Refonder - journal, notes d'écrituresFred Griot - notes, journal2023-05-11T07:48:27+02:00fred grioturn:md5:4a486c4eeeb641559086bc9e7eb502afDotclearNouvel album | Campagne financement participatif | enfin tu regardes l'herbeurn:md5:a9d8b44ba1fd7a73549c5f71bf4f0b0b2019-02-12T15:40:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><a href="https://www.ulule.com/enfin-tu-regardes-lherbe/"">album | campagne de
financement participatif : c'est ici !</a></p>
<br /> léjèreté, joua, libertée, bienvaillansse !urn:md5:e6ec34c42bd6bb5b5cf514a77b051c762016-01-21T22:55:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br /><br />di 23.08.15</strong><br />
retour Paname.</p>
<p>poursuivre ce roman-ci, là ?<br />
le journal…</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 24.08.15</strong><br />
départ de nuit en grimpe d'arbres pour 4 jours consécutifs. pluie. gros vent, aube brumeuse, grise, mais pas de spleen…</p>
<p>vieillir : quand le corps devient lourd.</p>
<p>nature : <em>natura</em>, littéralement, « ce qui est en train de naître »</p>
<p> </p>
<p>aimer danser</p>
<p> </p>
<p><strong>je 27.08.15</strong><br />
Île-de-France.<br />
pluie…<br />
la semaine a été très mouillée… lundi une rivière au milieu de l’avenue du Maine, je n’ai pu traverser qu’en me mouillant jusqu’à la malléole… l’intensité des précipitations certes, mais aussi sans doute le fait des feuilles de platanes bouchant les bouches.</p>
<p>aujourd’hui, avec cette flotte, nous n’aurons pu grimper qu’en matinée… avant la préparation du bivouac dans les arbres avec les gamins, prévu demain avec mes collègues.</p>
<p>il n’y a pas de question à se poser de « qu’écrire » ici, ni même si écrire.<br />
ça peut se faire, là, où se volume est ouvert…</p>
<p>léjèreté, joua, libertée, bienvaillansse !</p>
<p> </p>
<p><strong>di 30.08.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>longue méditation devant le jardin.<br />
la pleine attention, bienveillante.</p>
<p>la plupart nous sommes (con)centrés sur notre conscience de soi, avec le soi comme centre du monde, aune de tous nos regards, perceptions et jugements… mais peu sont capables de savoir voir, sentir et dé-centré et plus large. </p>
<p> </p>
<p>dans l’appentis, la nuit.<br />
je relis, corrige le journal à peine écrit, ni revu, depuis le mois de mai.<br />
ça revient, comme ça.</p>
<p>vit-on par séquences ?</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 01.09.15</strong><br />
Paris.<br />
fatigue, nuits bien trop hachées…</p>
<p>le journal manque, me dit-on, plusieurs fois…<br />
est-cela aussi qui va faire que je ne le publierai plus en ligne pendant plusieurs mois ? le fait d’être attendu ? que cela touche alors à une intimité ?</p>
<p> </p>
<p><strong>je 03.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>l’image du jeune enfant évidemment, mort, roulé par les flots, sur la plage, ayant fuit Kobane, la Syrie… il repose dans la même position qu’adopte fréquemment mon fils de 7 mois pour dormir, alors évidemment l’écho est violent… et l’écho également avec les réfugiés de 1939, et tous les autres…</p>
<p>je bosse, je bosse, dans les temps que me laisse la garde de mon fils.<br />
et j’ai de nombreux projets en cours de lancement (sortie de l’album, ma société de grimpe en cours de modification pour rejoindre une coopérative, le nouveau projet d’accompagnements de projets et formations lui aussi intégré à une coopérative)….</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 05.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>belle journée ensemble.<br />
libre.</p>
<blockquote><p><em>La liberté c'est ne plus avoir peur.</em></p>
<p align="right"><em>Nina Simone (interview)</em></p>
</blockquote><p> </p>
<p><strong>me 09.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>construction de projets : avancer plus vite. moins se prendre la tête. <br />
ne pas trop s’ancrer sur des pensées virtuelles, des projections, mais sur des faits réels, une pensée du présent…</p>
<p>revenir à la méditation… à recentrer… ne pas fuir toujours dans la construction de projets.</p>
<p>les poser ces projets :<br />
- écrire<br />
- accompagner</p>
<p>revenir à écrire</p>
<p>ne pas bosser ce soir. besoin d’un break. fatigue, et notre Tom pouce fait des nuits terribles…</p>
<p>le journal, décousu ces temps-ci est là, mais n’a pas d’intérêt public. le simple fait aussi qu’il soit « attendu » (par sa publication web) trouble pour moi la ligne de l’intimité, c’est comme si l’on y entrait.</p>
<p>fatigue.</p>
<p>un titre : <em>... entre autre</em></p>
<p> </p>
<p><strong>sa 12.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>la pluie.<br />
la grosse pluie.</p>
<p>pluie<br />
giboulées violentes<br />
puis soleil qui éclate</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 13.09.15</strong><br />
Paris.<br />
gros vent.</p>
<p> </p>
<p>là. plus de journal. ou si peu.<br />
là<br />
fait comme on peut.</p>
<p>un livre calme, dégagé de toute prétention… le faire peut-être un jour lentement, en le laissant venir. pour dire quoi de plus ? pour dire seulement… et simplement.</p>
<p>avec l’album et le livre, relancer tout ça et ne plus lâcher ce coup-ci.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 18.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>pluie.<br />
flotte.</p>
<p>à travailler assidûment sur mes dernières constructions, comme toujours :)</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 19.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>petites interventions en soutien au théâtre de la cité internationale, depuis le gril de la grande salle de la coupole, 13 m au-dessus du plateau… y dire « <em>nous ne nous tairons pas</em> ».</p>
<p> </p>
<p><strong>lu</strong></p>
<p>boulot dehors<br />
il bruine sur l’ordi</p>
<p> </p>
<p><strong>me</strong><br />
équinoxe<br />
automne…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 27.09.15</strong><br />
Paris.<br />
soleil, enfin.</p>
<p>décidé aujourd’hui de ne pas bosser… quoique.<br />
dans les très très rares moment de temps libre, écrire un tout petit peu ici.<br />
c’est que, outre l’accompagnement de notre petit bout de presque 9 mois, je lance tout de même 2 sites ces semaines-ci, donc deux activités nouvelles à diffuser : <a href="http://fgriot.net/ontrace/">http://fgriot.net/ontrace/</a> et <a href="http://caps-accompagnement.org/">http://caps-accompagnement.org/</a> <br />
avec ça j’ai de bons outils, nouveaux, pour avancer…</p>
<blockquote><p>à se servir pour écriture, place de l’auteur : <br />
<em>processus qui n’advient qu’en se niant, autrement dit en se jouant sur fond de désubjectivation.</em></p>
<p align="right"><em>AGAMBEN G.<br />
Qu’est-ce qu’un dispositif ? Payot (2007)</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ma 29.09.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>comme un chat : sauvage, indépendant, mais très câlin.</p>
<p>dehors, à fumer mon joint, nuit tiède, ne pas bosser, pas écrire (dit-il)…</p>
<blockquote><p><em>Je ne suis rien, je le sais, mais je compose mon rien avec un petit morceau de tout.</em></p>
<p align="right"><em>Hugo, le Rhin</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>sa 03.10.15</strong><br />
Paris.<br />
beau temps depuis 8 jours, après plusieurs semaines de pluie navrante.</p>
<p>dans l’appentis.<br />
voilà que je n’ai rien publié en ligne depuis 4 ou 5 mois, depuis fin mai je crois…<br />
tout accaparé à préparer de larges projets en coulisses.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 04.10.15</strong><br />
Paris.<br />
dehors, à fumer, de nuit.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 06.10.15</strong><br />
Paris.<br />
première feuilles du prunier, jaunes, au sol, sous la pluie.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 11.10.15</strong><br />
Paris.<br />
dehors, à fumer, de nuit.</p>
<p>il y a ceux qui rêvent leurs rêves, et ceux qui les vivent.<br />
il me semble être dans la seconde catégorie.</p>
<p>scène : <em>donner</em></p>
<p> </p>
<p><strong>lu 12.10.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>fatigue puissante, toutes nuits difficiles et celle-ci presque blanche, avec le petit homme… on mettra plusieurs nuits à récupérer, et en partie seulement.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 13.10.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>la vie, une aventure constante, risquée, précaire, que la plupart tentent de sécuriser.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 14.10.15</strong><br />
Paris.<br />
au soir, 10 degrés dans l’atelier.<br />
ça sent la pluie dans l'appentis</p>
<p>après quelques jours limite exténuants.<br />
méditation, le soir, contre toute habitude… lâcher… les idées passent…</p>
<p> </p>
<p>petit d’homme : différenciation, besoin de rassurance, assurance. nuits rudes.</p>
<br /><br /><p><strong>di 18.10.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>rythme intense : nombreux projets en construction, très divers, et le temps pris, si possible avec qualité, avec notre petit d’homme. assez gros changement d’aménagement de la maison.<br />
j’en oublie presque la méditation.</p>
<blockquote><p><em>Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends.</em></p>
<p align="right"><em>Mandela</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>me 21.10.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>deux jours d’élagage lundi, mardi, et dans le même temps lancement de l’album tard en soirée, au jour prévu… puis gestion aujourd’hui et réaménagement de l’appart. bien fatigué.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 25.10.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>semaine folle (élagage, lancement du disque, réaménagement complet de l’appart ainsi que d’un bureau pour S, boulot quotidien par dessus, et kiné pour mon cou en piètre état) accompagnée d’une violente fatigue… mais heureusement j’arrive à l’éponger en grande partie ce week-end : notre petit d’homme dort bien, et je fais de larges siestes avec lui. je vais pouvoir repartir en meilleur état.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 31.10.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>ici ça va plutôt bien en ce moment, et cela fait du « large » en soi.<br />
mais à peine deux jours de repos, de relâche très brève, et le petit a attrapé une gastro et les nuits recommencent terribles.</p>
<p>ce soir il met des heures à s’endormir, se cabre de douleur (les spasmes du ventre), s’énerve, et moi aussi, bien peu puissant pour l’apaiser… ce soir je suis à bout, saturé, coupe pleine. ça n’est pas bien beau à voir. heureusement sa mère, ce soir, arrive à rester calme.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 01.11.15</strong><br />
Paris.<br />
grand beau depuis 2 jours, les arbres ont mis toutes couleurs.</p>
<p>T malade encore. la fatigue longue, profonde, et le voir souffrir, m’attaquent.</p>
<p>pas la tête au journal depuis bien longtemps.</p>
<p><em>on trace </em>: <br />
dès la première répète, jeudi, jouer déjà physique. nous n'avons que trop peu de temps avant le premier concert…</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 02.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>aux urgences pour le petit T (il faudra une retourner par deux fois), sa gastro ne va pas mieux, il est dénutri… « creux » comme disent les professionnels.<br />
on n’arrive même plus à l’endormir, mais là en après-midi, épuisé complètement, à bout, il se rend, le pauvre, à genoux, en boule sur le tapis, et s’endort quelques temps… à faire mal au cœur.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 03.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>T semble aller un peu mieux, mange un petit peu à nouveau, il n’aura strictement rien avalé pendant 4 jours, sauf de l’eau fort heureusement… là il picore lentement, très lentement… une très grande joie pour nous…<br />
et voir en positif.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 06.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>le petit T remonte la pente, il n’a pu encore rejoindre la crèche, depuis 10 jours…</p>
<p>moi bossant dans les interstices comme un fou.<br />
préparant le concert : répètes musique/voix, scéno, lumières, vidéo, son…</p>
<p>vendredi soir… arriver dans le week-end. souffler un peu, au moins enlever le boulot de la densité des journées.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 07.11.15</strong><br />
Paris.<br />
étonnante tiédeur, 20 degrés en après-midi.</p>
<p>première journée avec des repas quasi « normaux » pour notre petit bout.</p>
<p>appentis : c'est abri, grotte d'ours, yourte de sauvage, au milieu de mes 2 km de cordes et autres outils divers, ordi sur établi, dans le calme de la nuit, sous la lampe, pénard, avec wifi et café... le temps pour soi après journées actives.<br />
un très ancien goût, d'enfant, dans la nuit d’hiver le plus souvent, des établis en retrait, des coins où bricoler tranquilles, que ce soit le bois, la chignole ou l'écriture…</p>
<p> </p>
<p><strong>je 13.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>T a un peu mieux dormi… du coup tout le monde est sourire au matin.</p>
<p>soir. seul. bord de Seine, le rat qui court entre mes pieds, le long du mur. la Seine noire comme nuit et reflets or-argent, la Conciergerie de sinistre souvenir, le trafic, le ciel noir-gris où tape les lumières de la ville. journée d'énergie basse. ça arrive, laisser couler… sourire…<br />
scène ouverte slam, arrivé un peu par hasard, où je me glisse pour la première fois et tchatche.</p>
<p>ce dont on ne peut parler</p>
<p>quand je ne chercherai plus, ça viendra. comme toujours.<br />
comme en amour.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 14.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>au soir dans la nuit, attaque de guerre sur Paris en 7 points différents et simultanés par des aveuglés de fanatisme.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 16.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>à 'credi que vint !</p>
<p> </p>
<p><strong>je 19.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>concert de lancement du disque hier soir à l’atelier du Plateau.<br />
nous avons réussi à jouer ce que nous voulions jouer.</p>
<p>retour aujourd’hui, des masses de boulot…</p>
<p>relecture, correction typo et maquette d’un article que le stagiaire de l’éditeur a bien mal monté…</p>
<blockquote><p>revenir à quelques fondamentaux :<br />
<em>« la parole claire :<br />
par cette expression, plus précisément, j’entends une écriture du simple, du concis, de l’économie de moyens, de la limpidité et de la légèreté dans la pertinence et l’universalité du propos. »</em></p>
<p align="right"><em>Journal</em></p>
</blockquote>
<p>astre halogène<br />
lune électrique </p>
<blockquote><p>re : <br />
<em>La liberté c'est ne plus avoir peur.</em></p>
<p align="right"><em>Nina Simone (interview)</em></p>
</blockquote><p>au Gay Lussac café<br />
à cloper des clopes<br />
sur la terrasse<br />
sous le store vert<br />
sous la pluie </p>
<p>qui floc</p>
<p>...</p>
<p>sous la pluie <br />
les passages piétons <br />
sonores pour aveugles<br />
sonnent en répons<br />
parfaitement raccords<br />
ting tong ting tong ting tong</p>
<p>passage à Normal Sup’ pour une petite visioconférence sur la poétique avec Moscou et Milan, accompagné de Sébastien Lespinasse…</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 22.11.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>la sensualité ivre.<br /><br /><br /><br /><br /><br /><br /></p> se dessaisirurn:md5:951d453894f2dec90280323e318c54fc2015-04-16T15:37:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />
lu 16.03.15</strong><br />
Paris.<br />
à mon retour, le prunier en fleurs.</p>
<p>pour le reste, humeur mélancolique.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 17.03.15</strong><br />
Paris.<br />
le prunier, et son rejet quelques mètres derrière, majestueux en fleurs, comme en neige.</p>
<p>encore un ami proche, plein de ressources, de compétences, d’expériences importantes et de créativité débordante qui non seulement recherche du boulot mais également un nouveau rapport au boulot.<br />
nous devons en ce moment nous créer une économie du rapport au travail : c’est-à-dire à la fois avoir de l’imagination sur le moyen ou long terme, et l’obligation de vivre au jour le jour ce qui vient.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 20.03.15</strong><br />
Paris.<br />
au matin éclipse de soleil à 80%, mais un plafond nuageux homogène nous empêche de la voir, si ce n’est cette baisse de luminosité caractéristique, uniformément laiteuse… la température par contre varie peu.</p>
<p>folles journées auxquelles se rajoutent panne d'électricité puis fuite de chauffe-eau, difficile à remplacer. la fatigue, les tensions générées, la colère. de ce genre de colères que je me promet de ne plus avoir, entre autre pour mon fils.<br />
pas de temps pour quelques instants de calme, de recul avant aujourd'hui, peut-être.<br />
plus tard… enfin du temps, un tout petit peu de temps, à peine un petit peu de temps, pour poser, un peu de recul.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 21.03.15</strong><br />
Paris.<br />
équinoxe.</p>
<p>je suis un peu perdu en ce moment…<br />
je gère mal la pression lorsque je n’ai ni mon espace ni mon temps, et me mets alors de la surpression, de l’énervement, de la fatigue en plus. <br />
côté boulot, je me suis peu à peu marginalisé, par l’habitude de l’indépendance, mais aussi en voulant progressivement bosser moins pour ce qui faisait moins sens pour moi, en bossant moins pour du purement alimentaire.<br />
cela m’a même amené parfois à un relatif mépris du boulot des autres, aigri. alors que chaque boulot a une valeur intrinsèque.<br />
je fais aussi beaucoup trop de boulot de projections, de réflexion, de préparation, de notes, inutiles…<br />
aller vers des fonctionnements autres, plus bienveillants… retourner un peu vers le social. j’en ai besoin comme les autres en ont besoin, tout comme notre fonctionnement sociétal en a besoin.<br />
voilà le constat, assez triste mais qui a l’avantage de la lucidité.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 22.03.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>le prunier : le vert gagne progressivement par les branches basses, mais le haut, le houppier est encore blanc et on le dirait comme couvert, souligné de neige.</p>
<p>je n’arrive plus à tenir le rythme de publication du journal…</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 23.03.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>seul avec mon fils, pendant que S est parti à un festival de théâtre jusqu’à demain. être pleinement, tout à l’écoute, d’avantage même que lorsque je ne suis pas seul avec lui, se mobiliser pour être à son rythme, l’accompagner… écrire un petit peu pendant son sommeil.<br />
sa grande sœur est parti tôt au matin, poursuivre son stage de journaliste qui la passionne… deux périodes, deux âges qui se côtoient.<br />
le prunier poursuit son dégradé vers le vert, ses pétales blancs chutent et saupoudrent le sol. à la moindre brise, c’est une sensation de neige qui traversent le jardin en flottant.</p>
<p>plus tard, terrasse soleil pendant que le petit Tom roupille dans son carrosse… alors que je suis de garde 2 jours pendant que sa maman « festivale » j’ai abandonné toute velléité d’autres travaux… juste un peu du texte, de la voix, d’écoute des compositions musicales de l’album dans les petits moments que je parviens à avoir.</p>
<p>se tenir au journal peut-être, quand même, car il me tient. et peut-être plus que je ne le <em>tiens</em>.</p>
<p>je suis bien fatigué au soir, les bras presque courbaturés de l’avoir porté notre petit bout un bonne partie du jour.</p>
<p> </p>
<p>au soir, album.<br />
test voix : parler/dire normal. simple. <br />
et ensuite voir si je sais encore dire.<br />
voir ce qui reste. bosser avec.<br />
pas d’intention, le texte lui les contient et les apportera de lui-même en étant dit, tout simplement.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 24.03.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>chanter en méditant, le petit sur les genoux devant les chutes de pétales du prunier</p>
<p> </p>
<p><strong>me 25.03.15</strong><br />
Paris.<br />
le prunier n'a plus que quelques plumets de pétales blancs. <br />
départ aux aurores pour Fontainebleau. fraîcheur.</p>
<p>oui véritablement vivre au jour le jour, l'instant, ne pas toujours être en réalité dans le vécu présent dans des moments toujours projetés vers l'avant, vers d'autres moments possibles. cette manière de projection est non seulement une conséquence inquiète d'être mais également l'une des sources de l'inquiétude.</p>
<p>l’avion A380 qui s’est crashé il y a quelques jours a fini sa course dans un lieu (sources du Galèbre au pied du Puy de la Seiche) que je connais bien pour y avoir marché et bivouaqué quelques jours il y a 2 ans, juste sur la crête au-dessus. c’est un très bel endroit, fort, sauvage, paumé, avec légèrement plus bas un minuscule bourg abandonné avec chapelle… où l’on trouve de ces nombreuses pentes de terres noires, concassées, qui sont sculptées, drainées par les eaux, en cônes enchâssés : les roubines.<br />
cette émotion aussi médiatisée, donc nourrie, « épidémisée » à outrance, comme dans nombre d’événements et d’avantage depuis quelques années : conséquence d’un état technologique actuel de l’information et des réseaux, mais fait politique aussi semble-t-il, volonté d’attirer l’attention là sur l’événement plus que sur les graves questions de fond…</p>
<p> </p>
<p><strong>je 26.03.15</strong><br />
Paris.<br />
froid, très humide. pluies intermittentes. 8 degrés dans l’appentis.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 27.03.15</strong><br />
Paris.<br />
le grand à-plat bleu est enfin de retour, mais passagèrement car traversé de gros cumulus brillants blancs à leurs sommets et sur leurs flancs, sombres et gris à leurs bases.<br />
en contre-jour, quelques abeilles visitent les fleurs du prunier.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 28.03.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>ma fougue, mon énergie, tout aussi bien négatives que positives, constructives tout autant que sombres…</p>
<p>au jour le jour. instant par instant, moment par moment.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 29.03.15</strong><br />
Paris.<br />
vent, pluie.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 30.03.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>coup de mou, sentiment d’un grand poids, de larges freins pour réussir ce que j’entreprends, et d’une réception difficile. alors me mettre plus à fond encore dans le boulot de l’album, là que ça fait sens pour moi, là que cela peut m’aider à émerger de la période, là que je respire.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 31.03.15</strong><br />
Paris.<br />
vent fort toute la nuit, et encore le matin quoique s’essoufflant.</p>
<p>travail sur l’album, ça avance, enfin, la mise en voix prend forme, enfin.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 01.04.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>trop de choses foirent depuis 3 ans… une majeure partie des gros projets, des grosses constructions. encore ce matin des obstacles importants, contre toute attente !<br />
difficultés pros qui usent, brisent les pattes. quelle hallucinante série !<br />
du mal alors à garder le cœur haut…<br />
je ne peux donc être pleinement épanoui si mes réalisations ne peuvent déboucher… je lutte contre des ombres, plus même que contre des adversités concrètes, tangibles.<br />
heureusement il y a mon fils, la famille. pour le reste, je n’ai que le recours de vivre au jour le jour, prendre les moments au fur et à mesure de leurs venues.</p>
<p>je ne peux être heureux là-dedans, freiné, ou alors c'est que je me suis peu à peu pleinement désadapté. mais je vais rugir.<br />
à force, je vais avoir un enthousiasme cannibale, sauvage, enragé, révolté.</p>
<blockquote><p><em>Ces notes que j'accumule depuis trente ans dans le silence et dans l'ombre la plus intime et auxquelles je n'accordais, au début, aucune importance, sont devenues pour moi comme un inestimable trésor - le témoignage de la continuité et de la vie de ma pensée. Grâce à elles, que je peux à tout moment relire, je m'assure, revenant en arrière, que pendant tout ce temps je ne suis pas resté absolument en marge et inactif, que j'ai participé à la vie, gardé un contact sensible avec les êtres et les choses.</em></p>
<p align="right"><em>Reverdy, Livre de mon bord</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>je 02.04.15</strong><br />
Paris.<br />
ça flotte.</p>
<p>mon fils et S partent quelques jours. je reste ici pour me centrer, me mobiliser, me préparer, travailler, et démarrer samedi les répétitions de l’album.<br />
chanter.<br />
exigence, détails.<br />
écouter écouter écouter les autres</p>
<p>quelque chose où l’on peut rentrer dedans avec aisance, élan, mais aussi novateur, qui dérape, décale un peu ?<br />
diriger, bien orienter vers ce que je veux </p>
<p>achat et renouvellement d’une partie du matos escalade.</p>
<p>fatigue.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 03.04.15</strong><br />
Paris.<br />
le jardin est passé largement au vert, dans des nuances claires, fraîches…<br />
pluie.</p>
<p>en fin d’après-midi, je recâble le micro. <br />
bosse.<br />
voix et réécris.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 04.04.15</strong><br />
Paris.<br />
méditation fenêtre ouverte.</p>
<p>première séance avec zique (voix, guitare, batterie).<br />
je reprends le crachoir. après un très long silence.<br />
je me rends compte alors à quel point il fut réellement long.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 05.04.15</strong><br />
Paris.<br />
fatigue, sale nuit.</p>
<p>deuxième séance avec zique.<br />
parler normal. il y aura toujours assez d’effets qui remonteront par la suite.</p>
<p>dessaisir l’auteur.<br />
long travail de <em>désaffection</em>.<br />
ce difficile glissement du statut d’auteur à celui d’interprète. ce glissement d’une lecture affectée, que l’on retient en soi de l’intérieur, à une interprétation lâchée, où l’on redécouvre le texte, comme entièrement nouveau, de l’extérieur.<br />
se dessaisir du texte pour le ressaisir mais depuis la place, nouvelle, de l'interprète et non plus celle de l'auteur. c'est tout d'abord un travail « négatif » : c'est se déshabiller, se déposséder, se départir des abris, des refuges qui se nichent dans des tics, des effets personnels de voix, et cela est narcissiquement assez violent, pour, une fois nu, désaffecté de la paternité du texte, de l'empreinte de l'auteur que l'on est, réappréhender nouvellement le texte, en tant que personne extérieure, interprète cette fois. on atteint alors une parole normale, simple, qui ne peut être que le départ du véritable travail de voix positif.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 07.04.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>hier : suite du travail de trois jours avec Eric et Dan sur la musique, les choix de composition dans le studio de répète.<br />
et ce matin, je continue à travailler seul, avec les pistes playback… je revois la conduite, l’ordre des morceaux qui cloche encore en certains endroits ; affine le texte, le rythme plus précisément ; la distribution des morceaux selon les textes. je prends des risques considérables avec cet album, d’autant que je ne suis ni musicien ni chanteur, mais j’ai mon idée, et j’y tiens.</p>
<p>en poésie, faut-il avoir peur du succès populaire ?</p>
<p>trouver les ressources en soi-même d’un élan nouveau, tout simple, dans les petits présents du présent.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 09.04.15</strong><br />
Paris.<br />
levé très tôt, grande belle journée du point de vue du ciel.</p>
<p>matinée de gestion difficile, puis je prends le relais et vais me promener avec notre petit d’homme, sous le grand soleil, prendre un café en terrasse, il dort, j’écris, puis traversée du cimetière Montparnasse, avant que sa mère de nouveau ne prenne le relais, et que, seul à la maison, je puisse enregistrer quelques voix sur les playbacks enregistrés ce week-end.</p>
<blockquote><p><em>Le bonheur est là, sous mes yeux, et c’est à peine si je l’aurai vu, éprouvé, à cause de cette humeur inquiète, funeste qui toujours m’arrache à l’instant réel, au présent, pour me jeter dans l’avenir plein de soucis et de craintes ou le passé encombré de douleurs, de deuils et d’incompréhensions.</em></p>
<p align="right"><em> Pierre Bergounioux, Carnet de notes, 1980-1990<br />
éd. Verdier</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>sa 11.04.15</strong><br />
Paris. forêt de Jouy.</p>
<p>grimpe dans de beaux grands hêtres.</p>
<p>album : je l’entends enfin mieux, beaucoup mieux, parce que nous avons créé maintenant nos propres premiers sons.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 12.04.15</strong><br />
Paris. <br />
les tulipes rouges sont désormais bien présentes dans le jardin.</p>
<p>45 ans ce samedi qui vient, j'ai peine à y croire. la moitié d'une vie moyenne. l'on se sait évidemment finissable depuis bien longtemps mais l'on n'y croit que modérément, et puis là soudain on se dit que l'on a peut-être atteint comme un col, que c'est la redescente derrière, l'autre versant...<br />
au mieux donc, il en reste autant devant que derrière.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 13.04.15</strong><br />
Paris. </p>
<p>les difficultés pros n’ont que cet avantage d’apprendre à savoir se concentrer sur le bon, l’agréable, le véritablement important, et de savoir vivre ces moments-là pleinement au jour le jour… chose dont je me vois m’imprégner peu à peu avec quasi étonnement.</p>
<p>travail sur les morceaux, les sons, la voix par des enregistrements témoins. ça prend des formes.</p>
<p>la tiédeur est là : 19 degrés à 22 h 30 dans l’appentis.</p>
<p>la fatigue s’accumule, notre tendre petit homme fait des nuits agitées.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 14.04.15</strong><br />
Paris. <br />
étonnante tiédeur, premier jour où nous avons eu chaud.</p>
<p>boulot, puis enregistrement d’essais voix sur les playbacks, enfin au jardin avec mon fils à désherber d’une main, lui au creux de mon autre main. je lui montre des fleurs, leurs couleurs vives semblent lui plaire.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 15.04.15</strong><br />
Paris. <br />
chaleur.</p>
<p>seul avec petit homme. nous passons toute la journée tous les deux, voyons quelques amis… le soir il s’endort dans mes bras, fatigué, je le câline fort.<br />
depuis quelques jours il s’intéresse aux autres enfants, les regarde jouer, le petit frère de ses sœurs (qui n’est pas son frère) le fait rire.</p> éclats de journal sudurn:md5:0ad6f2e7a219d3eb49ed1ab9667eacd52015-03-26T11:58:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />lu 09.03.15</strong><br />
Île-de-France. Vaucluse. sud.<br />
Paris. Caromb.</p>
<p>départ en résidence pour une semaine.<br />
venir. là : la descente vers le sud, les terres calcaires, la lumière, les garrigues, le Ventoux dominant, sans cesser.</p>
<p>journal de la construction… ne pas savoir ce que je vais faire, construire là.<br />
journal : l'œil reculé… ce qui passe, ce qui se passe… porter témoignage…</p>
<p>venir ici, ailleurs, pour travailler, construire, aux côtés d’autres, ça signifie quoi ?</p>
<p>en « descendant », glissant le long de l'axe nord-sud traversant selon une ligne quasi verticale l'hexagone, de la capitale parisienne vers le sud, la gradation des climats, des terres, des roches mères, donc des couleurs, des couvertures végétales, des cultures… le temps change, les nuages, les lumières, les accents même, les hommes pétris à l'image de leurs terres… dans un sens « descendant », vers le sud, la porte très marquée, majeure, de Valence et son entrée dans les calcaires, la lumière, les garrigues, les chaleurs… et, inversement, dans le sens « montant » la porte de la Bourgogne, vers Chalon déjà, et l'entrée le plus souvent sous les nuages, le plafond bas, épais, sombre, le moins de lumière, les zones régulièrement saupoudrées de neige, l'hiver, lorsque les autres régions sur ce parcours sont demeurées plus chaudes, les sols encore verts, vierges de gel, de givre…<br />
c'est un vaste dégradé de près de 800 km du gris de la lumière diffusée, filtrée, urbaine, nordiste, des meulières, des grès, des terres plates, peu acides, vers le vert des prés gras, des forêts froides, puis le jaune, le blanc enfin éclatants, brûlants des calcaires éblouissants, des roches, falaises et lits de torrents souvent secs, des lumières méridionales sans obstacle du ciel…<br />
et sur la gauche les Alpes blanches, blanches, blanches (me tenaillent alors toujours leur désir relié aux ascendances profondes).</p>
<p>dans le train, la différence visuelle, cinétique, de référentiel, donc de réalité en définitive entre l'intérieur du wagon, oscillant légèrement, à peine mobile, les gens à places fixes les uns par rapport aux autres et par rapport à l'espace intérieur du véhicule voyageant ; et le mouvement plus large du train, rayant l'ensemble d'un pays, avalant les kilomètres à haute vitesse (300 km/h nous annonce-t-on à l'instant), et donc cet autre réalité référentielle du paysage défilant, défilant, défilant, dans un mouvement de vitesse, mais illusoire : ces champs, ces forêts ne bougent que parce que nous bougeons, les traversons, et ne se meuvent en réalité (mais qu'est la réalité en pareille matière ?) que d’un seul mouvement, de leur propre mouvement de pousse, de croissance, d'abrasion des éléments entre eux et d'érosion du temps… <br />
ce paysage ne défile pas (ou alors dans un référentiel plus vaste, cosmologique), contrairement à l'apparence : c'est l'œil qui le regarde qui lui défile, passe, long travelling relatif, relatif.</p>
<p>au devant, dans la brume de beau temps, la forme volcanoïde, fuji-yamesque du Ventoux, sommet blanc de neige, tout juste un peu plus blanc que la pierre d’été des pierriers sommitaux, calcaire urgonien fracturé (claps), dominant la vallée du Toulourenc au nord.</p>
<p><em>Caromb, Caroun</em> (carreau de pierre).</p>
<p>la lumière, d'abord la lumière !<br />
et puis la pierre jaune pâle, claire.</p>
<p>repas avec les premiers artistes arrivés… chacun, peu à peu se raconte, se rencontre…<br />
puis une petite sieste, tout d'abord et comme très souvent en arrivant de voyage, cette manière de prendre le palier de décompression, de prendre contact avec le lieu, en se posant, dans ma chambre blanche, perchée au sommet du village, face au Ventoux au nord-est (au creux de son arc), et à la plaine à l’est et au sud-est (les Dentelles derrière au nord-ouest).</p>
<p>depuis quelques jours déjà dans le travail, et là, dans ma chambre, sans avoir encore à peine entrevu le village, échafauder des constructions possibles, en écho avec les lieux : très hautes terrasses, toits, souterrains, caves, la maison avec piscine vide, dans les arbres, déambulation…</p>
<p>tee-shirt, pieds nus, la douceur du sud.</p>
<p>les pentes.<br />
les drailles et chemins.</p>
<p>terrasse, le bar, soleil couchant. le vieux qui observe ses plantes en pots. l'odeur du feu de broussaille inonde le haut village. l'allée de grands pins. le portail du cimetière qui grince. les oliviers. au retour l'odeur puissante à nouveau du feu. l'oiseau mort. les arbres taillés en parasols, la nécessité de l'ombre. bar, chiottes à la turc, carreaux de trente ans. café (la Mirande), salle intérieure, avant-terrasse, terrasse couverte, pour toutes les déclinaisons de la cagne. et puis les gars… les accents, les mots, les élans de mots.<br />
l’apéro, les galéjades, on charrie les copains, et puis commentaires de chasse, discussions agricoles autour des verres d’alcool. </p>
<p>après la sieste, la balade et le café maintenant… ce sont les trois points d'assise de la prise de contact…</p>
<p>puis B. le luthier, discuter un peu avec lui… <br />
puis bosser de nuit dehors sur la terrasse.</p>
<p>cyprès parfaits, pins immenses, élancés.</p>
<p>noms de lieux - lieux : les Estourdoules</p>
<p>vue de là-haut </p>
<p>au soir, bosser dans la chambre blanche, surplombante.<br />
monter par l’escalier de pierre nue, fraîche au sol, sous le pied.</p>
<p>gamberger un peu sur l’utilisation verticale, lumineuse, scénographique des façades.</p>
<p>une lune rousse, énorme, suspendue, flotte dans le ciel, peu haute sur l’horizon…</p>
<p>j'atrouve… ce mot me sort ainsi, comme ça…</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 10.03.15</strong><br />
Vaucluse. Caromb.</p>
<p>dés le réveil, la lumière… la lumière diffusée par la brume comme par un vaste papier calque sur la plaine, une large baveuse. le mélange subtile de la fraîcheur du matin et de la tiédeur qui va gagner avec les heures.<br />
travailler, écrire sur la terrasse. <br />
vers 11 h 30, le Ventoux, toujours le Ventoux, blanc, bien enneigé, émerge lentement des bancs de brumesmatinales, pentes blanches et noires naissant de l’air blanc puis bleu, de la lumière fraîche, puissante.<br />
puis installer une descente et remontée de corde pour une probable lecture sur façade et lumières…<br />
enfin, visiter l’étonnant lieu du vieil hôpital, et sa petite grotte de sable, tout au fond, recélée, comme un ventre…</p>
<p> </p>
<p><strong>me 11.03.15</strong><br />
Vaucluse. Caromb.</p>
<p>sur la terrasse bosser à la table, dessiner les plans des installations de cordes, imaginer les lumières, les cheminements du public.<br />
et la lumière du sud toujours…</p>
<p>après les repérages globaux, repérer plus précisément, inventer une scénographie avec les lieux, jouer avec eux, une dramaturgie de l’interférence entre cette poésie et les lieux.</p>
<p>les abeilles se gorgeant déjà de la sève des fruits du cyprès.</p>
<p>la place des rdv secrets… de 13 à 50 ans...</p>
<p>le mistral se lève.</p>
<p>le bleu de la nuit arrive sur la plaine, sous la terrasse, sous nous.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 12.03.15</strong><br />
Vaucluse. Caromb.</p>
<p>boulot matin sur la terrasse face au Ventoux toujours blanc. le cagnard, encore timide, monte pourtant progressivement.</p>
<p>rencontrer peu à peu les gens du lieu…</p>
<p>dire comment ça se construit :<br />
je crée des cheminements, pense aux jeux avec le terrain, <em>in situ</em>, à de petites scéno, à la lumière, aux sonorités propres aux lieux, aux durées, aux cheminements et accueil du public, au choix des textes judicieux à dire là… je prends de très nombreuses notes, fais des essais concrets, en situation.</p>
<p><em>noms de lieux – les lieux</em><br />
<em>noms de lieux - les cartes</em><br />
<em>noms de lieux - les gens</em><br />
<em>noms de lieux - les maisons</em></p>
<p>NOMS DE LIEUX – LES LIEUX<br />
<em>noms sur les pentes sud du Ventoux, au-dessus de Caromb</em></p>
<p>forêt de Malaucène<br />
le grand Barbeirol<br />
Tête du gros Charme<br />
rocher du Gros Pata<br />
rocher des Rams<br />
montagne de Piaud<br />
les clops / les clapes<br />
combe de Mars<br />
combe d'Ansis<br />
combe Soume<br />
combe de la Grave<br />
vallon de Coste d'Antoni<br />
vallon des Vabres<br />
Vallon de Counillon….<br />
nichés au creux de l'arc de cercle du Ventoux</p>
<p>arbre : micocoulier</p>
<p>* lieux où il fait vent <br />
* lieux où il fait sud<br />
* lieux où il fait cagnard <br />
* lieux où il fait ombre fraîche <br />
* lieux où il fait pied nu sur la pierre fraîche <br />
* lieux où il fait fond de cave résonnante<br />
* lieux où il fait soif <br />
* lieux où il fait eau pour la soif des bêtes<br />
* lieux où il fait neige </p>
<p> </p>
<p>NOMS DE LIEUX – LES GENS<br />
le ferronnier et son atelier au grand puits de lumière, sa forge au charbon, ses deux enclumes massives posées chacune sur une section de tronc cerclé de fer, avec anneaux d’accroche pour le différents marteaux.<br />
la dame malade qui nous reçoit dans son lit, princière, et sa vitalité tout à la fois vivace, affirmée et flageolante.<br />
le gars qui fait du bois le matin puis nous fait visiter des maisons inhabitées.<br />
