moi.

lectures de Tel Quel de Valéry, de Textes pour rien de Beckett.



27.10.12
Paris.
soleil. de jour en jour le frais devient peu à peu du froid.

longue séance de travail. sortir un peu, très peu. revenir vite à la table.

avec l'âge un plus grand apaisement, ce qui permet sans doute d'écrire avec plus de calme.
à quel âge naît-on vraiment ?


comment parler de choses vraies, alors que l'on sait aujourd'hui qu'une bonne part de ce que nous percevons est une illusion au regard de la relativité. que pas grand chose n'est fixé, mais bien au contraire mouvant, dans une interaction constante avec tous les autres éléments, dans des formes changeantes selon le contexte, et selon là d'où on les appréhende, les conçoit. si l'on peut envisager et parler d'une éthique, la morale quant à elle reste indéfinissable, infixable.



28.10.12
Paris.
3h du mat et des poussières. retour de bar.

soleil.
changement d'heure, on passe à l'heure d'hiver, c'est-à-dire GMT (Greenwich Mean Time, heure moyenne du soleil à Greenwich) + 1, ou UTC (Temps universel coordonné) + 1 : nous avons donc 1 heure d'avance sur le soleil. ma montre indique maintenant 16h, mais le soleil est encore bien présent, il est 15h en heure solaire.

préparation du jardinet pour l'hiver, plantations des bulbes pour les premières floraisons de printemps, abriter l'olivier, transplanter des framboisiers… gestes de terre, en plein Paris.


il y a le journal, le compte tenu des réflexions, et le sauvage, la poésie.

avoir une voix, c'est aussi la défendre si nécessaire.

La liberté est le bien suprême pour ceux-là seuls qu’anime la volonté d’être hérétiques.

Cioran
Syllogismes de l'amertume

Presque toutes les oeuvres sont faites avec des éclairs d'imitation, avec des frissons appris et des extases pillées.

Cioran
Syllogismes de l'amertume


Monsieur de Camper racontait qu'un missionnaire peignit l'enfer de si ardente façon à une communauté de Grœnlandais, et tant parla de sa chaleur, que ceux-ci commencèrent d'éprouver le désir d'y aller.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 340 - G 11, trad. Charles Le Blanc)

Ce que l'on nomme une fine connaissance des hommes n'est souvent rien d'autre que les propres faiblesses de l'observateur réfléchies sur autrui.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 341 - G 17, trad. Charles Le Blanc)



ce que l'on fait finalement change si peu.
(dévie en définitive si peu de son axe initial / de ce qui a déjà été dit, si ce n'est dans la forme / influence si peu le cours du temps, la forme des choses, les penchants de nos semblables).