09.10.12
Paris.
gris épais.

autre journée à la table.
répétition seul : italiennes, comme quasi chaque jour. fatigue.
jour rien.



10.10.12
Paris.
gris lumineux. décidemment cette météo d'Île-de-France est très forte peintre dans la palette des gris.

répétition : italiennes, comme d'hab. la punition quotidienne.

est-ce que je ne publie pas aussi ce journal pour m'obliger à le tenir propre, le plus précis, concis possible, selon mes capacités ? le travail "à vue" requérant cette netteté.

Je vous laisse ce petit livre pour qu'il soit un miroir plutôt qu'une lorgnette ; pour que vous vous y regardiez, et non pour que vous observiez autrui.

Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 236 - D 617, trad. Charles Le Blanc)




11.10.12
Paris.
aller, gris encore…

la liberté du travail en indépendant, plus que précieuse, à condition de savoir encaisser les changements de rythmes violents, de savoir optimiser ces variations : on passe sans cesse du tout (exemple : dans la semaine à venir 2 concerts, 4 lectures, 2 cours à la fac, 1 table ronde) au rien (seul 5 rdv de prévus pour tout l'hiver). du coup en profiter dans les moments de creux pour s'immerger dans le travail de fond.

les jours passent, on les oublie presque tous.
est-ce une chance hygiénique pour nos neurones, ou la perte fondamentale d'un capital d'expériences ?

L'essentiel, en effet, qu'est-ce que c'est que ça ? Le banal, l'anodin, la déroute quotidienne, voilà l'essentiel.

Jean-Claue Pirotte
Un voyage en automne (p. 28-29)
La Table Ronde, Paris, 1996



jouer demain dans le Jura.

soirée visionnage concert Led Zep' au Royal Albert Hall 1970 + Easy Rider 1969 en VO.

toute ma vie j'ai mené pleinement les choses que j'entreprenais (itinérance, escalade, danse, insertion, édition, par ex…), souvent de manière maniaque, et l'écriture était là tout du long, prégnante toujours. mais maintenant c'est comme s'il n'y avait plus qu'en poésie que cela m'importait. il y a évidemment des tas d'autres choses à faire, à explorer, mais désormais elles alimentent toutes l'écriture. énergie centrée, à près de quarante piges, parce que je suis moi-même centré, apaisé, et qu'il m'a fallu tout ce temps pour commencer à apprendre, pratiquer cela.



12.10.12
Saint-Claude. Jura.
ciel bas, noir.

concert.
belle salle de la Fraternelle, ouverte sur la ville en étages en fond de vallée sur la pente de calcaire raide.
du très bon son sur le plateau, moins en façade, du monde. nous sur le plateau nous nous attendions un peu trop, plutôt que d'aller, laisser aller.
des retours assez violents, dans les deux sens, négatifs, positifs. prendre ce qu'il y a à prendre, et le prendre pour ce que c'est (c'est-à-dire presque tout le temps, au-delà des avis techniques, des ré-actions, des ressentis, des perceptions subjectives, affectives, affectées, échos intimes, essentiellement). continuer son petit bout de chemin.

resté 21 h debout aujourd'hui. couché cuit, ivre.
nuit en bord de lac. très grand calme. ciel froid.



13.10.12
Lac de Vouglans. Jura.
quelques éclaircies, la pluie échappe et ne vient pas nous gêner.
suite du festival.
que dire.

belle marche, rando de 15 km, et belle continuation de la rencontre avec Laurence Vielle, entamée il y a quelque temps.
avec elle, en chemin et en emmenant le public, des lectures improvisées. il faut alors saisir en quelques secondes ce que l'on peut faire des lieux abordés, découverts dans l'instant, et en utilisant immédiatement leurs possibilités, leurs potentiels scéniques, "magiques" : lectures perché dans l'arbre au bord du vide d'une falaise, ensuite au pied du grand cirque de calcaire avec l'écho large et en canon avec le public, puis dans la vieille grange, au très haut toit, immense charpente pointue, sentant fort la paille et le foin mêlés.
et puis au long du sentier, avec les gens, les rencontrer, où l'on sent qu'une partie du public nous attribuent un "statut', celui fantasmé de l'artiste, qu'il faut peu à peu déconstruire en discutant avec chacun d'eux, tout simplement, sur le chemin.

oui cet hiver, du calme, du grand calme, très calme, du silence épais, pour écrire.



14.10.12
Jura.
un peu couvert, mais soleil qui monte sur le lac, les collines très végéteuses, les troncs aux longues mousses, très vertes.
départ. la route.


je souhaite toujours aller vers une sobriété qui soit une efficacité, sur scène, comme ailleurs. à l'essentiel.
et de temps en temps, si nécessaire seulement, exploser.
toujours encore, je suis ma ligne, de plus en plus calme. tout cela c'est encore affirmer un peu plus une voix posée, parmi les autres voix, au-delà des réactions qu'elle peut susciter.



