(vers 2001)

Qu'est-ce que je fais là ? je pose des VISIONS ou plutôt je vois lorsque je les pose. Ce ne sont pas des visions qui me viennent et dont ensuite je rends compte. Elles sont là, existent au moment où je les écris. Elles surgissent dans, dans le temps de, dans le moment de l'écriture, au moment de la conjonction de ce que je vois et de leur écriture.

Mais sans doute faut-il se placer plus au centre, encore. Au cœur de ça. Placer le narrateur, le JE au cœur de cette entreprise, sans le recul du temps sur les événements (mais dans l'immédiaté) que, moi, en tant qu'auteur, j'ai. Le placer donc avec tous ces doutes et son manque de visibilité sur ce qui se passe… Il a seulement ces visions qui lui apparaissent, brèves, furtives, comme des craquements d'allumettes (ou des éruptions qui lui éclairent devant). Le lecteur lui verra.

Et puis peut-être, sans doute même sûrement, n'est-ce pas par hasard que je me sente soudain "écrivain"? Je ne le dis pas, ne l'affirme pas, je le découvre…. J'appartiens à cette sorte "d'espèce", esclave (peut-être ?) en un sens de ce surgissement de l'écriture, dans l'écriture de ces visions. "Ecrivain" n'est pas tant celui qui écrit, que celui qui découvre et constate (sa nécessité compulsive d'écrire évidemment) mais bien plus qu'il y a une réalité propre dans l'écriture, autonome, comme un objet, extérieur à l'écrivain, vivant, produisant une telle vie et une telle réalité si particulière (visionnaire peut-être) où, lui, l'écrivain, se perd et se dissous et n'est plus que celui, lointain, qui tient l'outil, le stylo.