j'ai soif encore de liberté de voix, de liberté d'écrire, en cette époque où la scène poétique me semble incroyablement sage et posée. soif de risque, d'engagement. soif de sortir tout ça le plus fondamentalement possible du corps.
une liberté de poésie, rythmique, de viande, archaïque, coïncidente à son corps producteur.
cette liberté de voix est là, aller à l'inouïe profond, l'énergie essentielle, scansion… et au plus profond de la langue, dans ses mots "gros", ses mots de poids, de cris et de silence perdu… dans ces mots de sons et de rythme.
et là-dessus la littérature, telle que nous l'entendons aujourd'hui, a beaucoup de retard sur Lascaux, sur la peinture, sur les très anciens poèmes chamans sacrés. elle a, je pense, pour une bonne partie, oublié ses racines de souffle, de voix, de rythme physiologique, organique, pour aller se concentrer dans le crâne réflexif, oublieuse du magique. hormis quelques uns (pour les plus récents : les beats, Howl de Ginsberg sans doute, quelques enfoncements rock, Tarkos sans doute, ou peut-être encore les explos de Saul Williams), la poésie a pris grand retard, et est devenue fort bien élevée.
il nous faut de la littérature populaire, à la fois forte, exigeante, et facile à lire, à entendre. réunissant recherche pointue à facilité d'écoute. brûleuse de confins, de lisières, et ouvertement pénétrante.
il y a encore largement à ouvrir, à percer, à dé-limiter… souvenons-nous de "l'assaut contre la frontière" de Kafka. il n'y a pas d'alternative.
je suis prêt à cela. là que je veux aller, sans doute aucun, et me sens en grande confiance, force pour ça. plus que jamais.
c'est sans retour.
Les mots sont certainement associés au son comme la couleur est associée à la lumière. (…) Je regrette que les écrivains ne sachent pas quels sont leurs moyens — et jusqu'à ce qu'ils sachent, ils ne pourront guère rattraper la peinture.
William S. Burroughs
Commentaires
la poésie a pris grand retard, et est devenue fort bien élevée.
OUI OUI OUI OUI OUI OUI §
POEME TRES PERTURBE PAR UNE QUESTION DU REDAC CHEF D’UNE REVUE DE POESIE
hier (un autre) j’ai reçu un mail du redacteur en chef d’une vénérable revue de poésie
il me disait qu’il avait apprécié trois de mes textes parus la veille sur poezibao
un site de poésie vraiment épatant
ça m’a flatté bien sur
c’est toujours flatteur qu’un redacteur en chef d’une vénérable revue de poésie
vous dise qu’il a aimé vos textes
une fois de temps en temps ça requinque de se faire flatté dans le sens du poil de la barbe
ça n’est pas essentiel
mais ça requinque
sinon on ne sait jamais vraiment si ce qu’on écrit vaut tripette (ce qui est la valeur logique de nos galipettes verbales) (je galipe sur mon bidet quand il crotte il fait des pets etc etc)
on est très mauvais juge de la qualité hypothétique de ce qu’on écrit
mais on sait très bien quand on écrit un texte médiocre ou franchement nul
en même temps qu’il me disait des douceurs verbales
le redac chef me posait une question curieuse
« de quelle génération êtes vous ? »
je me doutais bien que ce n’était pas ma date de naissance qu’il voulait savoir
qu’il me demandait à quelle « génération » de poètes je me rattachais
et vraiment vraiment je n’ai pas su quoi lui répondre
je n’allais pas lui dire que françois villon et blaise cendrars était de vieux copains
ce qui est pourtant vrai
tout autant que whitman ou fernando pessoa ou ce vieux li po
et que kerouac et ginsberg étaient de très vieilles connaissances
et que je papotais couramment russe avec maiakowski tcheque avec hrabal japonais avec basho
alors je lui ai donné le nom de quelques amis vivants qui écrivent aujourd’hui
ce qu’on appelle « de la poésie »
mais vu la différence d’âge entre eux tous
ça ne fait pas non plus « génération »
en fait j’ai failli lui répondre que j’étais de la génération « my génération » et que j’aimais bien que pete townsend fracasse ses guitares sur les amplis en fin de concert
roger lahumais je ne suis pas sur que le redac chef de la vénérable revue de poésie
ait écouté un jour les who
alors que je suis certain absolument certain que villon et basho et fernando et blaise auraient adoré entendre roger daltrey hurler :
« i'm just talkin' 'bout my g-g-generation”
on est tous de la même G G G G G énération