26.02.12 -13.04.12


à continuer cette exploration ici par les notes, non seulement de la recherche, mais du récit de la recherche, se posent quelques questions quant à la forme qu'elle est en train d'établir, de composer.
quel est-il ce récit ? en quoi, parce qu'il devient récit, constitue-t-il au fil du temps justement un fil, une ligne, un continuum au travers de son volume ?
c'est que ces notes, ces carnets sont à la fois recherche mais aussi, dans un mouvement inlassable, un va-et-vient, navette, témoignage de cette recherche : recherche avançant, se construisant, se constituant d'une part ; tout en se constatant d'autre part comme recherche, à l'intérieur d'elle-même et au fur et à mesure de son avancée ; et enfin, dans le même temps que se constatant, cherchant à se discerner, se comprendre.
peut-être serait-ce même le fait de porter témoignage de cette recherche qui la constituerait pleinement comme recherche. que, sans le récit de son écoulement, elle ne serait pas vraiment. qu'elle ne prend réalité et effectivité 1- que par cette mise organisée en mots, 2- dans le temps… en un mot, par cette ligne.

ce sont deux histoire mixées, mêlées : l'histoire de la ligne obsessive de la recherche, et l'histoire de la ligne du temps, de l'histoire inscrite dans la ligne de temps et dans la ligne d'écriture… c'est d'ailleurs ce qui en fait peu à peu la recherche d'une vie : témoignage du déroulement suivi de la recherche, et sur le temps de toute une vie.

c'est en quoi un volume tel que des carnets de notes suivis dans le temps, tel que se forme progressivement Refonder, pourrait presque constituer un roman : en tant qu'un art du temps d'une part, dans une linéarité devenant quasi narrative, à deux doigts de se romancer elle-même par le fait du choix des notes, d'une composition, donc peu loin d'une manœuvre et d'un traitement d'arrangement, et d'autre part en tant que constat d'un infinissable de cet art-là, de cette aventure-là, dont les carnets sont le récit.

J'évoque l'incertitude grande des écrivains de ce temps, l'œuvre dont ils établiront littéralement (Proust) ou parodiquement (Joyce) l'impossibilité et qu'à ce faire ils réaliseront.

Bergounioux - Carnet de notes 2001 - 2010
p. 972, éd. Verdier


mais alors que sont les autres livres de l'auteur par rapport à cette ligne reçue, dessinée par les carnets ? peut-être des éclats, des points culminants, des sommets, ou points d’effondrement (non dans le sens de brillance, virtuosité ou qualité, mais dans le sens de dénivelé : points remarquables, dépassants, émergeants ou bien zones des plus profondes dé-pressions)… des points de cristallisation, d'agrégation de la recherche par une poétique sauvage, lui échappant, "verticale", "sortant" du volume et de la masse horizontale, linéaire, temporelle, de la recherche globale dont rend compte les carnets.

les carnets se constituent alors progressivement à la fois comme la scansion rythmique des jours et des notes, une actualité de la recherche, et la vision panoramique d'une vie… abscisse constituée au fur et à mesure de son avancée, permettant de balayer et l'étendue et les champs traversés et les étapes franchies d'une vie de recherche, de la recherche d'une vie… mais aussi comme une stratification accumulative des notes, dépôt sédimentaire : ordonnée…
et sans doute est-ce ce qui constitue un volume global de travail, par ces trois dimensions : l'axe horizontal temporel croisé avec l'axe vertical de stratification, ajouté au point, électron flottant, libre, farouche du poème.