celui qui et fait danser les courbes de l’épicéa et de l’érable pour en faire des violons…<br />
ceux qui ont rebâti un ancien hôpital abritant une petite grotte de sable, tout au fond, et un solarium royal, tout en haut.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 14.03.15</strong><br />
Vaucluse. Caromb.</p>
<p>il pleut. la percussion de la flotte sur la toile de la tonnelle.</p>
<p>nous sommes maintenant près d’une trentaine dans ces maisons du village, toutes disciplines confondues (danseurs, peintres, graphistes, designers, architectes, écrivains et poètes, musiciens et compositeurs…).<br />
on picole, fume pas mal depuis le début de la semaine… alors je lève un peu le pied, là.<br />
mais ça s’amuse, danse et picole encore. à quel point avons-nous conscience de cette position que nous avons de temps, de dégagement des nécessités alimentaires, de possibilité de recul des contingences triviales, et comment s’empare-t-on de cet espace et de ce temps pour tenter de construire quelque chose d’un tant soit peu viable ?</p>
<p> </p>
<p><strong>di 15.03.15</strong><br />
Vaucluse. Caromb.</p>
<p>je quitte les lieux ayant essayé de créer quelques petites formes, en tout cas jeté les bases textuelles et dramaturgiques, scénographiques, techniques de ces formes possibles. je reviendrai, pour répéter et jouer ça en juillet pendant le festival.</p>
<p>quant à la forme que je vais créer là-bas, construire une petite chose dont je sois à peu près fier, donc la travailler. j’ai pour l’instant surtout repéré, inventorié les possibles et des conduites éventuelles. restera à répéter, non pas à fixer mais à explorer pleinement le champ des possibles, avant de tenter de les jouer « dans le jet ».<br /><br /><br /><br /></p> venue… et départurn:md5:a967744aaecd4d110f2ab4dfd20f78462015-02-08T18:33:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br /><br />je 01.01.15</strong><br />
Paris.<br />
grande belle journée froide et largement ensoleillée.<br />
marcher, longtemps, dans la ville.<br />
le soleil passe bien vite ces temps-ci, il ne dépasse qu’à peine et pour quelques rares heures la ligne des toits.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>ve 02.01.15</strong><br />
Paris.<br />
5 degrés, temps humide, départ au boulot en vélo.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>sa 03.01.15</strong><br />
Paris.<br />
méditation devant la fenêtre, où la bruine, le vent, des paquets de pluie, la lumière filtrée par l’épaisse couche nuageuse comme par un calque épais, dépoli, jouent.</p>
<p>enfin, à nouveau, je ressens la ligne intérieure.</p>
<p>spectacle, musique, voix : avoir beaucoup regardé, écouté…</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>lu 05.01.15</strong><br />
Paris.<br />
pleine lune.</p>
<p>cela arrive donc. est en train d’arriver.<br />
nous y sommes donc.<br />
une partie des eaux perdues aux aurores… le travail devrait commencer lentement…</p>
<p>à la maternité, une lettre de S qui m'est dédiée. touchante, très touchante.</p>
<p><br />premier jour depuis 7, 8 ans que je ne médite pas le matin. je la pratique, plus tard, dans la chambre de la maternité.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>ma 06.01.15</strong><br />
Paris.<br />
0 degrés à 6 h 30.<br />
la poche des eaux n’ayant été que fissurée hier matin, c’est un lent pré-travail qui s’est mis en place, et ils doivent déclencher ce matin à 8 h.<br />
je pars…<br />
nous sommes prêts à l’accueillir ce petit d’homme.</p>
<p>plus tard.<br />
un petit d’homme est né ce jour. il est là, venu. Tom.<br />
venu, enfin, à 22 h 26. en plein forme, grand et pesant. un visage très beau. il paraît être très calme, posé… regarde, écoute extrêmement, apaisé par nos voix.<br />
c’est une rencontre qui débute.<br />
tout juste 20 ans après A et C, mes filles jumelles, ses sœurs. (« nées dans notre deux », disais-je lorsqu’elles sont nées)</p>
<p>avoir veillé, accompagné S, pendant le long travail, pendant deux jours et deux nuits blanches. être là, juste, pendant les longs moments où elle souffrait comme une damnée.</p>
<p>ce même jour, exécution politique, Charlie hebdo.<br />
tirez sur les hommes, ça ne fera pas de mal à leurs idées.<br />
et pendant ce temps d’autres naissent…<br />
et porteront peut-être eux aussi l’idée ouverte, libre.</p>
<p>je rentre tard, dans la nuit.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>je 08.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>le petit Tom.</p>
<blockquote><p><em>Ce sont d'ordinaire les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains. Ils ressemblent à ce Vieux de la Montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu'ils iraient assassiner tous ceux qu'il leur nommerait.</em></p>
<p align="right"><em>Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Fanatisme »</em></p>
</blockquote>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>ve 09.01.15</strong><br />
Paris.<br />
lente et longue méditation.<br />
reprise du boulot.</p>
<p>oui on essaiera de donner ça à ce petit d'homme : l'esprit de liberté, ainsi qu'une assise et à lui ensuite, peu à peu, avec ça, de se trouver une direction...</p>
<p>fusillades aujourd’hui. presque pourrait-on dire, <em>d</em>’aujourd’hui.</p>
<p>et pour ce que l’on nomme « actualités » : recul et sang froid dans ces moments, au-delà de l’émotion débordante, peuvent être judicieux, sages.<br />
un travail social, de fond, de fraternité, a été sans doute négligé depuis bien trop longtemps, et c’est celui-ci qu’il faudra mener, bien au-delà de la vague de l’émoi qui passera assez vite.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>sa 10.01.15</strong><br />
Paris.<br />
air doux, tiède.</p>
<p>la fatigue évidemment.</p>
<p>arrivée du petit d’homme à la maison.<br />
étonnant d'entendre une voix nouvelle dans la maisonnée.</p>
<p>dans mon appentis-cabane pendant que la petite famille dort. journée extrêmement tiède. retour calme au <em>foyer</em>. Tom semble confirmer qu'il est un enfant calme.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>di 11.01.15</strong><br />
Paris.<br />
grand beau. <br />
5 à 6 heures de sommeil max cette nuit.</p>
<p>notre petit bout ne mange pas assez, dort trop, nous réglons le rythme mieux. il est beau, attendrissant, touchant, craquant.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 12.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>s’attendrir devant ce petit d’homme si touchant.</p>
<p>boulot journée, plus soir au théâtre.<br />
une femme pleure dans le métro, juste lui mettre la main sur l'épaule en sortant.</p>
<p>23 h 30, à la maison. regarder mon fils, câliner sa mère.</p>
<p>je fume dehors. regarde le ciel de nuit. respire. cela apaise, calme la fatigue, comme si elle coulait, s'évacuait lentement…</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 13.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>le matin, le soir, le visage de mon fils.</p>
<p>boulot, puis le midi ou le soir le plaisir de manger avec la famille ou les amis, d’avoir des relations légères, joyeuses après les tristes relations avec une partie des collègues. </p>
<p> </p>
<p><strong>je 15.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>rentrer le soir, voir mon fils, mes filles, ma douce… après avoir donné une grande partie de ma disponibilité cérébrale au boulot, où, je crois bien je fane et ne peux exprimer qu’un maigre pourcentage de mes potentialités (mais je ne m’en rendrai compte, avec recul, que plus tard, pour l’instant je ne suis que dans la souffrance confuse de cela).</p>
<p>dans ma cabane-appentis, se poser un peu. et puis regarder le ciel, le temps.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 17.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>cloper dans le froid après les mille choses faites dans la journée.<br />
avoir, hier, bien causé joyeusement avec les amis de l'organisation pour l'album en construction : compo, répètes, studio, mixage, films, planning…</p>
<p>lire, lire enfin quelques minutes, après des semaines…</p>
<p>la souffrance au travail, dont tant ces temps-ci me témoignent de leur expérience… en quoi est-elle si courante, si répétitive, si narcissiquement affectante, en quoi le jeux des relations peut-il être si blessant ?<br />
besoin de respirer. se mettre une deadline peut-être…</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 19.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>je n’arrive pas à méditer : je m’endors ou je rumine ; je n’arrive pas à écrire : je rumine.</p>
<p>démission en train d'être posée. penser posément, calmement à la suite, la reconstruction.<br />
libre à nouveau enfin bientôt. mais ma place n'était vraiment pas là-bas…<br />
se retrouver. soi. plus en conflit avec soi.<br />
j’ai appris à nouveau, et un peu plus sans doute, ce qui n’était pas à mon image, ce qui était contre-nature, en opposition à soi.</p>
<p>je suis un insoumis. c’est ainsi.<br />
libre. ai repris ma liberté.</p>
<p>respirer à nouveau. écrire à nouveau.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 20.01.15</strong><br />
Paris.<br />
je démissionne.</p>
<p>je revis…<br />
bien comprendre et tirer les leçons lucides de cet échec…<br />
je ne tiens rigueur à personne, et surtout pas à mon boss, qui a fait ce qu’il a pu… mais j'aurais appris, encore une fois, que la liberté m'est viscérale, que le contrôle comme l'hypocrisie au travail (d’une partie pourtant seulement de l’équipe) me sont non seulement toxiques (que je suis d’une sensibilité exacerbée là-dessus), mais aussi rédhibitoires, et que je ne veux pas composer avec ces modes relationnels-là.<br />
j'y serai sans doute dans ma vie à nouveau confronté, alors peut-être faudra-t-il entrer dans la bagarre, la confrontation, et ça ne sera jamais par goût car une certaine naïveté, peut-être, donnant confiance par a priori, et le constat triste du manque existant parfois de bienveillance chez certains toujours me sidèrent, m’abattent, et je préfère alors quitter le champ idiot, vain du conflit, ne pas me faire absorber, et tourner mon énergie ailleurs.<br />
et je suis libre de ça.<br />
une victoire de la bêtise est toujours une défaite.</p>
<p>ne jamais oublier ce que j'ai vécu là, et qu'en indépendant ça n'a jamais été pire que ça, même si ça ne sera pas toujours rose.</p>
<p>un bref moment de redescente puis la gouache, la gnaque, qui est là, va ressortir.<br />
maintenant je vais en tirer les leçons et repartir avec une combativité, un mordant plus grand et plus précis, une énergie encore plus décidée…</p>
<p>maintenant aussi me consacrer plus à mon petit d'homme tout juste né, ma douce, mes filles, les proches qui m'ont été si précieux ces temps-ci.</p>
<p>ce soir dans ma cabane froide, écrire, avec clope et bière en main, dans la nuit…<br />
je réécris enfin.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 21.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>restructurer, relancer, rebooster, développer mes activités.</p>
<p>job… après deux mois longs, durs… je repars plus fort peut-être, avec une gnaque en tout cas, et mille idées en tête.</p>
<p>poser.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 22.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>j’ai repris donc mon sac à dos, et ma besace de cigale…<br />
et le petit Tom sur les épaules…</p>
<p>pour l’instant, tous les éléments vont dans le bon sens : structuration ainsi que réseau et compétences comme assises pour mes activités que je ré-imagine.<br />
reste des trous, des manques financiers à combler : étudier, trouver, inventer</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 23.01.15</strong><br />
Paris.<br />
grand beau, froid.</p>
<p>l'excitation va passer, lucide, va falloir gérer concrètement.</p>
<p>laisser reposer…</p>
<p>ma clope du soir dans le 0 degré de la nuit.<br />
je reprend possession sauvagement de moi-même.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 24.01.15</strong><br />
Paris.<br />
10h30.<br />
les nuages passent. il fait beau.<br />
mon enfant dort. il est propre, il sent bon.<br />
je médite. <br />
je suis libre dans la mesure de ma condition… riche peut-être que de ça. et je réfléchis à construire l’avenir.</p>
<p>heureux de m’être retrouvé. le plus dur sera peut-être de s’en souvenir.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 25.01.15</strong><br />
Paris.</p>
<p>mon petit d’homme aura 19 jours ce soir… depuis 2 semaines il découvre les lumières, les sons, les odeurs… interpellé toujours, d’une sensibilité exacerbée, d’une acuité animale… tout à l’heure nous regardions le ciel, pourtant voilé, mais d’une très grande luminosité pour lui.</p>
<p>je pense, réfléchis à la refondation, restructuration de mes activités et projets… peut-être selon des schémas alternatifs, puisque les systèmes anciens sont essoufflés.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 26.01.15</strong><br />
Paris.<br />
ciel bouché, terre trempée.</p>
<p>avancer lentement vite.<br />
<em>festina lente.</em></p>
<p>mais folle journée… vers 18 h parvenir à m’isoler quelques instants et travailler dans l’appentis (la remise, la cabane, la yourte, le garage…)… quelques instants de silence, car notre petit homme est assez agité en journée depuis hier.</p>
<p>le fait de ne pas stopper la boîte de grimpe, est-ce un biais pour ne pas me couper de mes besoins terriens ?</p>
<p>des intuitions, les écouter, mais je n’y vois pas clair, je ne peux y voir clair, en ce moment, et en si peu de temps… laisser le temps, il est grandement nécessaire.<br />
restructurer, fédérer, développer.</p>
<p>23 h 30 : dans mon appentis, à bosser debout, ordi sur l’établi… dans le délicat confort du froid… doudoune sur le dos, bonnet parfois.<br />
à réfléchir… et se détendre dans le seul et le silence.</p>
<p>00 h 30 : dernière cigarette dans la cuisine, fenêtre ouverte, la maisonnée semble s’endormir.<br /></p> et puis... (fin du tome I - 25 ans de journal 1990 - 2014)urn:md5:dce52c53fc67b9bd2d18f8d9bcec1b842015-01-03T23:23:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><br /><strong>lu 08.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>j’avance lentement le projet de site pour l’album, qui est je crois d’une conception intéressante. ce sera le véhicule, reste à faire le voyage, la trace… et réaliser la déco intérieure avec musique, images, vidéos…</p>
<p>métro : une femme d’un certain âge au téléphone, tête dans les mains, pleure presque. en sortant je m’apprête à lui mettre la main sur l’épaule, seulement. elle se redresse avant que je ne me lève.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 09.12.14</strong><br />
Paris. <br />
temps très clair, ciel pur, froid, 3 degrés à 9 h.</p>
<p>écriture comme chaque matin, avant de partir au boulot, tenir le journal et autres bricolages ; comme chaque soir aussi… cela m’est nécessaire, sinon pas grand chose n’aurait de sens.</p>
<p>en tout cas il semblerait depuis 2 jours que, le « monstre » une fois sorti, ça aille mieux désormais.</p>
<p>théâtre au Rond-Point, voir une pièce que je suis chargé de diffuser.</p>
<p>comment chacun se débat dedans ce qu’il veut être (et faire).<br />
il faudrait explorer ce dedans, et ce vouloir, qui est être pour la plupart.<br />
explorer là le levier de cette volonté, de ce désir de forme et de direction, pulsion de construction et de création. levier, moteur, ressorts multiples : désir légitime d’être heureux, tyrannie du narcissisme qui nous habite, aspiration à laisser trace qui est conséquence et contrepoint probable de notre nature soumise au temps…<br />
appétit de direction qui, dans l’idéal, devrait mêler à la fois effort, intention, résolution, détermination ; et légèreté, laisser-aller, abandon… si possible.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 10.12.14</strong><br />
Paris. <br />
le prunier est presque entièrement nu, se dégage maintenant sa charpente, sa ramure, son port découvert. l’élagage de l’année dernière semble lui avoir été profitable.<br />
petite pluie fine, glacée.</p>
<p>à méditer pour soi :<br />
<blockquote><em>L’humilité est un artifice de l’orgueil qui s’abaisse pour s’élever ( ; et bien qu’il se transforme en mille manières, il n’est jamais mieux déguisé et plus capable de tromper que lorsqu’il se cache sous la figure de l’humilité.)</p>
<p align="right">La Rochefoucauld</em></blockquote></p>
<p> </p>
<p><strong>je 11.12.14</strong><br />
Paris. <br />
5 degrés à 9 h, ciel blanc.</p>
<p>accueil de pros au théâtre le soir, après la journée phoning-écran-bureau.<br />
la vie du chargé de diffusion débutant, production de tournée, tourneur… (pour Denis Lavant, Grégori Baquet, Ivan Morane, Pierre Notte, Gérard Gelas…)</p>
<p>discussion avec l’un des copains du projet de l’album : réexprimé le fond et la démarche du projet de façon claire, saine… relancé la dynamique…</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 12.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>encore un soir au boulot-théâtre.</p>
<p>au retour.<br />
il pleut. la pluie vibre sur le toit de zinc de l'appentis, où je suis allé passer quelques instants après une bien grosse semaine de boulot. cet appentis-yourte-cabane-atelier que j'aime tant.</p>
<p>soirée bien chargée chez des copains.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 13.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>le centre pour moi est autour de la méditation et de l’écriture… et des proches.</p>
<p>nouvel achat d’une machine du diable : passer à l’iPhone 5S après un 3GS qui fatigue un peu… et qui me sert pour beaucoup de choses, en particulier de machine à écrire/carnet portatif. je ne porte pas mention ici de cela par emballement du désir d’objet, mais comme notification d’un fait, de société peut-être même, d’aujourd’hui, fin 2014.</p>
<p><blockquote><em>Il existe dans le cœur humain un désir de tout détruire. Détruire c'est affirmer qu'on existe envers et contre tout.</p>
<p align="right">Niki de Saint Phalle </em></blockquote></p>
<p>reprendre la barre doucement. mais fermement. et continûment.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 14.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>qui écoute les poètes ?</p>
<p>le théâtre que nous sommes tous, et que nous faisons tous.</p>
<p>mon point est au-delà (du boulot entre autre) et le sera toujours.<br />
enfin, ne plus penser chaque heure au boulot.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 15.12.14</strong><br />
Paris. <br />
3 degrés à 8 h 30.</p>
<p>boulot : école d'humilité et de calme.<br />
après la révolte, le cabrage, j’apprends à laisser glisser, comme l'eau sur les plumes d'un canard.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 16.12.14</strong><br />
Paris. <br />
7 degrés à 9 h.</p>
<p>il me faut absolument ici retrouver un peu de « hauteur ». la compilation du déroulé des faits n’a pas d’intérêt majeur si elle ne dit autre chose et au-delà : de ce que nous sommes, et comment nous passons…<br />
mais les contingences sans doute, du moment, l’urgence trop fréquente que nous nous créons, « l’occupation » constante, et en conséquence le peu de temps nécessaire à la pensée lente et reculée, en sont probablement la cause.</p>
<p><blockquote><em>Oui, la pensée est négation – l’esprit qui toujours nie de Goethe, mais aussi, la pensée, c’est une parole ravalée ou un geste retenu tel que le définissait le physiologiste écossais, Alexander Bain. On bride son premier mouvement, on se tait, d’abord, et cette énergie cinétique qui n’a pu se déployer, va se muer en rayonnement.<br />
Rayonnement qui justement, va à l’encontre de ce qu’eût été le geste irréfléchi, du mot qui nous venait spontanément aux lèvres et qui, pour le coup, n’est plus le bon, appartient au passé parce qu’un autre, proprement inouï, meilleur, va résonner dans la lueur de l’instant, maintenant.</p>
<p align="right">Pierre Bergounioux, Exister par deux fois</em></blockquote></p>
<p> </p>
<p><strong>me 17.12.14</strong><br />
Paris. <br />
8 degrés à 8 h. début d’hiver décidément doux. il pleut. des gouttelettes d’eau sont suspendues, brillantes, transparentes, en séries sous chaque fines branches du prunier.</p>
<p>écriture du journal le matin, écriture le soir.</p>
<p>boulot : entretien avec le patron, nous sommes sur la même longueur d’onde : à terme envisager collaboration plutôt qu’exécution, et liberté, confiance pas à pas. ouverture de la palette des tâches et missions, mais avant cela il me faut acquérir la vision globale.</p>
<p>je suis d’abord construit autour de l’écriture et de la voix, mais c’est désormais le théâtre qui va me fait manger.</p>
<p>revu Lavant ce soir. toutes ces notes du jour ont été prises dans le noir, en l’écoutant dire, tchatcher Céline…<br />
il ne joue pas Céline d’ailleurs, mais le texte, son énormité, exubérance, outrance, à la différence de ce qu’ont en a entendu certains journalistes sans doute trop imprégnés de leur Céline à eux, construit, fantasmé en eux.</p>
<p>noter avant que ça ne disparaisse, car telle est la pensée : furtive, disparaissante. elle s’évanouit plus vite qu’une fumée de cigarette. ou bien, tout au contraire, elle peut être envahissante, obsédante.</p>
<p>lorsque l’on est atteint, constitué de la « force – fragilité/sensibilité » soit on fonce en force dans l’outrance soit vers la méditation calme, la pensée lente.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 18.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>repartir d’un pied plus gaillard au boulot, car en accord dans les plus grandes lignes avec celui qui mène le projet, et j’attaque ce matin la Belgique pour prolonger la tournée de Denis L.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 19.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>dernier jour de boulot avant congé.<br />
je reçois un mot de M L C de Chicoutimi (Québec), me disant qu’il a lu deux fois <em>la plui</em>… ça deviendrait presque un orage…</p>
<p>00:53<br />
au bureau. celui de la maison.<br />
01:17<br />
au bureau. la fatigue gagne peu à peu.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 20.12.14</strong><br />
Paris. <br />
20 décembre : le prunier est nu presque entièrement, subsiste à peine une dizaine de feuilles. les framboisiers se déshabillent aussi largement, en passant par une dégradation du jaune.</p>
<p>mes filles ont 20 ans aujourd’hui. elles ont, je trouve, chacune une belle assise, et une direction forte. j’en suis heureux.<br />
nous avons pu les accompagner ainsi jusque là.<br />
nous réunissons avec leur mère presque toute la famille, famille, dans ses différentes composantes, issue de mon divorce d’avec elle, des divorces de la génération précédente, puis de leurs recompositions, et les amis, chez l’Afghan, le bar-resto de K qui est toujours un petit poème. </p>
<p> </p>
<p><strong>di 21.12.14</strong><br />
Paris.<br />
8 degrés à midi. on se lève tard. la fatigue de la fête, celle du premier mois de boulot pour moi, celle de la fin de grossesse pour S.</p>
<p>je feuillette <em>Les fous et leurs médecins de la renaissance au XXème siècle</em>, et découvre un peu plus les machine et thérapies improbables, parfois incroyables, qui ont été imaginées.</p>
<p> </p>
<p>à l’abri du journal. <br />
du moment du journal.</p>
<p>en ce moment j'apprends à baisser la tête, mais c'est en fait une force supplémentaire que j'apprends, acquiers là. mon objectif est inchangé : suivre ma ligne, ce que je veux dire, ressens devoir dire, libre.</p>
<p>vivre dignement et libre. et l'écrire. le partager. pas d'autre but.</p>
<p>écrire libre, que ça.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 22.12.14</strong><br />
Paris. <br />
c’était solstice d'hiver hier. <br />
8 heures de soleil en moyenne en France ce jour.</p>
<p>congés. prendre le temps, avoir le temps d’avoir le temps, mais malgré tout beaucoup de choses à faire de la gestion quotidienne, domestique.</p>
<p>besoin de retrouver mon corps. <br />
marche, sport, dehors.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 23.12.14</strong><br />
Paris. <br />
extrême douceur toujours de ce décembre décidément peu froid.</p>
<p>nous ne descendrons pas voir la famille ce noël, la date du terme pour notre petit bouchon à venir étant trop proche.<br />
balade lente, dehors, avec ma douce.</p>
<p>les jeux de pouvoir que l’on trouvent dans la littérature comme dans les théâtres, même s’ils baignent presque tout milieu, sans être naïf, m’hallucinent toujours aussi largement. il y a trop longtemps maintenant que ce jeu ne m’intéresse pas, qu’il me paraît pitoyable et petit : une tristesse de l’espèce, et que la pratique de la méditation a achevé de m’en éloigner. <br />
d’autant plus que je suis convaincu que l’on peut non seulement « arriver » ou progresser sans cela, mais aussi plus subtilement et plus durablement… par <em>en-dessous</em> (par la simplicité et l’humilité si elles ne sont pas uniquement des affectations fausses, comme autre moyen détourné d’arriver à ses fins).<br />
pour ceux qui ont cette volonté de pouvoir, si je comprends tout parfaitement leur rage de parvenir, car elle est aussi celle de construire, je dois dire que je les vois aussi un peu comme des pantins, soumis exclusivement à leur désir narcissique.</p>
<p>je n'écris pas de poèmes, et ce depuis plusieurs mois : hormis pour l'album en préparation, et depuis <em>bref </em>achevé le 23 février, sur lequel j’ai passé plus d’un an et demi, qui n’a rencontré que peu d’écho et qui était en quelque sorte un poème lui aussi, et je ne tiens que le journal.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 24.12.14</strong><br />
Paris. <br />
prunier et framboisiers sont nus et, dans le même temps, les narcisses sont sortis de terre de quelques centimètres. la grande roue…</p>
<p><blockquote><em>Notre plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de nous relever chaque fois.</p>
<p align="right">Confucius<br />
(in papillotes de noël)</p>
<p> </p>
<p>Comme tu te tourmentes et comme tu t'affectes de la vie ! Car tout ce dont tu te plains, c'est la vie, elle n'a jamais été meilleure pour personne et dans aucun temps. On la sent plus ou moins, on la comprend plus ou moins, on en souffre donc plus ou moins, et plus on est en avant de l'époque où l'on vit, plus on souffre. Nous passons comme des ombres sur un fond de nuages que le soleil perce à peine et rarement, et nous crions sans cesse après ce soleil qui n'en peut mais. C'est à nous de déblayer nos nuages.</p>
<p align="right">Lettre de George Sand à Flaubert</p>
<p align="right"> </p>
<p>Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours. Elles sont comme un art de la nature dont les règles sont infaillibles ; et l'homme le plus simple qui a de la passion persuade mieux que le plus éloquent qui n'en a point.</p>
<p align="right">La Rochefoucauld, Maxime 8<br />
(in papillotes encore)</p>
<p align="right"> </p>
<p>Notre amour-propre souffre plus impatiemment la condamnation de nos goûts que de nos opinions.</p>
<p align="right">La Rochefoucauld, Maxime 13</p>
<p>Nous avons plus de force que de volonté ; et c'est souvent pour nous excuser à nous-mêmes que nous nous imaginons que les choses sont impossibles. </p>
<p align="right">La Rochefoucauld, Maxime 31</em></blockquote></p>
<p> </p>
<p>après une si longue traversée aride (j’ai pourtant bien dépensé une énergie colossale : à m’escrimer sur certains manus, échafauder des projets de résidences pas trop tièdes et des recherches de financements, enfin à réorienter une bonne partie de ma vie professionnelle et à trouver du boulot, en passant par une dernière saison d’élagage puis de grimpe ; j’ai bien eu cette chance de réaliser une tournée russe, quelques scènes, construit pas mal d’autre petites choses mais sans les retours escomptés), hâte donc que le projet d’album avance enfin un peu vite… il y a si longtemps que je le mûris seul, mais mi-janvier nous attaquons enfin les premières véritables séances de travail en groupe.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 26.12.14</strong><br />
Paris. <br />
jour un peu froid, blanc. de la pluie-neige est annoncée pour le week-end.</p>
<p>agréable soirée hier avec mes filles et un ami : bonne bouffe, cadeaux, chaleur, longue discussion.<br />
j’apprend qu’en raison de travaux retardés mon congé au boulot est prolongé. peut-être notre petit d’homme en profitera-t-il pour venir, mais il n’a pas l’air bien pressé. l’attente est longue, longue pour S, elle s’ennuie, et cela m’ennuie aussi.</p>
<p>lever avec un peu d’angoisse. puis vaste ménage comme un sport. bouger enfin, se réapproprier son corps.</p>
<p>dans mon appentis, ma « cabane », la nuit, un ciel blanc, qui serait presque comme un ciel de neige, mais il fait encore trop chaud. <br />
il pleut.<br />
réécrire quelques poèmes ? <br />
je n’écris que très peu ces temps-ci (même si j’y passe toujours autant de temps). signe que cela va revenir, après.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 27.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>lever avec de l’angoisse.</p>
<p>j'étais un peu en hauteur, à regarder ce théâtre, hommes, bêtes et choses.<br />
un <em>voyage</em>.</p>
<p>aujourd’hui, de nouveau sport, vélo… lentement, lentement se réapproprier son corps et le grand air du dehors, si nécessaire, vital pour soi, le psychisme…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 28.12.14</strong><br />
Paris. <br />
grand beau ciel dégagé, bleu, 0 degrés.</p>
<p>accepter.<br />
sport, vélo dans le froid, le grand beau, le soleil éclatant. se rouvrir.</p>
<p>moins 3 à 22 h. ciel entièrement dégagé, demie lune oblique.</p>
<p>j’attaque <em>Le monde d’hier</em> de Stefan Zweig, grand plaisir d’entrer dans un bouquin de valeur. et le meilleur signe peut-être est qu’il me fait écrire.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 29.12.14</strong><br />
Paris. <br />
le plaisir du froid, qui vivifie, éveille, puis du retour au chaud. vélo, équipé avec mes habits de montagne, puis balade.</p>
<p>d'où me vient ce goût, ce besoin immodéré de liberté ? d'avoir été d'entre deux mondes, et ne pas voir voulu, pu, ni n’accepter qu'un seul, qui aurait alors été imposé au détriment de l'autre ? s’être bagarré toujours pour en inventer un troisième ? tout cela sans doute… et puis l'ascendance et montagnarde et paysanne et donc ce goût prononcé, psychiquement vital du dehors, du non confiné…</p>
<p>ma fragilité et tout à la fois force psychique. rien de neutre, l'un ou l'autre, mais jamais au milieu ou si rarement.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 30.12.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>l’attente. l’attente de tout en ce moment. dont je ne veux pas plus parler. </p>
<p>dans le froid de mon appentis-cabane, se retrouver.</p>
<p>ne plus être en attente. <br />
avancer.<br />
avancer, avancer. on se laisse toujours trop paralyser par les faits, les conditions, les situations, les appréhensions.</p>
<p>pourquoi encore <em>tenir</em> ici ? oui vraiment pourquoi ? ce journal en ce moment n’a aucun strict intérêt pour autrui, et des pans larges, entiers sont gardés par devers moi.<br />
il n'arrive plus à décoller, la pensée lente, reculée n’y est pas ces temps-ci, si ce n’est sa continuité, inarrêtable de toute façon sauf par la toute fin. <br />
faire de cela-même encore un piteux effet, comme un artifice mouillé ? que je tire là encore une fois…</p>
<p>ouvrir.<br />
passer à autre chose. <br />
du neuf.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 31.12.14</strong><br />
Paris. <br />
soleil, 10 degrés au moment du zénith.</p>
<p>sauf en écriture, où j’ai constamment été constant, j’ai toujours construit dans de nombreux domaines, puis une fois l’aire appréhendée, ai presque à chaque fois ressenti le besoin de passer à autre chose, à une autre sphère proche. <br />
comme deux axes, deux troncs, deux fûts d’arbres (celui créatif, et celui du dehors) j’ai exploré donc systématiquement chacune des branches adjacentes, allant de droite de gauche, mais sans jamais véritablement quitter ces deux directions principales… cette oscillation toujours, qui nous est peut-être commune à tous, entre constance et vaste branle.</p>
<p>nous sommes dans cette époque molle, de dynamisme et de terrain fragile, et largement rugueuse pour la plupart ; époque de crainte de perdre, de trouille de dégringoler socialement, et donc de déperdition du sens politique, d’un sens qui serait tout à la fois initiateur d’énergie, porteur d’élan et profondément respectueux car non pétri et fondé sur la peur frelatée et le sournois sentiment d’impuissance. alors que va-t-elle nous donner cette période ? une refondation progressive, nécessaire, inévitable ? en quoi allons-nous agir ? je ne crains que les quelques monstres qui se logent dans les fissures, les temps d’incertitude, et pourraient surgir de ces « trous ».</p>
<p>la tristesse et la souffrance qui taraude un copain depuis plusieurs mois explose alors que je le croise en faisant des courses. nous prenons un peu le temps de discuter, de marcher ensemble… ce sont des souffrances que j’ai connues, en particulier celle de l’explosion de la cellule familiale, celle crue, transperçante, de ne pas voir ses enfants pour les fêtes… et même cette autre-là que j’ai pu éprouver de ne pas avoir eu même de maison, à une période, où se réfugier, s’abriter, se cacher…<br />
alors je mesure soudain la chance que nous avons en ce moment avec S d’avoir une famille et des amis aimants, un accord entre nous, du boulot, des projets de constructions personnelles, même si nous restons parfois bien étrangement insatisfaits. </p>
<p>Cela aussi, issu de la rencontre de l’ami dans la rue : <br />
Peut-être me faut-il à partir d'aujourd'hui accepter définitivement que mes fragilités psychiques ne sont pas seulement le fait de la façon dont j'aborde et absorbe les faits extérieurs, ou bien le fait d’une sensibilité qui serait « poétique », mais une question aussi, et peut-être essentiellement, de chimie (ce que tendrait à prouver de toute façon certains traits et ascendants familiaux). Et donc de me soigner en conséquence plus régulièrement et sans résistance, sans trop réfléchir, tergiverser ou attendre d'avantage la venue de l’anxiété qui entraîne alors une perte de recul et de juste distance. Résistance qui n'est qu'à l'image de celle que l'on rencontre aujourd'hui encore face au traitement psychique dans la plupart des esprits, des milieux et des cultures, et qui n'est encore qu'hésitation morale, pudeur sociale voire parfois même d’avantage : tabou, recèlement et impuissance à regarder collectivement, accepter, dire, exprimer et donc soigner la souffrance intime. Ainsi donc à partir d'aujourd'hui, je ne tarderai plus aux soins : le fait de freiner leur emploi n'a jamais rien apporté en définitive si ce n'est confusion, souffrance, baisse de la lucidité, abrasion mentale… </p>
<p>l'année se finit lentement. la lune à moitié pleine, le soleil presque couché au sud.<br />
nous rejoignons des amis. je pense, niaisement peut-être, à ceux qui sont seuls, que l’on ne peut aider, soutenir maintenant.</p>
<p>notre petit ne s'est pas encore décidé à naître.</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p align="right">-------------------------------------<br /><br />
fin du tome I – 25 ans de journal, 1990-2014<br />
à paraître en 2016 aux éditions <em>Dernier Télégramme</em><br /><br /><br /><br /></p> reprendre la mainurn:md5:ecc8cb7e6c2165e1230327094c7e48f92014-12-03T20:32:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />sa 25.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>seul à la maison la majeure partie de la journée.<br />
disque-album : j’ai une idée de plus en plus précise de ce que je veux. pour les copains musiciens et la vidéo : proposer idées et atmosphère sonores, visuelles, directions possibles que requiert à mon sens le texte, pour le web et graphisme ce sera de la commande, de l’assistance en fait plus que de la création pure.</p>
<p>marcher le soir et partir à une fête donnée par l’ami Charolles.<br />
vs marcher le soir, voir les gens sortir, partir, et n'avoir personne à voir.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 26.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>j’ai de nouveau soif d’avancer, mais beaucoup de choses, trop de choses sont en ce moment dépendantes des autres.</p>
<blockquote><p><em>(...) en l’absence d’encouragement trop d’excellents auteurs se taisent et abandonnent avant même d’avoir commencé à devenir un tant soit peu excellents, mais cela se produit généralement avant que leur premier manuscrit ne parvienne à la maison d’édition. Ils intériorisent les règles formelles qui les excluent avant même d’avoir eu l’idée d’en dénoncer l’imposture et laissent dans leur tiroir ce qui n’est encore qu’une expérimentation informe. Je pense que c’est à ce niveau que les avant-gardes échouent présentement : ce n’est pas dans les médias ni dans la critique que ça bloque, c’est au niveau des individus, et ce, pour la même raison, parce que tout le monde se montre intolérant pour les expérimentations informes.</em></p>
<p align="right"><em>Mathieu Arsenault<br />
La relève et l’effondrement<br />
Spirale, n° 209, 2006, p. 4-5.<br />
in <a href="http://poemesale.com/about/">http://poemesale.com/about/</a></em></p>
</blockquote>
<p><strong><br />lu 27.10.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel dégagé à peine légèrement voilé.</p>
<blockquote><p><em>Un homme n’est qu’un poste d’observation perdu dans l’étrangeté.</em></p>
<p align="right"><em>Paul Valéry, Tel quel, Analecta XLV <br />
(folio essais, p. 403)</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ma 28.10.14</strong><br />
Paris. Fontainebleau.</p>
<p>départ, encore, en escalade dans la froidure du matin.<br />
verre le soir avec F de M, éditrice à la Table Ronde, belle personne.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 29.10.14</strong><br />
Paris. <br />
belle et longue méditation devant le jardin, dans le frais matinal, longues respirations.</p>
<p>enfin savoir un peu mieux vivre au jour le jour, et moins dans l’anticipation.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 30.10.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>encadrement grimpe d’arbres, puis départ pour Lyon.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 31.10.14</strong><br />
Lyon. <br />
méditation au soleil, il fait même trop chaud, je me déplace à l’ombre.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 01.11.14</strong><br />
Lyon. <br />
méditation dans la rosée.</p>
<p>la nuit dehors bonnet à travailler sur la table.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 02.11.14</strong><br />
Lyon. <br />
brève méditation dans la rosée.</p>
<p>je bosse sur mes recherches d’emploi. m’efforce sur une lettre de motivation qui m’importe. </p>
<p> </p>
<p><strong>lu 03.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p> </p>
<p><strong>ma 04.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>journée rien, écriture : rien.<br />
demain sera un autre jour.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 05.11.14</strong><br />
Paris. <br />
Levé et au travail largement avant le jour.<br />
L’aube arrive froide sur un ciel dégagé de nuages. 5 degrés.<br />
La journée sera belle.</p>
<p>Aucune chose de ce que je veux en ce moment n’est accessible pour l’instant. Lassant. Savoir être sage, non impatient.<br />
Ce que cela signifie de s’efforcer, d’avoir des points à atteindre, des réalisations à mener, d’être empli de désirs qui ne soient pas strictement vitaux mais tout de même tout à fait nécessaires à un équilibre. Cela semble à quelques exceptions près strictement humain. Alors même que ne rien attendre, ne rien désirer, serait peut-être l’un des accès à la sérénité.</p>
<p>Tenter de revenir à cette pensée lente, de fond, portée dans le journal, qui n’a été que faible, n’a ces dernières semaines à peine pénétré plus loin que la surface.</p>
<blockquote><p><em>Nous ne goûtons en autrui que la somme d’à-peu-près et de songes dont nous le constituons, n’étant nous-mêmes que la somme de nos illusions, pour ne pas dire des erreurs dont nous tirons un masque, une figure sociale.
