(vers 1991)


De façon générale cela ne fonctionne que lorsque je parle et écris depuis, et non pas sur.

VISIONS : Le fait d'avoir posé les faits bout à bout, selon l'ordre dans lesquels ils survenaient, a répondu à un fantasme de linéarité, d'enchaînement progressif des faits, des trouvailles, des sensations. Un phantasme de logique, de logique de signes précédents les événements. Un fantasme de décrire un destin comme étant une succession cohérente, montante et progressive. Or, ici, c'est bien plutôt le hasard, le chaos qui est là. Rien ne préside à un destin. Ce qui peut le déterminer ne répond pas forcément à une linéarité — et ce n'est pas parce qu'il y a destin, déterminé par mille faits, rencontres, psychismes (…), qu'il "croit" et avance dans le temps linéairement, par "progrès".
Sans doute cela est une des causes de mon échec.

Cette façon de faire VISIONS ne pouvait qu'être vouée à l'échec, où je cherchais à tout dire, à tout poser, et que cela, comme "naturellement", par les milliers de petites touches et faits déposés, aurait fait le roman général, le tableau global d'une vie, de toute vie.
Or il n'en est rien. D'autres l'ont tenté aussi et ont eu ce fantasme de réservoir total qui aurait dit toute la réalité.
Que faire alors ?
Se mettre des bornes ? peut-être…
Ou trouver la forme sauvage qui rendra, contiendra tout ça, qui dirait toute cette musique.
De petites pièces, de petites flèches, avec un continuum de la voix, de la parole exprimant cette sauvagerie cette fourmillance tarée ce rhizome infini infernal de l'univers, du début à la fin, tendues
Qu'il y ait du courant ! une forme, un style qui exprima tout ça : cette profusion et cette sauvagerie mais aussi cette tentative de paix
Je parlais d'un style neuf et énergique, alors ce n'est pas reprendre simplement ce qui a déjà été fait, ce que j'ai déjà fait, mais partir du centre, écrire depuis, dedans. Là que sera l'énergie.

Oh, et puis je ne cherche plus à capter le processus, mais faire, faire, juste faire !