Ce jour-là, Peter Orlovsky écrit à Ginsberg…


traduction, édition Lucien Suel


Cher Allen
Le Bateau accostera le 23 janv. 58

dans 6 heures, Terre, Terre, Terre - mes pieds,
mon estomac surexcité à l'idée de
retrouver la famille toute ta famille, Lucien Carr
Joyce & Jack s'il est là-
Que le diable emporte ce bateau - tout le temps malade
mais enfin chez moi maintenant - que puis-je
demander de plus ? Une terre couverte de roses-
plus pleurer sur mon sort, je vais être
gentil, travailler dur, mettre de l'argent de côté-
ne plus me masturber - me laver les dents tous les soirs
je discuterai avec les clodos dans la rue, toujours discuter avec eux
plus je vais plus je suis
seul - le bateau tangue mon
écriture est toute tremblotante - je suis là
à écrire simplement tout ce qui me passe par la
tête parce que ça vaut mieux que de
rester à rien branler sur ma couchette - seul
je rêve éveillé de la terre dans le ciel
des gosses qui chialent maintenant, un que sa mère
attrape et fait disparaître derrière la porte-
de la musique, la 6ème symphonie de Beethoven
dans le restaurant - on va servir le fromage
d'une minute à l'autre - c'est fou
le nombre d'Hindous sur ce bateau - mais
je n'ai adressé la parole à aucun-
et maintenant, peux pas parce que la musique est plus
prenante, les violons connaissent leur chemin dans les ténèbres- ?
maintenant une musique triste, une musique sur laquelle je pleure-
Je sens que j'emploie toujours les mêmes mots-
comme pleurer, ça n'a pas
de sens, quoi faire, qui m'aime
encore ? - Allen où es-
tu ? pourquoi n'es-tu pas
avec moi ici maintenant - ? pourquoi ?
A quoi penses-tu en ce moment ?
si loin l'un de l'autre, on ne peut pas se parler
qui nous entendra-
ton père est ici sur ce bateau-
Noël - et pas de cadeaux
sauf celui qu'allen m'a donné
et celui que Gregory
m'a donné mais c'était seulement
Provisoire - la brume soulève
son voile - la mer s'ébroue - amulettes
pour les étoiles - dansent dans un pot-
font l'amour dans un lit tunnel
qui conduit à l'imagination stellaire
Ce stylo est quasiment vide-
la pendule va sonner l'heure du déjeuner pour nous
autres passagers en classe Touriste-
J'ai oublié de mettre classe touriste sur
l'étiquette de mon sac de couchage
et maintenant peut-être qu'on va se tromper
et je ne vais pas le reconnaître
il va être égaré - et je ne peux rien
faire à part
pisser un coup car l'océan est propre
et la jungle ne connaît pas de rivière où
les périls reposent sur des carpettes noires (chantant)
des os qui escaladent le mur de Mahomet
et sur l'amazone
des points verts couvrent des crocodiles
qui ouvrent les yeux après avoir perdu contact avec
l'eau - il y avait la mer en photo