<br /><br />Richard Millet<br />
Sibelius, les Cygnes et le silence, Gallimard, 2014, p. 22</em></p>
</blockquote>
Je démarre la première relecture pour édition des 1 500 à 1 600 pages de <em>Refonder</em>, que j’ai déjà porté dans indesign au fur et à mesure de son écriture. C’est un peu monstrueux.
<br /><br />Liberté :<br /><br /><blockquote><p><em>À se dégager de la finalité, nos gestes se libèrent et échappent au pouvoir.</em></p>
<p align="right"><em>Giorgio Agambe, Moyens sans fin<br />
cité par Julien Boutonnier</em></p>
</blockquote>
<p>Je retrouve ça :</p>
<blockquote><p><em>D’écrire. Une occupation tragique, c’est-à-dire relative au courant de la vie. Je suis dedans sans effort.</em></p>
<p align="right"><em>Duras, C’est tout
</em></p>
</blockquote>
<p>Plus tard des trains de nuages défilent, venant de l’ouest comme presque toujours.</p>
<p>Soudain, plusieurs entretiens de boulot me sont proposés en l’espace de deux heures, dont un qui tardait pour embauche proposée dès lundi. Mais il me faut quelques jours tout de même pour rencontrer tout le monde avant de commencer, et, peut-être, pouvoir choisir.<br />
Après journée de merde, vide, hier, être tombé du lit aujourd'hui après une nuit où j’ai un peu travaillé du ciboulot, m'être levé à 6 h 30 pour écrire et relancer… et soudain ces nouvelles, à l’instant… Décidément demain est toujours un autre jour… À méditer…</p>
<p>Retrouvé ça : <br />
(…) Quant aux pensées politiques délétères qui courent, je crois qu'en plus de ne point se taire, de faire face sans cesse, de faire contre, il y a aussi une action simple quotidienne, celle de faire <em>avec</em>, qui est juste l'attention aux autres, au-delà de la défiance... Je ne me fais pas d'illusion quant aux capacités de ce genre d'attitude d'opérer un changement <em>radical</em>, et pourtant il n'y en pas d'autres qui construisent un « tissu » humain (…)<br />
et <br />
(…) Que serions-nous sans l'autre, et ses interpellations ? (…)</p>
<p>Soirée avec Sylvain Coher.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 06.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>Je prépare les trois entretiens à venir.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 07.11.14</strong><br />
Paris. <br />
La fraîcheur d’automne bien installée depuis plusieurs semaines. Une large partie des arbres a déjà perdu de la verdure, du feuillage.</p>
<blockquote><p><em>Le comique de Tarkos ressemble à celui de Karl Valentin décrit par Bertold Brecht : lorsqu’il s’avançait, « mortellement sérieux », dans le vacarme d’une brasserie, « on avait immédiatement le sentiment aigu que cet homme ne venait pas faire des plaisanteries. Il est lui-même une plaisanterie vivante. Une plaisanterie tout à fait compliquée, avec laquelle on ne plaisante pas. Il est d’un comique entièrement sec, intérieur, au spectacle duquel on peut continuer à boire et à fumer, et qui nous secoue perpétuellement d’un rire intérieur, lequel n’a rien de particulièrement débonnaire ».</em></p>
<p align="right"><em><a href="http://www.sitaudis.fr/Parutions/l-enregistre-de-christophe-tarkos.php">http://www.sitaudis.fr/Parutions/l-enregistre-de-christophe-tarkos.php</a></em></p>
</blockquote>
<p>La pluie passée, le ciel s’ouvre.</p>
<p>Entretien d’embauche, le troisième consécutif avec la même personne.<br />
Tout s’accélère et se densifie. respirer. penser lent. prendre ce temps.</p>
<p>2 h 15 du mat, encore là, devant l’ordi. <br />
Avant, ai bricolé tard ce soir, le plaisir profond du travail des mains.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 08.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>Parvenir parfois à regarder nos petites excitations de loin.</p>
<p>marcher dans la rue.<br />
passer aux magasins.</p>
<blockquote><p><em>Nous déchargerons tous nos biens, bibliothèques, objets, écrans, jouets, DVD dans les rues des villes du monde, nous ouvrirons les arrières cours au scalpel et les feront avancer jusqu'aux trottoirs, nous viderons nos cœurs et nos tiroirs de peurs dans les avenues, nous installerons nos vieux sur des bancs très longs et nous leur poserons des nourrissons sur les genoux, nous chanterons des chants minimaux méchants et rebondissants, nous apprendrons l'Internationale en japonais, nous ne nous esquiverons plus en répétant "YAPASDSOUCIS" à tout bout de champ, nous nous regarderons droits dans les yeux jusqu'au sang, comme sait le faire Charles Pennequin, nous mettrons à plat nos savoirs faire et nous mettrons au travail joyeusement, nous retrousserons nos manches qu'il vente qu'il neige, nous nous regarderons avec une curiosité trempée, et nous raserons la gueule à tous les intermédiaires qui ont fait de nos vies des systèmes à violences sourdes superposées,<br />
Nous n'aurons plus peur d'être nombreux, et je n'aurais plus peur d'être abandonné, devant un parc, à chercher des yeux les enfants, les vieux, les araignées des villes et les aiguiseurs de couteaux.</em></p>
<p align="right"><em>Fantazio<br />
5 novembre</em></p>
</blockquote><p align="right"><br />
</p>
<p>pourquoi l’ego a-t-il toujours si faim, est-il si vorace ? </p>
<blockquote><p><em>L’animal compliqué. Il met l’amour sur un piédestal. La mort sur un autre. Sur le plus haut, il met ce qu’il ne sait pas et ne peut savoir, et qui n’a pas de sens. <br />
C’est ajouter un monde à l’autre. Nous sommes par nature condamnés à vivre dans l’imaginaire, et dans ce qui ne peut être complété.<br />
Et c’est vivre.</em></p>
<p align="right"><em>Paul Valéry, Tel quel, Analecta LXIV <br />
(folio essais, p. 414)</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>di 09.11.14</strong><br />
Paris. <br />
longue promenade dans des quartiers que je n’ignorais pas mais ne connaissais pas.</p>
<p>un employeur me met quelque peu la pression pour m’embaucher immédiatement après m’avoir fait attendre plusieurs mois. il est en dans l’urgence, certes, mais moi je suis libre.<br />
autre entretien à venir… que l’on me propose avec R M : cette rencontre il me faut la créer, ce poste il me le faut.</p>
<p>grande hâte de passer enfin à une autre période.<br />
qui de toute façon ne va pas tarder vue la taille du gros bidon rond de S.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 10.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>encore un entretien cette après-midi : il y aurait tout à construire alors peut-être autant construire pour moi. hâte de voir cette période finir, aller vers une autre.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 11.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>au réveil, lors de la méditation matinale, un hélicoptère survolant un quelconque défilé me rappelle ces gars jetés dans la grande boucherie-charcuterie mondiale… dont un certain Frédéric Griot, mon grand-oncle, 20 ans, mouliné en chair à saucisse en 1917 dans la terre froide, gluante, trempée du nord.<br />
Mon arrière-grand-père, réchappé lui, en plus de ses poumons brûlés au gaz, a ramené une cynique décoration qu’il nommait « hochet de fortune »…</p>
<p>c’est le moment de faire la bascule.<br />
posément. <br />
de façon réfléchie mais très décidée.<br />
de passer au caps qui sera durable, centré.</p>
<p>prépa dernier entretien, bricolage en après-midi, re-boulot.<br />
l'appentis dans la cour dont je me sers comme espace de stockage des cordes, du matériel de bricolage, des surplus de nos maisons, est pour moi comme l'ancien atelier où je passais des heures gosse : il est rustique, il est dehors, il y fait souvent froid, mais j'y suis bien… cela me connecte à mes premières sensations comme à mes racines. c’est un espace qui m'est nécessaire.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 12.11.14</strong><br />
Paris. <br />
ciel clair, peu froid, 10 degrés à 8 h, en ville. air léger pour méditer.</p>
<p>entretien. maintenant quelque soit l’issue il faut que ça ouvre, fuse.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 14.11.14</strong><br />
Isère. <br />
méditation brève, sur une bâche protégeant de la rosée abondante.</p>
<p>enlever les freins maintenant.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 15.11.14</strong><br />
Isère. <br />
pluie. il a tonné une partie de la nuit. et c’est assez inhabituel pour un mois de novembre.<br />
méditation dedans.<br />
hier, il y a eu au coucher un ciel à plans multiples : de très rapides nuages sombres, stratus chargés de grains chassant à basse altitude, des sortes de lenticulaires blancs-jaunes rasés par le soleil disparaissant, des nimbostratus probablement, gris, des cirrostratus bleu acier sur un autre plan encore, le tout dans une diffusion de la lumière, vers l’ouest, large, vaporeuse sur certaines zones alors jaunes, pointées, ciblées, rayons dardés sur d’autres, plus blanches. et, à l’est, un double arc-en-ciel.</p>
<blockquote><p><em>En art, il n’y a pas d’intérieur et d’extérieur. L’art, c’est la présence visible de la pure intériorité.</em></p>
<p align="right"><em>Ludwig Hohl<br />
Notes ou De la réconciliation non prématurée, traduit de l’allemand par Etienne Barilier, Bibliothèque l’Age d’homme, p. 154.</em></p>
</blockquote>
<p>savoir attendre : savoir que je sais si peu, et pourtant c'est ces temps-ci ce qu'il me faut savoir pratiquer.<br />
attendre d'abord, regarder ce qui vient… tant d'énergie constructive progressivement accumulée et qui ne peut, encore, s'exprimer… est contrainte… mais s'exprimera je le pense, je le sens, bientôt.</p>
<p>fête des 18 ans d’un des neveux. je redécouvre les pentes festives de la Croix-Rousse, où j’écumais il y a bien 25 ans maintenant les bars de nuit.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 16.11.14</strong><br />
Lyon. Paris<br />
méditation dehors, sous une petite pluie de feuilles mortes d’érable.</p>
<p>j’ai rendez-vous avec Houdaer et F.<br />
puis 6 h de présence dans le centre de Lyon, de balade, d’attente, longtemps que je n’y avais traîné mes guêtres, mais la renaissance des souvenirs ne réexcite pas tout ici.</p>
<p>TGV tard le soir. retour.<br />
discut avec chauffeur taxi sénégalais sur l’honteux discours « <em>l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès</em> » saillie de l’autre Sarko, puis nous discutons de la domination intériorisée, à contrario, et de Bourdieu enfin.</p>
<p>ce journal m’emmerde, là.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 17.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>ce journal (est) vide, mais il <em>tient</em> quelque chose…</p>
<p>il me faut reprendre mon axe, mon sort en main. cela est peut-être risible mais nous avons tous, je le pense, en certaines périodes, ce besoin de ne pas être seulement jouet.<br />ce sont des nécessités intérieures inexplicables, des énergies non
répréhensibles, issues de quelque source profonde qui fait la
personnalité, quelques faits de vie antérieurs souvent bien lointains.
ce sont des mouvements immanquablement récurrents, têtus, comme
tectoniques… </p>
<p>je connais ces périodes troubles, où l’on pressent ce qui va se jouer, ce qui est en train de se jouer, dont on peut même parfois prendre note, ce qui ferait croire à une connaissance tout à fait consciente, mais l’on ne fait en définitive que pressentir, non pas encore sentir, cela n’a pas encore émergé pleinement ni à la conscience ni dans la réalité des faits, donc à la compréhension d’ensemble de ce qui se passe car cela n’est qu’en train de se passer.</p>
<p>reprendre la main.<br />
la vocation est là, il me faut aller la rechercher. personne, jamais, ne le fera pour vous.</p>
<p>ici en attente donc encore des réponses boulot, et de ceux à qui j’ai proposé de m’accompagner sur mes propres projets artistiques… c'est lourd, c’est long… <br />
le foyer de la locomotive est chaud, mais le frein à main bien bloqué.<br />
je regarde un film sur Havel et sais bien que d'autres ont eu des périodes de latence, de gel, bien plus longues parfois, mais que l'énergie constructrice ne peut se retenir en définitive bien longtemps.<br />
envie donc de reprendre la main au plus vite.</p>
<p>le journal n’est qu’une trace. d’escargot ou de limace.<br />
(l’écrit peut-être même.)</p>
<p>je lis quelque part, chez un poète, l’expression « <em>le silence des mots </em>». les trouvez-vous vraiment silencieux ? pas plutôt pleins de brouhaha, de fureur et de cacophonie, non ? même si pleins de trous ? </p>
<p>l’urgent c’est d’attendre en ce moment... mais à la fin de la semaine au plus tard j’enlève le frein.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 18.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>il me faut à nouveau trouver ces trésors de recul que je ne sais que si peu prendre.<br />
ce ne sont pas à vrai dire des trésors, plutôt juste une place mentale à prendre et où s’installer.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 19.11.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>toujours se souvenir de donner la juste place aux choses.</p>
<p>journée difficile hier, et encore une fois chaque jour est un autre jour…<br /><br />
je n’aurai donc pas le job qui avait ma préférence… mais en définitive un CDI en diffusion pour du théâtre, qui a belle programmation, et cela est tout à fait bon à prendre. <br />
je signe donc demain un contrat comme je n’en ai pas signé depuis 20 ans, et après 15 ans en professionnel indépendant.<br />
un changement et de place et de statut et de rythme et de port de responsabilités qui sera donc conséquent, mais cette orientation je l’ai choisie, mûrie.</p>
<p>et puis surtout enjeu principal pour moi, entre boulot et le petit bonhomme qui arrive : garder espace et temps pour les constructions perso, pour le jus qui passe là…<br />
finie donc cette période où je pouvais ne faire qu’écrire, où je décidais de mes temps, quasiment.</p>
<p>poser tout ça.</p>
<p>le projet de ce théâtre. son fondamental.</p>
<p>la bagarre fut rude, abrasive…<br />
le choix de cette orientation je crois est bonne, reste à préserver cette absolue nécessité pour moi de l'espace, de la grotte seule, de l'écritoire, de la voix, de la construction…<br />
mais, enfin, enfin, quelque chose avance.</p>
<p>à fumer à l'atelier : je regarde le matos de grimpe, les mousquetons et appareils divers, les 2 km de cordes pendues en lovons… la tronçonneuse même.</p>
<p>je suis dans le temps de réaliser.<br />
de réalisation aussi peut-être.</p>
<p>respirer. arrêter fumée.</p>
<p> </p>
<p>quelle masse ici.<br />
folle ?</p>
<p> </p>
<p>aérer.</p>
<p>ce fut aussi une bagarre avec soi là où un apaisement était d’abord recherché. bagarre pour plus tard.</p>
<p> </p>
<p>et puis parler parler encore. encore.<br />
parce qu’on ne peut tant se taire.</p>
<p> </p>
<p>ce qu’est la vie : ces basses eaux, ces étiages, et ces crues…<br />
alors même que je vois ces jours-ci des amis rentrer dans des phases sombres.</p>
<p>je me mets un coup de large ivresse au soir.</p>
<p>fin de séquence.</p> laisser venir - l'assiseurn:md5:60922b2e2a39f1699411ba16b92c94f82014-10-26T15:16:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br /><br />me 01.10.14</strong><br />
Paris.<br />
levé tôt.<br />
octobre déjà.</p>
<p>ne pas oublier cette position de recul, d’un certain détachement (comme j’ai su presque le faire ces deux derniers jours en partie), ou tout du moins d’un engrènement moindre, pour être plus posé, donc plus efficient.</p>
<p>ce seront donc peut-être cette semaine mes dernières prestations de grimpe, d’escalade, pour des clients… et je finis « en beauté » avec de grosses organisations, compliquées et qui auront été modifiées puis remodifiées qui plus est jusqu’au dernier moment : 60 personnes-6 guides jeudi, 320-13 guides vendredi…</p>
<p> </p>
<p><strong>je 02.10.14</strong><br />
Paris. Fontainebleau.</p>
<p>levé presque aux aurores pour ce qui sera donc, avec encore un peu plus de probabilité, mes dernières séances de grimpe en tant que moniteur et responsable de cette boîte… et, comme par hasard, cela finit de façon presque emblématique : un jour rocher à Bleau, deux jour arbres à Rambouillet et Orléans, un jour falaise aux Dentelles de Montmirail, et qui m’auront amené à utiliser, à « sortir » une bonne partie de mes capacités d’organisation.<br />
après 26 ans d’encadrement, 15 ans à la tête de ma société qui a constitué un large réseau de moniteurs et guides, dans une belle entente dans presque tous les moments, c’est donc a priori bel et bien une nouvelle période qui s’ouvre, débute….</p>
<p>continuer à apprendre à prendre un peu de recul sur le flot des pensées incessantes. elles ne peuvent de toute façon toutes être retenues. il ne serait pas souhaitable qu’elles le fut.</p>
<p>raid Fontainebleau fait. demain réveil à 4h et 320 personnes à passer dans les arbres.</p>
<p>j’ai loupé la date de l’équinoxe, déjà passée… chose que j’aime pourtant saisir, et noter.</p>
<blockquote><p><em>C’est une triste chose de savoir que la nature parle et que les hommes n’écoutent pas. </em></p>
<p align="right"><em>Hugo</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ve 03.10.14</strong><br />
Paris. Rambouillet.<br />
réveil dans la nuit, méditation, départ, route dans le brouillard… froidures aux aurores, en forêt, puis une belle journée s’ensuit.</p>
<p>peut-être l’une des toutes dernières prestations de terrain avec ma boîte Caps… content d’avoir pu bosser avec ces gars-là plusieurs années, d’avoir su créer ce réseau de professionnels dans une belle ambiance en intelligence.<br />
suis resté 22 h debout.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 04.10.14</strong><br />
Paris. <br />
une belle journée encore, douce, et même si le ciel peu à peu, en après-midi, s’assombrit, aucune précipitation.</p>
<p>c’est comme un immense rangement qui s’amorce, et dont les effets commencent à être visibles dans l’espace de vie, dans l’espace numérique de travail, dans les organisations matérielles…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 05.10.14</strong><br />
Paris. Orléans.<br />
fraîcheur d’automne au matin.</p>
<p>grimpe d’arbres dans le parc de l’université d’Orléans, dont un chêne énorme, vénérable.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 06.10.14</strong><br />
Paris.<br />
la fraîcheur s’accentue encore un peu. </p>
<p>enfin pouvoir construire les changements en cours. lentement solder les dossiers de ma petite entreprise, et valoriser la fin.</p>
<p>période de peu d’écriture, de peu de lecture également. c’est ainsi.</p>
<p>me remettre à mes recherches, peut-être pour moi seul… je ne sais pas encore. en tout cas pour se connaître moins mal et non pas pour s'exposer plus.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 07.10.14</strong><br />
Paris.<br />
fraîcheur, 12 en ville, vent d’ouest, et pluie fine hier soir.</p>
<p>j’ai bien failli ces temps-ci arrêter le journal, mais il est l’un des supports de mes petits bricolages continus, et le seul à témoigner continûment de cette recherche constante tout en en étant l’outil.<br />
je vais donc poursuivre sa tenue. bien que rien ne soit forcé, ai-je le choix lorsque l’on est ainsi lentement travaillé depuis des années ? par contre je ne m’obligerai plus à une publication en ligne régulière. il croise trop souvent l’intime pour être ainsi publié en quasi temps réel, il fait part trop souvent d’avancées, de trouvailles de peu d’intérêt pour autrui ces derniers temps pour ne pas bénéficier du recul d’un temps plus long dans le choix de ce qui va être porté, conservé, montré.</p>
<p>recul, calme, lucidité…. toujours lentement tenter d’atteindre cela davantage, mieux.</p>
<p>lucidement : pas encore assez repris le jus, la dynamique pour pouvoir dès maintenant finaliser la conduite du disque <em>on trace</em>. il me faut laisser mûrir ça, laisser aller, venir les choses… <br />
le temps.<br />
<em>on trace</em> : c'est au fond de soi que ça se joue l'idée, l'histoire, et donc aussi la voix qui portera cela, dans l'assurance calme tout au fond.<br />
sinon ça ne marchera pas, ce sera vain.<br />
je veux aller trop vite, trop volontairement.<br />
ce qui est dit est trop fondamental pour se précipiter.<br />
c'est cela aussi être lucide, calme, reculé.</p>
<p>je suis sans voix, quand ça reviendra...</p>
<p>et puis en soirée j’apprends que le boulot au théâtre qui était confirmé, est ajourné sans encore de délai… sale série tout de même depuis 1 an et demi, mais vais encaisser. c’est l’un des seuls bénéfices de cette période-là : gérer mieux les obstacles, les déceptions provisoires mais accumulées, devenir plus costaud… moins d’affect, acquérir des capacités du recul. pas le choix.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 08.10.14</strong><br />
Paris.<br />
pluie fine continue toute la nuit et au matin.</p>
<p>nuit agitée de quelques cauchemars, ce qui m’arrive extrêmement rarement, mais, quoique courbatu, je me réveille bien décidé à profiter des moments présents comme l’on dit, de la famille, des amis. la pluie d’ailleurs est très belle ce matin, le jardin dégoutte, la lumière est très sombre, à peine plus blanche, plus translucide à l’endroit du soleil.<br />
et puis décidé à continuer ma « construction », j’utilise ici volontairement ce terme plutôt que celui de « bagarre », et cela sans trop m’arc-bouter, car maintenant la meilleure stratégie pour l’espace créatif tout comme le bien-être psychique et l’efficacité n’est pas une résistance agitée, mais d’avancer et de réaliser calmement, patiemment.<br />
je poursuis donc ce qui était prévu professionnellement, on verra bien.</p>
<p>De plus, S n’est pas certaine d’obtenir son congé maternité d’intermittente, et nous sommes de fait dans une position de fragilité… là où il y a encore quelques années nos milieux sociologiques n’étaient pas autant précaires, fragilisés, il me semble bien car pour ma part j’ai toujours été un peu dans des situations atypiques.</p>
<p>je dramatise tout de même souvent un peu (peut-être le travers de la tentation de faire récit de tout), alors que je pourrais être plus détaché.</p>
<p>job : pour moi ce qui est dur ce n’est pas tant les délais que l’incertitude.</p>
<p>voir clair.<br />
maintenant.</p>
<p>et ne pas être en attente, profiter de vivre.</p>
<blockquote><p><em>il ne se passe rien. pourtant ça coule, passe, s’écoule. rien à dire. laisser faire. tenter de ne rien dire. rien faire. juste écouter. encore.</em></p>
<p align="right"><em>cabane d’hiver</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>je 09.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>témoigner d’être, ici.<br />
peut-être s’épancher d’être aussi, par la même navrante occasion…</p>
<p>journal du soir : étonnement calme, clairvoyant. ces jours-ci pourtant ont apporté leur lot, suffisant, de turbulences et d’incertitude…<br />
étonnement aussi ai pu avancer encore un petit peu, hier, aujourd’hui, le dernier texte du disque qui était bloqué…</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 10.10.14</strong><br />
Paris.<br />
méditation. tenter d’être en écoute.<br />
écouter dehors fait du silence dedans.<br />
fraîcheur.</p>
<p>avancer encore, un peu, un tout petit peu, sur le texte du disque. sans rien forcer, juste je laisse venir.</p>
<p>malgré les difficultés, je retrouve je crois lentement cette assise de fond qui était là mais avait vacillé. on ne peut encaisser autant d’obstacles sans être touché. on ne peut non plus, si on en a quelque peu les ressources, traverser de telles périodes sans apprendre, sans en tirer bénéfice, sans en sortir <em>in fine</em> non seulement un peu plus fort mais aussi un peu plus posé, ferme en assise… sans avoir également un peu mieux trouvé la distance pour être un peu moins arc-bouté, affecté, pour être un peu plus respirant, lâchant… pour être un peu plus clairvoyant, lucide…</p>
<p>mais si l’axe ou l’autorité naturelle, « la charrue vertébrale » est là comme dit mon ami Phil, elle est parfois trop cambrée, trop peu flexible, peut-être, peut-être… </p>
<p>l’on attend le plus souvent une respiration qui viendrait de l’extérieur, alors qu’elle est dedans nous.<br />
on peut se détacher des planifications perpétuelles, et laisser respirer, laisser venir.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 11.10.14</strong><br />
Paris.<br />
soleil, la fraîcheur bien moins marquée que ces jours derniers. toutefois de larges bancs de nuages sombres défilent, naviguent d’ouest en est.</p>
<p>soudain journée dure, journée trou, abîme psychique… puis au soir, le calme revient lentement. <br />
et ma douce prend soin de moi et m’emmène au théâtre, au restau.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 12.10.14</strong><br />
Paris.<br />
fraîcheur d’automne, ciel couvert.</p>
<p>balade dans le vieux Paris, le Marais.</p>
<p>rythme, habitudes : méditation, puis écriture au matin avant toute chose, puis boulot en se débarrassant en premier lieu des tâches ingrates, enfin en fin d’après-midi retour à l’écriture ou lecture jusqu’au soir…</p>
<p>construire, construire, construire…</p>
<p>je prépare le retour, celui de la grande forme.<br />
travaille, bien obligé, dans le long terme, le plus tard… tout en laissant venir, couler, bien obligé.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 13.10.14</strong><br />
Paris.<br />
10 degrés à 10 h.</p>
<p>le silence souvent évoqué dans mes livres, dans les poèmes n'est pas tant celui de la parole (notion classique) que celui évidemment du dedans psychique. c'est cet espoir-là.</p>
<p>job : je veux être près du plateau…</p>
<p>agréable soirée à la Java. j‘y écoute les copains qui nous font un beau concert, je rencontre Pauvros avec qui nous discutons un peu.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 14.10.14</strong><br />
Paris.<br />
soleil.</p>
<p>en projet donc : un enfant, un nouveau boulot, un disque, une édition assez monumentale… et savoir laisser venir tout ça tranquillement…</p>
<p>matin, écriture puis gestion<br />
après-midi, m’isole, écriture<br />
soir, lectures de l’Atelier de l’Agneau.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 15.10.14</strong><br />
Paris.<br />
temps frais.</p>
<p>disque : conduite de texte enfin véritablement et quasi complètement posée, pas forcée… avec cela on peut travailler je pense désormais. nous avons un truc, une base qui tient la route. une assise.</p>
<blockquote><p><em>C’est en poussant le particulier jusqu’au bout qu’on obtient le général.</em></p>
<p align="right"><em>Michel Leiris</em></p>
</blockquote>
<p>soirée avec T, nous réfléchissons entre autre aux vidéos du disque.</p>
<p>les photographes décrivent deux façons de travailler : aller à la chasse ou attendre à la pêche.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 17.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>être bien modeste quant à ce que l’on peut projeter et espérer comme importance portée par nos petites réalisations.</p>
<p>quelle est la pulsion profonde qui nous fait construire, créer, laisser trace, donner de la voix ? évidemment « <em>la pensée a son origine dans l'énergie des pulsions </em>» (Annie Le Brun), mais de quelle sorte sont ces pulsions ? trace contre la peur de mort ; déficit d’amour ou d’écoute ; re-construction, tentative de solidification contre la peur de perte, de rupture, d’abandon ; libido (produire, reproduire) ; nécessité ressentie de comprendre moins mal ?</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 18.10.14</strong><br />
Paris.<br />
le soleil rentre à flot dans la maison.</p>
<p>petite tournée hier soir des bars du quartier, toujours bien agréable d’ainsi rencontrer les uns et les autres… mais c’est également un triste portrait d’époque. D, correcteur, a perdu un bonne partie de son volume de travail, il fait quelques foires et vide-greniers où il vend ses livres entre autres pour rentrer un peu de fraiche ; S est au RSA, il tente des projets qui n’aboutissent pas, il s’est mis lui aussi à faire des vide-greniers où il trouve à vendre ses surplus d’objets ; T, photographe, qui travaille pourtant pour l’industrie du grand luxe pour la partie alimentaire, a perdu 40% de son volume de travail, tout comme moi ; R, agronome, après deux ans de vide n’a trouvé qu’un petit CDD de quelques mois… d’autres copains encore se sont mis à vendre dans les vide-greniers (et l’on me rapporte que souvent ils se font dans les 400 € par jour), trait d’époque qui commence à avoir une signification caractéristique, et puis tout les éléments sont rassemblés pour que ce système soit, vive et se développe : ceux qui n’ont plus de fric se font vendeurs, nous avons chacun des stocks assez conséquents d’une multitude d’objets amassés durant cette culture de la consommation, d’autres qui n’ont pas plus de blé non plus achètent ainsi ici moins cher… c’est donc cette économie parallèle, au côté de celle du partage, qui s’étend.</p>
<p>disque : ai fait quelques essais d'enregistrement de plusieurs morceaux, à blanc, a cappella, juste en tapant le tempo du doigt sur le bureau, ça tient.<br />
et, je m’en rends compte seulement maintenant, c’est de la parole claire, tout à fait compréhensible, et non plus cette langue torturée, malaxée, mâchée, difficilement audible pour la plupart, et se regardant être..<br />
<br />
puis je marche sous le soleil, dans le profond calme du cimetière Montparnasse, je m’assieds longuement, à ne rien faire.<br />
la vanité si fréquente dans nos actions…</p>
<p>la course narcissique à laquelle j'ai moi aussi sacrifiée n'est qu'une roue à hamster pour nos egos.</p>
<p>un livre calme, dégagé de toute prétention… et c'est en définitive ce que j'avais tenté, mais très volontairement, avec <em>bref</em>… le faire peut-être un jour lentement, en le laissant venir. pour dire quoi de plus ? pour dire seulement… simplement.</p>
<p>qu’ai-je appris de cette traversée aride pas encore finie ?<br />
est-t-il temps d’en faire le bilan ? y’a-t-il un bilan à faire ? peu sûr… je crois pourtant avoir conscience d’une bonne partie de ce que je suis en train d’acquérir comme savoir sur soi. et ce qui est réellement appris ne sera ni effaçable ni réductible.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 19.10.14</strong><br />
Paris.<br />
boulot, et marche.</p>
<p>me suis posé la question à nouveau, mais oui mon projet est le bon : rassembler toute mon énergie, force de travail, créativité, investissement dans le secteur artistique, et ne plus disperser. simplement il faut le temps pour que cela se fasse… accepter ce temps, d’autant plus long que le contexte est bien difficile.<br />
voilà un an et demi que la phase creuse personnelle s'est déclarée (côté pro elle a démarré il y a 2, 3 ans environ), 6 mois que j'ai décidé de la bascule (avril). mes cycles étant de 2 ans, faudra-t-il encore 6 mois, ce qui nous amènerait à mars/avril 2015 ?<br />
j'ai vécu ma passion de la grimpe pleinement, en faisant les choses à fond… maintenant le reste. et l'énergie qui était mise là-dedans je tente donc actuellement de la transférer dans les domaines liés à l’artistique.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 20.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<blockquote><p><em>lettre du 4 juin 1952 : « C’est tout à fait étonnant ce qui se passe ici dans le style moche baigné d’éclat inoubliable, mais que veux-tu le soleil c’est toujours comme cela, il fera des dentelles rares avec n’importe quelle serpillière, il suffit d’un peu de bleu et de beaucoup de blanc. »<br />
A propos des peintures de la grotte d’Altamira - juillet 1935 : « La pierre épouse parfois la forme du taureau. Et plus on regarde, plus on sent le mouvement de la bête. […] Il y a une vie intense là-dedans, un mouvement spontané. Si on se représente la vie de ces gens-là, toute la grotte prend un aspect étrangement puissant, réel. »</em></p>
<p align="right"><em>Nicolas de Staël<br />
Lettres 1926-1955<br />
éd. Le Bruit du temps</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ma 21.10.14</strong><br />
Paris.<br />
les nuages gris défilent comme une fumée de feu.</p>
<p>peut-être ai-je sous-estimé l'ampleur de la difficulté représentée par la crise car je voulais arriver et n’ai pas voulu voir, car je pensais que et la volonté et les compétences suffisaient.</p>
<p>pressé pourquoi ? pour réussir ? réussir mal ?</p>
<p>ce journal ne s’est pas arrêté : il n’est plus montré dans l’<em>immédiat</em>.</p>
<p>concert le soir.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 22.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>par cette période creuse, rude, je pense que je suis devenu plus fort, dans le sens où je m’affecte désormais moins, où j’ai ai acquis un plus grand savoir-être de recul, d’abandon, de détachement, de respiration… (tout cela est une même chose)… c’est l’histoire du bénéfice que l’on peut tirer d’une crise…</p>
<p>larges préparatifs pour l’arrivée de …, notre fiston. je mets un coup de collier et bricole, on fait des achats de « matériel ».</p>
<p> </p>
<p><strong>je 23.10.14</strong><br />
Paris.<br />
les nuages passent en bancs, blanches diagonales sous le bleu.<br />
10 degrés à 10 heures.</p>
<p>ce journal témoigne-t-il encore ? et de quoi ? n’a-t-il pas une utilité plus que pour soi, à ne parler que de soi ?</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 24.10.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>« <em>Le courage, c'est savoir qui on est </em>», dit Jaurès. cela me renvoie à la méditation, au cheminement de se connaître soi-même, dans nos fortes faiblesses et nos faibles forces, au mouvement pour accéder à la conscience et à l’acceptation que notre importance narcissique n’est que toute relative, temporaire et de passage, à la compréhension que notre entendement sera toujours incomplet, que nos actions sont soumises à des forces qui nous sont supérieures… là où tant se fuient ou se leurrent.<br />
