à écrire, on travaille le silence. le silence qui n'est qu'un concept peut-être, et pourtant base. une base à travailler en creux et bosses de paroles, à brasser en un rythme de creux et bosses de paroles émergeant, s'éteignant.
on travaille sur le silence. difficile nappe de fond, et racine.
la poésie ne cherche pas à comprendre. elle sent. s'il y a intelligence ce n'est qu'intelligence animale, supérieure en sensations et instinct. la poésie sent et ne réfléchit pas.
la poésie est une inintelligence. on fait de la poésie de bête.
je sens souvent dans ce que l'on appelle encore poésie comme un "en distance" contemplatif. alors que ce qu'on parle est "en corps". ce qu'on parle est émouvement et brassage dans le corps. ça n'a rien d'intellectuel, de pensé et de réfléchi. la poésie vient du bide, des pieds. c'est à paluches calleuses que ça se passe, dans le cambouis, activité ouvrière.
j'écris comme mes ancêtres bûcheronnaient, labouraient. je continue l'boulot. défriche, cultive, malaxe, pétris, gâche, salope, dans ce patois de pleine terre.
la poésie est une inintelligence
2 déc. 2008 20:51
Commentaires
Ah! C'est sûr, c'est cela aussi qu'on recherche, ce que précédemment tu nommes le simple; on essaie, dans la tension, d'échapper aux vieilles lunes de la rhétorique, du
, et c'est sans doute parce qu'il y va de la vie comme on l'espère et l'attend: ce qui là surgit.Et en même temps, quelle autre vieille lune aussi, cette histoire du silence qu'on travaille, j'y suis tant tombé et y tombe tant encore, alors qu'entrer comme ça comme par effraction dans la langue c'est entrer dans une belle rumeur qui est celle aussi que font les filets du sang, les étirements des muscles et des os, et tout simplement aussi l'air qui passe et le froissement des mots dans la cage...
Je ne crois pas que tes ancêtres bucheronnaient dans le sauvage, l'innocence,
, comme tu le dis de l'avancée et du défrichement poétiques ( )... Je me dis que, comme les miens sur mer, qui avançaient aussi dans le défrichement, avec leur corps plein de gerçures, ils trimballaient avec eux une sacré culture, vraies théorie, rhétorique, du monde... Bon, c'est pour dire qu'on n'y échappe pas, à la nécessité d'une grammaire.On cherche toujours celle qui sera la vraie?
Et la question, c'est bien: comment ne pas prendre la pose...
Amitié. JM.
Jean-Marie BarnaudUn moment qu'elle me trotte dans la tête cette note et qu'elle me brasse tout un paquet de choses. Ce qui m'approche le plus d'écrire, il me semble, c'est de maçonner (au sens large. C'est-à-dire tout le boulot de bâtir ou simplement de faire tenir debout). Et bien sûr je gâche, salope, comme tu dis, faute de savoir faire, en apprenant sur le tas, littéralement mon tas de gravats. Une sorte de patois de gestes, ou disons façon de bafouiller dans les muscle (JMB le note fort bien ci-dessus: c'est entrer dans une belle rumeur qui est celle aussi que font les filets du sang, les étirements des muscles et des os). Et ce qui m'approche, aussi, c'est de m'oublier dans la tâche. En maçonnant j'y parviens tout à fait, je touche au silence "vrai" (facultatif le "vrai") dont tu parles, dans lequel rien ne cherche à comprendre. Simplement faire et s'oublier. Dans l'écriture c'est plus difficile de s'oublier, je crois, ça m'est plus difficile, en tout cas, mais j'y parviens peut-être, parfois. Et la poésie, ça serait peut-être quelque chose comme ça. S’oublier. Pas vraiment disparaître mais, comment dire, atteindre des strates de pensée différentes. De la même façon que je pense un coup de pelle (et pas à un coup de pelle), un autre, un autre ... quand je prépare mon ciment.
Mais il est aussi question de filiation dans ce patois de gestes et de langue. Tu écris " comme mes ancêtres bûcheronnaient, labouraient. je continue l'boulot ". Pour ma part d'un côté famille de mineurs (enfance à Sourcieux-les-Mines, ça ne s'invente pas), de l'autre paysans. Poursuivre le boulot, oui, dans la langue: forer, creuser, labourer, mais se laisser faire aussi.
Et puis tant d’autre chose moins claires, dans tout ça.
a.plaisir de te lire jean-Marie,
fgriotil y a évidemment dans mon billet un aspect "provocatif", vis à vis des intelligences souvent favorisées (ex à l'école, où le cul sur un banc, je n'avais que peu ces intelligences réclamées dans ce cadre scolaire) mes/nos ancêtres évidemment possédaient grande culture et intelligence de leur milieu... tellement que, 2 générations plus tard, même en vivant de façon très différente, cela me coule encore épais dans les veines
en amitié
f
"Dans ma musique, il y a beaucoup de silence.
Il y a surtout du silence.
Il y a du silence avant tout qui doit prendre place.
Le silence est ma voix, mon ombre, ma clef... signe sans m'épuiser, qui puise en moi.
Il s'étend, il s'étale, il me boit, il me consomme.
Ma grande sangsue se couche en moi."
Henri Michaux, passages, p. 118
Je me suis lancé sur le continent silence, en cherchant un peu ce qu'on en dit, de Claudel à Michaux, en passant par la bible, Steiner, Bloy...
Je continue aussi à vous lire. Le silence est ici un espace et un temps, les deux. Pour André Néher le silence est le versant métaphysique de toute chose physique.
jan abbiemerci de cette chouette citation
fgriot