(octobre 2002)
autour de du seul s'enfoncer

de la parole brute, non filtrée, pleine de dépôts, non distillée
une idée d'intensité, aucune idée de ce que ça va dire
quelque chose où je n'eusse pas peur de me perdre pour (me) trouver

je ne sais pas dans quoi je m'embarque c'est improbable
à une source peut-être
ou à rien ou à la source
au silence à la boue à la boue du début au fangeux du début au magma d'où sort la parole
suis-je déjà né ?

en fait cela a peut-être toujours été comme ça


Tout, comme toujours, a été posé dès le premier paragraphe, le premier bloc, la première pierre, et après ce n'est que creusement ouverture baignade immersion la tête sous l'eau plongée …

Un plan de bruissement de la ville, de la vie, des hommes, des bruits, un plan de foisonnement reçu, un foisonnement appelé dans du seul s'enfoncer, écrit, à restituer peut-être un jour à la voix, à l'oral, restituer ce bruissement de parole, de la parole…
tout en une seule phrase plus proche plus fidèle plus propre au fil de la pensée
un objet condensé ramassé dense exprimant l'immersion l'absorption l'intérieur l'engloutissement la noyade la répétition — s'enfoncer
de la langue parole déroulée enroulée

Ce n'est pas de la langue équilibrée, "bien écrite", qui fait un livre fort, vivant. C'est quand la langue est légèrement (ou totalement) déséquilibrée, vers l'avant, qu'elle fait un premier pas, qu'elle se met en marche.

Quand j'ai commencé du seul s'enfoncer aucune idée de ce qui allait arriver de ce qui arrivait de ce qui me tombait sur la tête j'ai bossé j'ai écris plusieurs jours comme un taré sur plusieurs semaines ne dormant presque plus racontant ça aussi parlant racontant ça m'épuisant sachant que mon corps en prenait un sale coup qu'une intensité comme celle là allait forcément marquer cruellement le corps et le crâne et ça n'a pas manqué
J'ai passé dans les mois qui ont suivi plusieurs semaines de crise et d'épuisement mental de souffrance de pensées épuisées qui s'entrechoquaient qui peut-être devaient s'entrechoquer jusqu'à s'épuiser jusqu'à épuiser ces pensées.
Je le savais je l'avais choisi j'en avais pris le risque de cette intensité
et c'est mon corps et ma masse mentale qui n'ont pas manquées de déguster crûment