et l’important n’est pas là le chemin (méditation ou autre) mais le cheminement.</p>
<p>j’ai toujours eu le sentiment d’être fait pour écrire et porter cette parole-là. j’ai également toujours eu le pressentiment que je ne sortirai que plus fort et plus constant aussi de cette sorte de traversée aride. </p>
<p>je perds et de l’énergie et du temps à tout organiser, noter. aller beaucoup plus à l’instinct, à l’abandon.</p>
<p>pour 2016, édition donc a priori de ces 25 ans de journal, prévoir 1 500 à 1 600 pages.<br /><br /><br /><br /><br /></p> nomade, fin de voyage...urn:md5:d7beb292ed09d287aa478c1b12b2c0102014-09-07T16:33:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />sa 16.08.14</strong><br />
Lyon.</p>
<p>ce lieu très particulier qu'est le journal, particulier car s'y déroule une pensée, un type de pensée et en qualité et en « timbre »… un timbre venu comme d'en-dessous de la vie vécue, des faits enchaînés, des actions déroulées, des paroles que l'on sait dire, parvient maladroitement à exprimer dans la réalité sociale, discursive, et qui ne se joue nulle part ailleurs. une pensée d'en-deçà, née d'une zone intime, calme, reculée, où ne parviennent les bruits du monde qu'assourdit, une zone où, je crois, l'on pense mieux, et où l'on ne peut penser posément, un peu clairement que depuis là.</p>
<p>le ventre de S. continue de s’arrondir.<br />
elle a perdu aussi aujourd’hui un oncle. il est parti après 7 mois de maladie, puis quelques heures de coma, accompagné par les proches, dans le calme… et l’acceptation, qui dans la famille était déjà en cours, sera sans doute l’un des « soins » important, principal, du deuil.</p>
<p>l’organisation, la préparation sont une rassurance certes, mais aussi un moyen d’aller plus loin.<br />
il ne faut juste pas que l’organisation devienne envahissante auquel cas elle devient frein, et empêche le lâcher prise nécessaire <em>in fine</em> pour aller un tout petit plus loin encore que ce qui a été pré-paré.</p>
<p>diète, plus de sport, arrêt de la clope. il faudrait.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 17.08.14</strong><br />
Lyon.</p>
<p>littérature, musique, et maintenant explorer plus le théâtre avec ce nouveau métier qui se profile…</p>
<p>la lucidité, sur soi tout d'abord, sur nos fonctionnements intimes, nos forces, nos travers. </p>
<p>nous allons voir ma grand-mère, et mon oncle, avec qui nous causons entre autre du journal de Stendhal, « vert », acide en certains endroits, et parfois même d’un érotisme cru à peine dissimulé.</p>
<p>avec le temps libre, l'oisiveté, la diminution de l'activité ces jours-ci, reviennent la lecture, l'écriture.</p>
<p>la famille pour S. : ce lieu d'abri, de sécurité, de fondement, d'assise… là où pour moi, pendant des années, dès l'adolescence puis encore bien 15 ou 20 ans ensuite, elle fut un « lieu » plus compliqué.</p>
<p>avec des enfants, trouver des temps où s'appartenir.</p>
<p>je lis et écris, dans le soleil, sans avoir besoin de chercher l’ombre. été frais.</p>
<p>au retour de notre visite, on longe des jardins ouvriers. un père et son fils se transmettent des gestes, muets… désherbent, penchés, les coudes en appuis sur les genoux… l’odeur de terre retournée, bêchée…</p>
<p>chez ma mère, le coucher de soleil béant chaque soir sur le grand balcon.</p>
<p>réfléchir à quelques stratégies pour les projets à venir…</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 18.08.14</strong><br />
Lyon.</p>
<p>descendre dans le vieux Lyon où j’ai beaucoup vécu, et quelques années charnières. avec S., retrouver le vieux pote F.</p>
<p>la gestion de la colère, de la frustration, de la tristesse, de l’affection… fatigué de ça. je crois, je suis convaincu que l’on peut améliorer cela, atténuer le <em>drâma</em> affectif avec ceux que l’on aime. fatigué de ces densités affectives dans ces moments où elles s’expriment comme dans une <em>rage</em>, comme dans un verrouillage. je suis convaincu aujourd’hui qu’elles n’ont pas forcément d’utilité, « d’expurge » en particulier, comme on peut le penser parfois. qu’il y a des voies possibles, plus paisibles, plus pleines.</p>
<p>en finir là, ce journal et le reste ?<br />
et pourtant toujours ce moteur, humain, profond : vouloir saisir, comprendre, tracer… qui sommes-nous, comment sommes-nous ? et je n’entends pas là que l’homme mais toutes choses tournant avec nous.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 19.08.14</strong><br />
Lyon.</p>
<blockquote><p><em>Ici, un homme debout est déjà un relief.</em></p>
<p align="right"><em>Gaston Chaissac (à propos de son pays, la Vendée)</em></p>
</blockquote>
<p><em>bref </em>: le bredouillement, le remâchage de la première partie est peut-être trop long, trop redondant, trop dense, dans la densité d’ensemble déjà touffue, abondante… </p>
<p> </p>
<p><strong>je 21.08.14</strong><br />
Isère.<br />
grand ciel. quelques traces, minces archipels de nuages.</p>
<p>nomade, boulot à distance.</p>
<p>méditation. l’extraordinaire vélocité, vagabondage de la pensée : il faut souvent guère plus de 3 ou 4 respirations avant qu’elle ne dévie déjà d’un axe que l’on a pu lui donner, ou bien qu’elle ne se refixe après que l’on ait tenté de lui lâcher bride.</p>
<blockquote><p><em>Nul ne peut écrire s’il n’est assez dépris de soi – et ceci vaut pour les parties considérées comme les plus humbles, les moins créatrices de la littérature : la critique par exemple. Pas plus qu’ils ne peuvent être bons, les gens trop encombrés d’eux-mêmes ne peuvent être clairvoyants. Narcisse ne peut se voir tel qu’il est, ni connaître les autres. Son reflet fait écran entre le monde et lui, entre lui et lui. </em></p>
<p align="right"><em>Claude-Edmonde Magny, Du pouvoir d’écrire (p. 42) </em></p>
</blockquote>
<p>à force de se fouiller, comprend-on mieux ou bien crée-t-on un écran supplémentaire ? un écran supplémentaire d'ego entre soi et le monde, entre l'appréhension de notre être (intime) et la saisie claire du monde que nous pourrions avoir par l'exploration, depuis l'exploration de notre être ?</p>
<p>Montaigne : « <em>Mes pages d'allongeailles </em>».<br />
« <em>Je n'ai pas plus fait mon livre qu'il ne m'a fait. </em>» oh oui...</p>
<p>Selon Cicéron « <em>philosopher c'est apprendre à mourir </em>», mais, dit Montaigne : « <em>c'est une hâblerie, une piperie : sans doute pouvons-nous par usage et par expérience fortifier contre les douleurs, la honte, l'indigence, et tels autres accidents : mais quant à la mort, nous ne la pouvons essayer qu'une fois : nous y sommes tous apprentis quand nous y venons. </em>»</p>
<p>le petit récit ici mené…<br />
ce n'est que le petit récit du passage… passage incertain quant à son contenu, très certain quant à son terme.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 22.08.14</strong><br />
Isère.</p>
<p>combien de gens agissent autant qu’ils parlent ?</p>
<p>marche avec mon père, dans les prés, les bois… on joue à reconnaître les végétaux, les arbres.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 23.08.14</strong><br />
Isère.<br />
insomnie. méditation à l'aube, dans le jardin.</p>
<p>lucidité :<br />
c'est voir clair, juste, donc savoir désaffecter aussi un peu, juste ce qu’il faut, ne pas jouer à investir dramaturgiquement les faits, les situations, les relations, plus que de mesure comme nous aimons si souvent le faire, comme nous y sommes si souvent attachés.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 24.08.14</strong><br />
Isère.</p>
<p>la nuit tombe désormais vers 20h30. nous n’aurons presque pas vu l’été cette année.</p>
<p>retrouver souffle. inspiration large, expire lâche.<br />
asthme, clope. arrêter. je n’ai plus envie.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 25.08.14</strong><br />
Lyon.</p>
<p>boulot à distance.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 26.08.14</strong><br />
Lyon.<br />
temps très lourd, tiède, humide, fatigant.</p>
<p>enterrement.<br />
cette image : l'urne, les cendres, les œillets rouges jetés dans le fleuve, le Rhône, descendant, s'en allant… nous quittant lentement.<br />
le fleuve poursuivant P. G. …</p>
<p>puis, échographie.<br />
je - nous pouvons désormais dire « mon fils ». il est en parfaite santé, désespérante de banalité selon le doc’. <br />
sur les images, il a le poing levé.</p>
<p>aux deux bouts de la vie, du vivant. aujourd’hui.<br />
au soir, exténué, picoler un peu, le beau-père sort du très bon blanc, fêter ça, avec la famille.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 27.08.14</strong><br />
Lyon.<br />
méditation dans le soleil intermittent… quotidienne depuis 7 ou 8 ans…</p>
<p> </p>
<p><strong>27-30.08.14</strong><br />
Gard.</p>
<p>boulot à distance, sur le balcon, face à la plaine de la Cèze, les Cévennes.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 31.08.14</strong><br />
Gard. Lyon.</p>
<p>tôt le matin, la remontée de la vallée du Rhône, de sa longue veine autoroutière, et de sa circulation folle, dense, toute prête de coaguler.<br />
poursuite des zigzags, des allers-retours nord-sud que j’ai pourtant cherché à optimiser au maximum : mais dès mercredi je redescends encore, dans le Vaucluse pour une prestation d’escalade pour un très gros groupe de clients, puis remontée à Paris, enfin descente à nouveau à Privas le 20 pour un speech sur Chauvet.</p>
<p>reprendre le boulot pleinement dès demain.<br />
tenter aussi de reprendre le boulot d’écriture, m’y atteler à nouveau, car j’étais toutes ces dernières semaines soit dans le mouvement soit dans une torpeur qui m’empêchaient d’y travailler, de labourer ce sillon activement. cette « activité » d’écriture qui accapare tant et que l’on ne peut peut-être mener sans s’y absorber pleinement.<br />
je relis ces jours-ci <em>Le grand Meaulnes</em>.</p>
<p>lorsque la personne aimée est loin, elle nous manque ; mais quand elle est là, souvent nous trouvons tout ce qui lui manquerait encore pour un bonheur plus parfait, de façon insensée.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 01.09.14</strong><br />
Lyon.</p>
<p>beau mais grand vent de nord et fraîcheur prononcée. je travaille au matin sur le balcon. rude redémarrage, furieuse journée : prestations escalade importantes à préparer, changements conséquents des configurations prévues, demandes pour des rappels sur immeubles de 200 m de haut… bref, que du gros, tout cela commence à me peser, et devient lourd à tenir… et je crois bien que désormais ce n’est plus là que je veux porter mon effort, mais bel et bien le rassembler dans « l’artistique », où très probablement je peux aller plus loin.</p>
<p>qu’est-ce que l’on nomme la destinée, la destination ? le fait de sentir un chemin à suivre, d’éprouver une volonté dans ce sens ? une volonté en très grande part sans doute née, induite par les expériences, les formes, les « pressions » de vie que l’on a éprouvées, tout autant celles bénéfiques que celles néfastes ? la capacité de tirer, extraire de ces « pressions » un axe, une ligne, une direction et cohérents et constructifs ?<br />
évidemment, je le sais, cela amène, requiert d’être centré, au risque d’être exclusif…</p>
<p>savoir être plus calme dans la pression… se souvenir d’expirer dans la tension.</p>
<p>furieuse journée. le cerveau, la conscience comme obscurcis par la tension, mais qui s'ouvrent, au soir, peu à peu, lentement, avec une petite balade à pied, dehors, dans le quartier, les allées résidentielles, rangées, de cette banlieue lyonnaise…<br />
je regarde un film dédié à Kofi Annan.</p>
<p>soleil du soir, rasant, puissant, en face des yeux, et la grande lueur du couchant, bleue jusqu’à l’orange, puis bleue à nouveau jusqu’au noir, glissa, disparue alors lentement, continûment, à l’ouest, derrière l’horizon des monts du Lyonnais, à la vitesse de 1 100 km/h, qui est approximativement celle de la terre à notre latitude, et nous sommes entrés paisiblement dans la nuit, alors que j’achevais la relecture du <em>Grand Meaulnes</em>.</p>
<p>lapsus : « ils leurs arrivaient souvent de se discuter ».</p>
<blockquote><p><em>Agis dans ton lieu, pense avec le monde.</em></p>
<p align="right"><em>Edouard Glissant</em></p>
</blockquote>
<p>lucidité, lucidité toujours.<br />
tentative de lucidité en particulier sur notre intelligence propre en différents domaines.<br />
si notre intelligence est de nature, et l’est aussi en degré, et n’est pas en conséquence infinie… et ce n’est que cette lucidité sur ses propres limites qui peut, au-delà de la nature peut-être, encore un peu, les repousser.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 02.09.14</strong><br />
Lyon.<br />
toujours ce vent, assez fort, froid, du nord.</p>
<p>bientôt un mois que je suis parti, l’envie de rentrer émerge, se précise. le stress des journées escalade à venir, à organiser, à porter, devient pesant.</p>
<p> </p>
<p><strong>me-je 04-05.09.14</strong><br />
Lyon. Vaucluse. Paris.</p>
<p>encore, redescente vers le sud, train, musique dans les oreilles, à partir de Valence la ligne d’entrée dans les garrigues, les calcaires, les chaleurs…</p>
<p>repérage de la falaise. nuit à Gigondas chez le copain guide…</p>
<p>plus tard… après la journée escalade à Cavaillon que j’ai coordonné pour 80 personnes avec dix moniteurs et guides, attendre le train puis rayer encore toute la France, depuis le soir calme du sud, de la Provence, la gare, tard, silencieuse, une seul cigale, et de temps en temps, trouant la nuit qui tombe, les annonces de la dame SNCF…</p>
<p>je suis prêt désormais à prendre davantage de risques dans le domaine artistique que dans le domaine de la grimpe, par exemple… probablement (et entre autre) pour la raison que j’ai souvent joué avec le risque réel, vital, en grimpe, celui pris dans le domaine artistique me paraît du coup moindre, de moindre tragique conséquence, tout autant « engagé » mais moins « exposé » si l’on reprend les termes de montagne. <br />
je suis prêt donc à aller plus loin et à transférer cette énergie spécifique, pour cette raison-là, et pour celle que j’ai davantage soif depuis des années dans ce domaine de la création, que j’y ai également sans doute une plus large marge de progression, de potentiel, un plus large espace d’expression possible… là, maintenant.</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p> terres et eaux d’Irlande, d’Helvétie, de Lozère…urn:md5:336cb5b8cd23d97f652b3062a37e7cd32014-08-25T12:18:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />
di 20-21.07.14</strong><br />
Dublin.</p>
<p>les rives de la Liffey, qui réminiscent forcément Joyce, tout comme le Trinity college réminisce Beckett.<br />
la library, la <em>long room</em> du college : ce vaste, imposant dépôt de nos pensées d'hommes, morts, impressionnant dépôt d’alluvions de récits et de paroles échouées… je m'y suis arrêté longuement dans le silence, à savourer, presque me recueillir, lieu prégnant en odeurs de vieux papiers, de feuilles de veau, de vieux bois, de cuir… <br />
<em>St Patrick cathedral</em>, domaine du doyen Swift, et de son magnifique Gulliver écrit, caché, sous pseudonyme, et cela était effectivement probablement plus sage.<br />
excellent restaurant en terrasse, dont un savoureux et étonnant loup de mer à la sauce fraise-menthe. puis on enchaîne sur un pub républicain, très bons musiciens, danses, très joyeuse ambiance, excellentes et très nourrissantes white irish beer and caledonian stout, affiches et très fort, très poétique manifeste politique d’indépendance aux murs.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 25.07.14</strong><br />
île d’Aran. Connemara. </p>
<p>Aran minéral, calcaire, comme un os de sèche échoué au travers des eaux.</p>
<p>Letterfrack -<em> old monastery hôtel</em><br />
au pied des twelves bens<br />
pluie passagère<br />
fish & chips<br />
pub avec les locaux à l’accent prononcé<br />
bien avec S.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 27.07.14</strong><br />
Dublin. Paris.</p>
<p>je ne lirai rien, je n'écrirai pas, je n'écrirai rien durant ce voyage… mais, comme par enchantement, ou par un souci de la recherche au retour retrouvée, je me remets à lire, et à écrire à nouveau seulement dans l'avion qui nous ramène.</p>
<p>il faut également attendre de revenir à Dublin, puis Paris, pour retrouver la pluie que nous n’avons quasiment pas vue dans les landes et les bords de mer…</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 29.07.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel blanc gris.</p>
<p>très probablement pour tenir journal faut-il être assis… en plus d’être en léger retrait de l’action.<br />
je peux aussi être libre d’arrêter.</p>
<p>après la reprise du travail trivial, alimentaire, reprendre le travail de pensée, d’écriture, de méditation… </p>
<p>passer la marche, du dessus. par en-dessous.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 30.07.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel bleu.</p>
<p>de la difficulté à reprendre le fil de la recherche, de l’écrire. à lire même, par défaut de parvenir à mieux. mais c’est sans doute que l’on ne peut être dans cette tenue continue sans cesser parfois, sans se laisser aller de temps en temps.<br />
et puis quelques questionnements, mais légitimes, sur le futur professionnel, en particulier sur l’articulation entre le travail d’écriture et le boulot plein temps, entre l’activité d’auteur et celle, future peut-être, d’organisateur de spectacles… l’articulation en temps comme en énergie, mais aussi en statut, celui que l’on se mène dans la tête, comme celui, « imagé » qu’en ont les autres.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 31.07.14</strong><br />
Paris.<br />
beau, chaud.</p>
<p>travail, jardinage.</p>
<p>un nouveau boulot ne pourra être viable pour moi que si je le mène de façon certes énergique mais posé. viable pour pouvoir garder l’énergie vive, de fond, à l’écriture.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 01.08.14</strong><br />
Paris.<br />
le même beau, la même chaleur. <br />
le grand prunier que j’ai élagué cet hiver a fini sa fructification, signe que la saison est déjà bien avancée.</p>
<p>toujours de la difficulté à me mettre ces jours-ci au boulot d’écriture, mais nous ne pouvons pas toujours être efficace.</p>
<p>lecture au parc de la garenne, nom qui pourrait être incongru en plein Paris si l’on ne se rappelait ces anciens temps où pâtures et vergers bordaient le centre ville (Rousseau herborisait à Belleville et Menilmontant), allongé dans l'herbe. dans une douce ombre... le pépiement des oiseaux dans les buissons.</p>
<blockquote><p><em>On ne peut que donner deux choses à ses enfants : des racines et des ailes.</em></p>
<p align="right"><em>proverbe juif/chinois ?</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>sa 02.08.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>rien.<br />
après l'Irlande et avant la Lozère, dans quelques jours, rejoindre l’ami Rahmy…</p>
<p>la vocation c’est ne jamais cesser. un projet à peine achevé avoir déjà soif, désir, perspective d’un suivant.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 04.08.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>second tour d’entretien de recrutement pour un théâtre.</p>
<p>plus tard…<br />
départ donc demain pour un mois.<br />
et avec, presque, un nouveau métier et boulot en poche, aux missions intelligemment adaptées à mon profil et au timing meilleur que prévu, pour débuter en oct-nov… que demander de plus ce jour ?<br />
l’énergie sera donc rassemblée, centrée dans le secteur artistique et ce sera peut-être la fin de mon activité de grimpe, d’escalade, de nature, de « dehors ». tout du moins à destination des autres…</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 05.08.14</strong><br />
Paris. Suisse.</p>
<p>je quitte Paris, job accompli, le soleil démarre ses premières forges du matin, jaunes, lorsque je traverse la Seine.<br />
en route donc vers Lausanne. cette année, déjà, les Causses, l'Angleterre, les Alpes, la Russie, l'Irlande et la Suisse donc… encore une belle année de voyage, chanceux.</p>
<p>j'aurai donc très probablement comme nouveau métier celui d'organisateur de spectacles (prod, diff), dans une structure qui en proposent de très bonne tenue… et cesserai mon métier d'escalade.</p>
<p>chez P. et T. Rahmy.<br />
nous discutons non stop comme de vieilles pipelettes, poursuivons pour être plus exact la discussion entamée la dernière fois que nous nous sommes vus, en arrosant cela généreusement d’un très bon vin italien et de whisky écossais.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 06-07.08.14</strong><br />
Suisse. Vaud. Lutry, Lausanne. lac.<br />
dans le douceur posée, de ce pays rangé.<br />
méditation mi-ombre mi-soleil tout près du lac. courte, mais longtemps que l’expire, le lâché n’avaient pas été ainsi profonds.</p>
<p>avec Phil, revoir la traduction de T. du <em>Sha-Clack-Clack</em> de Saul Williams.</p>
<p>lac<br />
baignade du soir, baignade du matin</p>
<p>écrire ? écrire quoi ?<br />
rien.<br />
de ces moments entre choses faites, menées, et choses non encore faites, menées, pensées, soupçonnées même.</p>
<p>centre de légèreté, préférablement à celui de gravité. ce qui n’exclut pas le <em>poids</em> de ce que l’on puisse être ou faire.</p>
<blockquote><p><em>L’art est la capacité de créer une construction (…) qui n’est pas fondée sur le goût esthétique préconisant la joliesse de la composition, mais qui est bâtie sur le poids, la vitesse et la direction du mouvements.</em></p>
<p align="right"><em>Malevitch, 1916, Ecrits – trad. Andrée Robel</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ve 08.08.14</strong><br />
Suisse. Valais.</p>
<p>montée en altitude, à Derborence, au vaste éboulement, au lac… puis au col de Sanetsch, alpages à vaches et marmottes, et l’immense lapiaz veiné, au pied du Glacier de Tsanfleuron (Diablerets), large, étalé, blanc, bleu comme une banquise.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 09.08.14</strong><br />
Suisse. Lausanne. <br />
lac. baignade, discussions sans fin. nous parlons tellement depuis 4 ou 5 jours, que j’en ai presque un besoin de silence, alors même que je ne donne que rarement ma part au chien question bavardage.</p>
<p>demain Mont-Lozère. toujours, bien nomade cette année : les plateaux, les landes, les tourbières, les neiges et sommets, les glaciers et falaises, les lacs et fleuves, les mégapoles et gratte-ciels, les villes poussières et les villages perdus…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 10.08.14</strong><br />
Suisse. Mont-lozère. </p>
<p>suite du voyage, long, avec pas mal de péripéties : accident voyageur entre Lausanne et Genève qui double le temps, puis travaux sur la ligne TGV entraînant une liaison de car de plus d’une heure, puis une heure d’attente à Bellegarde, ensuite train pour Valence, une heure d’attente, puis 5h de routes de montagnes cévenoles avec orage violents annoncés (grêle et 11,5 mm de précipitations entre 17 et 20h)… les classiques orages violents des Cévennes… Mont-Lozère et Aigoual étant les tout premiers obstacles aux formations nuageuses et aux vents venus de l’Atlantique comme de la Méditerranée.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 12.08.14</strong><br />
Mont-Lozère. sous les sources du Tarn, bord de rivière, canyon.</p>
<p>retrouver l'ambiance canyon ces jours-ci, et réaliser un peu plus que je vais cesser ce métier après 26 ans d'exercice, même si ma pratique, personnelle, depuis l'enfance, de la grimpe, de la montagne, de la rando va se poursuivre.</p>
<p>9 degrés le soir, vent, pluies fréquentes, nous vivons, mangeons, discutons le soir près de nos tentes avec bonnets et grosses habits, mais tout de même en journée un soleil quoique peu puissant, peu piquant, nous permet de marcher, se baigner, rester dehors. étranger été, sans la forge de la chaleur estivale et cela sur presque tout le territoire. c'est en Irlande que nous aurons finalement eu le meilleur temps, le plus chaud. après 2 nuits de pluies violentes, suivies de vent fort en journée, celui-ci tombe le soir, comme souvent, avec le soleil, la chaleur tombant eux aussi.</p>
<p>la création, la puissance de création, qu'est-ce ? le fait de construire, certes, mais aussi celui d'aller un peu plus loin, toujours. pousser le chemin, là où d'autres s'arrêtent.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 15.08.14</strong><br />
Mont-Lozère, Pont-de-Montvert.<br />
landes, rivières profondes.</p>
<p>grand bien de ne pas écrire.<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
</p> le calme, le silence et la pluieurn:md5:59d3f795dbb1d1a49615395f5804c4252014-07-15T16:27:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />me 02.07.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>écriture sur le disque aux aurores.<br />
puis grimpe d’arbres : journée de 13 h.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 03.07.14</strong><br />
Paris.<br />
belle journée.</p>
<p>le repos peut s’amorcer, le travail au calme.</p>
<p>ça <em>sent</em> l’été.<br />
la chaleur grosse.</p>
<p>écriture du disque.</p>
<p>maintenant, pendant quelques temps, vivre jour après jour.<br />
ai suffisamment vécu dans l’anticipation ces derniers mois.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 04.07.14</strong><br />
Paris.<br />
le temps tourne. le ciel couvert, la fraîcheur, des ondées tièdes.<br />
le temps lent, tant désiré…<br />
la lune comme un ongle orange brûlé derrière une dentelle de nuages noirs.</p>
<blockquote><p><em>L’on ne compte plus les livres perdus avant que de naître pour avoir oublié que la littérature n’a quelque chance de devenir mémorable que par l’oubli conscient et constant d’elle-même.</em></p>
<p align="right"><em>Pierre Bergounioux, La cécité d’Homère<br />
conférences à la Villa Gillet, Lyon.</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>sa 05.07.14</strong><br />
Paris. Fontainebleau.<br />
ondées… un temps très flottant.</p>
<p>c’est le calme, le grand calme maintenant. le silence. le silence profond qui remplit tout l’espace de la boîte crânienne.<br />
dans ce silence, tenter de puiser la paix après laquelle, comme tout être humain sans doute, nous courons… mais peut-être tout d’abord commencer par arrêter ce « courir » et juste laisser venir, accueillir…</p>
<p>bosser sur l’écriture du disque une bonne partie de la journée. je peine, je peine mais ça avance… à l’arrachée.<br />
courses.<br />
puis, à nouveau, écriture du disque. en fin d’après-midi : neuf textes écrits sur une conduite de dix prévus.<br />
set :</p>
<blockquote><p>…<br />
d’abord<br />
on trace<br />
les choses vont avec les choses viennent<br />
time rhythms<br />
nous ne nous tairons pas<br />
tempo temps<br />
sais pas. pas finir arrêter. rien.<br />
voilà c’est fait. j’ai dit.<br />
pas de titre rien</p>
</blockquote>
<p>enfin, grimpe nocturne pour des clients dans les sables de Fontainebleau.</p>
<p>qu’est-ce, véritablement, lucidement, sans indulgence, que cette entreprise, cette ambition, peut-être naïve, de faire littérature ?<br />
tentative de comprendre ? de saisir un petit peu, un tout petit peu, l’être et le monde, l’objectif et le subjectif, tentative tout à la fois de lucidité et de sensation ? tentative de voir ? tentative de tracer, laisser trace, pour transmettre ? est-ce autre chose que de vivre, si ce n’est que l’on dit que l’on vit, et que cela encore, dire, fait partie de vivre ? en quoi, pourquoi avons-nous, humains, cette étrange pulsion ? en quoi, pourquoi cela constitue-t-elle probablement l’une de nos grande particularité ? en quoi rejoint-elle alors, donc, notre <em>mystère</em> ?</p>
<p>et, comme sans hasard, tomber là-dessus :</p>
<blockquote><p><em>Et ce qu’il prouve, du même geste, c’est que la littérature, contrairement à ce qu’on entend dire ces temps-ci, n’est pas quelque production momentanée de l’activité humaine qui aurait eu son heure au cadran de l’histoire, comme la pierre polie, le bronze, la traction animale, la quenouille, les mots, même, qui servent et puis dépérissent et meurent. La littérature n’est pas affaire de mots. Les mots n’ont aucune importance. La littérature est, serait l’effort toujours nécessaire, toujours recommencé par lequel nous nous emparons de la signification de notre histoire. Nous sommes engagés, pris dans les choses, en proie au temps, dominés par le passé, bousculés par le présent. Notre vie peut se passer sans que nous l’envisagions pour ce qu’elle est, la situation empêcher que nous nous la représentions faute du loisir, du recul, des clartés qui nous livrent, seuls, le tout de notre condition.</em></p>
<p align="right"><em>Pierre Bergounioux, La cécité d’Homère<br />
conférences à la Villa Gillet, Lyon.</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>di 06.07.14</strong><br />
Paris. <br />
pluie. la lumière sombre.<br />
retour de forêt par les longs trains de banlieue.</p>
<p>du temps, du calme, du silence, du seul, la pluie devant la fenêtre ouverte…</p>
<p>peut-être devrais-je écrire, me faudra-t-il un jour écrire sur ce lien à la terre, aux hommes de la terre, à une partie de mon ascendance, qui alors même qu'il subsiste dans un goût, des gestes, une affection prégnantes, se dissout inexorablement, et aura totalement fini de disparaître lorsque les deux générations actuelles se seront effacées.</p>
<blockquote><p><em>L’apparition d’Eula Varner : marchant, s’avançant dans cette aura de décence, de modestie et de solitude dix fois plus impudique et cent fois plus troublante qu’un de ces costumes de bain que les jeunes femmes se mirent à porter vers 1920, comme si, juste avant qu’on la regardât, ses vêtements étaient parvenus dans un dernier tourbillon éperdu à s’envoler au-devant d’elle et à la recouvrir. Pour un bref instant, toutefois, car en la suivant assez longtemps, on les voyait, l’instant d’après, retomber comme alanguis en une roue vaporeuse semblable à une constellation entrevue au travers d’un banal petit nuage.</em></p>
<p align="right"><em>Faulkner, le Hameau (traduction de ?)</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p>fatigue, restes de maladie, sensation de se traîner, d'être lourd… peut-être mon premier coup de vieux, puisqu'on ne vieillit manifestement pas de façon régulière, linéaire, mais bien plutôt par paliers, par « à-coups » justement... et c'est cela qui fait aussi que certaines personnes paraissent parfois plus jeunes, avoir retrouvé une énergie, après un « coup de vieux », un palier passager, alors qu'elles sont, selon le temps, plus vieilles.</p>
<blockquote><p><em>Il fallait bien s’accommoder, travaillant pour oublier l’écoulement du temps, puisque le travail même peut constituer la fuite immédiate de l’ennui… (…) Tout fait temps, aide à camoufler la durée, puisqu’elle déborde toujours, et d’autant plus lourde qu’elle revient se déverser depuis ce qu’on avait cru du temps passé, mais s’était accumulé dans l’attente à venir. Et c’est parfois le jour entier que s’impose ce désert du temps. </em></p>
<p align="right"><em>François Bon, Sortie d'usine</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>lu 07.07.14</strong><br />
Paris. <br />
la pluie a cessé, le temps traîne des fraicheurs de la veille, le ciel reste sombre.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 08.07.14</strong><br />
Paris. <br />
temps de lande du nord encore… passages de pluies fines, ciel gris aluminium.<br />
toutes les deux, trois heures le ciel se fonce, la lumière s’obscurcit considérablement, un grain tombe et passe…</p>
<p>content de retourner dans quelques jours dans ces landes du Nord : l’Eire ce coup-ci… que je ne connais pas… à une période, j’allais au moins une fois par an dans ces terres de bruyère, de tourbe, ces steppes de bords de mer, ces toundras parfois : Ecosse, Norvège, Suède, Danemark, Islande…</p>
<p>reprendre ici : <br />
être plus lucide, plus simple, plus clair.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 09.07.14</strong><br />
Paris. <br />
seul depuis 5, 6 jours.<br />
la pluie. </p>
<p>reprendre le sport, bouger… sous la pluie.<br />
pédaler, nager.<br />
écrire, construire le disque, la journée entière.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 10.07.14</strong><br />
Paris. <br />
pluie. lumière sombre. humidité. froid.</p>
<p>12 h passées en forêt, qui dégouline et dégoutte, avec bonnet et gore-tex.</p>
<p>l’exercice d’une lucidité : être clair, voir clair, concevoir clair, donc parler clair. parvenir à écarter au maximum brouillards et illusions (mais ne vivons-nous pas essentiellement <em>illusionnés</em>, par la perception parcellaire de nos sens partiaux ?), voir plus juste, parvenir à garder le léger retrait qui, tout en participant, fait voir plus globalement…</p>
<blockquote><p><em>Pourquoi tourmentes-tu de desseins éternels une âme trop petite ? Pourquoi ne pas aller ou sous ce haut platane ou sous ce pin s'étendre ?</em></p>
<p align="right"><em>Nietzsche - Humain, trop humain</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ve 11.07.14</strong><br />
Paris. <br />
pluie. toujours, encore.</p>
<p>gestion.<br />
je ne travaille pas sur le disque. je fais relâche, laisse un peu reposer.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 12.07.14</strong><br />
Paris. <br />
le ciel est enfin un peu plus clair aujourd’hui.</p>
<p>travail sur le disque, la composition du set, maintenant que j’ai toutes posées les <em>paroles</em>, les textes, ou tout du moins que j’ai rassemblé, puis expurgé, toute la matière, les éléments pour finaliser les textes, je procède au « nettoyage », au polissage.<br />
