13.07.12
levé très tard. travail calme, de gestion et de prod, puis écrire.
écrire : c'est sans doute là l'une des plus grandes constructions que je n'ai jamais entreprise. ou pour être plus précis la plus grande construction, parmi beaucoup d'autres, qui s'est révélée comme telle il y a déjà pas mal d'années dans le cours de sa réalisation. le site internet (étymo : empr. au lat. situs « emplacement, situation », dér. de sinere « poser, installer ») en est évidemment la zone visible. pour ainsi entreprendre continûment, largement, il faut un axe, une ligne, indéviable, et des millions de petites action quotidiennes dans ce sens.
dans ce sens, découvrir et lire les Notizen de Ludwig Hohl est vraiment un apport.
14.07.12
Paris.
temps d'Ecosse toujours, depuis avril. l'anticyclone des Açores décidément bien intimidé cette année.
pour Refonder, une triple articulation en fait : de mots, de temps, mais aussi de lieux.
sans doute est-ce là aussi "tracer", "laisser trace", ces carnets.
ici serait-il aussi le lieu d'y consigner un peu plus de l'intime : les tout proches, la famille, en garder trace ici ? mes filles ont 17 ans, nous sommes dans une charnière d'âge, de maturité : celle de l'entrée en fac et dans les écoles post-bac, des premiers travaux rémunérés, mais surtout de l'accession à un âge nouveau, une responsabilisation et autonomie nouvelle.
qu'est-ce que la trace gardée ici de ces jours passés, alors qu'elle n'en est qu'une part, celle choisie à la fois par la mémoire et par leur apparent intérêt au moment où les faits se déroulent… mais pour le futur quel sera leur intérêt, alors que la mémoire longue, habituellement, fait elle un tri tout différent ?
et qu'en est-il de l'éventuel gain de ces notes pour autrui ? ont-elles un véritable intérêt de portée plus générale que pour moi-même, que celle de ma vie propre, et de la consignation personnelle ?
méditer, cette pratique que j'ai depuis 6, 7 ans, peut-être est-ce cela aussi dans les notes, le journal : ce rapport du glissement de nos pensées, de notre être, dans le temps.
laisser glisser le glissement constaté glissé, sans y intervenir. si peu un travail ici en définitive, mais un constat, simple, sans action dessus, et avec une grande acceptation, de ce vaste écoulement, glissement, continuum.
poème, étymologie : "faire", donc poète : le créateur, constructeur, celui qui fait, fonde.
Refonder doit donc probablement avoir ce sens-là.
les premières traces de cela en janvier 2002, où j'écrivais : "Refonder mon écriture / refonder l’écriture / naître à l’écriture / enfin / non sûrement / pas encore né complètement."
et en juin 2006 : "ce n’est pas rien comme titre finalement _ une refondation _ c’est ambitieux, énorme _ mais il n’y a pas d’alternative _ à quoi cela sert-il si on ne fait pas, si on ne tente pas du nouveau ?
refonder verse au constat _ retourner à la refondation, je veux dire au fondement, à ce qu’il faut tenter à ce qu’il faut retourner à ce qu’il faut…"
il faut être oisif, ne pas être dans les tâches productives, avoir du temps, pour pouvoir et voir (avec un relatif recul) et raconter le monde.
arriver à isoler ces quelques moments, rares, précieux…
travailler pour l'alimentaire n'a jamais empêché de mener un travail de fond, mais c'est alors un autre type de textes et de réflexion : plutôt des poèmes d'urgence.
ensuite il faudrait aussi préciser, affiner, la différence entre oisif (car l'on peut aussi juste ne rien produire ainsi) et conditions de paix (ce qui peut signifier bosser 12h par jour) créées pour mener le travail de fond.
Il y a deux façons d'être riche : travailler beaucoup ou désirer peu.
