18.09.12
Paris.
ce n'est pas à soi de dire les qualités éventuelles dans son propre travail, mais à l'autre qui le reçoit.
préparation de l'édition papier de book 0 chez Dernier Télégramme : boulot éditorial et maquette avec Caravaca.
19.09.12
Paris.
encore grand beau. très frais. ciel clair.
la dépouille n'a plus de prénom, on dit corps. on ne dit pas "ils ont emporté Robert, mais ils ont emporté son corps".
lecture de Dupond-Moretti, l'avocat pénaliste, et d'Annie Ernaux La place : belle écriture plate, connexions aux milieux, aux lieux d'origines.
20.09.12
Paris.
ciel : un beau blanc-gris étale, presque uniforme.
notes alcoolisées :
- les véritables questions se jouent ailleurs que dans la discussion.
- loin. qu'est-ce ?
lecture de Lichtenberg, de Bernard Collin.
relecture de Manon et Caravaca après longue nuit avec eux.
poésie quand :
- là où ça touche, point où ça impacte
- invention des formes, tordage de langue… l'éprouver, la fatiguer, la travailler, la créer
- exercice de la liberté
je retrouve dans town town - continuum :
il faut avoir épuisé au-dedan de la nui _ jusqu’au fond de la nui épuisé tout _ la voix
et pui le murmure arrive déborde
21.09.12
Paris.
jour d'équinoxe. temps stable. grand beau, grand frais le matin. puis petite pluie fine, "gentille", mais qui va s'intensifiant jusqu'à 4 mm. premier temps d'automne, confirmé par le calendrier. frais, grande humidité dans l'air.
préparation des sacs pour plusieurs jours de boulot d'escalade.
rien ne s'écrit de nouveau. bidouille de maquettes, lectures, émissions sur l'histoire pré-historique de la pensée par Marcel Otte.
l'une des choses qui m'intéresse le plus dans l'étude de la préhistoire est justement que c'est aussi, et d'abord sans doute, l'histoire de notre conscience et de notre sensibilité qui se joue là, plus largement que l'histoire des techniques, des arts, des traces, que l'histoire des évolutions biologiques, mais avec elles.
travaillant toujours.
22.09.12
Fontainebleau.
montage d'une tyrolienne sur falaise, largement avant l'aurore. une nuit d'encre de chine, nos petites lampes trouent difficilement le noir de la forêt… quelques heures après, l'aube vient, rose puis bleue, au-dessus des bancs de brouillard.
23.09.12
Paris. forêts d'Île-de-France.
levé avant l'aurore — grimpe dans les arbres au-dessus d'étangs pour des clients — bonne discussion avec S — lecture des mémoire d'une bergère, une "pastresse", de Haute-Provence — fatigue tôt mais saine, douce, après ces journées levé avant le jour. l'ivresse du calme, des grandes fatigues physiques.
découvert une photo prise en mai 2010 par la sonde messenger, on y voit la Terre avec la Lune alors que la sonde était à 184 millions de kilomètres. le rapport de taille pour la Terre, par rapport disons aux dimensions d'une feuille A4, étant à peu près celui d'une lentille. cela me semble encore assez gros, même si "gros" ne signifie rien.
creuser là. dans ce domaine.
je commence à visualiser mentalement quelques ordres de grande grandeur. par exemple les 234 milliards d'étoiles environ que contient la Voie lactée, notre galaxie (NB : on ne peut pas observer individuellement chaque étoile de notre galaxie. on mesure donc la lumière rayonnée par la galaxie et l'on traduit cette lumière en masse, puis en nombre d'étoiles), ou bien l'âge de notre soleil : 4,57 milliards d'années, actuellement en milieu de vie.
24.09.12
Paris.
défais les sacs, refais les sacs d'escalade. ensuite vers 16h je parviens à passer à l'écriture. mais rien ne vient vraiment. à la lecture, quelques bouts éparses, ça et là.
j'allais même oublier de noter le temps, pourtant très présent aujourd'hui : grosses rafales de vent qui secouent le prunier, pluie forte qui frappe les vitres, grand air qui fait claquer les volets et traverse la maison. au soir quelques rares trouées de soleil direct.
25.09.12
Paris. Fontainebleau.
ciel uniformément gris clair. humidité. le jardin à peine remis des bousculades de la veille. vent fort encore.
semaine maigre pour le journal. intense pour les activités dehors.
bloc repose. je ne sais pas ce que je vais en faire, je ne sais pas ce qu'il va faire, où il va m'emmener, car il n'est pas sûr que ce soit moi qui mène là véritablement. c'est la parole qui est dedans qui me mène par le bout du crayon.
journée à travailler dehors, à échapper de justesse à la pluie.