je ne suis pas certain de réussir quelque chose avec l'écriture de ce disque, et c’est une situation identique que l’on rencontre pour tout travail en cours. il y a au moins encore 3 morceaux pour lesquels je ne suis pas sûrs, mais ce sont aussi les plus récents, ceux qui ont été les moins travaillés au corps, débrutis, dégauchis dans leur matière… ceci dit, pour être tout à fait lucide, ils ne sont peut-être pas si profonds, peut-être frisent-ils même le pathos par certaines petites touches. bref, il me faut les resserrer, les intensifier, les densifier.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 13.07.14</strong><br />
Paris. <br />
la pluie, la pluie, la pluie. <br />
on besoin, dans certaines pièces, même au sud, d’allumer la lumière à midi… j’aime ça, cette ambiance de lumière, d’odeurs, de sons, mais cela dure…<br />
voilà près de 3 semaines que le solstice est passé et nous n’avons pas encore véritablement eu de pleine lumière…</p>
<p>comme un whisky ou un goût délicat, dans lesquels par vagues successives l’on perçoit, montant les uns derrière les autres, les arrière-fonds de tourbe, d’iode, de pluie, mais aussi de souvenirs qui y sont attachés, j’aimerai dans le volume ici que l’on retrouve, par plans consécutifs, miroitements, éclats jaillis, réminiscences, toutes les nuances, les saveurs, les multitudes d’impressions, les traces que la vie nous laisse dans les strates de souvenance, conscientes ou non, que notre cerveau stocke, accumule et sait réactiver. toutes choses, sensations, qui constituent la vie d’un être humain et le font se sentir vivant. être vivant, se sentir l’être, serait-ce alors autre chose que cette accumulation de sensations ?<br />
aussi cette entreprise est-elle celle de la conscience et de la connaissance individuelle.<br />
<br />
<br />
<br />
<strong>lu 14.07.14</strong><br />
Paris. <br />
retour, lent, du soleil. il lui faudra toute la matinée pour parvenir à percer.</p>
<p>disque : je n’y arrive plus, il me faut laisser reposer…<br />
et je n’ai pas encore atteint le point de toucher, le point d’impact que je cherche, dans les derniers textes. dans les premiers, il est là par contre.</p>
<p>entendu une lecture poétique, comme la plupart du temps, d’un niveau de récitation d’école.<br />
ce « milieu » de la p… est si petit. mais j’ai bien l’impression que pour la plupart cela ne les dérange pas, qu’ils ne recherchent pas, ne ressentent pas le besoin du plus large. sans doute est-ce dû au fait qu’une fois « intégrés » dans le milieu, cela leurs suffit, sont-ils rassasiés, ont-ils atteint leur but : la reconnaissance de <em>statut</em> par leurs confrères ? mais je reste étonné du fait que cette soif s’arrêtât là…<br />
et le handicap constitué par le peu de diffusion de la poésie, même si l’on peut l’attribuer au peu de réception, d’accueil que lui fait les médias et les lecteurs (elle est pourtant présente dans bien des « lieux », la chanson pour premier exemple), se joue en fait là aussi, et sans doute déjà là, dans cette sorte de confinement, de promiscuité presque, de groupuscule agrégé autour de lui-même par des phénomènes restreints, socio-esthétiques, de reconnaissance, et qui passent bien souvent par un code, une illisibilité déchiffrée par eux seuls, et qui les rassemble.<br />
prendre bien garde alors aussi d’écouter ceux qui sont en dehors.</p>
<p>l’inconvénient avec les a priori, les préjugés c’est que la plupart de ceux qui en ont souhaitent les garder.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 15.07.14</strong><br />
Paris. </p>
<blockquote><p><em>Lorsque l’on dit que « le temps passe », l’on confond le temps avec ce qu’il véhicule. Si quelque chose passe dans le temps, alors le temps ne devrait pas passer (comme le fleuve passe dans un espace de berges qui elles ne passent pas). Et l’on attribue alors toujours au temps les attributs de ce qu’il véhicule.</em></p>
<p align="right"><em>d’après Étienne Klein</em></p>
</blockquote>
<p>encore un très bon livre de Bergounioux, <em>La mort de brune</em>, fini aujourd’hui… la fin, très forte, magistrale.<br />
et tiens, un titre de lui que je découvre : <em>D’abord, nous sommes au monde</em>… alors que le disque que j’écris en ce moment commence par « d’abord, on vit »…</p>
<p>tout en venant de là, étant fait de ça, s'être, adolescent, extirpé des deux mondes, des deux milieux, très dissemblables voire dépareillés, celui maternel (bourgeois, protestant), celui paternel (ouvrier, paysan, athée et rouge), qui s'offraient à moi, pour en choisir un troisième, extérieur quoique composé des deux premiers, qui tout en constituant une synthèse me permettait aussi de me construire sur un autre plan, plan qui me convenait mieux, celui d'un monde, d'un milieu où la création et la réflexion étaient moteur et combustible, et donc générateur d'un mode de vie et de relations sociales <em>en fonction</em>, autre, différent de celui de mes deux parents, à la fois.<br />
et ce fut alors, à cet âge, un grand non… avant le oui qui domine, et depuis pas mal d'années, aujourd'hui.</p>
<p>fini, avec l'ordi, les temps considérables perdus à se perdre... ne plus s'en servir que pour avancer.</p>
<blockquote><p><em>La mémoire, dit Pierre Janet, ajoute la reconnaissance à la persistance. Elle passe par cet acte social qu’est le récit. C’est l’intervention de la conscience qui crée le passé.</em></p>
<p align="right"><em>cité par Bergounioux <br />
dans La puissance du souvenir dans l'écriture.</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>me 16.07.14</strong><br />
Paris. </p>
<p>je suis content : pour les derniers morceaux du disque j’ai enfin réussi, ce matin, à atteindre le point que je cherchais, ce point particulier de « toucher », de sensation. j’en ressors crevé, lessivé.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 17.07.14</strong><br />
Paris. <br />
chaleur.</p>
<p>pour ce qui est de la pérennité de notre existence et de notre présence sur terre je ne sais pas si nous y arriverons par le « respect » de la nature, je n’en suis pas sûr… je crains que nous ayons trop « décroché » déjà dans notre rapport à la nature, et puis que nous soyons trop nombreux… que nous resterait-il alors ? la science (génétique, biologique, atomique, numérique) pour trouver ou améliorer des êtres ou des bactéries pour nous transformer, nous alimenter, nous fournir l’énergie nécessaire quand elle viendra à manquer ; ou alors la colonisation spatiale… ces deux directions semblent beaucoup plus être dans l’axe, dans la continuité, dans la cohérence de ce que nous avons déjà fait, de la façon dont nous avons fonctionné dans les siècles passé (sens de l’humain depuis bien longtemps maintenant : l’avancée technologique plutôt qu’un rapprochement du naturel)… et je ne dis par là que ce sont les meilleures directions à prendre, j’en préférerai d’autres, mais elles me semblent, en définitive, après pas mal d’espoir ailleurs, plus probables.<br />
et même si l’on en appelle et que l’on réussit une décroissance, une consommation moindre, notre démographie est si galopante, nous sommes si dominants et invasifs, que la décroissance me semble être un levier certes nécessaire, impérieux, qu’il faut tout de même activer, mais peu sûr d’être suffisant.</p>
<blockquote><p><em>Dès que l'on parle, on dit ce que l'on dit. Mais on dit aussi, par la manière de dire, la valeur de ce que l'on dit. (…) Dès qu’on choisit un mode d’expression on se classe.</em></p>
<p align="right"><em>Bourdieu - Ce que parler veut dire</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ve 18.07.14</strong><br />
Paris. <br />
grosse chaleur.</p>
<p>mille petites choses à faire faites avant le départ en Irlande.<br />
j’ai envoyé aux copains qui vont construire le disque avec moi la conduite de texte avec les sources sonores… maintenant laissons reposer…<br />
<br />
<br />
<br />
<strong>sa 19.07.14</strong><br />
Paris. <br />
<br />
fin d'une séquence.<br />
départ pour l’Irlande demain.<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
</p> la pensée lenteurn:md5:073f0f71433ecfad3fbf9ca3fb53b7252014-07-03T15:16:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<strong><br />ma 10.06.14</strong><br /><p>
Paris.<br />
la pluie, la pluie, la pluie…</p>
<p>déplacer l'enjeu de la réalisation de soi égocentrée vers la réalisation de soi tournée vers le soin, l'attention aux autres (et cela peut aussi passer par la littérature).<br />
(trop centré sur soi peut être une source de souffrance).<br />
poétique de la relation.</p>
<p>et puis pour ce qui est de ma réussite perso ça viendra, ça reviendra lorsqu'à nouveau un livre, un disque, un spectacle sera sorti du fond, du fond de grande sincérité sans leurre, sans illusion. car les ressources comme la pulsion sont là, intactes, inaliénables.</p>
<p>me retrouver un grand projet… mais je l’ai déjà en fait, ce grand projet : disque + world poetry tour</p>
<p> </p>
<p><strong>je 12.06.14</strong><br />
Paris.<br />
beau, soleil.</p>
<p>après discussion avec Fabrice Caravaca, je comprend mieux, bien mieux la réception de <em>parl#</em>. c’est-à-dire que tout ce que je pressentais, percevais, est formalisé, verbalisé… la « morphologie » par exemple de « notre » public : le fait que, à gros traits, le grand public était très réceptif à cette forme (celle du trio, mise en musique et en scène, je ne parle pas ici des solos), et que par contre une bonne partie du public « d’initiés », celui de la poésie contemporaine, n’y adhérait que bien moins car « théâtralisée », « surjouée » même selon leur perception (la mienne de perception étant évidemment toute autre car nous avons travaillé je crois avec une très grande honnêteté, et plusieurs fois avec une certaine justesse). <br />
en définitive : 1- cela m’explique la partition du public, dans une réception non-dite tout du moins pour ceux qui appréciaient guère mais que je ressentais (alors que les autres ont l’espace pour dire quand cela leur plait) ; 2- cela me confirme dans mon souhait, mon désir dans le prochain disque d’aller vers du sobre, de l’épuré, ainsi que vers une forme vocale/sonore/musicale plus que vers une forme théâtrale, et qui, quoique très travaillée, devra être tout à fait simple et dépouillée, tout en restant largement accessible, lisible, audible.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 13.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p><em>Refonder </em>: c’est l’histoire du cheminement… du cheminement de l'homme dans le temps, dans ce laps qui lui est imparti par des forces qui lui sont supérieures. dans cet intervalle et de temps et d’espace où il reçoit d’<em>être</em> et <em>devenir</em>, et où il peut aussi dans une mesure certainement relative et probablement modeste <em>agir</em>… avec ces quelques pourcentages de conscience que le cerveau lui attribue sur sa part d’activité globale très majoritairement dissimulée mais bouillonnante et terriblement efficiente.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 14.06.14</strong><br />
Paris.<br />
l’espèce de grande gentiane jaune a repoussé cette année, à une autre place, d’elle-même, extraordinairement vivace. elle a pris presque 10 à 15 cm par jour, et atteint en ce moment les 1 m 20 à 1 m 30. elle débute sa floraison aujourd’hui.</p>
<p>comme toujours beaucoup de rencontres ces jours-ci, et des nouvelles, en cette période du marché de la poésie.<br />
parmi d’autres, cette personne touchante qui me dit son attachement et ce « n'arrêtez pas… » à propos du journal, car elle y sentait à certains moments que la difficulté, l'essoufflement étaient là.</p>
<p>dos cadenassé, sans doute le poids des derniers mois qui se porte là, en un nœud, un point.</p>
<p>premier contact sérieux de travail.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 15.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>départ en grimpe d’arbres.</p>
<blockquote><p><em>Tout travail revient à déplacer de la matière et la littérature ne fait pas exception.</em></p>
<p align="right"><em>Pierre Bergounioux, La cécité d’Homère</em></p>
</blockquote>
<p>réfléchir mieux encore l’articulation travail rémunérateur - écriture – valorisation de la fin de ma précédente activité – famille.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 16.06.14</strong><br />
aller-retour Strasbourg.<br />
ciel clair, limpide.</p>
<p>déménager ma fille</p>
<p>ces temps-ci presque un fait, une tâche, un événement chaque jour demandant une dépense énergétique ou affective forte...<br />
aujourd'hui par exemple déplacement loin pour une négociation difficile, tendue, surréaliste avec le logeur de ma fille (et il est toujours étonnant comme certains individus par leur façon d'être imposent un mode relationnel, la personnalité évidemment toujours créant la relation mais certains ont tout de même un quasi don pour produire de la complication, de la défiance, de la méfiance, du nœud, du poids là où une légèreté serait possible… faut-il les plaindre alors ou seulement les combattre, tenir pied à pied en face d’eux une résistance acharnée ?) ; demain échographie ; après-demain grosse prestation en escalade, etc… </p>
<p> </p>
<p><strong>ma 17.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>différence homme/animal : différence de degré ou de nature ?</p>
<p>si peu le temps ces temps-ci d’écouter, donc d’écrire… <br />
d’observer, de regarder, de chercher à comprendre… <br />
de penser lentement…<br />
tout passe, vite, bien vite, défile comme un paysage derrière les vitres d’un train ou d’une voiture, à la très grande différence près que je ne regarde pas immobile mais cours dans ce flux, ce flux du temps toujours, et du vivant, mais tout de même bien effréné ces derniers temps.<br />
alors peut-être ces jours-ci faut-il vivre, juste vivre ?</p>
<p>inventer un nouveau « modèle » commun. pas d’autre choix. nous en sommes bien là en cette période du début du XXIème. il est à espérer alors que cette crise puisse être transformée en chance, en tout état de cause à nous de nous efforcer d’en faire désormais un atout, l’occasion d’une refondation.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 19.06.14</strong><br />
Fontainebleau.</p>
<p>longue, rude journée de raid et de grimpe avec mal de dos et grosse crève pour des clients qui plus est que je n’ai su que peu intéresser, peu intéressants, ayant à peine regardé, remarqué dans quel cadre étonnant, environnement rare, ils étaient…<br />
après la double journée en une d’hier (grimpe en forêt de Meudon suivie d’une seconde journée de gestion), les jours s’enchaînent donc, la fatigue s’accumule… mais le moral est là.</p>
<p>rien de passionnant dans ce journal depuis pas mal de semaines maintenant… cette impossibilité d’être dans l’agir déjà accompagnée d’une réflexion de fond toute mobilisée, et d’être à la fois dans la pensée lente qui serait ici nécessaire. c’est ainsi. pourtant je continue, malgré tout, à essayer d’en porter trace en ce lieu, d’en rendre compte, en n’étant néanmoins pas bien sûr en ce moment de son intérêt profond.<br />
n’est-ce alors que de la graphomanie, ou de l’exposition de soi (que je pourrais pourtant pratiquer par devers moi) ? il me semble qu’il y a, désormais, un autre aspect qui s’est fait jour depuis quelques années : celui de noter, au-delà de soi, une vie. une vie commune, qui cherche, qui trouve parfois, qui se pose questions, qui avance parfois, à l’image de toute vie… que ce volume, désormais, par le simple fait de son volume, de son accumulation possède une autre « qualité » : celle justement de son accumulation dans le temps, qui porte alors témoignage et qui par sa durée deviendrait alors peu à peu « représentatif ». <br />
par le travail de langue (comme on pourrait dire le travail du bois), n’est-ce pas rien d’autre que ce que l’on nomme « littérature », elle qui s’interroge sans cesse sur sa nature et notre nature ?</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 20.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>entretien boulot : une rencontre, peut-être, est en train de se faire.</p>
<p>fondamentaux pour un nouveau travail :<br />
- il me faudra investir une énergie posée, calme. et mesurée.<br />
- être en conséquence encore plus lucide.<br />
- il devra me servir d'outil aussi pour le développement de mon propre projet artistique personnel
</p>
<p>poursuivre maintenant tout de même mes recherches.</p>
<p>maintenant expirer, me reposer.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 21.06.14</strong><br />
Paris.<br />
solstice. dans quelques jours donc la durée des jours, déjà, va baisser.</p>
<p>tentative de repos. de lâcher lentement. récupération, dé-compression avant encore une grosse semaine<br />
comme à chaque week-end que j’ai de libre, je mesure l’ampleur de la fatigue, de la dépense de ces derniers mois.</p>
<p>centrer et orienter énergie de la façon la plus lucide et judicieuse, possible :<br />
- <em>porter</em> mon projet artistique<br />
- <em>servir</em> professionnellement un autre projet artistique<br />
et ne plus désormais <em>porter</em> deux projets, seul, et qui plus est très différents (artistique + entreprise non artistique).</p>
<p>être plus lucide, plus simple, plus clair.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 22.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>méditer, s’occuper du jardin, de soi… prendre soin de petites choses.</p>
<p>avec boulot plein temps : il me faudra donc écrire le matin très tôt, et le soir au retour.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 24.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>énergie liquéfiée par mal de dos et sinusite sévère.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 25.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>après une journée de grimpe, passage entre les mains de l’ostéo pendant 1 heure et quart qui m’ôte une grande partie du poids, de la tension portée, du coup de rein donné ces derniers temps… j’en avais plein le dos, je portais une ceinture de plomb depuis un mois, béni soit-il de me redonner ainsi une légèreté et qui de bien loin n’est pas seulement physique.<br />
reste à soigner à partir de demain la sinusite corsée qui elle aussi épuise.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 26.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>la lucidité c’est le fait de se dire des choses que l’on sait déjà le plus souvent, de les faire monter de la pré-conscience.</p>
<p>quelques annulations plus la détente d’hier procurée par les soins me font enfin pouvoir revenir un peu l’écriture, y plonger à nouveau : je passe la matinée à bosser sur le disque.<br />
quelque chose s’est dénoué depuis hier… et c’est un grand soulagement !<br />
la « pensée lente » et la « sensation lente » se rouvrent alors aussitôt…</p>
<p>la question de la <em>cadence</em> de nos systèmes, donc de nos vies.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 27.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>je ne veux plus de ses cadences qui ont perdu tout sens, celles de nos systèmes (sociaux : nos méga-structures, nos sur-organismes sociétaux et urbains ; technologiques : nous leurs demandons gain de temps et de productivité, ce qui nous amène à aller plus vite, nous leurs demandons alors plus de vitesse encore, et l’on se mord la queue… ; financières : leurs pernicieuse emprise) et qui induisent celles de nos vies. bien sûr on peut avoir personnellement des prédispositions au <em>speed</em>, mais elles sont aussi largement générées ou bien nourries, favorisées par nos cadences compétitives, de productivité ou d’exposition de soi.<br />
cette nouvelle organisation de vie qui arrive doit être alors l’occasion de penser et de vivre ces vitesses très différemment, fondamentalement.<br />
je tente d’être lucide, aussi difficile que cela puisse être de « s’avouer » tout ce que l’on ne peut que confusément pressentir, car je sais bien que vivre avec une vitesse et une énergie calme, mesurée, alors que je vais très certainement reprendre un boulot à plein temps (même si je serai dégagé de la responsabilité <em>directe</em> que je pouvais avoir lorsque je tenais ma propre boîte) et que j’attend l’arrivée d’un enfant, sera une gageure. <br />
mais c’est maintenant qu’il me faut penser lentement à tout cela. m’y préparer. savoir ce que je veux, ce que je ne veux plus. comprendre comment le vivre… être un tout petit peu plus sage peut-être, peut-être… J </p>
<p>mais (pour être lucide, tout à fait) je n'aurai que très très peu de temps libre conséquent, et en tout cas bien moins qu'aujourd'hui, alors c'est pour cela que dans ce qui sera une activité, un rythme d'action, une sollicitation quasi permanente, il faut que je sache me trouver une économie de l'énergie, de la vitesse ou plutôt de la lenteur comme garantes d'abord d'un bonheur personnel mais aussi d'une efficacité de pensée, d'une lucidité plutôt, et d'un gain dans l'action également si posément menée...</p>
<p>« <em>le temps c’est la vie, et non de l’argent</em> » - Kharmac Tchitim, ministre du Bonheur national brut du royaume du Bhoutan.</p>
<p>« prendre le temps » : étonnante expression, ce « prendre » surtout. comprendre mieux son origine, sa raison.</p>
<p>« en bosse » (on va vers l’autre avec nos productions personnelles), ou « en creux » (on laisse l’autre venir vers nos productions personnelles).</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 28.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>insomnies depuis deux nuits. je travaille de tête au lieu de dormir.<br />
les processus d’excitations cérébrales : pourquoi elles arrivent, comment elles surviennent, comment elles se développent, comment elles redescendent (ait assisté ces deux dernières nuits à tout le processus, quasi électrique, la difficulté de s’en extraire même avec l’expérience de la pratique méditative, la très lente redescente de l’effervescence neuronale qui mènera quand même, très tard, à l’orée du lâché, de l’endormissement).</p>
<p>grimpe d’arbre sous la pluie dans les petits bois entre cités de Noisy-le-Grand. le public d’ici : capacités cognitives, capacités d’écoute, volume sonore général, tout est bien brouillon, chaotique.</p>
<p> </p>
<p>expirer.<br />
prendre le temps… (drôle d’expression tout de même…)</p>
<blockquote><p><em>Religion is for people who are afraid of going to hell.<br />
Spiritually is for those who have already been there.</em></p>
<p align="right"><em>Vine Deloria, Sioux</em></p>
<p><em>Le pardon est certainement l'une des plus grandes facultés humaines et peut-être la plus audacieuse des actions, dans la mesure où elle tente l'impossible — à savoir défaire ce qui a été — et réussit à inaugurer un nouveau commencement là où tout semblait avoir pris fin.</em></p>
<p align="right"><em>Hannah Arendt</em></p>
<p><em>reprendre ici :<br />
L'humanité n'est pas encore assez éduquée pour qu'un homme puisse livrer toute sa pensée.<br />
Tout la pensée, dans sa profondeur et dans sa légèreté. Les deux choquent.<br />
Peu d'hommes, même, consentent à leur pensée réelle. Ils la subissent, font semblant de ne pas en voir la crudité, la vanité, l'irrégularité.<br />
On ne retient que ce qui sert, ou qui excite.</em></p>
<p align="right"><em>Paul Valéry, Cahier 96 « S »<br />
(BNF - Cahiers originaux. CCLXXXIV-CCCVIII <br />
Série siglée de « A » à « Z ». CCCII)</em></p>
<p><em>reprendre aussi encore, pour se le rappeler encore :</em></p>
<p><em>désormais l'avancée profonde ne se fera plus par l'avidité, l'accumulation, la faim, la quête sans cesse. mais bien plus dans le désamorçage progressif de ce speed, dans l'abandon de la frénésie, dans la réduction. <br />
le bagage est déjà plein de savoirs, d’expériences par accumulation, il s’agit de connaître ceux par dépouillement.<br />
cela va ouvrir toute grande une place énorme... dégager un espace, une respiration à ce qui était lieu engoncé. </em></p>
<p align="right"><em>in Refonder - grand temps - je 12.12.13</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>di 29.06.14</strong><br />
Paris.<br />
après la pluie, quelques flaques de ciel clair, de soleil, passent sur le jardin.</p>
<p>le parlhange (patois du Bas-Poitou-Vendée) : quel beau mot.</p>
<p>récupérer. </p>
<p>juste fumer dehors, sur les marches du jardin<br />
et ne rien faire.<br />
regarder le soir venir.<br />
sentir la terre tourner. tourner avec.<br />
et entrer lentement dans la nuit.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 30.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>très folle journée, mais enfin ! tout va dans le bon sens… s’articule en substance de façon cohérente… après cette longue année et demie difficile, tortueuse, voire torturante parfois….</p>
<p>les pistes de recherches, des réponses de boulot s’affinent, se confirment, peu à peu, dans la direction voulue, et cela selon des axes qui font sens pour moi…</p>
<p>de ces mélanges, en nous, à la fois, mêlées, d’agitation et de pensée calme, d’excitation et de vision apaisée, sûre. <br />
de la difficulté, en tant qu’homme, de ne pas être uniquement soumis à ce ballottage, à cette gîte, ce branloir, tangage, cette alternance continue…</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 01.07.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>speed, excitation cérébrale + sinusite : mélange explosif.<br />
après de longs mois de tension soutenue, je suis comme un arc électrique, qui tente de se décharger…</p>
<p>ver 18 h mon corps enfin lâche, et je m’écroule dans une sieste profonde, obscure, insondable…. cela achève un peu plus de deux mois fous qui auront sans doute constitué l’amorçage de la relance, de la remontée.</p>
<p>je retrouve alors peu à peu, lentement, progressivement, mais cela s’intensifie ces temps-ci, cette qualité très particulière de la sensation de savoir ce que l’on fait, où l’on va, qu’il ne pourra y avoir d’autre chemin… <br />
cette qualité très particulière de la sensation d’enfin retrouver sa ligne, après qu’elle ait tremblée…</p>
<p>mais cette force je ne la veux plus nourrie d’exaltation, de fièvre, grisée de sa propre ivresse, mais plus calme, plus posée, plus encore doucement sûre d’elle.</p>
<p>il nous reste toujours encore un peu à apprendre…</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p> dedansurn:md5:332f3453bad8662feaf06bc8f7f3de872014-06-20T23:40:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />sa 24.05.14</strong><br />
Paris.<br />
pluie, soleil, soleil, pluie…</p>
<blockquote><p><em>Je ne dis jamais ce qu'il faut faire ni comment le faire. J'essaie de redessiner la carte du pensable afin de lever les impossibles et les interdits qui se logent souvent au cœur même des pensées qui se veulent subversives.<br />
(…)<br />
Mais la condition pour que la poésie existe comme technique absolue, c'est que la poésie, par ailleurs, existe, latente en tout.</em></p>
<p align="right"><em>Jacques Rancière, Et tant pis pour les gens fatigués. Entretiens.</em></p>
<p><em>J'ai toujours essayé de dire qu'un être supposé fixé à une place était toujours en réalité participant à plusieurs mondes, ce qui était une position polémique contre cette théorie asphyxiante des disciplines, mais aussi une position théorique plus globale contre toutes les formes de théories identitaires. Il s'agissait de dire que ce qui définit les possibles pour les individus et les groupes, ce n'est jamais le rapport entre une culture propre, une identité propre et les formes d'identification du pouvoir qui est en question, mais le fait qu'une identité se construit à partir d'une multitude d'identités liée à la multitude des places que les individus peuvent occuper, la multiplicité de leurs appartenances, des formes d'expérience possibles.</em></p>
<p align="right"><em>Jacques Rancière, La méthode de l'égalité (p 113)<br />
Entretien avec Laurent Jeanpierre et Dork Zabunyan</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p>lâcher, lâcher… fini de tergiverser maintenant, remettre les watts… </p>
<p>qu’est-ce qui s’est passé pour que ce soit aussi calme ? pas sorti de trucs depuis un bon moment : <em>Refonder</em> en attente, <em>bref</em> écrit à l’ombre et pas montré en public, disque en cours d’écriture…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 25.05.14</strong><br />
Paris.<br />
m’en fous de la météo.<br />
départ en grimpe d’arbres, mais avant tenter d’écrire un peu, quoique…</p>
<p>évidemment je ne le vis pas très bien de devoir retourner à un boulot salarié, de perdre une partie de ma liberté peut-être, mais peut-être y a-t-il aussi cet avantage de m’alléger d’une partie des responsabilités que j’ai toujours portées…<br />
la période où tout réussissait, les retours quotidiens, est passée… mais c’est le cas de beaucoup autour de moi, et puis c’est aussi qu’il y a longtemps que je n’ai pas « sorti » de truc… j’ai en fait beaucoup bossé à l’ombre ces temps-ci, accumulé aussi donc pour plus tard… </p>
<p>encore, aujourd’hui, plusieurs amis ou collègues me font part de leurs difficultés professionnelles, pourtant dans des secteurs bien différents (littérature, musique, sport, armée…)… et puis ces si tristes, si désespérantes, si écœurantes élections de ce soir.<br />
il sera dur de se lever demain pour se bagarrer encore.<br />
et pourtant, pourtant, nous le ferons !</p>
<p>évidemment, à suivre ce cheminement-là je n’ai jamais imaginé qu’il serait aisé.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 26.05.14</strong><br />
Paris.<br />
pluie fine une bonne partie de la journée. lumière très faible.</p>
<p>malgré la bagarre, la fatigue parfois, continuer ici à témoigner de ce que c’est que de vivre… effort vain ou effort qui, pour l’humain, ne peut constituer que l’un des seuls sens possibles ?</p>
<p>au soir, après une longue, rébarbative et ingrate journée de boulot (mais la tâche assignée à ce jour-ci a été accompli) visionner <em>Les feux de la rampe</em> avec Chaplin et Keaton…</p>
<p>la vie n’est peut-être pas tant histoire de sens que de désir.</p>
<p>sinistrose, finie. plus de ça.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 28.05.14</strong><br />
Paris.<br />
pour la seconde année consécutive le printemps est froid, pluvieux, sans lumière.<br />
11 degrés ce matin par exemple, pas plus. lumière de novembre..</p>
<p>suite aux élections que nous avons vécues dimanche :</p>
<blockquote><p><em>Les victimes sont ceux qui ont renoncé à l’avenir.</em></p>
<p align="right"><em>Russel Banks, De beaux lendemains <br />
(cité par Pierre Ménard)</em></p>
<p align="left"><em>et le « ils nous ont volés les mots »</em></p>
<p align="right"><em>de Mélenchon</em></p>
</blockquote>
<p>mais, à baisser les bras, en plus de ceux qui renoncent à l’avenir, c’est nous <em>tous</em> qui risquons d’être victimes.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 30.05.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>oui avancer à fond et en parallèle écriture/job.<br />
là qu'est ma place, mon axe.<br />
mais avancer posément. ne pas s'y épuiser. aller lentement à rythme de marche lent mais sûr.</p>
<p>ne pas se positionner dans la demande mais plutôt dans la proposition.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 31.05.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>les pensées obsessionnelles : </p>
<ul>
<li>leur fonctionnement (cycles fermés, boucles, répétition, récurrence, etc…)</li>
<li>la façon de les désamorcer, les ouvrir ?</li>
<li>leurs avantages (en terme de puissance de travail), leurs inconvénients</li>
</ul>
<p> </p>
<p><strong>di 01.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>bien difficile ces temps-ci de revenir à la pensée lente, posée, qui puisse « déplier » un peu ce que l’on comprend, saisit du monde. c’est que, pour ce type de commerce l’on ne peut être uniquement dans l’action, il y faut l’occasion d’un léger retrait dont je n’ai que trop peu les possibilités et conditions dans les circonstances actuelles.</p>
<p>le temps est un assassin… terme connu.</p>
<p>envois et valse de refus d’éditeurs en série… ça aussi ne m’était pas arrivé depuis quelques temps…</p>
<p>il y a le charisme naturel, augmenté également parfois par la confiance, mais il y aussi le supplément de charisme offert, aux yeux des autres, par la notoriété humblement assumée.</p>
<p>reméditer. <br />
mieux.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 04.06.14</strong><br />
Paris. forêt de Rambouillet</p>
<p>journée de grimpe d’arbre sous la pluie battante une bonne partie du temps. trempés. froid. je chausse polaire, gore-tex et bonnet, en plein mois de juin !</p>
<p> <img title="dedans_img.jpg, juin 2014" alt="dedans_img.jpg" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/images_new/dedans_img.jpg" height="134" width="326" /></p>
<blockquote><p><em>La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres.</em></p>
<p align="right"><em>Antonio Gramsci - Cahiers de prison – 1930<br />
Éditions Gallimard, Cahier 3, §34, p. 283</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p>le journal, la réflexion si pauvre ici ces temps-ci, toute accaparée par la réorganisation professionnelle et la maigre saison grimpe, intense mais très, trop ramassée, cependant tout de même en cours…</p>
<p> </p>
<p><strong>je 05.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>boulot : prendre du recul, y penser calmement.</p>
<p>au soir, après les folles journées de boulot, revenir un peu, un tout petit peu à l’écrire.<br />
en juillet sera zones, temps plus larges…</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 06.06.14</strong><br />
Paris.<br />
le grand beau, la chaleur enfin là…</p>
<p>déjeuner avec l’amie Laurence Vielle…</p>