Marshall Sahlins, ethnologue (cité par Pierre Bergounioux)
sieste dans l'herbe, à regarder le ciel, et les énormes cumulus arriver, avec leur fouet de pluie, brève, violente.
seconde sieste, cela ne m'arrive jamais, avec le chat dans les bras. paisible, sans douleur, en pleine santé. ce doit être ça le bonheur. petite chose toute simple, mais dont on ne prend conscience sur le moment que si rarement.
lecture de et visionnage de films sur Ludwig Hohl et Pierre Bergounioux.
je n'écris presque rien d'autre ces jours-ci que ce journal. pas touché à bloc depuis des jours.
longues discussions de fond au bar avec quelques amis rencontrés depuis quelques années au comptoir. on apprend à se livrer un peu plus, à dépasser les conversations générales ou désaffectées. l'importance d'une vie de quartier riche : pouvoir ainsi aller au café, faire une pause dans le travail d'écriture, rencontrer du monde, parler.
retour beurré.
15.07.12
préparation de notre randonnée dans la vallée des Merveilles aux 40 000 gravures rupestres, datées de 3 200 à 1 500 avant notre ère. celles-là même qui ont fortement influencé UUuU, dont son titre issu des dessins corniformes, des bucranes.
calme, à peine écrit, mais lu, nagé…
16.07.12
ciel moucheté, toujours en alternance : de bleu et de longs passages de cumulus. vent.
l'entreprise de Refonder serait-elle aussi celle d'apprivoiser l'idée et le fait de la mort ? pour être plus exact, plus précis, plus juste, celle d'accueillir, d'accepter, d'accompagner notre cheminement vers la mort (dans toute action elle est là déjà, en cours, sans gravité). et cela par le travail du temps, dans le temps, mais aussi par la "réalisation de soi" par l'œuvre fondamentale pour soi, ainsi que par la compréhension, l'apaisement, l'harmonie (humour compris) de notre fonctionnement intime, de ce que nous sommes, avec soi, d'abord au sein du monde. une grande respiration, de l'air, dégagé. une expiration profonde, relâchée, en lien peut-être déjà avec la dernière.
Quand maîtrise-t-on l'obscurité ? Quand on l'accepte. Condition nécessaire, mais suffisante. Cela dit, la question vitale est de ne pas tomber dans l'inaction.
Ludwig Hohl
Notes ou de la réconciliation non-prématurée
(XI, de la mort, 12, p 428)
éd. L'Âge d'Homme, Lausanne, 1989
Syrie : vue images et vidéos terribles aujourd'hui. à chaque fois, je n'ai qu'Oradour ou Vassieu comme références aussi violentes, terrifiantes, incompréhensibles. l'homme en arrive donc ainsi parfois à objectiver son semblable au point de lui faire tant de mal et d'injures ? à ne le considérer que comme objet désincarné, désaffecté, ainsi que les SS devaient voir les juifs et autre hommes mineurs : purs objets ?
quant à l'action, je n'ai que ma signature et ma possibilité de partager des informations. même en rajoutant ma compassion, c'est peu. que la Russie, et son salopard de Poutine cessent au plus vite son soutien de bandit.
17.07.12
Paris. Rambouillet.
journée d'encadrement de grimpe dans les arbres. deux jours qu'il ne pleut pas, extraordinaire.
les points dans mes poèmes, mes textes, à l'exclusion de tout autre ponctuation, marquent le tempo, la pulsation, le souffle et le silence… tempo assez lent, lourd, au rythme de marche… on ne peut écrire qu'en écho aux pulsations de base, vitales, fondamentales : cardiaque (circulation), respiratoire (ventilation), de marche (évolution, locomotion). c'est irréductible, il n'y a pas d'autre possible.
Commentaires
Commentaire à la note du 14/07 :
Il faut surtout faire partie des riches, des héritiers, pour écrire. Parce qu'écrire quand tu nettoies les couches souillées de merde des vieux, tu peux courir, t'as pas le temps de te distraire, de laisser l'esprit courir. T'as pas d'esprit, que du désespoir de voir le monde se contenter de se reproduire.
Et les pauvres n'ont pas de vacances, ça c'est jamais vu.
Le monde de ceux qui écrivent est le pire, parce qu'il sait, et reproduit.
Mais ça lui va très bien. Les pauvres sont affreux ( ils disent de ces choses déplaisantes, chut, c'est pas poli), sales ( ils n'ont même pas de blog, des fois ils n'ont même pas d'électricité, oh c'est pénible ils râlent en plus même pas aimables), méchants (ils n'ont peur de rien, qu'on les tue !)
cf