19.02.12
Oisans, maison d'Auris.

Pas venu depuis 4 ou 5 ans. Etonnant comme j'y retrouve de suite les mêmes marques, sans pourtant chercher à les reproduire : installer mon bureau au même endroit, même table basse sur le côté pour cendrier et boissons, mêmes premiers réflexes d'aller à l'épaule de neige coupée par la falaise de 500 m. d'un seul tenant, surplombant le verrou constituant le confluent de la Romanche et du Vénéon, ex confluent glaciaire.
Par contre, je me rends également compte que j'ai pas mal changé depuis : plus calme, moins dans des excitations, des impatiences quasi maniaques pour des élans positifs comme négatifs. Plus calme également, moins dans l'affectation directe des jeux et énervements familiaux d'affection (que, heureusement, je ne retrouve pas, n'ai pas reproduit dans la cellule familiale que j'ai créée avec S. et mes filles). C'est que depuis la dernière fois où je suis venu ici (et je ne voulais plus y venir justement à cause de cette affectation familiale qui me provoquait trop d'anxiété) j'ai passé ma dernière très grosse et profonde et lourde période crisique d'angoisse, qui avait duré une longue année, suivie d'un an de convalescence. Et c'est de cette crise profonde que j'ai appris en bonne partie à fonctionner autrement, que j'ai découvert la méditation (par la pensée tibétaine… des montagnards, tiens, d'ailleurs), l'abandon, le relâchement, et le rien faire parfois, mais aussi que j'ai trouvé le médoc léger qui me va quand cela est vraiment nécessaire. Cela sans compter également le travail de l'âge, son érosion, pas si néfaste finalement sur les "engrainements" maniaques. Tout cela sans doute a profondément modifié ma vie, ma façon de vivre les choses, les événements, les enthousiasmes, les peurs, l'alimentation de la névrose : le plus beau cadeau que l'on puisse se faire dans une vie, comme dit Sogyal Rinpoché. Evidemment il y a encore des peurs présentes, des points d'angoisses, mais c'est sans commune mesure avec celles du passé, que je peux mesurer aujourd'hui en revenant dans ce chalet. Et puis surtout j'ai appris à les repérer et donc à ne plus les nourrir.

ai donc installé mon petit bureau, une petite lampe apportant juste la lumière nécessaire sur la table, et j'écris, à l'ordi (bien content d'ailleurs qu'il n'y ait pas de connexion possible, enfin isolé, pas emmerdé par les sollicitations venant polluer et le calme et le travail de fond) et lis.

Faire un point sur mes travaux actuels, et puis sur quoi le trio parl# redémarre, avec nouvelle équipe, et sur cette nouvelle assise, encore fragile, mais que j'ai re-découverte lors de notre dernière scène à Paris. Ce par quoi il y a possibilité d'une "inébranlabilité", une autorité naturelle… en repartant de la langue, au fond, indéboulonnable, ancrée… de la façon de la dire et de la porter, sans forcer, sans sur-jeu. Je dis "re-découverte", car elle était là cette assise lors de nos scènes à Banlieues Bleues : j'étais à cette époque-là entièrement mobilisé, il y avait une sorte de chance de débutant, j'avais confiance aux amis de plateau. Après une période de 2 ans quasiment, période de conscientisation de l'ampleur des savoirs que requiert ce métier, et l'apprentissage à toute vitesse de ceux-ci (où du coup nous avons parfois déçus en concert, une fois passée cette chance de débutant), puis de sérieux soucis relationnels à gérer dans le groupe, là enfin, après cette période ingrate, recommence à émerger sur scène ce qui importe, ce que je sais faire, ce que j'ai au fond du bide indéviable. C'est fragile, mais j'ai désormais le chemin à suivre. L'ai retrouvé (en particulier grâce au conseil scénique de Yan A.). Cette phase d'apprentissage, que j'appelais autrefois "anti-art", est peut-être en train de s'achever pour une bonne partie. Viens désormais à nouveau l'affirmation, la ligne. Le début de la ligne. Et c'est bon signe avant d'aller jouer, non, d'aller tchatcher, au Québec.

Ce Refonder, ce journal, qui s'intensifie de façon régulière au fur et à mesure des années, ne serait-ce pas finalement là le récit (voire le roman) que j'avais pu essayer par le passé de mener (qui a donné VISIONS, par exemple, clos finalement, après 8 versions je crois, sous forme de "fragments de navigations"). Car cette écriture dans le temps, cet "art du temps" dont nous parlait Proust, n'est-il pas là en définitive ? Cet art-là, cette force, et ce plaisir, du coulé de langue et de phrase flottant comme un insubmersible sur le coulé de temps, ne seraient-ils donc pas là dans le journal, ou tout du moins dans l'art des notes, émergées et classées selon la chronologie, choisies, composées, où tout n'étant pas dit parce que choisi pourraient être dans ce sens comme "romancées" ?


17.02.12

après radio, incendie de la maison d'enfance, semaine parl# de création du nouveau trio (création d'env. 20% de nouveaux textes, d'une heure 10 de musique et pareil en scéno/lumières en 3 jours), 2 concerts donnés, atelier pour la Sorbonne… de nouveau un peu de calme, je reprends du coup mon travail de fond : lectures et relectures (Bergounioux, Bourdieu, Manon, Novarina, Sogyal Rinpoché…), recherches, écriture.

faire un point sur les projets et travaux.
travailler sur les carnets de notes pour leur réédition numérique et leur édition papier en impression à la demande par publie.net (avec François Bon et Gwen Català).