la mer dans le jukebox-
et enfin la mer dans le sable-
sache que je t'aime
pleure sur mes os
mais surtout pisse donc
sur ma tombe - car le temps
est une feuille qui change de couleur tant
de fois en une seconde
Conversations ou rêves-
sommeil ou maux de têtes
bite ou couille - verre ou eau-
je vais dans la salle de bains pour m'asseoir
sur les toilettes j'ouvre la
porte mais avant que j'arrive aux
toilettes il y a une autre porte
et puis une autre porte, et je
l'ouvre et rentre mais
il y a encore une autre porte
et à chaque fois la pièce rétrécit
un peu jusqu'à ce qu'en fin de compte j'aie l'impression d'être un
nain dans cette course de portes
dans une salle de bains minuscule, qu'est-ce qui s'est passé
tout ce que je veux c'est des bonbons - pas de toilettes-
laissez-moi tranquille - voulez-vous
danser, peut-être êtes-vous
amoureux de moi - est-ce que j'en vaux la peine ?
Il n'y a personne qui m'aime----
je recommence à vomir, ce bateau balance de trop,
c'était pas comme ça sur
le bateau yougoslave qui m'emmenait
en Afrique avec Allen-
tanger, casablanca
Je m'aperçois que je commence à écrire
beaucoup - c'est la lettre la plus bizarre
que j'aie jamais écrite à Allen où à qui que ce soit-
qu'y a-t-il de bon en moi -qui veut que
je sois bon - est-ce que tu connais tous
les gens qui t'aiment en
ce monde ? combien y en a
t-il, je me souviens maintenant, ma
mère et moi on était à
Bayside on regardait une maison-
ma mère voulait la louer-
c'était une maison sensass (grande) - je
me souviens de la clé, avec la chaînette
de la porte dessus et la petite lumière
clignotante à pile
qu'elle avait - elle m'a tapé dans l'oeil
(ça me restera toujours)
J'avais envie de la toucher, je la voulais-
la maison était grande - planchers brillants,
on était pauvre et
une baraque pareille aurait
dépassé tout ce à quoi ma mère aurait pu rêver-
c'était en hiver-
ma mère n'avait emmené
que moi pour visiter
la maison - remarque que finalement
on ne l'a pas eue - question d'argent
comme dirait ma mère
Mais elle m'a emmené - comme si on était
marié - j'étais son mari-
et elle ma femme alors que je n'avais
qu'environ 10 ans à l'époque-
quel beau sourire ma mère avait quand elle voulait-
moi aussi quand j'avais 10 ans-
Je ne me souviens pas à quoi
ressemblaient les alentours de la maison
mais c'était l'automne à l'époque où les feuilles
étaient brunes et jaunes - j'avais
les cheveux bruns, ma mère
aussi - et donc on a
visité les pièces ensemble
et chaque fois qu'on trouvait
un bureau je voulais foncer
dessus pour l'ouvrir car je raffolais
du mystérieux -en fait nous les 3 frères
quand on était jeune on piquait dans les villas
de vacances au cours de longues promenades loin