15.10.12
Paris.
soleil effarouchable.

parler tout de même des jeux de pouvoirs dans ces milieux artistiques, comme dans tant d'autres : le triste jeu d'une humanité au travail de ses pulsions de puissance et de celles de soumission.
car il faut parler des chapelles ici, de quelques politburos d'une esthétique, c'est-à-dire d'un papisme.
papisme autour de quelques "maîtres" (dont les œuvres peuvent être de très grande valeur), mais induisant une soumission à leur esthétique, soumission désirée de la part de quelques autres, plus jeunes le plus souvent (je commence à en avoir vu un peu trop déjà, qui y trouvent leur papa), constituant alors un cercle. une allégeance, bien triste, où ces quelques suiveurs s'agenouillent. et, plus grave encore à mes yeux, l'acceptation, la facilitation par le "maître", que d'autres se rendent disciples, c'est-à-dire se disciplinent, au-delà d'un simple enseignement porté. "maître" qui n'hésitera pas évidemment à prêcher liberté et révolte, mais derrière lui, au petit cercle accroupi béatement autour de sa grande ombre.
papisme qui, c'est dans sa nature, va évidemment trouver à dénoncer des hérésies. c'est-à-dire de dangereuses déviances, des erreurs, ce qui échappent à leur chapelle. ce que j'appelle moi les indépendances ou les libertés, et claquent la porte au nez de leur église si tant est que l'on y soit entré déjà. car il est justement bien difficile de ne pas être entraîné dans ce jeu nauséabond, d'y rester en retrait, lorsque l'on cherche à vous le faire subir.

nous avons chacun nos "ouailles", c'est l'activité publique dès qu'elle rencontre un petit écho qui porte à cela, l'exposition publique qui porte à cristalliser les fantasmes, l'auteur, son ouvrage constituant un média des affects… mais ma ligne intime est de ne pas suivre, et de ne pas être suivi.
de ne pas permettre, de ne pas encourager ce suivisme, la grégarisation, l'effet de disciple. c'est même pour moi un fondement du respect de l'individu, de la personne qui est touché par votre travail : "éloignez-vous et de vous et de moi" disait Beckett, qui était très mauvais pape.

il est tout de même de préciser que je parle ici des hommes, non des œuvres, qui, elles, peuvent tout à fait indépendamment avoir grande pertinence et écho. et que si je ne met pas de noms ici, ce n'est pas par un quelconque manque de courage, mais parce qu'il ne s'agit point là d'attaque de personnes mais du démontage, de l'étude d'un process humain plus vieux que les rues.


dans bloc :
parler de l'homme.
peu de moyens. peu de choses à dire. mais dire pleinement. dire ce qui importe.
la vie la mort pas beaucoup d'autres choses. rien de grave.
le commun. la nature. le dérisoire, l'humour ontologique.



16.10.12
Paris.
départ Poitiers.

interventions à la fac : "écrire numérique".

dans ce journal, il semble se jouer pour moi une calme stabilité qui est celle de la certitude de savoir qu'il n'y a pas à faire ailleurs.



17.10.12
Poitiers.

fac puis concert. se caler des siestes de dix minutes, des siestes de marin avant de repartir, d'enchaîner.

concert au planétarium : jouer avec le lieu, les étoiles, la courbe de la lune. la grande demie sphère. la voûte. créer en une paire d'heure une scéno et lumières simples avec tout cela. lieu si particulier. un son très mat, captif, et multidiffusé en neuf point de la sphère, vraiment doux à jouer.
cela nous a sans doute permis de mettre de l'air, de prendre le temps, de laisser résonner…
très bons retours d'un public large : non-initiés à la poésie d'abord, mais aussi lettreux, musiciens, comédiens pros, quelques institutionnels… cette portée large m'importe. car c'est en partie l'objectif du projet.

la quantité des rencontres en quelques jours. le plaisir à ça. mais ce truc qui me travaille depuis un moment : la position, le statut particulier lorsque l'on est l'invité, "l'artiste", l'exercice d'admiration, la projection, le point de cristallisation que l'on constitue alors. bien sûr l'on représente une voix, l'on sait peut-être faire quelques petites choses, et il y a évidemment un plaisir, une aise à cela, ne soyons pas hypocrite, mais je ne veux pas trop jouer avec ça, jouer à ce jeu facile à biaiser, l'alimenter. poser plutôt les rencontres comme simples, saines, à égal. écouter. ne pas "surplomber". écouter. c'est un respect. une éthique.



18.10.12
Poitiers.

balade en matinée dans la ville vieille, belles façades, porches d'églises, de cathédrales magnifiques. enfin "avoir" un peu de temps, le laisser couler.

fac encore, table ronde.
fin de la série, retour, fête chez des amis, rentre bien tard.



19.10.12
Paris.
gris léger. air frais, aéré.

cuit. faire l'administratif. puis retrouver le boulot d'écriture au calme.

bloc : ça charge tout tout doucement. pousse, mûrit, germe. au-dedans. en-dedans. en-deçà.