26.09.12
Paris.
vent encore. frais. j'aime ce temps.
flux tendu ces temps-ci. les tâches quotidiennes accaparent beaucoup. travailler vite, très vite, pour voler du temps isolé pour revenir à l'écrit.
un mois continu d'escalade, et bientôt un mois continu d'activités publiques autour de l'écrit avec concerts, cours, conférences, interventions…
cela induisant dans ces deux activités beaucoup de créations sur mesure de prestations dehors, d'interventions ou de conduites de concert, de préparations de "production", points techniques, administratifs, de régie, échanges de mails, répètes…
et pourtant, malgré toutes ces "distractions", parvenir là-dedans à garder la ligne de son travail. sans doute n'est-ce possible que parce que c'est ancré loin, profond. nécessaire. bien au-delà du plaisir dilettante, un creusement. constitutif de ce que l'on est. chose que l'on découverte peu à peu au cours des âges.
désormais le matin, en plus du temps de méditation, un temps d'écriture, avant toute chose…
Quel que soit le sens des responsabilités que les êtres humains sont capables de développer, il faut aller au-delà d'une conscience trop centrée sur l'homme et évoluer vers une éthique qui prenne en compte l'ensemble des systèmes naturels. (…) Une telle extension de l'intelligence et de la sympathie humaines aux mondes non humains est une entreprise très séduisante et très stimulante à la fois. C'est aussi une nécessité si l'on veut que notre futur soit vivable. (…) J'ai la faiblesse de croire qu'il reste de l'espoir.
(..)
Maintenant qu'il n'a plus d'adversaires, le monde capitaliste doit redécouvrir sa propre conscience.
Gary Snyder, A place in Space
cité in "Jim Harrison, Gary Snyder : aristocrates sauvages"
(wildproject édiions)
Je dois instaurer en moi une liberté de penser qui me fasse un maître ou alors je ne suis rien.
Georg Christoph Lichtenberg
le miroir de l'âme
(éd. José Corti, p 159 - B 321, trad. Charles Le Blanc)
J’aime cette idée que la musique puisse finalement n'être que cela : un appel longue distance. On joue, on ne sait qui on appelle. On ignore qui appelle en soi. Une simple vibration de l’air entre deux lointains, une ligne bruissante joignant deux êtres dont on ne sait rien, sinon qu’ils sont perdus."
Glenn Gould
après grosse pluie, ciel jaune. étonnante lumière à 19h30 : le soleil presque couchant, sa lumière encore bien jaune irradiant, diffusée dans la nappe, la couverture homogène des nuages, comme une lumière de cinéma naïf. le jardin, l'intérieur de la maison, uniformément, irréellement jaunes orangés.
le moment où émerge le titre de la note parmi ce qui s'est écrit… au bout d'une dizaine de jours (sans ma volonté, c'est à peu près toujours la même durée pour une séquence de notes) point alors un titre qui présidera, résumera la dite séquence, et du coup la clôturera. le titre qui sans doute vient et souligne le point clé ou le point qui semble le plus (im)pertinent, et qui s'impose alors.
27.09.12
Paris.
temps gris. léger vent encore.
le travail du journal et de quasi quotidienneté : quelle est cette étonnante prétention en publiant son journal ? en quoi pourrait-on supposer qu'il ait un intérêt qui dépasse le sien propre ? c'est qu'il y a probablement un très léger décalage à opérer, qui signifiera la différence et la distance entre ce que l'on nomme le journal "intime" et le journal publiable voire publié. c'est décaler très légèrement le point d'où l'on voit, l'approche, et le ton, et la façon d'utiliser la matière des faits et des pensées quotidiennes, personnelles. c'est passer de la narration de ce qui passe, se passe, à une utilisation de cette matière première des jours comme pouvant être extrait et exemple, bien différemment d'exemplaire évidemment, d'une condition plus générale, et donc d'une étendue plus large, qui pourrait nous être commune.
et là Montaigne, forcément : "C'est moy que je peins" (Essais, 1, Au lecteur), complété par "Chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition." (Essais, 3, II, Du repentir)…
et relance, dans ce même chapitre avec ce qui apporte de l'eau à notre moulin : "Je ne peins pas l'être. Je peins le passage" puis "Mais est-ce raison que, si particulier en usage, je prétende me rendre public en connaissance ?"
oui est-ce raison ? sans doute cela appartient-il alors désormais au lecteur d'en examiner, d'en estimer la pertinence…
et de continuer… sur ce qu'il advient du déroulé d'une telle entreprise, de ces hasards de la recherche, qui se mène elle-même si souvent plus par rebonds, circonstances et accidents, aventures, que par la fixation d'une stratégie de creusement : "Ceci m'advient aussi : que je ne me trouve pas où je me cherche ; et me trouve plus par rencontre que par inquisition de mon jugement." (Essais, 1, X, Du parler prompt ou tardif)
Pour moi c'est vraiment tellement simple : la vie doit être vécue à la lisière de la vie, il faut exercer sa rébellion, refuser de se soumettre aux lois, refuser son propre succès, refuser de se répéter, voir chaque jour, chaque année, chaque idée comme un vrai défi, et c'est alors que vous pourrez vivre votre vie sur un fil...
Philippe Petit, funambule