de la maison le long de la baie - la baie gelée-
on traversait la baie sur la glace
on laissait le vent nous pousser jusqu'au
jour où mes frères et moi on a eu droit
au spectacle d'une mouette gris-blanc morte
toute recroquevillée sur la glace blanche écumeuse - et puis
une mince plaque de glace a cédé
accidentellement sous mon pied - la trouille maintenant
finies les promenades sur la glace - jamais
plus - par contre
on a continué à piquer dans les maisons
et on s'est jamais fait prendre
remarque on n'a jamais piqué grand chose, en
fait on n'a piqué pratiquement rien
et donc ma mère n'a jamais su
cette aventure secrète de
ses 3 gosses - on avait tous les trois
des bouilles si innocentes, les vieilles femmes nous filaient
des sucettes - tu te souviens
de ces sucettes rouges dans la
boutique ou dans les mains d'un enfant - à Bayside
Long Island près du lac Oakland
c'est tout sale et vert depuis
J'avais 10 ans à
l'époque- et j'en ai maintenant 24 sur ce bateau

où j'écris, une bonne femme vient me demander
quelque chose "pas d'enveloppes ici" qu'elle dit - dans le
lounge, ici il y a des bureaux-
des somnambules qui crient l'heure
du thé avant le déjeuner, des lunettes sur
une table rose ;- je peste - contre La Vigne-
la famille - la nonne de Dieu - mais
aujourd'hui le remorqueur va vaincre ce
bateau - attraper sa fumée au lasso-
Le prêtre n'a pas apprécié ça-
pourquoi tu as l'air
fâché contre moi- j'avais envie
de lui dire mais je me suis retenu - j'ai simplement
discuté en imagination avec quelqu'un d'autre
que le bateau - on était tous là
à regarder la carte marine - de la route du bateau
sur la mer nombril et je
n'arrêtais pas de répéter encore 200
miles à faire et les remorqueurs
vont attraper notre fumée au lasso et nous amener
à quai ce qui prendra 20 minutes
et puis ensuite il faut encore une heure on glissera devant
la Statue de la Liberté que nous connaissons
tous - OH Liberté - descends
et va dans nos cours de justice
Comme tu es verte-
Oh ma Liberté, ma Liberté
verte - je vois ton feu-
et les têtes que tu pèses
sur ta balance - oui
une tête équilibre l'autre
c'est ça la justice-
oh marche tu es plus grande que
l'eau - plus haute que l'Empire
state building - Oh viens
dans ma chambre dans la nuit
orientale - Oh viens - Oh viens
Ma Liberté ma terre verte
je sais que tu n'es que de pierre et
incapable de bouger et c'est pour cela que je
vais bouger à ta place-
donne-moi ta torche &
ta balance - la Justice est de mon côté-
la Justice & le vert-
le vert & la Justice
venez - rêves pour les
Palais de Justice-
Oh ma Liberté, danse pour moi
Je te vois au sommet
de l'empire state building
et dans mon lit - ton corps
mort depuis mille ans-
et toi à mes côtés qu'ai-je
à perdre dans la vie
viens - écarte tes lèvres-
parle-moi
chante pour moi-
danse pour moi-
toi, toi, toi, toi-
Je t'appartiens tout entier-
et maintenant une fois de plus je vais passer
à côté de toi - moi américain-russe
sur un grand bateau blanc - en hiver
vas-tu me faire un clin d'oeil-
vas-y, vas-y, vas-y-
Laisse-moi Halluciner à toi-
et ce petit morceau de terrain
qui t'es alloué - ce n'est pas assez grand
pour que la Justice puisse s'y ancrer-
et le ciel par-dessus-
il te verdit sans arrêt - continue
ma jolie-
Souris avant qu'une autre rose ne meure !
Parle toute seule OH Liberté
As-tu des gosses ?
Où est ta mère, ton père ?-
As-tu des rapports sexuels en dehors du mariage ?
Oh, Liberté tu as des oranges dans les
yeux, des poires dans les oreilles-
et des raisins dans le nez-
OH visage d'ange plein de fruits-
ramasse des pastèques
et bricole-toi une cascade
pour ton seul plaisir-
Je veux te voir
t'amuser - OH embrasse-moi
balance-moi des melons-
montre que tu vis un peu-
comme je le fais pour toi - porte mes
enfants - quand j'aurai mes
enfants, je leur dirai
de te tenir la main - Oh embrasse-moi,
nous avons, tous, besoin de toi-
ce qui est à toi est à nous - où est ton
instrument de musique - qu'y a-t-il dans
ta balance - qu'as-tu aux pieds-
qu'as-tu sous les pieds - ou mieux
tes jambes - j'ai besoin de toi-
je pleurerais si tu me prenais
dans tes bras - ce poème
pleure - ou ce qui défile dans mon
esprit pleure - pleure - pleure-
mer - mer - pas de terre -mer - pleure
As-tu une bague au doigt ?
Es-tu déjà mariée-?
est-ce que je peux te demander ta main ?
Je suis bon cuisinier-
Est-ce que les vagues de la mer te lavent
bien toute entière ? as-tu froid en
hiver ? Certainement que oui avec
cette robe de voile pour tout vêtement-
on dirait que tu vas aller te coucher-
oui voilà ce que je vais dire quand
mon bateau passera devant toi-
on dirait que tu vas aller te coucher-
mais ta main pleine de feu-
tes dents pleines de feu-
tes nichons pleins de feu-
tes jambes pleines de feu-
toute en feu - des flammes rouges ou des flammes vertes-
parle - crie - hurle - marche-
va jusqu'aux marchés comme
le christ - flanque l'argent à
la mer - coupe les bâtiments
en deux et envoie les moitiés dans
les coins les plus éloignés du monde
où des ventres affamés
rampent par terre en léchant les pierres
Volatilise l'armée dans les
nuages - pisse sur les fusils
de l'armée et fais-les rouiller-
Oh, ma Liberté ne me marche pas sur les pieds-
Oh Liberté habille-toi moderne