<p>exténué, épuisé, c’est que depuis deux mois le coup de rein, la poussée d’énergie ont été conséquentes.</p>
<p>au soir lectures des amis Manon, Tholomé, Jantar…</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 07.06.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>ai enfin pu dormir presque tout mon soûl. mais il reste encore de la fatigue à ressuyer, accumulée au fil des deux derniers mois.<br />
la sensation d’exténuation s’est atténuée aujourd’hui, je compte sur ce we prolongé pour la diminuer encore, avant de replonger dans le tunnel de saison.</p>
<p>ces mois derniers, oui, ont été bien étonnants, et sont peut-être le début d’une remontée : après un an d’énergie mise dans des choses qui ne voulaient qu’être usées, pesantes, échouées, il a donc fallu envisager une refondation, une évolution profonde… je ne sais rien encore, ou peu en tout cas, de ce que cela va devenir, car je suis actuellement justement en plein dans cette évolution, ce mouvement.</p>
<p>avec le repos, reprendre la pensée lente.</p>
<p>il est de plus en plus évident que notre schéma et social et techno-économique, tout comme notre modèle d'inscription dans la chaîne écologique du vivant et de la matière, est en fin de vie, en fin de cycle, dans l'achèvement d'une période, qu'une séquence nouvelle cherche à et doit s'ouvrir, que les troubles, dans le temps de cette charnière, peuvent être nombreux et sont en tout cas menaçants...<br />
ma génération qui n’avait pas encore connue de bascule majeure (et je préfère ici ce terme à celui de « crise » exprimant un ressenti certes abrasif, rugueux mais au sens, en même temps, tellement galvaudé par une utilisation intensive, abusive, à toutes les sauces, depuis plusieurs décennies qu’il en devient presque dépecé, dépouillé) serait-elle en train de la connaître ?<br />
Concernant les périodes de trouble, mais toutes proportions gardées évidemment et pour mémoire, je suis le premier homme dans ma famille comme dans beaucoup d’autres qui, depuis 4 générations au moins (1870 - 1914 - 1939 - Algérie), ne soit pas allé à la guerre…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 08.06.14</strong><br />
Paris.<br />
quatrième jour de chaleur… mais ça n’est <em>que</em> le quatrième alors que nous sommes déjà tout proches du solstice, que les jours, déjà, sont bien longs.<br />
dans la nuit, un énorme cumulus naviguera au large, sans nous atteindre, chargé d’une électricité phénoménale, craquant d’éclairs plusieurs fois par seconde, continûment, longuement, alors qu’il dérive lentement vers le nord, comme un gigantesque vaisseau fantôme, caressé sous le ventre par la lumière de la ville, déchiré des flashs de la foudre. plus tard, vers une heure du matin, soit qu’il ce soit développé, soit que la direction du vent ait changé, il nous atteint, abattant violemment son orage sur nous. la grêle tout d’abord éclate furieusement sur les toits de zinc, de tuile, on croit tout d’abord à un énorme incendie qui crépite et craque, l’allée se gorge et déborde. les oiseaux à tire-d’aile traversent le ciel, filent se planquer, très seuls, fuient, en oblique. les fenêtres des appartements s’allument, nous sommes plusieurs à s’inquiéter des dégâts possibles, vérifier les écoutilles, les fenêtres.<br />
au matin, le jardin n’est en définitive que peu abîmé, les grosses feuilles les plus tendres seulement sont perforées, déchirées…</p>
<p>balade aux puces de Saint-Ouen. <br />
puis sieste longue, lourde. les heures de sommeil qui me tombent dessus ce week-end comme un large poids sur les épaules tentent d’éponger l’énorme flaque de fatigue dans laquelle j’étais.</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p> le plateau nuurn:md5:e50544fd56552905be8b90b003dd6c3f2014-05-26T21:58:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />di 11.05.14</strong><br />
Paris.<br />
météo toujours exécrable. même à midi, devant les fenêtres, nous devons avoir lumière allumée.</p>
<p>marcher, marcher lentement dans les rues, longuement, le vent violent, les grains subits.</p>
<p>modifier sa vision, son toucher, sa réception du monde, l’impact du monde sur soi dans le sens d’une plus grande paix est donc possible. vivre cela plus continûment, plus régulièrement est un ouvrage plus long.<br />
recevoir le monde de façon crue, acérée est une façon de le recevoir pleine de sensibilité vive et d’intensité. mais le recevoir paisiblement est une ouverture, une profondeur, une acuité autre, peut-être bien plus élevée, plus subtile, plus fine encore.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 13.05.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>bien peu de réussite ces temps-ci… et de difficultés autour de moi, pour les amis, pour parvenir à travailler, gagner sa croûte.</p>
<p>la « réussite » qu'est-ce ? n'est-ce pas être en paix ?</p>
<blockquote><p><em>La littérature est en germe dans toute situation dont on s’est détaché afin de se la mieux représenter.</em></p>
<p align="right"><em>Pierre Bergounioux, La cécité d’Homère<br />
conférences à la Villa Gillet, Lyon.</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>ma 13.05.14</strong><br />
Paris.<br />
même plus le temps, la force de noter la météo, le temps qui passe…<br />
et pourtant, toujours, le journal reste le journal du temps… </p>
<p>je me suis toujours éprouvé centré, unifié ces dernières années… là évidemment avec la quantité de remous cette sensation est plus floue, plus aléatoire… pourtant je sais encore à peu près où je veux aller, même si je n’ai pas encore de vision claire des chemins qui ont leur entame ici, ces temps-ci.</p>
<p>au vue des mes investigations actuelles, la situation, la période économique, professionnelle m’apparaît encore plus noire que ce que je pouvais imaginer.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 15.05.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>quasi incapable d’écriture : énergie, cerveau trop peu disponibles.<br />
expirer…</p>
<p><em>on se croit « arrivé »</em><br />
<em>parfois</em><br />
<em>avoir trouvé l’équilibre</em><br />
<em>mais l’équilibre</em><br />
<em>toujours</em><br />
<em>est à refaire</em><br />
<em>par définition </em></p>
<p>séance de grimpe pour des clients.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 16.05.14</strong><br />
Paris.<br />
la nuit.</p>
<p>prendre du recul. regarder. <br />
de cette traversée désertique je n’en ai pas tiré encore pleinement profit. il me faut d’abord regarder, écouter plus.<br />
regarder. regarder passer. regarder penser. comprendre.<br />
il me faut, à la fois, être en retrait pour mieux regarder, écouter, comprendre. et à la fois être pleinement connecté.<br />
aux besoins, à mes envies, à mes savoir-faire.<br />
moins plonger dedans tête baissée.<br />
observer d’abord, comprendre.<br />
ce qu’il me faut, ce qui me va. ce qu’il faut, ce qui va aussi aux autres.<br />
ensuite décider. quel chemin tracer, quel chemin prendre.</p>
<p>comme toujours, dans les moments de houle forte, revenir aux fondamentaux…<br />
ce que j’ai de plus précieux, de plus profond : écriture – famille.</p>
<blockquote><p><em><strong>notes retrouvées :</strong><br />
je goûte profondément l’exposition et l’interaction publique, par ses possibilités de présence, de partage, mais c’est tout de même un peu une traversée du désert en ce moment de ce point de vue. ceci dit cela n’est pas l’important fondamentalement (et je ne cherche plus la visibilité égocentrée, vaine, à tout prix, non plus que l’actualité coûte que coûte). je mets alors cela à profit pour travailler, écrire… pour poursuivre, plus profondément, une maturation, une conscience qui est l’objet, le fond de mon travail, de mon effort.<br />
cette pratique de conscience, progressive, cette pratique d’une connaissance se veut tout à la fois simple, continue, bienveillante… et l’écriture, outre son travail d’une pâte de langue, de son éperdu questionnement sur notre béance de parole, en est aussi l’outil.<br />
cet effort que je porte, constant, a également sans doute de plus en plus à voir avec « servir ». dans ce sens où tenter de se comprendre mieux, de nous comprendre moins mal, c’est dégager, favoriser nos potentialités d’attention, d’harmonie, de concordance avec soi, donc avec autrui… là où il est si facile d’encourager l’inverse, l’égocentrisme ou le penchant néfaste, pervers, des pulsions collectives, apeurées, d’agressivité, d’oppression, parfois historiquement concentrées en de larges groupes socialisés par la violence.<br />
c’est que nous avons cette conscience, unique probablement ou quasiment dans le règne vivant, de notre finitude… qu’elle génère la peur constitutive, l’inquiétude intrinsèque, intuitive, fondamentale, (con)substantielle à notre lucidité, notre lourde clairvoyance. <br />
et cette inquiétude, se diffusant, préside alors à beaucoup de nos pulsions de défense, de défiance, de méfiance de l’inconnu, du non maîtrisable, de l’autre… alors qu’il est, avec cette même conscience, moyen, avec quelques efforts dépassant le pulsionnel et la peur, d’en faire un usage raisonné, un allié clair et transparent, puissant, d’un calme et d’un un peu plus sage discernement.<br />
ce mûrissement c’est participer, contribuer à comprendre, à étendre, à désencombrer une écoute fine du monde, et de notre humanité dedans, en tant qu’entité globale, interdépendante, et, accessoirement, d’une existence statistiquement miraculeuse (ce que nous démontre la cosmologie).</em></p>
<p align="right"><em>in Refonder -peut-être impossible<br />
17.03.13</em></p>
</blockquote>
<p>j’écoute le silence. et cela me fait un bien fou.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 18.05.14</strong><br />
Poitiers. Paris.</p>
<p>retour de fête pour l’ouverture du bel et nouvel atelier de J.</p>
<p> </p>
<p>le creux est tout de même balaise depuis un an, et ces derniers mois… pas sûr de pouvoir remonter aussi haut qu’avant… et pourtant et pourtant…</p>
<p>heureusement, l’assise forte familiale.<br />
et il faut donc d’autant plus bosser le disque au micro de millimètre.</p>
<p>ce sont donc ces jours-ci le point le plus bas. <br />
le fond de vallée, et toute la lande devant, vaste, ondulante, inexplorée, inconnue encore…<br />
le point le plus bas. suis nu.<br />
mais…<br />
ça repartira je sais, la roue toujours tourne…<br />
et j’ai encore à dire. à dire tout doucement.</p>
<p>la traversée du désert. mais le désert est le ferment de ce qui va venir. la source nue de ce qui va poindre, ensuite, plus tard. une force simple, pauvre, dépouillée mais puissante. au premier orage la vie va revenir violente, vivace, surgissante… et le germe est là, déjà.</p>
<p>c’est comme un grand silence, triste, mais où aussi se recentrer sur les profonds fondamentaux.<br />
de ce désert, de ce silence, je peux en faire un atout considérable, et c’est ce que, déjà, je, lentement, mûris.</p>
<p>pour l’instant se taire, écouter.<br />
méditer. <br />
et faire. doucement. tout doucement.</p>
<p>la respiration est claire.<br />
le plateau nu, la feuille vierge, devant.<br />
et c’est comme un silence…</p>
<p>de ce silence, lentement, lentement, sourdement, chanter…</p>
<p>bousculé, dépouillé, mais au-dedans, en-deçà, en profond, comme un calme, une confiance, quelque chose qui déjà, lentement, si lentement, naît.<br />
l’infime vibration est là.</p>
<p> </p>
<p>ce que c’est (que) de vivre.</p>
<p> </p>
<p>rire…</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 19.05.14</strong><br />
Paris.<br />
grand beau avant le très mauvais nous annonce-t-on…</p>
<p>disque : 7 morceaux écrits sur 10 prévus.<br />
ce murmure c’est l’un des cœurs de tout ce que je fais aujourd’hui. là où je trouve ma voix, suis au creux de moi, doucement, touche les choses, lentement.<br />
c’est une toute petite chose encore, qui murmure.<br />
et qui me sauve.</p>
<p> </p>
<p><em>les choses passent</em><br />
<em>toutes choses</em></p>
<p><em>et on se demande</em><br />
<em>si laisser couler ainsi…</em></p>
<p><em>mais ça ne sert à rien</em><br />
<em>de se demander</em><br />
<em>puisque</em><br />
<em>les choses</em><br />
<em>tout de même couleront</em><br />
<em>ainsi.</em></p>
<p> </p>
<p>comment l’on peut se consumer de désirs inaboutissables…</p>
<p>la parole claire<br />
et faire/sortir des petits poèmes simples, voire simplement drôles.</p>
<p> </p>
<p>il n’est pas sûr que le rire sans à propos puisse être.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 20.05.14</strong><br />
Paris.<br />
jour gris, ciel très plombé.</p>
<p>Etant donné que nous n'avons a priori que peu de marge pour un développement physiologique, dont un gain de volume cérébral, de notre type humain, et que nous avons guère changé dans les grands caractères fondamentaux depuis bien longtemps (station verticale acquise et qui n'a que peu de raison de changer dans un avenir proche, libération de la main par cette station et par le langage, libération et accroissement du volume du cerveau, outil, langage… cf Leroi-Gourhan), probablement est-ce pour cette raison-même que nous nous dirigeons actuellement vers des prolongements <em>extérieurs</em> de notre intelligence : outils de confection, de calcul, de prévision, d'intelligence artificielle si ce n'est de pensée, réalité augmentée... outils extérieurs donc qui nous permettraient d’<em>augmenter</em> nos capacités <em>internes</em> désormais peut-être limitées. ce serait donc dans un prolongement artificiel de notre corps que la suite, l'évolution, la trajectoire de notre espèce se jouerait. espèce capable de se projeter, nous ne le savons depuis longtemps, mais désormais sommes-nous peut-être dans une nouvelle forme de cette projection, concrètement prolongée par des objets qui ne seraient pas simples outils mais outils dotés de capacités de se modifier, d’évoluer pour nous-mêmes, voire par eux-mêmes.<br />
peut-être alors, plus tard, beaucoup plus tard, ces objets travaillant pour nous, sans nous, serons-nous amenés vers une forme physiologique produisant exclusivement de la pensée, et aux membres et parties motrices atrophiées en conséquence…</p>
<p>si l'on parle de « sentir, ressentir » c'est bien que la zone régulatrice d'une grande partie des émotions, la zone affective dirons-nous, est celle qui ancestralement gérait les données olfactives chez les vertébrés inférieurs (rhinencéphale dans le cortex pré-frontal).</p>
<p> </p>
<p><strong>je 22 et ve 23.05.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>élagage. abattage d’un robinier par démontage. 1,5 tonne de bois tombé (après les 2 tonnes du précédent chantier), en rétention : chaque section coupée étant retenue par un système de cordes pour dépose au sol. puis évacuation du bois.</p>
<p>au soir, puissante et douce fatigue physique.<br /><br /><br /><br /></p>
<p> </p> libre (?)urn:md5:4dca9411a3620a13ddc6ac09940f801c2014-05-10T23:31:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />
sa 26.04.14</strong><br />
Paris.<br />
seul.</p>
<p>je viens donc de connaître ces derniers jours deux changements majeurs de vie comme l'on n’en connaît généralement guère plus d'une dizaine dans une existence…<br />
le plus remarquable est peut-être que je prenne cela calmement. et que je me sente soulagé, alors même que les lendemains n’ont aucun traits définis.<br />
lorsque tout change ainsi, l’équation de l’avenir devient complexe et à multiples inconnues… et je m’y attelle.<br />
il est à voir aussi le niveau de risque que l’on peut prendre, que l’on veut prendre.</p>
<p>une fine pluie froide sur les feuilles sonne dans le silence de la maison.</p>
<p>la distance dans la version imprimée du journal, par rapport à celle beaucoup plus immédiate publiée sur le site, permet d'y porter, d'y laisser des événements qui alors, avec cette distance, deviennent moins intimes que s'ils étaient publiés « en direct » sur le site. d'ailleurs ces événements-là je ne les porte pas sur la toile, le blog.</p>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>di 27.04.14</strong><br />
Paris.<br />
longue médiation dans le bain de soleil timide.<br />
seul.</p>
<p>il y a donc de grands cycles de vie, ascension-récession, sans doute est-ce le propre du vivant…<br />
le propos n’est donc pas de les éviter, mais de les vivre au mieux, posément, sereinement…</p>
<p>jardinage, j’enlève des oignons, sème d’autres fleurs. je suis rattrapé par la pluie. comme elle s’intensifie, après avoir insisté un peu, je la laisse finalement passer, et y reviens plus tard, travailler la terre trempée, grasse, qui colle aux mains, aux pieds…</p>
<blockquote><p><em>Donner de la valeur à celui qu’on est, tel qu’on est, quel qu’il soit.</em></p>
<p align="right"><em>Paul Valéry, Tel quel, Cahier B 1910 <br />
(folio essais, p. 188)</em></p>
</blockquote>
<p>aujourd’hui ai fait ce que je voulais faire. et c’est une grande paix.<br />
où est passé l’angoisse du dernier mois ?</p>
<p>je ne sais encore bien où je vais, mais quelques lignes se dessinent, et j’irai là.</p>
<blockquote><p><em>Je ne crois pas à la valeur des existences séparées. Aucun de nous n’est complet en lui seul.</em></p>
<p align="right"><em>Virginia Woolf - Bernard, dans Les Vagues</em></p>
</blockquote>
<p><strong> </strong></p>
<p><strong>lu 28.04.14</strong><br />
Paris.<br />
grand frais : le thermomètre affiche 10 degrés.<br />
seul.</p>
<p>boulot. fastidieux.</p>
<p>réinventer un autre fonctionnement ? non faire évoluer.</p>
<p>respirer / expirer.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 29.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>en ce moment je prend cool, ou je prends pas.<br />
cette période trouble, de remaniement très profond, peut aussi être l’occasion de continuer à fonctionner autrement, mieux, plus posément. de poursuivre cette voie, centrale, de respiration.</p>
<p>passage du <em>cap Horn</em>, ou plutôt celui de <em>Bonne espérance</em>, dit l’ami.</p>
<p>on peut parler d'autre chose que de soi, mais on ne peut parler autrement que par soi.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 30.04.14</strong><br />
Paris.<br />
le temps frais.</p>
<p> </p>
<p><strong>je 01.05.14</strong><br />
Paris.<br />
je me lève tard. méditation devant la pluie qui s’abat furieuse, sature en quelques minutes le jardin, les rigoles, inonde…</p>
<p>depuis plusieurs semaines je suis attelé au projet de disque. j’écris, travaille le 4ème morceau, avec la musique, <em>sur</em> la musique. comme je ne sais composer, j’ai dû trouver des astuces, et je me sers de sources sonores issues de ma discothèque (lignes mélodiques, harmonies, timbres, rythmes, tempos qui m’intéressent), qui serviront aussi d’indications aux musiciens pour construire en s’inspirant de ces « illustrations ». je crois que c’est vraiment l’une des première fois que j’écris concomitamment à la musique, et non en amont.</p>
<p>de la périodicité du vivant, de ces grands cycles, boucles :</p>
<ul>
<li>les séquences de journée tout d’abord (diurne/nocturne)</li>
<li>les séquences de 2 à 3 jours : très souvent les journées se ressemblent, par paires souvent (chez moi en tout cas)</li>
<li>les séquences de 10 jours (grosso merdo) auquel j’ai soumis ce journal et le publie en ligne, sans en savoir bien la raison qui, au-delà du format, de la longueur encore lisible sur le web, du rythme impulsé, doit avoir une autre cause que je suppute mais ne connais pas pleinement</li>
<li>les séquences saisonnières, plus facilement compréhensibles</li>
<li>enfin, les séquences, les cycles, pour moi très marqués de 6 à 7 ans (et qui, pour ce qui est du journal tenu depuis 25 ans, se manifestent, souvent inconsciemment d’ailleurs, par le chapitrage en gros titres)</li>
</ul>
<p>une fois ce constat fait. qu’est-ce que ça dit ça, ces périodicités ?</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 03.05.14</strong><br />
Paris.<br />
méditation baigné par le soleil, dans le fraîcheur restante des pluies des jours précédents.</p>
<p>je peux aller évidemment plus loin, plus fort, plus précis, avec plus d’acuité dans ce journal. mais pour mener une pensée continûment il faut comme le temps d’avoir le temps.</p>
<p> </p>
<p><strong>di 04.05.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>écriture. <br />
et pose ces derniers jours des nouveaux axes de boulot, nouvelle organisation de vie.</p>
<blockquote><p><em>Un écrivain est profond lorsque son discours une fois traduit du langage en pensée non équivoque, m’oblige à une réflexion de durée utile sensible.<br />
Mais la condition soulignée est essentielle. Un habile fabricateur, comme il y en a beaucoup — et même un homme habitué à faire profond — peut toujours simuler la profondeur par un arrangement et une incohérence de mots qui donne le change. On croit réfléchir au sens, tandis qu’on se borne à le chercher. Il vous fait restituer bien plus que ce qu’il a donnée. Il fait prendre un certain égarement qu’il communique, pour la difficulté de le suivre.<br />
La plus véritable profondeur est limpide.</em></p>
<p align="right"><em>Paul Valéry, Tel quel, Cahier B 1910 <br />
(folio essais, p. 200)</em></p>
</blockquote>
<p>et cette citation tombe à point nommé, alors que je souhaite revenir à ce souci, ce thème de la parole claire. <br />
et creuser, étendre, réaliser mieux.<br />
il m’a toujours semblé que la réelle acuité pouvait s’accompagner de la concision et de la clarté de l'expression… et que quand bien même elle procédait d’une grande complexité, elle pouvait au final, après travail, « l’horrible travail » presque toujours, prendre une forme et limpide et simple, sembler toucher à l’évidence et en prendre les traits. de cette simplicité, sobriété, netteté qui baignent certains textes, certains propos et qui sont le signe non d’une naïveté mais d’une sûre, posée, sobre et dépouillée profondeur.<br />
ce que l’ancienne langue nommait <em>perspicuité</em>.<br />
et si les qualités de transparence, comme de légèreté ou d’évidence, ont toujours eu ce double sens : celui de la bêtise, de la vacuité, comme celui de la pertinence, de la lucidité, de la clairvoyance, ce sont bien pourtant elles, ces qualités, qui à mon sens donnent à une œuvre, une pensée, son <em>poids</em>. <br />
évidemment avant de parler clairement, il s’agit de voir clairement, et la tâche est infinissable.</p>
<p>je ne connaissais pas cette expression américaine, qui me plaît infiniment, et est pour moi pleine d’actualité : « <em>today is the first day of the rest of my life</em> ».</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 05.05.14</strong><br />
Paris.<br />
beau. chaud.</p>
<p>levé tôt. grosse journée de travail. après plus d’une semaine entièrement décalé, à se coucher à 3 ou 4 du mat, se lever à 12 ou 13h, je suis enfin recalé…</p>
<p>demain, à nouveau se lever tôt, et avant toute chose passer du temps sur le journal, le disque… ensuite entamer la journée de travail trivial et continuer de préparer la nouvelle vie professionnelle, maintenant que les axes sont pensés, posés.</p>
<p> </p>
<p>dire l’humain, la conscience, ce qui fait nos universaux mais aussi nos formes et systèmes individuels de représentations personnelles. la façon dont notre vision, notre pensée, comme nos cerveaux, sont le produit individué, singulier de notre culture individuelle.</p>
<p>je ne prétends nullement à être philosophe, mais cette phrase de Bernard Feltz, professeur de philosophie à l’université de Louvain, m’interpelle. il pose « <em>qu’un être libre est un poseur de significations </em>»… et, en conséquence, quelqu’un qui articule son comportement selon les significations qu’il attribue au monde, au sien donc.<br />
car il y a plusieurs mondes possibles, plusieurs images et représentations possibles du monde possible, construits selon les significations que chacun lui octroie, que chacun donne et trouve à son existence. et réciproquement, selon les modes où chacun articule et adapte son existence à ce système de significations tel qu’il le pose.<br />
et ce <em>chacun</em> dit l’autre, par définition. cet autre qui est l’un des constituants majeurs sans doute de ce système de représentation.</p>
<p>et si l’on est responsable de ce que l’on <em>fait</em> (et l’on considère que l’homme l’est, le plus souvent et dans la plupart des cultures), à défaut de la responsabilité pleine, entière de ce que l’on <em>est</em>, cela signifie que l’on pourrait faire autrement, et que par là nous sommes libres… dans l’exacte mesure des possibilités et contingences qui nous sont intérieures comme extérieures.<br />
les méditants disent que la liberté c’est être affranchi de ses émotions… et cela est sans doute vrai, et constitue vraisemblablement l’une de nos contingences majeures. l’on s’éloigne alors ici d’une conception de la liberté de l’acte, pour une conception de la liberté de l’être. nous aurions donc responsabilité, ce qui ne veut pas dire devoir, nous aurions donc charge de ce que nous sommes… il y aurait donc possibilité, pouvoir de modeler, de se modeler. donc de modeler ce qui apparaît comme monde dans notre perception individuelle. en se modelant de changer donc notre vision, notre préhension, notre aperception des choses, et donc en grande partie l’effet qu’elles produisent sur nous.</p>
<p><em> </em></p>
<p>comme disait Mozart de la musique : la poésie est entre les mots.<br />
un discours sans blanc, sans « trou », serait d’ailleurs incompréhensible.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 06.05.14</strong><br />
Paris.<br />
temps clair, température douce.<br />
seul toujours à la maison.</p>
<p>longue méditation.<br />
boulot.<br />
puis je vais au parc, courir. et ensuite je m'allonge dans l'herbe pieds nus et je regarde juste les nuages, et les oiseaux voler, sans rien faire, sans rien dire…</p>
<p>vie familiale ok, vie artistique ok, et ce sont des chances... que vie professionnelle à réorganiser entièrement... rien de grave je pense, juste rester à bosser à la maison, et seul, porter charge ainsi, depuis des années, me pèse.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 07.05.14</strong><br />
Paris.<br />
temps clair, température douce, à nouveau.</p>
<p>boulot, dur de s’y coller, de donner la grosse dose nécessaire aujourd’hui.</p>
<blockquote><p><em><strong>Les radis ne se posent pas des questions de petit pois </strong></em></p>
<p><em>Le jour<br />
est tellement plus large<br />
que nos épaules</em></p>
<p><em>certains matins<br />
on ne sait pas quoi faire<br />
de vivre</em></p>
<p><em>ça tombe bien<br />
Savoir<br />
n'y changerait rien</em></p>
<p align="right"><em>Thomas Vinau</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>je 08.05.14</strong><br />
Paris.<br />
grand frais, pluie, pas de lumière.</p>
<p>une des pistes principales de travail, pour transférer ma société de grimpe, ne donnera donc pas de résultat… peut-être n’est-ce pas sans hasard, que c’est bien ailleurs qu’il faut que je cherche ?<br />
selon les axes que j’ai définis, il me faut donc rassembler toutes mes recherches et activités et énergie dans le domaine artistique (prod/prog/comm).</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 09.05.14</strong><br />
Paris.<br />
grand beau.</p>
<p>bossé jusqu’à 3 h du mat. au matin je suis épuisé et ça fuse dans tous les sens. tout est à faire en même temps. <br />
savoir rester calme, je l’ai nettement appris depuis quelques temps, mais il me reste encore quelques progrès à faire…</p>
<p>dans le règne de l’animal je ne sais pas si l’homme est au sommet de l’intelligence. si l’intelligence signifie sagesse alors j’en doute parfois, par contre il est très certainement au sommet de l’inventivité, dans le vice tout particulièrement.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 10.05.14</strong><br />
Paris.<br />
grand frais, pluie, pas de lumière.<br />
</p> renouvellementurn:md5:a935221c7ce73f618ddfde353a0fecda2014-04-27T17:12:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />je 17.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>fini le récit de la Russie… <br />
la redescente est finie elle aussi, elle a été délicate… en proportion de l’ascension.</p>
<p>j’ai 44 ans demain.</p>
<p>très petit moral.</p>
<blockquote><p><em>Le contenu de ces images, qui se dégageait, de façon tout involontaire de la contemplation et du travail, nous enseigne qu’un avenir a commencé au cœur de notre temps ; que l’homme n’est plus l’être sociable qui se meut en équilibre parmi ses semblables, ni celui autour duquel gravitent le soir et le matin, le proche et le lointain. Qu’il est posé parmi les choses comme une chose, infiniment seul et que toute communauté s’est retirée des choses et des hommes, dans la profondeur commune où puisent les racines de tout ce qui croît.</em></p>
<p align="right"><em>Rilke, cité par Jérémy Liron <br />
in La mer en contrebas tape contre la digue (p.47)</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>sa 19.04.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel clair, beau, température relativement fraîche.<br />
revenir à ces fondamentaux.</p>
<p>c'est là que se joue, ces jours-ci, une bascule financio-professionnelle d'importance… avec boîte escalade, si elle va marcher ou pas cette année, et avec résidence et financement projets artistiques… sinon il me faudra tout simplement envisager un autre boulot, un autre métier, un autre fonctionnement. c'est possible, mais pas ce que je souhaite pour l'instant.<br />
et peut-être est-ce aussi l’une des raisons de l’angoisse de ces derniers jours ?<br />
cette souffrance j’ai appris à agir dessus par la méditation, mon comportement, mais au-delà, à certains moments, sans cause extérieure, je me heurte à un mur, comme chimique, sur lequel je ne peux plus agir, et sur lequel il n’y a que les médicaments qui opèrent.<br />
et alors, si je sais ce qui se passe (de façon maintenant réellement très précise) quant au terrain qui favorise et amène ça, et quant aux conséquences, si j’ai une bien meilleure connaissance de moi-même, parfois je ne sais pas pourquoi ça se passe. je ne comprend pas les causes en amont : en bref je connais le terrain favorable à la pousse de cette graine noire, mais pas la graine.<br />
et j’en ai marre, profondément, je veux comprendre maintenant.</p>
<p>je suis la pensée, la créativité comme paralysées ces quelques jours…. là il me semble que progressivement, lentement cela s’ouvre à nouveau, un peu… peut-être, pas encore sûr.</p>
<blockquote><p><em>L'humanité n'est pas encore assez éduquée pour qu'un homme puisse livrer toute sa pensée.<br />
Tout la pensée, dans sa profondeur et dans sa légèreté. Les deux choquent.<br />
Peu d'hommes, même, consentent à leur pensée réelle. Ils la subissent, font semblant de ne pas en voir la crudité, la vanité, l'irrégularité.<br />
On ne retient que ce qui sert, ou qui excite.</em></p>
<p align="right"><em>Paul Valéry, Cahier 96 « S »<br />
(BNF - Cahiers originaux. CCLXXXIV-CCCVIII <br />
Série siglée de « A » à « Z ». CCCII)</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>di 20.04.14</strong><br />
Paris.<br />
les tulipes sont passées. le jardin est vert. toutes les plantes rejettent.</p>
<p>reprendre peu à peu, pas à pas.</p>
<p>l'anxiété est un voile qui paralyse toutes choses, les englue dans une mélasse : pensées, actions, élans, et affections dans leur légèreté...<br />
l'anxiété est une glace qui prend tout.<br />
et je ne puis rien faire d’un tant soit peu valable… je ne peux même pas parvenir à exprimer cette angoisse dans une perspective plus générale et de saisie et de compréhension de ce qu’elle signifie pour tout homme, comme exemple de certaines heures de sa condition. bref, pourquoi insister ?</p>
<p>je suis comme un chat qui a mal, je me planque.</p>
<p>je me réfugie dans la lecture : Leroi-Gourhan, Valéry, Juarroz, Woolf un peu…<br />
et je suis obligé de me médicamenter… au moins y a-t-il cela car pendant des années je n’ai pas eu ce recours, et cela m’aide grandement lorsque j’arrive au point de ne plus pouvoir faire face seul.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 22.04.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel blanc. il pleuvine très légèrement.</p>
<p>comme à chaque fois : l’année de crise puis, l’année suivante, encore fragile, de reconstruction.</p>
<p>balade aux puces de St-Ouen, le dédale, immense cabinet de curiosités, endroit que j’aime…</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 22.04.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel blanc. giboulées.</p>
<p>reprendre peu à peu le rythme de calme.</p>
<p>je me fourvoie en voulant ainsi continuer à n'avoir qu'écrire à faire. il ne s'agit pas d'augmenter, densifier le volume (de travail, de recherche, de creusement) mais de (se) libérer.</p>
<p>… </p>
<p>et puis quelques heures après, la nouvelle tombe, tranchante :<br />
projet résidence et financement (8 mois de préparation, 4 d'attente) : réponse négative.<br />
voilà depuis bientôt 2 ans donc que je suis sans financement artistique conséquent, de plus la boîte d’escalade marche mal… et la solution pour les mois à venir n’est donc pas venue.<br />
il faut donc prendre des décisions, mais dans le calme, posément.</p>
<p>curieux comme alors, rétrospectivement l’on relit les signes avant-coureurs, qui ne pouvaient avoir de lisibilité avant : par exemple ce besoin, tout juste quelques heures avant, même s’il était déjà ancré bien plus en amont, non pas de creuser mais de se libérer… il était donc bien le signe, criant peut-être, mais criant une fois seulement que des événements sont alors survenus pour le faire crier, d’un besoin ressenti et nécessaire de passer à un nouveau mode tant du point de vue de l’activité que du financier…<br />
