Florence Trocmé : "bien distinguer noter et écrire".
noter et écrire : bien distincts. même si ces deux formes font partie du travail central.
noter c'est une pensée qui se déroule, se déplie le plus précisément, et le plus consciencieusement, consciemment possible, en essayant, dans ce déploiement, de ne pas briser ce fragile "papier de riz", en cherchant à l'étaler au mieux, à plat, lisse, clairement. pensée ne veut pas forcément dire réflexion. les notes sont pour moi le plus souvent de l'ordre du constat, amiable ou pas, plutôt que de l'ordre d'une pensée articulée et conceptuelle. c'est une exploration lente, assez "douce", un travail de fond, de miettes, de bouts de trouvailles, de copeaux d'évidences glanées…
écrire c'est toujours plus sauvage. c'est toujours avec le corps. avec la viande parlante qui la produit. c'est un travail de matière, qui n'est pas de ce registre de langue "classique", repérée, que l'on trouve dans les notes, à la syntaxe très emboîtée d'engrenages et arbres de transmissions multiples déroulant les développements de la pensée. écrire c'est un travail de matière brute (ajout, torsion, réduction, malaxage, manducation…) propulsée par la sensation initiale, conséquence de cette sensation, dont la distance à notre pouvoir de dire est quasi irréductible. il s'agit là d'inventer la langue la plus adéquate à notre impossible dire. il ne s'agit pas de constat ou de compréhension.
dans les notes on arrive parfois à peu près à dire, il n'y a pas cet échouage permanent et constitutif de l'écriture poétique.
écrire, on ne comprend rien de ce qui se passe. noter, permet sans doute d'y voir un tout petit peu plus clair.