Ma Liberté sait que je l'aime-
dans les rêves elle me tient
par la main - son baiser est brûlant-
Oh, elle n'est pas touchée par la fortune-
elle est très seule
Pourquoi est-ce que ceux qui t'ont faite
n'ont pas ajouté un amant (à la justice)- la vie est plus gaie
quand on a un compagnon ?
que diront mes enfants
en passant à côté de toi ?
ils seront jeunes quand ils passeront
devant toi
embrasse-les aussi-
Je te connais - tu es mon
diable - et tu me parles-
et je t'écoute-
et je pense que tu n'es réelle
qu'en moi et ce n'est pas à toi
que je veux parler mais à tous
les gens du monde parce que je ne le peux pas
je dois leur substituer
un diable-!
Oh Diable Liberté Embrasse-moi-
sache que je t'aime-
que j'ai besoin de toi - et qu'il faut
que je te possède
pour que des propriétés s'élèvent
dans les vignes-
Es-tu née de la mer
par un matin
brumeux ?
Vas-tu rester ici pour toujours
ou seulement des centaines
d'années ?
As-tu déjà appris à jouer
aux échecs - es-tu la championne internationale
d'échecs-
vraiment?- Hourrah, Hourrah!
Embrasse-moi - encore-
Je m'appelle Peter-
Je veux te donner un nom-
Je vais t'appeler - prends un laurier-
seigneur------- ou autre chose
plus tard - c'est pas les noms
qui manquent-
Suis simplement le cours de ton esprit
comme ça, quand tu as un
pressentiment ou que tu vois
une image qui s'est déjà exprimée

dans l'esprit, laisse donc
sortir cela mais non pas une quelconque
pensée fugace ou une idée qui
s'est glissée au milieu-
écris simplement tes
impressions les plus vives du moment
et tu ne peux pas te tromper
parce que tu peux écrire comme ça
éternellement - la plume connaît son
métier-
La liberté adulte blasée
solitaire - elle tremble de froid comme moi
sur le bateau et qui la regarde-
elle connaît ma langue et
ma plume - et ma vie
je n'ai rien à lui cacher-
elle connaît la
chierie de cruauté des heures
blêmes devant les portes
d'entrée à Noël-
Les promesses que je t'ai faites-
à l'avenir les nuages descendront
se replier derrière
ton dos pour te faire
un fauteuil - parce que la justice
a besoin de se reposer-
les bombes ne te toucheront
jamais -elles ne feront que
te traverser - c'est seulement le ciment
sous tes pieds qui sera
pulvérisé, car les bombes
n'aiment pas beaucoup le ciment-
et les vagues grossiront
pour te laver complètement
et surtout sous les aisselles-
les pattes griffues des aigles te peigneront
les cheveux---- et tous les jours un bébé ange
attachera un ruban rose frais autour de tes cheveux-
et ta torche prendra
de l'altitude - elle éclipsera
les étoiles en lumière-
elle flanquera une raclée à tous les méchants-
une bonne raclée pour

qu'ils deviennent bons-
oui, mon amour - envoie-moi un baiser du bout
des doigts - partage avec moi l'intimité
de ma queue - j'ai grand besoin
de baiser - cette chaleur
qui fait les bébés arc-en-ciel cambrés
le stylo va bientôt être vide-
il faut que je coure manger je me sens
aussi grand que la statue de la liberté-
la mer m'encercueille-
pas trace d'oiseau en hiver
pas d'appels de mouettes
pas d'armée de statues de la liberté sur
la mer-
Que tombent les mains sanguinaires
que la France libère la terre des Arabes
que l'angleterre libère Johannesbourg
où les noirs sont mes frères
et que l'amérique arrête de fournir de l'argent
et une aide économique avec des coupons

comment appelle-t-on une telle liberté ?
Pour chaque goutte de sang qui coule
sous terre que la cloche de Notre-Dame
sonne et fasse un voeu de vie-
j'aime mon pays et tous
les gens - c'est toi, qui lis
mon poème que j'aime & je ne me battrai
jamais contre toi
Les visages sévères qui se pressent dans
la rue ignorent mon
amour - ils ont l'esprit
hypnotisé par les lumières
clignotantes qui passent derrière la prunelle
pour pénétrer les parties onduleuses du cerveau
et créer plus d'ondulations qu'il n'y en a
jusqu'à ce que le crâne
se mette à ondoyer pour lutter-
la mer change,-
le temps roule sur 5000 mille
années avant a dit Melville-