tous ces signes que l’on accumule, particulièrement en écrivant, consciemment mais en partie seulement et qui n’ont, ne peuvent avoir de compréhensibilité, d’intelligibilité, de clarté qu’une fois qu’une situation s’est pleinement développée, a pleinement éclos. c’est tout à fait comme si l’on avait l’alphabet, les mots, les signifiants, qu’on les avait couchés, mais qu’alors la syntaxe, ou plus précisément le signifié n’avaient pu alors surgir, se dégager.</p>
<p>je sors d’une petit enfer de quelques semaines.</p>
<p>là soit je m’enfonce dans une période de merde, soit lentement, posément je construis autre chose. je sais faire. mais dans le calme ce coup-ci.</p>
<p>faire le disque quand même.</p>
<p>repartir à nu, je connais déjà ça… mais ça n’est ni un drame ni un échec… juste une évolution.<br />
et puis j’ai une base solide : S, mes filles… et les savoir-faire que j’ai en main.</p>
<p>ce matin travailler quand même, se forcer à… continuer… cela est étrange.</p>
<p>construire pour aller vers du mieux, lorsque quelque chose est épuisé… c’est presque une chance en définitive.</p>
<p>en fait je suis comme soulagé, libre. trop longtemps que je tenais à bout de bras des trucs usés (…) le prix de la liberté est parfois cher.</p>
<p>tout ce qui se joue dans les premiers instants est important : comment l’on aborde l’événement, dès son immédiate survenue, est l’ébauche de la façon dont on abordera la chose ensuite…<br />
je ne sur-réagis pas, et c’est bon signe.</p>
<p>quelque chose était épuisé, que je n’ai pas réussi à revivifier, mais ce n’est pas un échec, c’est normal, ce sont les grands cycles de vie. maintenant cela va remonter.</p>
<p>je suis presque comme soulagé d’un poids énorme. je ne sais pas comment vont se passer, comment je vais vivre les semaines à venir, mais je vais vers du nouveau…<br />
je tenais quelque chose qui n’était plus tenable.<br />
c’est comme un silence de fond soudain… et j’espère que ce sera celui d’un calme, d’une création nouvelle, d’une libération.</p>
<p>et c'est alors que l'on comprend véritablement tout le poids que l'on portait… </p>
<p>je peux me libérer aussi du système contraignant, quasi aliénant parfois, si aléatoire du système résidentielle et de financement qui est celui de ces artistes particuliers, sans statut, que sont les écrivains.</p>
<p>je suis libre. <br />
en définitive, j’ai ce grand champ devant moi, à moi d’en faire quelque chose d’intelligent, pertinent, percutant, tout en me donnant le rythme qui me convienne.</p>
<blockquote><p><em>et je retrouve ces notes du je 12.12.13 :<br />
désormais l'avancée profonde ne se fera plus par l'avidité, l'accumulation, la faim, la quête sans cesse. mais bien plus dans le désamorçage progressif de ce speed, dans l'abandon de la frénésie, dans la réduction. <br />
le bagage est déjà plein de savoirs, d’expériences par accumulation, il s’agit de connaître ceux par dépouillement.<br />
cela va ouvrir toute grande une place énorme... dégager un espace, une respiration à ce qui était lieu engoncé. <br />
il ne s’agit pas de lutter contre soi (vain), mais de comprendre, de voir, et depuis là de ne pas alimenter la souffrance (elle n’est pas énorme, elle est là, au minimum comme chez tout un chacun, ontologique, constitutive du vivant ), et d’apaiser.</em></p>
<p align="right"><em>in Refonder - grand temps</em></p>
</blockquote>
<p>ce changement n'est pas seulement un changement professionnel, en faire aussi l'occasion d'un changement de fonctionnement intime, plus calme, plus posé, sans enfermement par soi-même...</p>
<p>construire autre chose, cela peut-être captivant, renouvelant… </p>
<p>et il n’est probablement pas sans hasard que ce soit aujourd’hui, en ce jour d’effondrement d’un fonctionnement, celui où j’avais cru pouvoir vivre encore quelques temps de mon écriture, de ma poésie, de ma prose, que je me prenne à nouveau comme sujet après mes doutes profonds quant à ce journal en fin du mois précédent. car si « <em>c'est moy que je peins</em> (…) <em>que je suis moy−mesme la matière de mon livre</em> » comme disait l’autre, c’est d’abord l’homme que je tente de dépeindre. et pour cela il faut se croire, se voir non comme un exemple mais comme un exemplaire, simple, commun, faillible, de notre humanité <em>sapiens</em>, celle d’aujourd’hui mais peut-être aussi plus largement celle de toute époque de cet animal particulier, debout, aux mains et à la bouches prééminentes, au cerveau enflé, que nous nous sommes.</p>
<p>et alors, et donc je me dépouille encore plus aujourd’hui, ici, de toute prétention… s’il n’est pas prétentieux de dire cela. <br />
et j’ai la prétention là pour le coup de croire que cela ne sera pas néfaste pour ce que je tente de faire, de dire, de laisser, de tracer…</p>
<p>et il n’est aussi sans doute pas sans hasard alors non plus que j’ouvre ces jours-ci un nouveau chapitre à ce journal, que j’en ressente le besoin, besoin qui était tout d’abord latent depuis quelques semaines, à peine conscient de sa signification, de celle qu’il allait prendre sous l’éclairage des faits à venir…</p>
<p>et quant à continuer, la question ne se pose même pas.<br />
écrire n'est pas quelque chose que l'on fait mais quelque chose que l'on est.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 23.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>et voilà maintenant que j’apprends une autre nouvelle, d’importance, intime…<br />
quelle est cette statistique qui préside, et veut que les grands événements arrivent rarement seuls ? </p>
<p>quand en moins de 48 h une très grande partie de votre vie professionnelle et familiale change…<br />
ces cycles (bas-crise-usure puis renouveau-remontée) ne sont-ce que des cycles personnels, intimes, ou bien généraux, communs… voire universels ? cycles du vivant ?</p>
<p>l’occasion aussi de commencer à fonctionner autrement, mieux, plus posément.<br />
et comprendre pourquoi ça bouchait avant.</p>
<p>trouver nouvelle articulation : famille – boulot - écriture.</p>
<p>en l’espace de deux matinées j'aurais donc appris le meilleur et le pire, quoique il y ait évidemment pire.</p>
<p>en fin de journée, atterrir peu à peu, les pieds reviennent un peu sur terre…</p>
<p>soirée café <em>chez Karol</em>… revoir les potes du quartier… discuter, boire, rigoler, dire quelques conneries, dehors…</p>
<p>« <em>today is the first day of the rest of my life.</em> »</p>
<p> </p>
<p><strong>je 24.04.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel blanc lumière.</p>
<p>les changements sont d’importances, profonds, mais je peux enfin à nouveau construire…<br />
et cela je le mènerai de façon à la fois beaucoup plus posée et beaucoup plus puissante que lorsque j’étais plus jeune. c’est-à-dire qu’il y a un certain calme, une certaine assise que je peux encore apprendre à vivre qui sera une force supplémentaire.</p>
<p>éditeurs<br />
disque<br />
world poetry tour </p>
<p>seul donc pour 2 semaines à la maison.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 25.04.14</strong><br />
Paris. Rambouillet.<br />
pluie très soutenue.</p>
<p>on part en grimpe d’arbres. on tente le coup quand même, espérant une amélioration en journée.<br />
on passe finalement, en partie, à travers la pluie…</p>
<p>les réussites ou les échecs de la recherche, de l’aspiration profonde, du rêve que l’on se sent de mener sont pour moi pleinement séparés des réussites ou des échecs des financements accordés pour cela.<br />
et il est heureux que cela soir clair en soi.</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p>
<p> </p> l'immense profondeur russeurn:md5:c93d625e5001196083b11f29c4889d7c2014-04-17T13:51:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br /><img title="IMG_3875_copie.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3875_copie.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3875_copie_m.jpg" /><br /><br />je 03.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>tenir ainsi un journal chaque jour était intenable.<br />
j’ai voulu lutter contre le temps, l’oubli.<br />
j’ai voulu tenir prise. contre le sable.</p>
<p>avec<br />
traces.<br />
peut-être est-ce vain<br />
m’y suis-je enfermé<br />
mais il y a ce « avec »<br />
et notre tentative d’insoumission au temps…</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 04.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>le courage est toujours une insoumission. une insoumission à ce qui peut faire obstacle, à la peur générée par cet obstacle, à la peur comme obstacle en elle-même. avoir peur et faire tout de même…</p>
<p> </p>
<p><strong>di 06.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>lecture-concert hier au centre culturel de Collégien. la très bonne tenue des différentes voix qui se sont succédé et la rare cohérence ce soir-là dans cette diversité : celles de Azam, Boute, Dubost, et la nôtre je crois avec Eric et Dan…</p>
<p>je retrouve cela :</p>
<blockquote><p><em>La poésie est l'expression par le langage humain, ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence ; elle doue ainsi d'authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle.</em></p>
<p align="right"><em>Mallarmé</em></p>
</blockquote>
<p>rare définition qui me semble un tant soit peu valable… et pourtant la définition de la poésie ne peut qu'être floue, fluctuante étant donné que c'est justement sur ce qui dit, définit, appelle, qu'elle agit, travaille, modèle, presse : le langage.</p>
<p>je bosse sur le disque, la conduite texte-voix-zique, leur articulation.</p>
<p>sacs faits pour la Russie.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 07.04.14</strong><br />
Paris. Москва.</p>
<p>départ Russie, de nuit : plein Est, là où le soleil se lève avant.<br />
avant ici. avant où je vis.<br />
aéroport. le jour pointe au moment du décollage.</p>
<p>voyager, par mon écriture. voilà plusieurs années que cela m’est permis. je ne crois pas que enfant, pré-ado, alors même que je me savais en partie déjà pris, travaillé par l’écrit, j’aurais pu imaginer cela : traverser parfois un bon bout de l’arc terrestre (Québec, Hongrie, Russie, par exemple…) parce que ces petites écritures, ou voix, ont interpellé quelqu’un là-bas…</p>
<p><img title="IMG_3742.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3742.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3742_m.jpg" /> </p>
<p>devant le Ritz Carlton de Moscou, en amont de la place Rouge, avec mon chauffeur qui ne parle ni anglais ni français, et je ne parle pas russe, dans des bouchons monstrueux… nous ne sommes pas très bavards…</p>
<p>Москва aux mille bulbes de couleur et à la boue grise de neige.</p>
<p>arrivée à l’hôtel… à manger ma première soupe russe, le restau dans les sous-sols de la résidence, désert, je suis seul, il est 15 h heure locale, je mange, avec de la zique, de la variétoche locale daubée : « Macha, Sacha… » chante le refrain…</p>
<p>à chaque hall de maison publique, d’institution, d’entrée de bâtiment, à chaque accueil, pied d’escalator de métro, des personnes seules gardent, et s’ennuient, dans des guérites ou de petits bureaux… nous avons également une gardienne dans le couloir de notre résidence, et cela 24h/24 alors même que nous ne sommes que trois à dormir dans cette aile… elles remplissent parfois d’hypothétiques registres qui, vue l’apparente inactivité et le non-sens de leur présence ici, doivent tenir par conséquence, par défaut de raison supérieure, une importance centrale.<br />
je n’arrive à lire, déchiffrer, imaginer là que deux explications : ce serait le reste, le fruit d’une société de la surveillance, et l’héritage d’une société qui fut celle d’un plein-emploi créé avec ses milliers de « petits métiers » qui semblent désormais si obsolètes pour un occidental.</p>
<p>la terre noire, les rares restes de neige, la bibliothèque Tourgueniev au style d’un certain pompeux issu d’un empire certain, où nous intervenons avec Vincent Tholomé et trois autres poètes russes.<br />
la belle rencontre avec M., qui nous a invité ici et organisé la tournée en prenant ce risque assumé, ferme, d’inviter des poètes pour la première fois, étrangers et ne parlant pas la langue qui plus est…</p>
<p>soirée au restaurant avec M. et K. notre traductrice, dans un ancien appartement collectif, vin blanc… puis nuit de discussion à la vodka piment-miel avec Vincent dans ma chambre.</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 08.04.14</strong><br />
Москва.<br />
le grand beau. 5°C.</p>
<p>grande marche avec Vincent, cathédrale du Christ-Sauveur où les signes, les gestes de dévotion sont nombreux, Kremlin, magasin ГУМ (GUM), cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux et place rouge donc… la balade classique sans l’avoir décidée, nos pas nous y ont menés dans une après-midi pleine. toute la ville fait son nettoyage de printemps pour chasser la poussière de boue sèche, après la neige : les passants partent en courant devant les arroseuses qui ne font pas dans la dentelle.</p>
<p>les fabuleusement jolies femmes russes, aux formes parfaites, le phénotype slave sans doute, à l’élégance droite, toute en verticalité, explosivement sensuelles, quoique pour beaucoup d’entre elles elles soient ainsi quasi transformées en pur « objet » sexuel, et il y manquerait un peu de « sujet »… et cela serait peut-être le pendant symétrique d’une mâlitude qui se veut virile (dont se réclame, entre autre, celle du pouvoir) ?</p>
<p> <img title="IMG_3748.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3748.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3748_m.jpg" /></p>
<p>en fin de journée : rencontre, lectures des textes bilingues, et longue causerie fournie avec le public, à la médiathèque de l’Institut…</p>
<p>soirée inattendue dans un dancing de tango : quelques bons danseurs au premier-plan, dans des passes précises, maîtrisées, millimétrées, et un film de Keaton projeté en arrière-plan, qui est lui a contrario une salve d’échecs, de chutes, de cascades ratées, dans un contraste parfait… musique, jeux de couples, de sensualité, de distance, d’érotisme effleuré, tournoyant, retenu et pourtant criant… parfaite composition, vision indicible par le verbe, il faudrait, ici, avoir et savoir parler avec une caméra… nous sommes très exactement dans <em>le bal</em> d’Ettore Scola.</p>
<p>retour à pied dans la nuit à peine fraîche de Moscou.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 09.04.14</strong><br />
Москва. Самара (Samara). Тольятти (Togliatti).</p>
<p>dormi 2 h<br />
à 5 h<br />
je quitte Москва<br />
de nuit<br />
avant l’aube <br />
comme furtivement<br />
pour Тольятти.</p>
<p>en partant je bute, surpris, sur une forme de draps blancs : la gardienne dort dans le couloir de l’hôtel-résidence sur un petit lit déplié au pied de son bureau, sa télé est éteinte, elle ronfle légèrement… elle ne m’aura pas entendu partir.</p>
<p>taxi, route, aéroport… on passe assez vite cette fois-ci toutes les gradations de la ville, du centre vers la banlieue, c’est-à-dire aussi du léché vers la dégradation et cela est sans doute le propre de toute urbanité depuis qu’elle existe…<br />
la neige vient de partir il y a donc à peine quelques jours, c’est toujours le grand beau, l’air frais, léger, agréable, juste la poussière et la boue qui subsiste et marque toutes choses situées à moins d’un mètre cinquante du sol.<br />
la terre noire toujours sur les trottoirs défoncés, dans les interstices, les « blancs » entre les constructions (où quelques bouleaux ou pins, très abîmés, tendent leurs bras crucifiés…)… c’est cette terre-là même
, le tchernoziom, que l’on retrouve déjà dès que, depuis l’Ouest, l’on commence à s’avancer vers l’Est dans le bloc continental, parfois dès la Hongrie ou la République Tchèque… <br />
à plusieurs endroits, sur l’autoroute, des gars sont arrêtés sur les bandes d’arrêt d’urgence, et fument des clopes, à l’aube… qu’attendent-ils ?<br />
je paie le taxi sans compteur avec une liasse de gros roubles.</p>
<p>attente aéroport. je n’ai pu faire que des nuits de 2 à 5 heures depuis dimanche, je suis fatigué mais léger, dans le flux, la trajectoire, la vitesse du voyage. je saisis les notes éparses de ce journal, prises tout d’abord dans mon carnet, devant le ballet des avions, des véhicules orange, jaune fluo, des camion-pompes de kérozène, la chorégraphie du tarmac auquel on pourrait donner le nom de plateau, comme au théâtre…<br />
j’embarque avec l’Аэрофлот (Aeroflot). sur le logo subsiste faucille et marteau.</p>
<p>et puis 1 100 km plus loin, plus au sud, la Volga surgit soudain en partie gelée. elle approche, ici, les 15 km de large.</p>
<p>commence alors l’autoroute défoncée, la poussière… le vertigineux défilement de ce que je n’avais jamais vu… et c’est 1 heure et 30 minutes d’ornières et de nids de poules où il faut avoir quelque expérience de ce bitume torturé, éclaté par le froid, le chaud, à peine rustiné par l’entretien rudimentaire.<br />
et l’on file et raie l’espace des forêts, du pays plat, de la terre noire, encore, encore, encore…<br />
et l’arrivée…</p>
<p>Togliatti Togliatti…<br />
poème de la poussière.</p>
<p> <img title="IMG_3876.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3876.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3876_m.jpg" /></p>
<p>je continue de me prendre dans la tronche toute l'immense vague de la continentalité russe, terrienne, et p… c’est bon, c’est dingue.<br />
c’est de cette profondeur que doit être générée, engendrée ce que l’on appelle son « âme ». née, conséquence, effloraison de cette terre sans fin, sans fond, noire.<br />
la ville couverte de boue de neige, les usines, les steppes, c'est du Enki Bilal dans les grandes largeurs. ça ressemble plus à des vacances au « Stalker club » qu’au « Club Med », et j’aime ça.<br />
Togliatti toute plate, et ses trois districts, n’a pas de centre… c’est une étendue, juste une étendue de béton, de bitume et de terre… elle a longtemps été la plus grande usine automobile du monde (AvtoVaz - Lada) avec ses 160 000 ouvriers. d’un village de 6 000 habitants, submergé par le barrage dans les années 50, elle est passée à une ville de 800 000 âmes.<br />
« un désert vivant » dira ma fille en découvrant les photos.<br />
les cheminées crachant noires, les usines noires, et cette terre toujours, sur les trottoirs, c’est tout un monde, presque une icône, post industriel, post soviétique, qui semble surnager. <br />
sieste éclair… puis musée en plein air de l’armée, le musée de la grande faucheuse : hélicos hors mesures, chars, migs, missiles, sous-marins nucléaires… toute la fabuleuse ingéniosité malheureuse, monstrueuse. chaque machine a sa fonction, précise, spécialisée, terrifiante, mortifère, avec cette « esthétique », ce design si particulier aux soviets.</p>
<p> <img title="IMG_3797.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3797.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3797_m.jpg" /></p>
<p>taxi, et ce sont à nouveau les avenues défoncées, géantes, les ronds-points défoncés, géants, les blocs d’immeubles immenses, gris, fatigués, géants.</p>
<p>ici le degré d’angle d’ouverture sur le monde extérieur n’a pu être large, et aujourd’hui encore il semble ne pouvoir l’être. ici la plupart n’ont presque jamais voyagé.</p>
<p>au soir, dicture à la grande bibliothèque, puis séances de questions, longuement. là encore salle pleine, public de tous âges, de toutes conditions sociales, chose que l’on ne voit que peu chez nous. </p>
<p>et quand tu causes de poésie là-bas, et qu'en plus tu viens d'ailleurs, alors, alors… tu es accueilli comme Victor Hugo ou Aznavour… <br />
on se photographie avec toi, on te demande des autographes, certaines jeunes étudiantes frémissent à ce qu’elle fantasment de votre vie d’artiste voyageant, signe essentiellement de la construction mentale que certains ont besoin de se composer… mais aussi et surtout, une attention, des échanges, des questions, des élans de sentiments poétiques d'une très grande profondeur, d'une très grande pertinence… c'est chez eux une question qui les traversent incroyablement.<br />
on me demande là encore, comme on me le demandera tout le long du voyage, qui est-ce que je lis comme russes : je parle alors le plus souvent de Akhmatova, de Tsvetaïeva, Mandelstam, et puis je mentionne également Cendrars, avec évidence pour moi, pour <em>La légende de Novgorode</em>, <em>La prose du Transsibérien</em>… </p>
<p>les jeunes, les nombreux qui sont venus écouter, questionner, rencontrer, ont soif, grande soif, immense soif (et pas de vodka)… évidemment ça n’est pas là a priori les jeunes fascinés par leur tsar actuel, omniprésent celui-là dans les tv et les journaux qui me semblent bien verrouillés, qui sont présents à ce genre de rencontre. (et s’il faut une poigne probablement pour tenir un pays de cette envergure, cette poigne n’oblige pas à la lutte menée avec férocité contre les opposants et ceux qui de manière générale ne vivent pas selon les canons majoritaires, dominants…)<br />
et puis, et puis… ce jeune homme de quelques 18 ans qui, après la lecture et l’échange, n’a pas de sous pour me prendre un livre, je lui offre… et on discute alors longuement, on fume, dehors, sur le trottoir poussiéreux, les pieds dans les restants de neige et de glace sales, ce jeune plein de cette soif démesurée, qui a lu Kerouac, qui me demande que lire, insistant pour lui noter des noms d’auteurs, comme beaucoup d’autres pendant ces 5 jours (je lui fournis une liste de cinq, six noms... avec ça, en remontant les pistes ensuite comme un indien, on peut en avoir pour une vie), il a les yeux qui brillent à l’idée de partir voyager, de ces voyages que je lui raconte avoir eu la chance de vivre… on se souhaite de bonnes choses, je m’engouffre dans un taxi, il reste là… ce jeune qui avait soif, soif… cela m’a profondément touché, bouleversé. </p>
<p>on rentre à l’hôtel, mange avec quelques français rencontrés là par hasard, précepteurs dans quelques grandes familles du coin.<br />
je fais mon sac du lendemain, me couche, tout ça résonne, résonne, résonne encore longtemps dans la nuit de Togliatti…</p>
<p> </p>
<p><strong>je 10.04.14</strong><br />
Тольятти. Самара.</p>
<p>quitter Togliatti <br />
la petite Elena que je ne reverrai jamais<br />
sans doute<br />
Elena dans sa ville<br />
son monde de naissance<br />
dont elle est si peu sortie<br />
comme la plupart ici<br />
Togliatti le poème fabuleux de la grande poussière<br />
quitter Togliatti <br />
Togliatti je t’aime et c’est inexplicable</p>
<p> <img title="IMG_3828.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3828.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3828_m.jpg" /></p>
<p>la route, l’autoroute défoncée… 2 h et les villages souvent dépouillés, ruineux, ancrés dans la terre, la poussière d’un gris sombre, les trottoirs, les rues sans goudron, les détritus de bord de route dans la boue… on file vers Samara avec le taxi sans compteur toujours, rayant les terres de forêts plates, fonçant sur le rail des ornières du bitume défoncé, crevassé, où parfois des tracteurs circulent, d’antiques camions, et que des piétons traversent en prenant des risques fous. <br />
c’est la grande route tragique <br />
des forêts sans fin<br />
des terres continentales<br />
noires<br />
quitter Togliatti <br />
Togliatti poème de l’usine<br />
et de la poussière…</p>
<p> <img title="IMG_3847.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3847.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3847_m.jpg" /></p>
<p>j’essaie dans les cahots de la route de prendre des notes, à la vitesse du défilement réel… Kerouac tu aurais kiffé !<br />
sur certains bras encore pris de la Volga, des gars pêchent sur la glace, assis emmitouflés devant leurs trous.</p>
<p>on arrive dans la banlieue sans fin de Самара. <br />
à l’академия (académie pédagogique de philologie romane) : reçu avec une grande chaleur et déférence par la sous-directrice dans un français impeccable, seulement légèrement accentué, elle porte dans son port, son attitude tout l’ancien régime, cadré, mais mêlé d’une grande gentillesse. son collègue m’accueille de même, homme à l’œil vif, rieur, d’une grande finesse. on s’installe tout d’abord autour d’une petite table, nappée, avec service en porcelaine légèrement suranné, et l’on sert du thé, du café, des petits biscuits, en prenant le temps de discuter, et dans chaque lieu ce sera le même rituel, le même décor… puis c’est la lecture, l’intervention, et l’échange avec les étudiants. ils se lèvent à l’entrée des profs, applaudissent au signal de l’enseignant, et se montrent, encore une fois, pour la plupart étonnamment pleins d’intérêt. là encore, plusieurs repartent avec des livres que je signe.<br />
puis hôtel. mails, 10 minutes de sommeil, douche, et ça repart… <br />
à l’Alliance Française : la belle équipe. long interview avec une journaliste de presse écrite, encore une fois nous abordons de véritable questions de fond, cela devient une habitude décidément ici. on parle des processus fondamentaux qui poussent à écouter, à créer, à construire… elle anticipe une bonne partie de de ce que je cherche à exprimer, de ce qui relève des grands procédés d’impression et de la nécessité ressentie, virulente, viscérale, de restitution. elle me parle à un moment de Khlebnikov, évidemment pour la recherche d’une langue travaillée, plastique, de façon à ce qu’elle soit sienne.<br />
mais je sens là aussi chez certains russes (pas tous, mais chez les jeunes de Togliatti par exemple, tout comme chez la journaliste qui s’est rendu compte à un certain âge qu’elle perpétuait l’œuvre de son père, journaliste arrêté par le régime), une sorte une déshérence, une sentimentalité, une évidente profonde mélancolie, comme chez beaucoup de peuples, peut-être, qui n’ont pas et n’ont pas eu l’ouverture, les choix désirés… d’où cette soif, qui me semble sans fin (et encore une fois ce n’est pas de celle de la vodka dont je parle, même si elle peut en être l’évidente, tragique conséquence), accompagnée de cette sorte de béance sensible, qui se manifestent à votre rencontre, quand vous, vous arrivez comme un miraculé, ayant eu la chance d’avoir parcouru un monde, un espace plus large, d’avoir voyagé, et ainsi d’être venu jusque là, parler, rencontrer, écouter… <br />
mais je comprendrai peu à peu, ensuite, en quoi cet esprit est une caractéristique propre, « locale », à ceux des territoires slaves, et non pas seulement une conséquence de la rencontre avec ce qui est de l’extérieur. </p>
<p>je pars ensuite marcher quelques instants, seul, besoin de recentrer, souffler, seul, dans le silence, dans l’air frais… <br />
Samara, Samara, ta Volga n’est plus gelée…</p>
<p> <img title="IMG_3859.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3859.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3859_m.jpg" /></p>
<p>le soir : lecture-dicture au musée Alekseï Nikolaïevitch Tolstoï (pas Léon, mais l’auteur de <em>Pierre Le Grand</em>, et d’une adaptation en 1936 de Pinocchio : <em>les aventures de Bouratino</em>), dans sa maison de vieux bois… petites pièces, parquets, tentures anciennes, photos d’époque, mobilier et objets début du siècle, la Russie des années 30 est restée là, presque immobile, sentant bon le bois ciré… <br />
alors que je suis en train de dire mes textes, un homme d’un certain âge se lève et se met soudain à crier plusieurs phrases que je ne comprends évidemment pas, le public essaie de le calmer, et j’arrive sans m’interrompre, en continuant mon texte, en le jouant autrement, à le « maîtriser », en adaptant tout d’abord mon adresse, bienveillante mais la rendant très directe, dans les yeux, me rapprochant, et posant mon ton, mon regard avec une autorité ferme, calme, sans équivoque, et il se rassoit enfin, et je continue...<br />
puis c’est l’échange avec le public, encore une fois long, passionnant, pertinent, un intérêt profond.<br />
lors des questions, le vieux bougre s'étonne encore, comme pas mal de personnes relativement âgées me semble-t-il, de l'absence de rime, et me demande également si je fais partie d'une Union des écrivains. nous sommes plusieurs à sourire.<br />
ils utilisent comme nous l’expression de « vers blanc », mais ne connaissent apparemment pas celle de « vers libre », et dans ce « libre » peut-être peut-on y lire là toutes les histoires, différentes, politiques, de nos deux pays…<br />
après la rencontre, il m’offrira son recueil de poème. c’était donc bien autre chose que se jouait dans cette tension polémique. et je trouve toujours cela assez émouvant.<br />
et puis on veut se prendre en photo avec le pouète, et ce sont les autographes, les dédicaces, les apartés touchantes toujours…<br />
et la soirée au restau avec l’équipe qui organise et un organiste français en tournée qui nous a rejoint. on picole un peu. belle soirée. ces gens me plaisent.<br />
une sortie de concert, de scène, d'une rencontre publique est toujours un moment très caractéristique, où, après la dépense, la prise de risque, l'on se sent comme porté, shooté par la charge d'adrénaline qui a été dépensée, mais aussi par celle de la concentration, de l'écoute, du partage, de l’impact affective qui ont été portés.</p>
<p>taxi. on cause politique, on cause Ukraine aussi, et la parole est libre avec ceux-là…</p>
<p>je rentre, prépare mon sac quotidien, m’écroule.</p>
<p> </p>
<p><strong>ve 11.04.14</strong><br />
Самара. Москва. Paris.</p>
<p>le retour, lentement, par paliers, par étapes, par escales…<br />
la route…<br />
les nombreux gars en panne qui s’arrêtent et attendent en plein milieu ou sur les voies de gauche, et on les évite comme l’on peut par une virevoltade du volant… <br />
et c’est la boue, la poussière encore une fois…</p>
<p> <img title="IMG_3867.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3867.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3867_m.jpg" /></p>
<p>nous parlons beaucoup avec le chauffeur de taxi, je l’avais déjà fait bosser la veille, il parle un français ressurgi de ses années d’école et est allé deux fois à Paris, il me raconte sa ville, ses bâtiments, m’explique la pêche sur glace… il me montre même les photos de ses petits-enfants, je lui montre celle de mes filles. à la fin, alors qu’il me dépose à l’un de mes derniers aéroports, je lui laisse un bon pourboire et l’on se met d’accord en riant que ce sera pour acheter un cadeau à sa princesse de petite fille, et nous nous serrons dans les bras comme de vieux copains…<br />
il y a dans les voyages cette qualité particulière des rencontres, sans doute due, au-delà des gens rencontrés, aux conditions extra-ordinaires où elles se font. c’est une qualité de l’ouverture, descellée, desserrée par le flux, le mouvement, et l’instant présent.</p>
<p>les avions, la succession des avions pris… <br />
les contrôles, passeport-visa-preuves de passages dans les différentes villes en main, les attentes devant les tarmacs…</p>
<p>et l’on décolle, on s’arrache au sol dans toute la puissance de la machine…<br />
un passager fait alors un sérieux malaise, obligeant à sortir l'oxygène et tout le bazar, l'avion fait demi-tour, revient à Samara, survole la Volga encore, évacuation, re-plein de kérosène, procédures à nouveau, et on redécolle, traverse encore 1 100 km de terres russes, de terre noire, de terre blanche… </p>
<p>je rentre doucement…<br />
j'écris dans les airs au-dessus des terres noires sans fond, sans fin, continentales, encore une fois, de la Russie sans fin, sans fond…<br />
peu à peu, lentement, je redéroule ce film fou de 5 jours.<br />
si peu de jours, mais la pénétration en profondeur a été si considérable.</p>
<p> <img title="IMG_3870.JPG, avr. 2014" alt="IMG_3870.JPG" src="http://www.fgriot.net/notes/dotclear/public/russie/.IMG_3870_m.jpg" /></p>
<p>j'atterris… sans bagages… avec le voyageur malade, le fret a pris du retard à l’escale de Moscou… mais ça doit arriver demain. </p>
<p>il sera difficile de raconter tout cela, ces 5 jours denses, intenses comme des années…<br />
7 rencontres, 9 500 km, le mot de « tournée », le rythme de tournée prend tout son sens.</p>
<p>et oui c'était passionnant, dense, riche… qui aurait cru que la poésie pouvait avoir cet écho ? intensité des rencontres, profondeur des échanges, sont fous de poésie ces gens-là… une profondeur de l'intérêt pour la littérature que l'on ne trouve pas aussi puissant, aussi vif dans tout pays… serait-ce ce que l'on appelle « l'âme russe » qui se reconnaît aussi intensément là-dedans ?<br />
sans tirer quelques généralités, verser dans quelques archétypes ou clichés concernant cette « âme russe », le simple fait qu’elle ait un nom est en soi un marqueur… et qu’elle séduise, intrigue, interroge autant un « de l’Ouest » un fait marquant. vous avez cette sentimentalité, parfois exaltée, si touchante, cette ouverture large, généreuse, ce flux d’émotions intenses, associées, mêlées, traversées, chargées, peut-être rongées, par une mélancolie, un fatalisme triste, voire parfois une rugueuse rudesse (ça ne rigole pas toujours entre eux, avec les chauffeurs de taxis par exemple). et cela seul donne à ce qu’ils sont une entité remarquable, particulière. et ce mélange est un alcool fort, une ivresse.</p>
<p>il sera donc long de raconter… dans quelques jours peut-être, dans mes poèmes, dans le journal… <br />
l'immense profondeur du continent russe…<br />
car « profondeur », dans tous ses sens, est sans doute le mot qui restera, subsistera le plus à tout ce voyage.</p>
<p>avec vivre, minute par minute…</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 12.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>je tente de former, composer tout cela, les notes, en buvant ma vodka-piment.<br />
et c’est monstrueux à écrire.</p>
<p> </p>
<blockquote><p><em>À quoi bon ma vie immobile dans ce trou noir, je me dis, quand partout alentour s’agitent des ingénieurs en aéronautique, parcourent en tous sens la planète Messieurs les Administrateurs des Iles Éparses et des experts assermentés près les tribunaux expertisent tandis qu’ailleurs attaquent formidablement des banques des bandits prodigieux ? Vrai, comment ne pas se demander ce que l’on est venu faire là au milieu et d’où nous vient cette audace de respirer le même air qu’eux ? Il est déjà fort tard dans la nuit quand sous le couvercle de ma boîte de camembert, je parviens à réduire tous ces gens importants en bouillie et ramener leurs prétentions au niveau des miennes ; alors, adieu plomberie existentielle ! Je glisse enfin vers le sommeil, tel un lézard sous la lune, lentement avançant sur ses petites pattes à la recherche de trèfles à quatre feuilles dans le gravier des cimetières.</em></p>
<p align="right"><em>Pierre Autin-Grenier… nous a quitté</em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p><strong>di 13.04.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>je redescends doucement, comme un avion ses paliers d’altitude…<br />
je rame avec ce récit de la Russie, c’est que le séjour a eu une énergie, une densité, une dynamique, une cinétique si particulière que je vais avoir bien du mal à la restituer par une forme adéquate : notes brutes, syncopées, accumulées dans la vitesse, rayant le temps d’un trait de couleurs, ou un phrasé plus long, flux plus épais ?<br />
je mettrai 6 jours à le boucler (plus que le voyage lui-même donc), tant bien que mal, tant mal que bien.</p>
<p>Russie, Russie, ton immense, immense profondeur, sans fin, sans fond…</p>
<p> <br /><br /><br /><br />
<em>PS : les lacs de larmes et de fers, dont on me demande des nouvelles, on ne m'en a pas fait beaucoup part en définitive… et puis sur certains points, même mineurs, il ne m'était pas possible de compromettre ceux sur place, et ce ne sont pas mes trois mots perdus là je pense qui auraient changé quelques chose, et le choix fut difficile, mûrement pensé. mais de tout ce qui se joue là-bas j'en ai eu tout du long, j’en ai toujours la conscience aiguë … et rien n'excuse la violence d'Etat exprimée à ce point-là !</em></p>
<p> </p>
<p> </p> identifier – accepter – abandonner – apaiserurn:md5:130037398ab1b8d769a83e15e5cd3f642014-04-03T17:01:00+02:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />je 20.03.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel parfaitement dégagé. équinoxe. c’est donc le printemps, mais il a déjà commencé il y a trois semaines, à moins que ne revienne un épisode de fraîcheur. mais quand bien même l’hiver a été ici si extraordinairement doux, il n’a presque jamais gelé, que je ne suis pas sûr d’avoir déjà vu cela sous cette latitude.</p>
<p>je reçois traduction de certaines de mes poèmes en cyrillique russe. ce sont des signes pour moi plus obscurs encore, moins évidents je crois que les signaux pariétaux…</p>
<p>se vouloir, toujours, être libre. <br />
son insupportable contraire. </p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>ve 21.03.14</strong><br />
Paris.<br />
cumulus.</p>
<p>service des visas.</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>sa 22.03.14</strong><br />
Paris.<br />
quelques averses brèves, subites, presque giboulées. il n’a pas plu depuis plusieurs semaines.</p>
<p>étapes :</p>
<ol>
<li>identifier</li>
<li>accepter</li>
<li>abandonner</li>
<li>apaisement</li>
</ol>
<p>dans le creux entre deux projets : je connais bien ces phases, qui se répètent, très ressemblantes… un projet est achevé, l’autre « charge » seulement et il ne requiert pas encore un travail intense, puisque ce n’est que dans le temps, la durée, l’attente parfois, qu’il émergera peu à peu. dans cet entre-deux des temps de latence donc, de léger flottement.</p>
<blockquote><p><em>Dans le Drame de la vie, j’étais donc devenu une fontaine de noms, et je voyais vraiment le monde comme ça, des successions de générations…</em></p>
<p align="right"><em>Valère Novarina<br />
entretien avec Nathalie Jungerman<br />
fondation La Poste, mars 2014</em></p>
</blockquote>
<p align="left"> </p>
<p><strong>di 23.03.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel de giboulées, quelques minutes de grêle, de ciel noir…</p>
<p align="left">parole claire c'est percevoir clair, vivre clair.</p>
<p>conflit sans doute entre nécessité ressentie d'indépendance et désir de communauté, entre nécessité de liberté et désir d'autorité naturelle (pas imposée).</p>
<p> </p>
<p>il me faut recentrer, me reconcentrer.<br />
quelques temps, ne pas écouter les voix extérieures.<br />
revenir à ma concentration intérieure<br />
où il me semble voir mieux<br />
percevoir plus clair<br />
vivre plus net<br />
où il me semble<br />
gagner un peu d’acuité<br />
de justesse<br />
fragiles.</p>
<p align="left">écouter de là.</p>
<p> </p>
<p>plus tard : pas sûr que ce soit la solution d’ainsi s’isoler, signe même, symptôme du coup de mou. nous ne sommes toujours que des poupées de chiffon dans la main du destiiiin… </p>
<p> </p>
<p><strong>ma 25.03.14</strong><br />
Paris.<br />
gris, pluie.</p>
<p>gestion triviale depuis deux jours, puis creux… en lisière de l’ennui, toxique.<br />
le rythme de l’indépendant : toujours passer du trop plein au trop calme… des jours trop denses aux jours trop vides…</p>
<p>nœud résiduel d’anxiété - speed de fond – toxicité de l’enfermement : tout cela est lié, et tout cela peut encore plus être apaisé.<br />
tout cela sans doute s’appelle « comportement maniaque ».<br />
comment le dépasser et trouver calme de fond là-dedans, renouveler avant que l’eau de l’enfermement ne croupisse ? en sachant rouvrir régulièrement, périodiquement, ce que je sais et fais déjà en fait, mais cela n’empêche pas d’en sentir parfois tout de même l’acide corrosion.</p>
<p>je me traîne, psychiquement nauséeux.<br />
l’occasion de s’interroger, de tenter de comprendre un peu mieux les ressorts psychiques-chimiques profonds, de savoir agir dessus, désamorcer…<br />
réflexion que je garderai pour moi, ici. <br />
sensibilité crue, production de pensée à un rythme vertigineux, trains d’idées jusqu’à l’embouteillage parfois, incapacité à repousser une idée, notation de tout, souci d’organisation, de rangement et de maîtrise permanente, sur-activité mentale, rythme d’activité obsessionnelle à haut débit, tâches réalisées concomitamment, toutes ensemble, sur-réactions, d’où baisse aussi de la lucidité… cycles d’ascensions et d’effondrements devenus avec le temps, la connaissance de soi, et quelques médocs heureusement rares, cycles moins cruels de hauts et de creux.</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>me 26.03.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel bleu-blanc, plus clair qu’hier quoique voilé. 7 degrés à 10 h, temps de saison en définitive…<br />
la première tulipe, rouge sang, un point, un bourgeon luisant, ovoïde, éclatant au milieu du jardin vert.</p>
<p>poursuite de la réflexion d’hier.</p>
<p>je raconte un monde, par parcelles, depuis un seul œil, pris dans le flux ininterrompable de la durée. comment pourrait-il en être autrement ?</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>je 27.03.14</strong><br />
soleil.</p>
<p>parole claire oui mais parole libre aussi, sans ça rien n’est possible, rien n’est dicible peut-être même.<br />
mais tenir une parole libre ce n’est pas seulement penser libre, et ensuite filtrer ce que l’on rend public comme propos. c’est tous les tenir, les soutenir. quoique faut-il rendre public tout propos ? n’est-ce pas là l’un des travers, manie, de celui qui écrit, du graphomane ?</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>ve 28.03.14</strong><br />
soleil.</p>
<p>la façon dont je ne pensais plus clairement ces derniers jours, une façon légèrement biaisée, difficile à cerner, comprendre, décrire tout à fait… une façon qui tourne sur elle-même, se noue en elle-même.</p>
<p>préparation des concerts et dictures à venir, et je répète assis au soleil, yeux fermés.</p>
<p>revenir dans ce journal à une portée plus universelle, mais sans doute que le trop personnel de ces derniers jours est dû au renfermement cérébral que je subis ces jours-ci.<br />
se sentir tout le temps. damné merdier !<br />
décentrer parfois. sortir de soi... quel bonheur parfois quand ça ouvre enfin, que l'eau fraîche, l'eau neuve des autres, du dehors, entre !<br />
on n’est pas toujours fringant !<br />
basta.<br />
toute l'ambivalence, la difficulté (dans le travail de journal par exemple) de se prendre comme sujet, exemple d'une humanité plus large, sans pour autant trop se perdre en soi, se retrouver même peut-être comme quasi pris au piège...<br />
cela recoupe aussi ces cycles psychiques, que je connais bien, et pour les connaître bien je sais aussi qu'ils sont moins profonds qu'avant et surtout qu'ils vont passer... pourtant, pourtant, on les éprouve tout de même cruellement encore…<br />
mais basta, haut les cœurs. chaque journée a sa beauté !</p>
<p>bref. peu d’intérêt ces jours-ci, cette période-ci (hors pour soi-même, et encore), dans ce pauvre journal des jours qui dégoulinent, passent épais. fais ce que peux. s’en faire pardonner.</p>
<p> </p>
<p><strong>sa 29.03.14</strong><br />
grand soleil.</p>
<p>de l’apport concret de lire les autres lecteurs lisant, quelques citations… :</p>
<blockquote><p><em>Chaque lecteur est quand il lit, le propre lecteur de soi-même. L’ouvrage de l’écrivain n’est qu’une espèce d’instrument optique qu’il offre au lecteur afin de lui permettre de discerner ce que sans ce livre, il n’eût peut-être pas vu en soi-même. La reconnaissance en soi-même, par le lecteur, de ce que dit le livre, est la preuve de la vérité de celui-ci. </em></p>
<p align="right"><em>Proust, Le temps retrouvé</em></p>
<p><em> </em></p>
<p><em>Rilke : « Non pas chercher les mots pour dire ce qu’on voit, mais trouver les mots pour que soit dit et inscrit que nous sommes regardés, ouverts, transformés par ce que nous voyons. » (…) et Rilke peut affirmer : « Presque tout ce qui arrive est inexprimable et s’accomplit dans une région que jamais parole n’a foulée. »</em></p>
<p align="right"><em>in George Didi-Huberman, Phalènes (p 182) <br />
à propos des « Cahiers de Malte Laurids Brigge » de Rilke</em></p>
<p><em> </em></p>
<p><em>La poésie, celle que je lis et celle que parfois je m’essaie à écrire, m’aide à regarder les choses de manière plus attentive, me permet de mieux écouter les voix et les destins des personnes. Encore plus aujourd’hui, je crois que ce pouvoir particulier de la parole poétique dépend avant tout du fait qu’elle est aussi marginale, aussi exilée, aussi hors jeu, aussi inutile et aussi invisible. C’est précisément à cause de cela qu’elle sait voir et sait écouter ; et quand elle parle, elle le fait d’en bas, à partir d’une expérience quotidienne commune et partagée. </em></p>
<p align="right"><em>Fabio Pusterla, Dortoir des ailes<br />
Traduction : Claude Cazalé Bérard, Ed. Calligramme, p. 50 </em></p>
</blockquote>
<p> </p>
<p>cette extrême attention, sensibilité, permanente, au monde. <br />
qui est source tout à la fois et de légèreté, de joies sereines, et de poids, de lourdeur poisseuse.<br />
écœuré d’ordi et de ce journal et de soi dans ce journal, comme on l’est d’une addiction engluante ou d’un vieil alcoolisme.</p>
<p>témoigner de ça aussi. tristement ou pas, je ne sais pas.</p>
<p>témoigner. témoigner de. continuer de témoigner. témoigner de quoi ?</p>
<p>épuisé<br />
changer de fichier de journal. break.</p>
<p>tout dire, s’épuiser à</p>
<p>trace<br />
constance<br />
constat des constances (dans ce que laisse un homme) malgré la déperdition, le fait de la perte.<br />
le fait de la pérennité, vaine forcément, ici.</p>
<p>bon de discuter avec les autres<br />
sa névrose propre s’ouvre alors, se confronte alors à celle des autres, on n’est pas seul.</p>
<p> </p>
<p>écrire sans nom<br />
comme ceux des grottes ? l’attachement à l’auteur n’a pas toujours été…</p>
<p>tenter de dire, malgré <em>tout</em>, tant bien que mal. plutôt mal le plus souvent, forcément.</p>
<p>s’imposer une cure de non-écriture pendant plusieurs jours, cela finit par me ravager le cerveau…</p>
<p>du silence.</p>
<p> </p>
<p> </p> la parole matière - la parole portée - la parole claireurn:md5:fba9e6c21c321cf085c1030d334b7f7a2014-03-22T20:10:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />di 09.03.14</strong><br />
Isère.<br />
méditation dans le pré dans le soleil miraculeux dans les herbes les pissenlits.</p>
<p> </p>
<p><strong>lu 10.03.14</strong><br />
Isère.<br />
méditation brève dans le pré. soleil.</p>
<p>boulot, gestion, réalisation de plans de tyrolienne pour le jardin du Luxembourg en matinée, puis bûcheronnage avec le paternel. plusieurs arbres abattus et évacués avec le tracteur des cousins…</p>
<p>continuer ici le journal ? le continuer oui, mais ici publié ?</p>
<p> </p>
<p><strong>ma 11.03.14</strong><br />
Isère.<br />
ciel voilé.</p>
<p>boulot, gestion en matinée, puis bûcheronnage. on tombe 5 ou 6 arbres, les débite et les évacue.</p>
<p> </p>
<p><strong>me 12.03.14</strong><br />
Isère. Paris.<br />
méditation dans le pré dans le soleil, la tiédeur, le chant des oiseaux.</p>
<p>grosse journée de gestion, à distance.</p>
<p>continuer le journal ? la question revient régulièrement. il est la trace, en même temps que l’un des outils, de la tentative de se connaître. qu’il soit un outil efficace, nécessaire est une chose dont je ne doute pas, et dans ce sens je le poursuivrai, la question se pose plus quant au fait d’en donner une trace qui soit publique : la question de son utilité, de sa pertinence, de la pertinence de l’exposition publique d’une telle besogne, d’un tel exercice, et, au final, du travail considérable que cela demande.</p>
<p>que sont les individus et quelles sont leurs responsabilités lorsque leurs actes, leurs agissements, leurs manières, leurs « styles » sont essentiellement produits par les structures sociales, que celles-ci les traversent, qu’ils les subissent et inconsciemment la plupart du temps. le fait d’être le fruit de structures plus larges que nous-mêmes et nous dépassant, cela nous exonère-t-il d’une responsabilité individuelle ? je ne crois pas. je crois d’ailleurs que nous avons comme première responsabilité de chercher à comprendre un peu, à y voir clair un peu dans ce qui nous constitue… à savoir être sans seulement suivre…<br />
je sais évidemment que nous n’avons pas tous égalité de moyens pour observer cela, mais nous pouvons tous parfois au moins faire un léger pas de côté, et <em>regarder</em>.</p>
<p>tard, en rentrant, à gare de Lyon, une femme au piano, ceux qui sont mis à disposition depuis quelques temps dans certains halls de gares… elle joue, elle joue bien, elle joue avec un grand touché, délicat, fin… deux clodos, trognes et nez abîmés, tout deux en fauteuils roulant, écoutent, touchés. le plus jeune, unijambiste, écoute, moignons croisés, yeux mi-clos, et pleure presque. c'est concert ce soir, à la rue…</p>
<p> </p>
<p><strong>je 13.03.14</strong><br />
Paris.<br />
grand soleil, étonnant anticyclone pour cette saison, presque tout est en fleur.</p>
<p>fenêtre ouverte, mais c’est une journée de bureau.</p>
<p>une grande part de ce que je vois passer de « manifestations », événements et lectures littéraires ne m’intéressent plus. hormis quelques festivals plus fous, plus enjoués, plus festifs, plus ouverts, plus précis, plus accueillants que d’autres, où le poétique émerge, surgit, bondit autant dans la façon, les rencontres, les marges, dans les fêtes qui suivent que dans les lectures-mêmes. le reste, dans un grand amateurisme souvent, frise l’ennui, voire y a déjà plongé pleinement. </p>
<p>journal : à l'échelle de deux ou trois décennies de constats accumulés, stratifiés, qu'est-ce que j'y constate ? des constantes, surtout, avec des périodes... si c'est la ligne et le tempo typique d'une recherche, c'est aussi probablement celle d'une vie, voire de toute vie.<br />
(« constat », tout comme « constante » étonnement : du latin <em>status</em>, état, de <em>stare</em>, être debout, fixe, stable)</p>
<p> </p>
<p>pour moi, historiquement, quelques points de fixation, charnières, successives dans le temps :</p>
<p><strong><em>la parole matière</em> </strong><br />
je n’accepte de porter que mon travail d’une matière de lang. ce travail d’une terre, organique, basale, rustre, racine. <br />
je ne veux bien porter charge que pour ce brut là de lang creuse. de ce creuse de lang dans le creuse du corps.</p>
<p><strong><em>la parole portée</em> </strong><br />
assumée<br />
apportée<br />
porter la voix<br />
porter la parole, prendre la parole, donner à entendre, donner la parole<br />
trouve le point d’impact, le point où ça touche<br />
+ <a href="http://www.fgriot.net/txt/plateau/plateau.php"><em>plateau</em></a></p>
<p><strong><em>la parole claire</em> </strong><br />
par cette expression, plus précisément, j’entends une écriture du simple, du concis, de l’économie de moyens, de la limpidité et de la légèreté dans la pertinence et l’universalité du propos. </p>
<p> </p>
<p><strong>ve 14.03.14</strong><br />
Paris.<br />
méditation avec deux chats sur le bord de ma fenêtre.</p>
<p>boulot de bureau, puis repérage pour une tyrolienne sur les toits du jardin du Luxembourg.</p>
<p>en fin de journée : lecture de quelques unes des 1 300 pages de <em>Refonder</em>, que j’ai faites imprimer.</p>
<p>docu sur Bukowski et lecture de l'autobio de Gil Scott-Heron (<em>la dernière fête</em>).</p>
<p>plus ça va et plus ce qui est « produit » en poésie aujourd’hui me semble vieux. et rabâché. à l’exception près d’une toute petite, minuscule minorité qui me semble dire un peu du neuf, de façon neuve, tenter une approche neuve, décalée, libérée, indépendante, non soumise, irrespectueuse des vielles antiennes perpétuées.</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>sa 15.03.14</strong><br />
Paris.</p>
<p align="left">les jours passent. qu’ai-je fait de cette journée ?</p>
<p>marcher au soir, voir comment le monde marche, dehors.</p>
<p>voilà deux, trois jours que je ne foutais rien, j’étais seul à la maison, à lire du Gil Scott-Heron au pieu, me demandant où j’allais aller, ce que je foutais vraiment, comment j’utilisais mon temps libre, que je pourrai, encore, bosser plus dur… alors j’allai chercher la bouteille d’Aberlour, la posai au pied du lit, allumai une clope, et jetai sur l’oreiller mes deux derniers manuscrits que j’avais imprimés, plusieurs années de boulot là devant moi, et je n’avais plus qu’à attendre le bon vouloir des éditeurs… alors en attendant, nauséeux dans cette sorte d’ennui, je me mis à prendre de nouvelles notes pour le disque que je voulais écrire, puis composer avec des amis, et enfin enregistrer… je ne sais pas où j’allais vraiment, je savais juste que je voulais aller plus loin, forcer la porte encore une fois, un peu plus… mais je me sentais comme vidé. pourtant, pourtant il y avait tout ce papier, tous ces mots, là, couchés devant moi, sur le pieu, échoués… ouais, forcer la porte, en ouvrir une autre, encore, encore…</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>di 16.03.14</strong><br />
Paris.<br />
soleil qui fait les feuilles, les fleurs du jardin brillantes, translucides.</p>
<p>sortir. courir dans le parc. lire. </p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>lu 17.03.14</strong><br />
Paris.<br />
plafond gris.</p>
<p align="left">départ en élagage.</p>
<p align="left">retour le soir : 11 h d'élagage dans la journée, rincé…</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>ma 18.03.14</strong><br />
Paris.</p>
<p>élagage, manip de cordes, tronçonneuse, grumes et gros camion grue.</p>
<p align="left"> </p>
<p><strong>me 19.03.14</strong><br />
Isère. Grenoble.</p>
<p>diversité des activités : aujourd’hui colloque poésie, oralité, didactique de la parole… lecture-dicture puis entretien…<br />
quelques réactions critiques, affectées de certains membres du public, mais cela n’est pas forcément mauvais signe.</p>
<p>la frise du massif de Belledonne déroulée blanche en horizon.<br /></p> titre provisoireurn:md5:a7c6e4263f16650a67bd0d186acebb352014-03-10T21:02:00+01:00Fred Griotjournal, notes d'écritures
<p><strong><br />ve 21.02.14</strong><br />
Paris.<br />
le soleil perce avec force au travers de très gros cumulus et cumulonimbus, blancs à leur sommets, noirs à leur bases, très basses, près du sol.</p>
<p>j’ai fait les toutes dernières modifs dans <em>bref</em>, et ai fini la dernière relecture, sur papier. <br />
rentrer maintenant ces corrections dans l’ordi, maquetter un peu précisément, et c’en sera fini.<br />
le laisser à l’ombre quelques mois avant envoi, que je ne peux faire de suite car il y a à peine quelques jours j’ai déjà envoyé les 1 300 pages du volumineux tapuscrit de <em>Refonder</em> à quelques éditeurs importants.
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<p><strong>sa 22.02.14</strong><br />
Paris.<br />
presque pas vu le jour, avant la nuit… humide semble-t-il.</p>
<p>recyclage formation secourisme : hémorragies, trauma, inconsciences, arrêts ventilatoires, cardiaques, obstructions voix aériennes, etc… l’occasion, un peu comme lors des trois jours militaires, de rencontrer nombres de « profils » que l’on ne croise que peu habituellement.<br />
et cela aussi me rappelle, me fait remonter quelques uns des secours, des événements que j’ai pu vivre dans ce « domaine » : la personne, déjà décédée, froide, que nous avions découverte dans sa voiture, plantée contre un arbre, et les difficultés pour se faufiler et tenter un massage cardiaque avant l’arrivée des pompiers ; divers autres accidents de voitures graves où, seul ou accompagné, nous avons été les premiers arrivés sur les lieux ; le sauvetage d’un guide, avec hélico, dans une face rocheuse de 350 m de haut ; enfin ma propre chute en escalade, de 17 m de haut, le pansement de compression réalisé sur les plaies très larges avec les jambes de mon pantalon lacéré, et les trois-quarts d’heure à ramper dans la garrigue du Verdon, aidé par mon collègue, avant de trouver une voiture sur le bord de la route qui nous a permis d’arriver, de nous-mêmes, à la caserne des pompiers…</p>
<p>pas toujours de souffle, de magie, dans un journal comme celui-ci… c’est alors sans doute, même dans la trivialité des jours, du quotidien, savoir là aussi dire le commun. le commun qui justement possède deux sens : ce qui est banal, mais aussi qui est partagé.</p>
<p>recherche de soi, compréhension, auto-connaissance calme et lente.</p>
<p>construire, sans cesse. être constructeur. être né ainsi.</p>
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<p><strong>di 23.02.14</strong><br />
Paris.<br />
15 degrés à midi.<br />
je bosse fenêtre ouverte. un rayon de soleil traverse le bureau.</p>
<p>dernières corrections saisies. j’actualise les dates, en fin de texte. <em>bref</em> est fini ce jour.<br />
débuté le 13.05.2012, cela s’est développé donc sur 1 an et 9 mois de travail.</p>
<p>aurais-je toujours à dire ? et si je n’ai rien à dire peut-être cela n’est-il pas vraiment grave ?… peut-être même que ça réduirait un peu le bruit, le dérangement… peut-être qu’après avoir déjà tant dit, ce serait le signe d’une plus grande sagesse, d’un peu de paix, de compréhension trouvées ? que l’on ne cherche à dire que ce que l’on ne comprend pas pleinement ? quoique il y ait aussi en plus de l’écrit comme recherche le fait de l’écrit comme constat, que l’on a également élan, velléité pour dire ce que l’on a compris, saisi, touché… </p>
<p>traversée d’une bonne partie de Paris, à pied, dans la douceur.</p>
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<p><strong>lu 24.02.14</strong><br />
Paris.<br />
ciel bleu, seulement quelques rares voiles de cirrus. un temps de printemps, il fait extrêmement doux, et cela rend comme ivre.<br />
les jacinthes ont fleuri.</p>
<p>Caravaca m'a appelé il y a quelques jours en pleine nuit, à 3h49 exactement, me disant que c'était bon de cheminer avec ce que je lui ai envoyé. il est en train de lire l’énorme tapuscrit de <em>Refonder</em>. <br />
le lendemain c'est Yan Allegret qui m'écrit dans le même sens.<br />
tout cela évidemment me touche.</p>
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<p><strong>ma 25.02.14</strong><br />
Paris.<br />
plus frais et menaçant qu’hier.</p>
<p>boulot, gestion.<br />
en soirée, je reprend le journal Virginia Woolf, lu il y a une quinzaine d’années.</p>
<p>j’en sais un peu plus de ma virée en Russie : Moscou donc, puis Samara, située au bord de la Volga, de sa grande boucle, à plus de 1 000 km au sud-est de Moscou, et Togliatti sur la rive gauche également de la Volga, à 95 km en amont de Samara, en face des monts Jigouli, ville nouvelle et lieu d’implantation de la plus grande usine automobile du monde…</p>
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<p><strong>me 26.02.14</strong><br />
Paris.<br />
journée de boulot dans les arbres.</p>
<p>peut-être écris-je ici aussi pour relire cela dans 20 ou 30 ans ? je ne crois pas que ce soit le but premier (le but premier est l’exploration, du temps, du fait d’être), mais, de fait, cela constitue une archive de ce que l’on a été, de ce qu’ont été les choses, au filtre d’un œil. peut-être alors plus tard, à un certain âge plus avancé, y aura-t-il plaisir de relire ce qui est devenu passé.</p>
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<p><strong>je 27.02.14</strong><br />
Paris.<br />
méditation fenêtre ouverte devant la pluie fine, continue, froide.</p>
<p>boulot, gestion. préparation des sacs de montagne. choisir consciencieusement le matériel le plus adéquat, le plus léger.</p>
<p>je me documente assidûment sur l’histoire russe, en particulier son histoire politique récente.<br />
ce que je vais découvrir peut-être de différence entre la capitale et des villes plus excentrées, des « bénéfices » du régime.<br />
j’ai toujours été attentif aux situations des libertés, mais là, avant mon départ, je me documente donc un peu plus précisément pour partir moins aveugle, pour peut-être voir mieux, sur place…<br />
que dire, que pouvoir dire en public (sur le net par ex) avant d’aller là-bas, en Russie ? l’une des premières fois je crois que je pars dans un pays non démocratique.<br />
il y a encore quelques jours, des opposants condamnés aux camps, les Pussy Riot tabassées, fouettées même, à Sotchi, la charnière ukrainienne, ligne de fracture entre deux blocs, oscillant au bord du déséquilibre…</p>
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<p><strong>ve 28.02.14</strong><br />
Paris. Val d’Arly</p>
<p>départ en montagne.<br />
il pleut si fort durant le trajet en TGV qu'à un moment l'on s'entend à peine : la flotte claque et éclate contre les carreaux comme des fouets. passage de grêle à Lyon.</p>
<p>arrivée sous la neige, avec une route peu facile, allers retours et montées à pied au chalet, dans la fraîche, avec les sacs.<br />
le chalet, d’un membre de la famille, a été construit autour d’un ancien mazot en très vieux mélèze brun.</p>
<blockquote><p><em>Je ne prie pas pour que la parole m'apparaisse. Elle devient, et au comble de l'absence, le voyage vers elle est une très secrète appréhension du toucher par le regard. L'illumination ne vient que beaucoup plus tard quand j'ai aboli les privilèges de mes sens et qu'elle demeure seule à me rêver.</em></p>
<p align="right"><em>A.M.</em></p>
</blockquote>
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<p><strong>sa 01.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.<br />
des brouillards montant du fond de vallée.<br />
peu froid, quelques éclaircies. ski toute la journée. apprivoiser les nouvelles planches et chaussures de ski de rando.</p>
<p>au soir, au retour, passage de fatigue, puis boulot, gestion dans ma petite chambre de bois du mazot, dans l’ex petite pièce à foin. <br />
sortir les peaux de phoques dans les jours à venir.</p>
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<p><strong>di 02.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.<br />
ciel voilé, des strates de nuages restent bloquées presque toute la journée entre deux altitudes nous cachant les sommets des Aravis et du Mont-Blanc. </p>
<p>ski. fatigue puissante, saine du soir.<br />
peigne des falaises sommitales de la crête des Aravis, Mont Charvin et Mont-Blanc apparaissent au soir, avant le coucher de soleil.</p>
<p>rien n’avoir à dire. ne rien dire.</p>
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<p><strong>lu 03.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.<br />
il neige. <br />
mais il y a tout de même pas mal de visibilité.</p>
<p>prendre le temps en matinée, peaux de phoque dans l’après-midi. éprouver à nouveau le corps montant. la trace.</p>
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<p><strong>ma 04.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.</p>
<p>peu froid, bancs de brouillard en fond de vallée, mais qui remontent en fin de journée et viennent doucement nous inonder.<br />
ski alpin avec les petits neveux et nièces qui descendent comme des p’tits gars de montagne, puis montée en peaux après l’alpin… de petites dénivelées pour reprendre doucement… plusieurs années que je n’en avais fait… la grimace sous l’effort, et son plaisir… le luxe d’être le dernier à descendre en fin de journée. la pente, la montagne pour soi. faim de loup au retour, belle fatigue tranquille.</p>
<p>de la difficulté d’écrire ici, en montagne, d’être <em>en travail</em> de cela, alors que le corps est déjà tout requis par son action physique, et son rapport puissant à la présence prégnante, mobilisante de la montagne.</p>
<p><em>bref</em> fini donc depuis une dizaine de jours. comment le verrai-je dans quelques mois quand je l’enverrai à des éditeurs ? je ne suis sûr de rien.</p>
<p>je continue à écrire, lentement, le disque. note surtout des envies musicales, vocales.</p>
<blockquote><p><em>Le talent c’est l’envie.</em></p>
<p align="right"><em>Brel</em></p>
</blockquote>
<p>cette citation du grand Jacques me cause particulièrement, car je n’ai jamais senti autre chose que de fonctionner ainsi, à l’envie, à la passion, de mobiliser toute énergie dans la direction d’un souhait que l’on ne veut pas seulement rêver mais « mener ». pour moi il n’y a quasiment pas d’autre talent que cette mobilisation pleine, voire totale, avec risque, voire imprudence, de tout le bonhomme vers son but … à espérer aussi que ce but ait un petit bénéfice pour autrui.</p>
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<p><strong>me 05.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.<br />
grand soleil sur les pentes, les forêts blanches, les rochers noirs.</p>
<blockquote><p><em>(…) il existe un avilissement physique, et à la longue mental, de l’individu noyé dans la foule, forcé d’en subir les contacts, une pollution de la promiscuité.</em></p>
<p align="right"><em>Samivel</em></p>
</blockquote>
<p>station, ski, etc… : la folle abondance de biens et de loisirs rend impatient, et insatisfait… au contraire de ce qui est en définitive recherché.</p>
<p>le journal, ou plutôt l’exposition en quasi direct du journal : la difficulté de tenir le crachoir toujours, de tenir la pensée à haute voix toujours.</p>
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<p><strong>je 06.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.<br />
soleil toute la journée. la neige fond et se transforme à grande vitesse.</p>
<p>la « caisse » revient, le plaisir du corps dans l’effort… la fatigue et l’appétit se réduisent, signe que le corps s’acclimate aussi.<br />
la neige fondant le jour regèle la nuit et on la trouve dure au matin, puis elle se transforme à nouveau dans la journée, se ramollit, et devient dans la plupart des différentes expositions une « polenta » assez lourde mais suffisamment skiable pour pouvoir tracer de belles signatures dans quelques pentes, que je vais chercher en remontant en peaux.</p>
<p>écrire n’a jamais été un choix, cela s’est imposé, c’est en soi.</p>
<p>je veux pouvoir parler librement dans ce journal. or la publication quasiment en temps réel m’en empêche parfois : l’intime et les proches, certaines idées très personnelles, des opinions parfois ne peuvent pas être soumis à l’exposition, alors même que j’éprouve le besoin de les noter, de les fixer, de les clarifier. dans ce cas l’exposition n’est ni un bénéfice ni un but, et elle n’est plus souhaitable. la « scène » d’une écriture, d’une pensée en train de se faire, en train de se mener (car c’est tout de même aussi de cela qu’il s’agit, d’une scène, cela n’est pas pour moi péjoratif) est alors dépassée.</p>
<p>demain partir seul en peaux, monter au sommet, dépasser le monde, les pylônes, le bruit, aller sur la crête, regarder, écouter, se taire, devant le déroulé des massifs…</p>
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<p><strong>ve 07.03.14</strong><br />
Val d’Arly, Bellecombe.<br />
grand beau, chaud même.<br />
balade en ski de rando sur les crêtes sommitales.</p>
<blockquote><p><em>À l’époque moderne, la poésie se trouvera confrontée à une telle masse prosaïque qu’elle n’arrivera pas à se frayer un chemin.</em></p>
<p align="right"><em>Hegel</em></p>
</blockquote>
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<p><strong>sa 08.03.14</strong><br />
Savoie, Isère.<br />
redescente des montagnes, chez le paternel. le grand beau continue, l’anticyclone puissant et généralisé sur l’Europe est là pour quelques jours.</p>
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