J'ai mal à la tête - le trac - je vais
mettre pied à terre, accoster dans 5 heures
j'espère - voir New York après
un an d'absence - des nouveaux bâtiments auront
poussé - vais-je jamais reconnaître
new york - il y a une nonne
à côté de moi - sapristi comme j'aimerais
lui poser toutes les questions que j'ai dans la
tête-
Poème-
OH nonne - qui te promènes dans la rue
vous toutes, nonnes en noir ou en blanc-
vous ignorez que je
ne vous aime pas-
j'ai l'impression
que vous prêchez
comme une robe noire
au monde-
et le tissu noir de vos lèvres c'est la mort
pour les enfants comme moi-
continuez à vous promener dans
la rue personne ne vous arrêtera
et je voudrais vous poser
toutes les questions qui me
passent par l'esprit mais je ne l'ai
jamais fait-
il y a des nonnes qui ressemblent
à des pingouins - mais la plupart sont
totalement noires-
et presque toutes ont une sale
gueule - et sont très timides-
par exemple dans un train en présence
d'hommes- mais les nonnes ne peuvent pas
se marier et c'est à cause de ça
qu'elles deviennent timides-
comment peuvent-elles connaître
la bonne vie alors qu'elles n'ont
pas l'expérience pour faire tomber
la voiture du mariage par-dessus la falaise ?
Est-ce que les nonnes sont mes soeurs ?
Je pense - elles m'aiment
alors je les aime-
mais elles ne parlent pas-
elles ne font que marcher en noir-
mais les nonnes sont plus seules que la statue de
la Liberté
alors mer solitaire-
ne gémis plus dans mon oreille-
ne dérange plus mon ventre-
plus de rêves sur tes vagues-
répète ton bruit dans mon

dos - il faut que je trouve un moyen
d'arrêter de fumer - merde aux
cigarettes - pas de rêve ce
matin-
les bonds imaginatifs de la conversation
quand j'épuise une image comme
la statue de la liberté
et les barrages - les barrages de retenue-
est-ce que quelqu'un a déjà écrit
sur une image d'eux-
le charbon est toujours dans un poème
enterré au milieu d'un
gros livre à couverture bleue dans
une pile de la bibliothèque municipale
là où aucune lumière lumière électrique ne l'atteint
depuis des dizaines d'années - jamais - sur-
bateau à vapeur - signal - fumée-
cachalots - n'en ai pas
vu - canards - ongles sur cette page
colorés en rose - le pamplemousse
que Salvador Dali commande était
rose dans le restaurant russe
moi fou - oui-
parce que mes dents dans mon
cerveau sifflent des codex
à des yeux bandés de l'autre côté de la
rue - J'ai l'estomac qui gargouille
à l'idée d'être sur terre - 6 jours sans terre-
qui suis-je - les vagues contre
mon lit la nuit sur mes
draps - je ferme les yeux -continue
d'écrire pendant des heures
quelque chose de chouette finira bien par émerger
dans ton esprit pour l'amour du trésor-
jusqu'à ce que le coucher de soleil ne soit plus que poussière qui
se disperse aussitôt si bien que toutes
les couleurs se fondent en noir ou blanc-
l'heure du thé ici stylo bleu-
des lunettes pleurent tu sais
du bruit des cris et de la musique-
les dents poussent os du crâne-
Le mariage avec la mort-
la mort dort sur le doigt de l'oncle Tom-
toutes les basses pensées s'envolent-
quand les gens me regardent écrire
je continue d'écrire tout ce qui
me passe par l'esprit - et à toute
vitesse - pour avoir l'air
occupé et malin en écrivant,

un voyage en mer de 6 jours
17 janv - 23 janv 59 embarqué à 7:00h
quitté Le Havre à 12:00h minuit

Peter Orlovsky